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Décisions

CA Lyon, ch. soc. C, 13 mars 2009, n° 08-04672

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Doumenge

Défendeur :

Pef Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Liotard

Conseillers :

Mmes Homs, Revol

Avocats :

Mes Nadal, Chauplannaz, Lucchiari

Cons. prud'h Lyon, du 16 mai 2008

16 mai 2008

Exposé du litige

La SARL Pef Diffusion est spécialisée dans la fabrication et la distribution, sous la marque " Perles en folie ", de produits de perles, apprêts et bijoux fantaisie ainsi que dans les services de formation à la création des bijoux.

Le 12 septembre 2005, elle a signé un contrat de franchise avec Christine Doumenge.

En août 2006, Christine Doumenge a écrit à la SARL Pef Diffusion pour lui indiquer que le contrat les liant était soumis aux dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail (devenu article L. 7321-2) et lui a demandé de régulariser la situation en lui remboursant le droit d'entrée et en lui réglant un rappel de salaire et des heures supplémentaires.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2006, Christine Doumenge a pris acte de la rupture du contrat aux torts de la SARL Pef Diffusion.

Le 15 septembre 2006, soutenant que le contrat signé avec la SARL Pef Diffusion est régi par les dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail, Christine Doumenge a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon pour obtenir le paiement d'un rappel de salaire, d'heures supplémentaires, des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

Par jugement en date du 16 mai 2008, le Conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lyon, a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 29 mai 2008, Christine Doumenge a formé contredit à l'encontre de cette décision.

Vu les conclusions responsives et récapitulatives en date du 26 janvier 2009 maintenues et soutenues à l'audience de Christine Doumenge qui demande à la cour, par l'infirmation du jugement entrepris, de :

- dire que le Conseil de prud'hommes est compétent et évoquer l'affaire.

- dire que les dispositions des articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail sont applicables au contrat signé avec la SARL Pef Diffusion, condamner, en conséquence, la SARL Pef Diffusion à lui payer les sommes suivantes :

- droit d'entrée et redevances de matériel : 6 688,96 euro,

- rappel de salaire : 15 909,05 euro,

- heures supplémentaires : 7 061,18 euro,

- indemnités de congés payés 2 207,02 euro,

- indemnité compensatrice de préavis : 2 125,06 euro,

- dommages et intérêts pour préjudice moral et financier : 7 500 euro,

- condamner la SARL Pef Diffusion à lui remettre les certificats de travail, attestation Assedic et bulletins de salaire pour la période du mois de septembre 2005 au mois de septembre 2006 et ce, dans un délai de 8 jours suivants la notification de la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 500 euro par jour de retard,

- débouter la SARL Pef Diffusion de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la SARL Pef Diffusion à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Vu les conclusions en date du 23 janvier 2009 maintenues et soutenues à l'audience de la SARL Pef Diffusion qui demande à la cour de :

- dire que Christine Doumenge ne justifie pas avoir remis en mains propres au greffe du conseil de prud'hommes un contredit dûment motivé selon les moyens de fait et de droit dans le délai de 15 jours à compter du 16 mai 2008,

- dire irrecevable le contredit,

- en tout état de cause, dire que les dispositions du Code du travail ne sont pas applicables aux relations entre les parties et confirmer le jugement entrepris,

- à titre infiniment subsidiaire, inviter les parties à conclure sur les demandes de Christine Doumenge objet de sa demande d'évocation,

- condamner Christine Doumenge à lui payer la somme de 4 843,30 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité du contredit :

Aux termes de l'article 82 du Code de procédure civile, le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci.

Christine Doumenge a formé contredit, le 29 mai 2008, par déclaration au greffe du Conseil de prud'hommes de Lyon auquel elle a remis des conclusions contenant sa motivation en fait et en droit. Le récépissé de contredit délivré par le greffe mentionne que les motifs sont annexés à la déclaration.

Ce contredit formé dans les formes et délai légaux est recevable.

Sur la compétence du conseil des prud'hommes :

Le conseil de prud'hommes est compétent pour trancher les litiges relatifs à l'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail.

Christine Doumenge a saisi le conseil de prud'hommes pour faire juger que le contrat la liant à la SARL Pef Diffusion était un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail et demander paiement de créances salariales et indemnitaires résultant de la rupture du contrat.

Il appartenait au conseil de prud'hommes d'apprécier si Christine Doumenge exerçait son activité professionnelle dans les conditions fixées par l'article L. 7321-2 du Code du travail. S'il estimait que tel était le cas, il devait statuer les demandes subséquentes. S'il estimait que tel n'était pas le cas, il devait débouter Christine Doumenge de ses demandes et non se déclarer incompétent, les demandes formées par Christine Doumenge en application de la législation sociale ne relevant pas de la compétence de la juridiction commerciale.

Sur l'application de l'article L. 7321-2 du Code du travail :

Selon ce texte, les dispositions du Code du travail sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

Pour déterminer si ce texte est applicable, le juge n'a pas à rechercher si l'intéressé exerce ou non ses fonctions dans un rapport de subordination. Il lui appartient seulement de rechercher si les conditions énoncées par le texte sont en fait réunies et ce, quelles que soient les énonciations du contrat.

En revanche, ces conditions doivent être cumulativement réunies.

Si tel est le cas, la personne qui a signé un contrat de franchise bénéficie des dispositions du Code du travail.

Les articles 2.2 et 5.2 du contrat qui lie les parties imposent au franchisé de s'approvisionner exclusivement auprès du franchiseur, s'agissant des produits définis à l'article 1 sous peine de résiliation immédiate et sans préavis du contrat.

La SARL Pef Diffusion reconnaît que la première condition relative au lien exclusif ou presque exclusif avec une entreprise est remplie.

L'article 5.3 du contrat de franchise prévoit :

" le franchiseur transmettra des prix de revente maxima au franchisé qui s'engage à les respecter.

Le franchiseur peut modifier le tarif pour tenir compte de l'évolution générale des prix, de la concurrence et des coûts de production des produits. Le franchiseur préviendra au plus tôt le franchisé de la modification du tarif de manière à permettre au franchisé de pouvoir faire face à la concurrence dans les meilleures conditions.

Si un désaccord sur les prix ultérieurement pratiqués par le franchiseur persiste, il devra être soumis à l'arbitrage d'un tiers".

Dans une lettre en date du 3 juillet 2006, la SARL Pef Diffusion écrivait : " nous avons, lors de la création du site perles en folie, pris la décision de calquer nos prix de vente en ligne sur le prix de vente en boutique afin qu'il ne puisse y avoir de concurrence possible entre les deux".

Au compte rendu d'une réunion du 17 octobre 2005 entre la SARL Pef Diffusion et les franchisés est annexé : " le rappel des prix de réparation - à afficher ".

Ces éléments démontrent que Christine Doumenge devait respecter les prix imposés, et non conseillés, par la SARL Pef Diffusion et qu'elle ne pouvait pratiquer une politique personnelle des prix.

Le contrat de franchise prévoit que Christine Doumenge est tenue de respecter l'image de marque de qualité du franchiseur, notamment par l'état des locaux, ses agissements, le respect de ses engagements, l'utilisation de documents à en-tête préconisés par le franchiseur en veillant à ce que le personnel applique strictement les méthodes et l'originalité du savoir-faire et respecte la législation en la matière.

Christine Doumenge était donc tenue d'exploiter aux conditions et prix imposés par la SARL Pef Diffusion.

Christine Doumenge soutient que le local dans lequel elle exploitait son activité a été agréé par la SARL Pef Diffusion.

Celle-ci réplique que Christine Doumenge a choisi le local sans imposition ni contrainte de sa part, qu'elle s'est contentée d'en prendre acte, sans manifester un quelconque accord ou désaccord ni donc un quelconque agrément au sens juridique du terme, qu'elle n'a émis aucun avis sur son choix et qu'elle s'est contenté de l'accepter.

L'article 2.1 du contrat signé entre les parties le 12 septembre 2005 précise que la franchise est consentie dans le cadre de l'exploitation du seul point de vente dont l'adresse figure à l'article 1 et pendant la durée du contrat de franchise. Le bail concernant ce local est en date du 4 mai 2005.

En consentant la franchise pour l'exploitation dans un local déterminé qu'elle connaissait au moment de la signature du contrat, la SARL Pef Diffusion a accepté ce local, ce dont elle convient, et l'a donc agréé.

La troisième condition est remplie.

Christine Doumenge exerçait son activité dans les conditions prévues à l'article L. 7321-2 du Code du travail.

Sur la demande d'évocation :

Aux termes de l'article 89 du Code de procédure civile, lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Les premiers juges ont estimé que le contrat liant les parties n'était pas soumis aux dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail et se sont déclarés incompétents pour statuer sur les demandes de Christine Doumenge pour ce motif.

Au vu de ces faits, il apparait de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive,

En conséquence, la cour décide d'évoquer les demandes de Christine Doumenge formées en application de l'article L. 7321-2 du Code du travail et invite la SARL Pef Diffusion à conclure sur ces demandes.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare recevable le contredit de compétence formé par Christine Doumenge, Infirme la décision entreprise, Statuant à nouveau, Dit que le conseil de prud'hommes est compètent pour trancher le litige, Dit que Christine Doumenge exerçait son activité dans les conditions prévues par l'article L. 7321-2 du Code du travail, Evoque les demandes de Christine Doumenge formées en application de ce texte, Invite la SARL Pef Diffusion à conclure sur ces demandes, Ordonne, à cet effet, la réouverture des débats à l'audience du 18 décembre 2009 à 9 heures, Dit que la SARL Pef Diffusion devra communiquer ses conclusions et, le cas échéant, ses pièces à Christine Doumenge au plus tard le 19 juin 2009, Dit que Christine Doumenge devra transmettre, le cas échéant, ses conclusions responsives et pièces complémentaires au plus tard le 16 octobre 2009, Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience.