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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 18 mars 2009, n° 07-01386

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour des Délices (EURL)

Défendeur :

Speed Rabbit Pizza (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fevre

Conseillers :

MM. Roche, Birolleau

Avoués :

SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, SCP Bolling-Durant-Lallement

Avocats :

es Rivière, Hatte

T. com. Paris, du 1er déc. 2006

1 décembre 2006

LA COUR,

Vu le jugement du 1er décembre 2006 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, notamment:

- dit résilié le contrat de franchise conclu entre la société Speed Rabbit Pizza et la société Carrefour des Délices aux torts de cette dernière à compter du 24 février 2005,

- condamné la société Carrefour des Délices à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 71 509,64 euro au titre des royalties qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat de franchise, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2005, la somme de 1 496,82 euro au titre des factures impayées, majorée des intérêts au taux légal à compter de leurs dates d'échéances respectives, et celle de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu l'appel interjeté par la société Carrefour des Délices et ses conclusions enregistrées le 11 juin 2007 et tendant à faire:

- annuler pour vice du consentement ou infirmer le jugement à l'exception de la somme de 1 496,82 euro restant due à l'intimée

A défaut

- dire que la responsabilité de la résiliation du contrat de franchise est entièrement imputable à la société Speed Rabbit Pizza et la débouter entièrement de toutes demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause

- condamner la société Speed Rabbit Pizza à lui restituer le montant du droit d'entrée, soit la somme de 16 275 euro, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

Subsidiairement

- dire que la société Speed Rabbit Pizza devra supporter la plus grande part de la responsabilité de la rupture du contrat, et au moins à proportion des deux tiers,

- dire qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 12-4 au contrat de franchise pour la fixation du préjudice réclamé par la société Speed Rabbit Pizza, et dans le cadre de l'appréciation souveraine de la cour, dire non justifié le préjudice réclamé par le franchiseur, et le réduire dans de sensibles proportions compte tenu des éléments de la cause,

- condamner l'intimée à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu, enregistrées le 28 janvier 2009, les conclusions présentées par la société Speed Rabbit Pizza et tendant à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de l'appelante au versement de la somme de 5 000 euro au titre des frais hors dépens;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte sous seing privé, la société Carrefour des Délices avait signé avec la société Speed Rabbit Pizza un contrat de franchise pour l'exploitation d'une pizzeria à l'enseigne "Speed Rabbit Pizza" sise au 313 avenue de la République à Saint-André dans l'Ile-de-la-Réunion; qu'estimant que la société Carrefour des Délices ne respectait pas les clauses de son engagement en cessant unilatéralement l'exploitation de la pizzeria, la société Speed Rabbit Pizza a, par acte du 24 février 2005, assigné l'intéressée devant le Tribunal de commerce de Paris à fin que soit ordonnée la résiliation du contrat de franchise les liant ; que la défenderesse a, alors, reconventionnellement sollicité la résolution du contrat aux torts du franchiseur avec toutes les conséquences de droit; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement présentement déféré;

Sur la demande en résolution de franchise formée par l'appelante:

Considérant que si la société Carrefour des Délices soutient, tout d'abord, que le franchiseur aurait manqué à ses obligations précontractuelles imposées par la loi du 31 décembre 1989 et si elle prétend que le document d'information précontractuel ne lui aurait pas été remis plus de 20 jours avant la date de signature du contrat litigieux, il convient de relever que l'appelante reconnaît expressément dans ledit engagement, dont son représentant a au demeurant paraphé chaque page, "Avoir eu la possibilité et le temps nécessaire pour réfléchir et se faire conseiller avant la signature du présent contrat par un juriste ou un expert de son choix; que le franchiseur a satisfait à son égard aux dispositions du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 mettant à la charge du franchiseur l'obligation de délivrer un document précontractuel contenant les informations suivantes :

1° informations relatives au franchiseur,

2° informations relatives au réseau,

3° informations relatives à l'opération projetée,

que le franchiseur a attiré son attention dans les moindres détails sur les difficultés et les risques inhérents à la création et à l'exploitation d'une franchise Speed Rabbit Pizza ";

Que, de même, si l'appelante invoque des insuffisances du document d'information précontractuel en matière de présentation du marché considéré et des perspectives de développement de celui-ci, il convient cependant de rappeler que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, devenu l'article L. 330-3 du Code de commerce, ne met pas à la charge du franchiseur l'obligation d'établir une étude de marché mais seulement de fournir un document donnant des informations sincères, précisant notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état des perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ de l'exclusivité, de manière à permettre au futur franchisé éventuel de s'engager en connaissance de cause ; qu'il revient, en revanche, à ce dernier de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise lui permettant d'apprécier le potentiel et par la même la viabilité du fonds qu'il envisage de gérer ; que, de même, il échet de souligner que le franchiseur n'est aucunement tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise ; que, plus précisément, le fait qu'un écart soit effectivement apparu entre les prévisions de chiffres d'affaires telles qu'indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l'exploitation poursuivie ne saurait en aucune façon être démonstratif à lui seul, de l'insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par l'intéressé, lequel n'avait pas, en tout état de cause, à garantir la réalisation desdites prévisions comptables sauf à méconnaître directement le principe même de l'autonomie juridique et financière du commerçant indépendant qu'est tout franchisé ; que, de la même façon, le franchiseur ne saurait être tenu responsable d'une implantation commerciale dont le choix n'appartient qu'au franchisé ; qu'en l'espèce, à supposer que le document d'information précontractuel remis à l'appelante ne fut pas suffisamment précis sur le marché considéré ou sur les investissements à réaliser au regard des exigences légales, il n'est pas démontré qu'un tel manquement ait été susceptible de vicier le consentement de la société franchisée dont le dirigeant M. Mogalia disposait de l'expérience professionnelle lui permettant de mesurer utilement les risques commerciaux pris en souscrivant la franchise litigieuse et d'apprécier la validité des pièces qui lui étaient soumises ; qu'en effet l'intéressé était installé depuis de nombreuses années à Saint-André de La Réunion et y avait déjà exploité plusieurs franchises ; que, par suite, l'appelante ne peut qu'être déboutée de sa demande d'annulation du contrat litigieux au prétendu motif d'une insuffisance d'information dont la révélation eut été susceptible de la conduire à ne pas s'engager;

Sur la demande en résiliation du contrat de franchise formée à titre principal par l'intimée et à titre subsidiaire par l'appelante

Considérant qu'aux termes de l'article 5.5 du contrat "le franchisé s'engage à consacrer toute son activité et se meilleurs soins à l'exploitation de son commerce de restauration et livraison rapide à domicile. Il tiendra son unité ouverte à la clientèle tous les jours de l'année de 11 h 00 à 14 h 30 et de 18 h 00 à 23 h 00... le franchisé fournira au franchiseur à chaque fin de mois et automatiquement son chiffre d'affaires TTC accompagné de sa déclaration de CA3 : 5,5 % et 19,60 % ... le franchisé se doit de respecter vis-à-vis de son franchiseur une obligation de loyale collaboration. En conséquence, il devra à tout moment vérifier et communiquer à son franchiseur que des informations exactes, sincères et complètes, ces informations étant essentielles aux relations contractuelles";

Considérant, en l'occurrence, que si la société Carrefour des Délices a effectivement répondu à la mise en demeure de la société Speed Rabbit Pizza du 12 novembre 2004 de communiquer les chiffres d'affaires des mois de septembre et octobre 2004, tout en s'abstenant, néanmoins, de transmettre les suivants, elle a unilatéralement décidé de fermer le magasin exploité et de s'en tenir à une activité de "delivery" ; qu'elle a maintenu sa décision de fermeture malgré le courrier du franchiseur du 5 novembre 2004 lui rappelant que celle-ci était directement contraire aux stipulations du contrat de franchise et portait atteinte à l'image de l'enseigne ; qu'à cette occasion la société Speed Rabbit Pizza mettait expressément en demeure la société Carrefour des Délices de respecter ses obligations et de tenir ouvert le point de vente sept jours sur sept; que les constats d'huissier réalisés les 13 novembre 2004 et 10 janvier 2005 établissent tous deux la réalité de la fermeture du point de vente géré par l'appelante ; que, dans ces conditions, cette dernière, qui ne justifie pour sa part, au-delà d'affirmations d'ordre général et que rien ne corrobore, aucunement de l'effectivité d'une quelconque méconnaissance par la société Speed Rabbit Pizza de son obligation d'assistance technique et de formation dans le cadre de l'exécution du contrat, doit être regardée comme ayant elle-même dénoncé unilatéralement son engagement au travers de la violation d'une obligation déterminante de celui-ci ; que l'intimée est ainsi fondée à solliciter la résiliation du contrat en cause aux entiers torts de la société Carrefour des Délices et ce à compter du 24 février 2005, date de l'assignation à cette fin ; que, par voie de conséquence et en stricte application de l'article 12-4 du contrat de franchise, cette dernière sera condamnée à payer à son franchiseur la somme de 71 509,64 euro, outre les intérêts correspondants, au titre des "royalties qui auraient dû être réglées si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme ", le chiffre d'affaires annuel de référence étant le dernier communiqué par le franchisé, soit celui afférent à la période du 1er novembre 2003 au 30 octobre 2004 ; qu'enfin il sera relevé que la somme due à la société Speed Rabbit Pizza au titre d'un solde de factures impayées et s'élevant à 1 496,82 euro n'est désormais plus contesté par l'appelante;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de débouter l'appelante de ses prétentions formées tant à titre principal que subsidiaire et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant qu'il est équitable, eu égard notamment à l'importance de l'indemnité contractuelle et à la situation économique respective des parties, ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l'article susvisé pour la procédure d'appel;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne l'EURL Carrefour des Délices aux dépens d'appel au droit de recouvrement direct au profit de la SCP Bolling-Durand-Lallement, avoué.