Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-15.264
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
Défendeur :
Baguyled-Intermarché (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Ancel, Couturier-Heller, SCP Delaporte, Briard, Trichet
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi que sur le pourvoi incident relevé par la société Baguyled-Intermarché ; - Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a opéré, entre octobre 2003 et mars 2004, auprès de la société Baguyled-Intermarché qui exploite un supermarché à la Côte Saint-André, un contrôle portant sur les accords de coopération commerciale souscrits par cette dernière auprès de onze de ses fournisseurs directs ; que le ministre chargé de l'Economie a alors assigné la société Baguyled-Intermarché pour obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-2-a et L. 442-6-I-3 du Code de commerce l'annulation de contrats de coopération commerciale irréguliers, le reversement par la société Baguyled-Intermarché de sommes indûment versées par ses fournisseurs, la cessation des pratiques illicites et la condamnation de la société Baguyled-Intermarché au paiement d'une amende civile ;
Attendu que la société Baguyled-Intermarché fait grief à l'arrêt d'avoir admis la recevabilité de l'appel interjeté par le délégataire du ministre, alors, selon le moyen, que constitue une irrégularité de fond celle qui affecte la validité de l'acte, tel le défaut de pouvoir de l'auteur de la déclaration d'objet ; que l'arrêté du 25 juillet 2005 doit s'interpréter dans le seul sens qui lui permet d'être légal, c'est-à-dire comme attribuant à Mme X les seules compétences pour lesquelles la délégation a été autorisée par décret du 12 mars 1987, c'est-à-dire les seules compétences existant à cette date ; qu'en admettant néanmoins la déclaration d'appel signée par Mme X, et invoquant les articles L. 442-6 I 2 a) et L. 442-6 I 3 du Code de commerce qui n'existaient pas en 1987, était valable, la cour d'appel a violé l'article 117 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le décret n° 83-167 du 12 mars 1987, qui n'a pas été abrogé et est toujours applicable, autorise le ministre de l'Economie à déléguer sa signature dans le cadre de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, que cette ordonnance a été codifiée et que son article 36 est devenu l'article L. 442-6 du Code de commerce, que la loi NRE du 15 mai 2001, si elle a modifié l'article L. 442-6 du Code de commerce et donné de nouvelles définitions de faits illicites ou des demandes nouvelles fondées sur ces faits, n'a pas conféré au ministre de l'Economie un pouvoir nouveau, et que par arrêté ministériel du 25 juillet 2005, pris en application du décret n° 87-163 du 12 mars 1987, Mme X a reçu du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, délégation permanente à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et de sa compétence territoriale, les actes relatifs à l'action de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes invoqués ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal : - Vu l'article L. 442-6 III du Code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - Attendu que pour dire irrecevable l'action du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, en nullité des contrats de coopération commerciale et en restitution des fournisseurs et, par voie de conséquence, sans objet sa demande d'amende civile, l'arrêt retient que la loi NRE du 15 mai 2001 a donné au ministre chargé de l'économie le pouvoir d'exercer une action de substitution en faveur de la partie lésée, afin de demander, en ses lieux et place, la nullité des clauses ou contrats illicites, ainsi que la répétition de l'indu et la réparation des préjudices subis, qu'agissant sur ce fondement le ministre met nécessairement en œuvre les droits privés des victimes pour les rétablir dans leurs droits patrimoniaux, que même s'il agit pour la défense de l'ordre public économique, cette finalité ne justifie pas l'absence des co-contractants fournisseurs, dans une action tendant à l'annulation des contrats passés entre eux et le distributeur et qu'en intentant son action judiciaire sans que les co-contractants y soient associés, voire même contre leur gré, le ministre a méconnu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action du ministre chargé de l'Economie, exercée en application des dispositions de l'article L. 442-6-III, qui tend à la cessation des pratiques qui sont mentionnées dans ce texte, à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu et au prononcé d'une amende civile, est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi irrecevable en son action en nullité et en restitution et en ce qu'il a dit sans objet sa demande d'amende civile, l'arrêt rendu le 6 mars 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble, autrement composée.