Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-15.252
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Interdis (Sté)
Défendeur :
Fédération nationale des producteurs de légumes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
Me Odent, SCP Richard
LA COUR : - Vu l'article 1014 du Code de procédure civile ; - Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
Déclare non admis le pourvoi.
MOYEN ANNEXE A LA PRESENTE DECISION
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Interdis
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la filiale (la société Interdis) d'un groupe de la grande distribution dont l'objet était de sélectionner des fournisseurs, avait commis une faute à l'égard de la profession représentée par un syndicat de producteurs (la Fédération nationale des producteurs de légumes), en concluant des contrats favorisant l'opacité sur le coût de la répartition entre les détaillants du groupe et l'avantage procuré à ceux-ci,
Aux motifs que, contrairement aux affirmations de la FNPL, une prestation était accomplie : la répartition des légumes produits entre les divers commerces de détail ; qu'il n'était cependant pas sûr qu'elle soit réalisée en application du contrat intervenu entre le producteur et la société ; que la société Interdis agissait pour son compte et pour celui de toute entité en France du groupe Carrefour ; que ses obligations envers ses distributeurs relevaient nécessairement de l'approvisionnement des détaillants ; qu'il était constant qu'existait une prestation, celle de diriger les produits vers ces detaillants ainsi qu'il résultait de l'article 1 du contrat ; que cette activité concernait, en réalité, deux types de relations juridiques différentes : la relation entre la société Interdis et ceux pour le compte de qui elle intervenait et la convention passée entre la société Interdis et le producteur ; que le producteur avait intérêt à ce que cette orientation intervienne, mais que le détaillant avait aussi intérêt à être approvisionné ; que les orientations pouvaient se faire dans l'intérêt de l'un ou des autres, puisque les intérêts des producteurs et des distributeurs divergeaient parfois ; que, dans le contrat - conclu avec une filiale du groupe Carrefour - la convention était présentée comme une réponse au souci du producteur, la désignation du producteur sous le qualificatif de bénéficiaire situait l'orientation affichée du contrat au bénéfice de celui-ci ; que pourtant les membres du groupe Carrefour avaient aussi besoin d'être approvisionnés en légumes avec une grande présence des produits, de sorte que la présentation du contrat était inexacte ; que la relation contractuelle était déséquilibrée en défaveur des producteurs ; qu'elle laissait cachée la répartition des coûts entre ses bénéficiaires ; que l'étude des cas individuels et des consentements au cas par cas n'était pas l'objet de l'instance ; que la convention avait un objet, mais, contrairement à la présentation du document, cet objet n'était pas dans l'intérêt commun du producteur et des détaillants, la prise en compte des divergences d'intérêts n'étant pas précisée ; que l'application de la présentation fallacieuse du contrat - faussement au profit du producteur - avait été importante, la demande de dommages-intérêts correspondant au montant cumulé des contrats ; que le chiffre d'affaires de cette opération s'élevait donc à 3 663 471, 80 euro ; que ce montant, pour la simple prestation accessoire d'orientation s'imputant donc du bénéfice espéré de la vente des produits, était de nature à avoir ces effets sur le marché des fruits et légumes et donc sur l'intérêt collectif de la profession ; que la FNPL était une union de plusieurs syndicats, pourvue des mêmes droits d'agir en justice ; que sa qualité de syndicat n'était pas contestée ; que, dans la mesure où elle agissait dans le type d'activité pour lequel elle avait été créée, la question de sa représentativité ne se posait pas ; que la diffusion et la mise en œuvre d'un contrat type à la présentation fallacieuse et permettant de cultiver l'opacité sur la participation des détaillants aux frais d'orientation des produits entre les divers membres du groupe constituait bien une faute ; que cette faute était d'autant plus caractérisée qu'elle permettait de laisser dans l'ombre l'avantage procuré aux membres au groupe par rapport au coût d'une telle centrale d'achat pour ceux qui y adhèrent ; qu'indépendamment des contrats particuliers et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur validité, cette faute affectait l'organisation du marché et donc les intérêts collectifs de la profession ; qu'elles entraient donc bien dans le champ d'intervention de la fédération syndicale ; que la circonstance que le dommage causé à la profession trouve sa source dans des contrats n'interdisait pas au syndicat d'agir, sans quoi le droit du travail aurait dû se développer indépendamment du contenu des contrats de travail ; que la FNPL avait donc qualité à agir et son action était fondée ; que, par ailleurs, à supposer que tous les producteurs ne soient pas concernés par ces contrats, la position de la société supposait que des producteurs puissent vendre aux détaillants du groupe sans participer à ces frais, puisqu'elle précisait que cette participation différait du référencement ; que cependant dans cette hypothèse, l'articulation des traitements entre les producteurs souscrivant ces contrats et les autres ne se concevait pas ; que la société Interdis n'expliquait pas comment elle articulait les divers régimes d'achat ; qu'eu égard aux liens entre la société et le groupe Carrefour, il faudrait expliquer comment cette orientation et cette répartition se développent indépendamment de discriminations ; que sinon, c'était que, conformément aux conclusions de la FNPL, il n'y avait aucune prestation en réponse au paiement et la convention entre les producteurs " bénéficiaires " et la société Interdis était dépourvue d'objet ; que là encore, il s'agissait de pratiques qui compromettaient les intérêts collectifs de la profession, autorisant et fondant les demandes de la FNPL ; qu'en conséquence, dans toutes les hypothèses envisageables, restait l'opacité des coûts et des avantages ainsi organisée par la société Interdis ; que cette opacité fautive avait causé un préjudice à la profession représentée par la FNPL ; que celle-ci représentait les intérêts de la profession ; que les dommages-intérêts auxquels elle pouvait prétendre devaient s'apprécier au regard du dommage causé aux intérêts collectifs de cette profession ; qu'il n'équivalait pas au montant cumulé des contrats, mais devait rester dans le même ordre de chiffres ; que la cour retenait donc un million d'euro ;
1° Alors qu'un syndicat n'est pas recevable à agir pour dénoncer le contenu de contrats signés par des tiers, quand bien même ceux-ci appartiendraient à la profession qu'il représente ; qu'en estimant pourtant recevable l'action de la FNPL, intentée à l'encontre de la société Interdis, la cour a violé l'article 31 du Code de procédure civile.
2° Alors que les juges du fond doivent préciser le fondement de la condamnation qu'ils décident de prononcer ; qu'en l'espèce, la cour, qui s'est bornée à retenir, à la charge de la société Interdis d'avoir omis de préciser que les contrats devaient être également conclus dans l'intérêt des sociétés du groupe Carrefour et de s'être abstenue de mentionner la répartition des coûts entre les bénéficiaires, sans préciser quelle norme aurait ainsi été méconnue, a laissé incertain le fondement de la condamnation prononcée, en violation des articles L. 442-6 du Code de commerce 1147 et 1382 du Code civil.
3° Alors qu'un contrat de coopération commerciale est licite, dès lors qu'il offre une contrepartie réelle à la rémunération versée ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir pourtant relevé que les conventions litigieuses présentaient bien un intérêt pour les producteurs, a cependant ensuite considéré qu'ils étaient illicites, en se fondant sur la circonstance inopérante que les contrats n'auraient précisé, ni qu'ils seraient aussi conclus dans l'intérêt du groupe Carrefour ni quelle était la répartition des coûts entre ses bénéficiaires a violé les articles 1147 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce.
4° Alors que les juges au fond ne peuvent soulever un moyen à partir duquel ils forgent leur décision sans inviter les parties à s'en expliquer au préalable ; qu'en l'espèce, la cour, qui s'est fondée sur l'opacité prétendument entretenue par les contrats litigieux dans la désignation des bénéficiaires et la répartition des coûts, quand la FNPL n'avait évoqué qu'une prétendue absence de contrepartie des contrats conclus avec la société Interdis, a soulevé d'office un moyen, sans jamais inviter les parties à s'en expliquer, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile.
5° Alors qu'il incombe à la partie qui se prévaut de l'illicéité d'un contrat de la prouver ; qu'en l'espèce, la cour, qui a reproché à la société Interdis de ne pas s'être expliquée quant à l'articulation du régime du traitement opéré entre producteurs signataires ou non signataires des contrats de coopération commerciale et sur l'absence de discrimination entre eux, a renversé la charge de la preuve qui pesait sur la FNPL en violation de l'article 1315 du Code civil.
6° Alors que les juges du fond ne peuvent appuyer leur décision sur une motivation hypothétique ; qu'en l'espèce, la cour, qui s'est bornée à relever qu'il faudrait expliquer l'orientation et la répartition entre producteurs signataires ou non des contrats de coopération, faute de quoi il n'y aurait aucune prestation en réponse au paiement, s'est fondée sur une simple hypothèse, en méconnaissance des prescriptions de l'article 455 du Code ce procédure civile.