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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 16 juin 2009, n° ECEC0918037X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Colas Midi Méditerranée (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Président de l'Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Jourdier

Avoué :

Me Teytaud

Avocat :

Mes Donnedieu de Vabres

T. com. Toulouse, du 5 janv. 1998

5 janvier 1998

Exposé du litige

Sur renvoi de la Cour de cassation (ordonné par arrêt du 31 janvier 2006), la cour est saisie par la société Colas Midi Méditerranée, agissant pour elle-même et comme venant aux droits de la société Jean-François, d'un recours formé contre une décision du Conseil de la concurrence du 30 octobre 1996, qui avait infligé des sanctions pécuniaires à 14 entreprises en raison de pratiques d'ententes relevées dans le cadre de la passation de marchés publics en 1988 dans le secteur des travaux d'aménagement routier, terrassement, pose de canalisations et assainissement, dans le département du Var.

Huit entreprises ayant formé un recours contre cette décision, la Cour d'appel de Paris par un premier arrêt du 21 novembre 1997 après avoir rejeté les moyens de procédure soulevés devant elle, a sursis à statuer sur les pratiques anticoncurrentielles, " jusqu'à ce qu'il soit justifié d'une décision judiciaire irrévocable au sujet de la régularité des opérations de visite ou de saisie effectuées dans les locaux de la société Garnier Pisan ".

En effet le Conseil s'était fondé en grande partie sur des documents saisis dans le cadre d'une ordonnance d'autorisation du Président du Tribunal de grande instance de Draguignan du 15 juin 1989. Les opérations de visite et de saisie ayant eu lieu le 6 juillet 1989 dans les locaux de la société Garnier-Pisan (au nombre des 14 entreprises sanctionnées) avaient été contestées, par la société Colas et par une autre société, devant le même Président qui par ordonnance du 16 octobre 1996 avait déclaré irrecevable le recours en annulation de ces opérations, et le pourvoi formé contre cette ordonnance était pendant devant la Cour de cassation.

Par arrêt du 15 juin 1999, la Cour de cassation a cassé l'ordonnance du 16 octobre 1996 et a renvoyé les sociétés requérantes devant le Président du Tribunal de grande instance de Toulon.

Toutefois la juridiction de renvoi n'a pas été saisie.

C'est dans ces conditions que l'instance a été reprise devant la 1re chambre H de la Cour d'appel de Paris qui par arrêt du 16 novembre 2004 a révoqué le sursis à statuer précédemment ordonné, a annulé la décision qui lui était déférée, a ordonné la restitution des sanctions payées, et a rejeté les autres demandes, en énonçant que "les circonstances de la cause commandent de renvoyer au Conseil de la concurrence l'examen des griefs notifiés aux parties".

Cette décision a été censurée par la Cour de cassation par arrêt du 31 janvier 2006 rendu au visa des articles L. 464-8 du Code de commerce et 561 et 562 du Code de procédure civile, au motif que "saisie... d'un recours en annulation ou en réformation de la décision du Conseil la cour d'appel ... après avoir annulé cette décision était tenue de statuer en fait et en droit sur les demandes des parties".

L'arrêt de la Cour d'appel de Paris a été cassé sauf en ce qu'il avait révoqué le sursis à statuer.

Sur déclaration de saisine de la société Colas Midi Méditerranée, la cour désignée comme cour de renvoi est donc saisie du recours de cette société contre la décision n° 96-D-65 du 30 octobre 1996, par laquelle le Conseil de la concurrence estimant établies des violations des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (devenu l'article L. 420-1 du Code de commerce) a notamment prononcé une sanction de 381 122,54 euro (2 500 000 F) à l'encontre de la société Colas Midi Méditerranée et une sanction de 45 734,71 euro (300 000 F) à l'encontre de la société Jean-François, aux droits de laquelle se trouve la société Colas Midi Méditerranée à la suite d'une fusion absorption survenue en 2002.

Dans cette décision le Conseil de la concurrence avait retenu:

- à l'encontre de la société Colas Midi Méditerranée personnellement : sa participation à une entente sur deux appels d'offres (sur les 13 ayant fait l'objet de l'enquête) concernant :

* le marché public des grosses réparations sur la voirie et l'aménagement de trottoirs à Fréjus en 1988 : son offre en groupement avec la société routière du Midi avait été retenue, il lui a été reproché d'avoir bénéficié d'une offre de couverture de la société Garnier-Pisan à la suite d'une concertation préalable au dépôt des offres (p 19)

* le marché public pour l'aménagement d'un carrefour giratoire à la sortie est du Muy : il lui est reproché la même pratique en groupement avec la société Jean Lefebvre mais sans obtention du marché (p 22)

- à l'encontre de la société Colas Midi Méditerranée venant aux droits de la société Jean-François : sa participation à une entente sur deux autres appels d'offres concernant :

* le marché public de la liaison CD 557-Nartuby (aménagement de chaussée et collecteur d'eaux pluviales pour la ville de Draguignan) : le Conseil de la concurrence a retenu que la société Jean-François a participé à un échange d'informations préalables entre entreprises et a bénéficié d'une offre de couverture de la société Garnier-Pisan, pratiques ayant eu pour objet et pour effet de faire attribuer le marché aux entreprises membres du groupement qu'elle avait constitué avec les sociétés Laget et Bonna (p 16)

*le marché public de l'aménagement du CD 557 entre le PK 53,000 et le PK 54,000 : le Conseil de la concurrence a considéré comme établie l'existence d'une concertation préalable entre les membres du même groupement et la société Garnier-Pisan, laquelle a fait une offre de couverture ayant eu pour objet et pour effet de faire attribuer le marché aux membres du groupement (p 17)

Motifs de la décision

Vu la décision n° 96-D-65 du 30 octobre 1996 rendue par le Conseil de la concurrence, et faisant l'objet d'un recours en annulation subsidiairement en réformation,

Vu l'arrêt rendu le 31 janvier 2006 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui a cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu le 16 novembre 2004 par la Cour d'appel de Paris saisie de ce recours,

Vu la déclaration de saisine de la Cour d'appel de Paris, à la suite de cette cassation, déposée au greffe le 31 janvier 2008 par la société Colas Midi Méditerranée agissant pour elle-même et comme venant aux droits de la société Jean-François, comprenant l'exposé de ses moyens,

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 29 juillet 2008 et du 1er avril 2009;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), en date du 30 septembre 2008, et du 1er avril 2009;

Vu les conclusions complémentaires de la société Colas Midi Méditerranée déposées le 11 février 2009 sur le fondement de l'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, complétées par son mémoire du 27 avril 2009,

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition de la partie requérante à l'audience;

Après avoir entendu à l'audience publique du 5 mai 2009, en leurs observations orales, le conseil de la requérante qui a été en mesure de répliquer et a eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence et celui du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public;

Sur ce:

A titre liminaire : sur la prise de parole de l'Autorité de la concurrence à l'audience

Considérant qu'en dépit de l'opposition formulée à l'audience par l'avocat de la société Colas Midi Méditerranée, la cour a donné la parole au cours des débats au représentant de l'Autorité de la concurrence, sur la demande de celui-ci, et après avoir formulé des réserves sur cette intervention; qu'un résumé de ses observations écrites a ainsi été exposé oralement par le représentant de l'Autorité de la concurrence;

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée faisait valoir que s'agissant d'un recours contre une décision du Conseil de la concurrence antérieure au 1er janvier 2006, cette autorité ne pouvait pas bénéficier de la faculté de présenter des observations orales qui lui a été reconnue par l'article 7 du décret n° 2005-1667 du 27 décembre 2005 ayant modifié en ce sens, mais seulement pour l'avenir, l'article 9 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, devenu ensuite l'article R. 464-l9 du Code de commerce;

Considérant cependant que l'ancien article 9 du décret du 19 octobre 1987 dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'article 7 du décret du 27 décembre 2005 est devenu caduc; qu'en effet le décret n° 2009-141 du 10 février 2009 a modifié plusieurs dispositions de la partie réglementaire du titre VI du livre IV du Code de commerce; qu'en l'absence de toute précision contraire relative à son entrée en vigueur, les règles nouvelles qu'il édicte sont d'application immédiate y compris aux instances en cours; que nonobstant la disparition de toute référence à l'Autorité de la concurrence dans la nouvelle rédaction de l'article R. 464-19 du Code de commerce qui ne concerne plus que le ministre chargé de l'Economie, rien ne s'oppose à ce que le représentant de l'Autorité de la concurrence formule des observations orales lors des débats devant la Cour d'appel de Paris saisie d'un recours contre sa décision;

Qu'en effet il résulte des dispositions combinées des nouveaux articles R. 461-1 alinéa 2, R. 461-2 alinéa 1er, R. 464- 11, R. 464-15 et R.464-18 du Code de commerce que le Président de l'Autorité de la concurrence ou son délégué a qualité pour représenter l'Autorité en justice et présenter des observations en son nom devant toute juridiction; que, devant la Cour d'appel de Paris statuant sur les recours prévus par les articles L. 464-7 et L. 464-8 du Code de commerce, sans être une partie à l'instance, l'Autorité de la concurrence doit être présente à la procédure dont tous les actes lui sont notifiés, qu'elle a la faculté de présenter des observations écrites et qu'elle est "convoquée" à l'audience; que son représentant doit donc être admis à présenter oralement des observations à l'audience;

1°) sur la demande d'annulation de la décision du Conseil de la concurrence

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée demande à la cour d'annuler la décision rendue le 30 octobre 1996 par le Conseil de la concurrence en raison de la présence au délibéré du rapporteur et du rapporteur général; qu'elle fait valoir que ce faisant ont été méconnues les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme sur le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial;

Considérant tout d'abord qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à cette demande, quand bien même la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 21 novembre 1997 avait refusé d'annuler pour ce motif la décision qui lui était déférée; qu'en effet la Cour de cassation a déclaré que cet arrêt de sursis à statuer n'ayant tranché aucune contestation au fond ne pouvait pas être frappé de pourvoi indépendamment de l'arrêt à venir sur le fond; que rien n'interdit à la cour, statuant toujours dans le cadre du même recours sur renvoi de la Cour de cassation, de réexaminer, à la lumière de la jurisprudence récente, la régularité sur ce plan de la décision du Conseil de la concurrence;

Considérant qu'il est constant que, comme le prévoyait à l'époque l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ont assisté au délibéré du Conseil de la concurrence ayant abouti à sa décision du 30 octobre 1996 tant le rapporteur qui avait procédé aux investigations utiles pour l'instruction des faits dont le Conseil était saisi que le rapporteur général sous le contrôle duquel le rapporteur avait accompli l'instruction; que la présence du rapporteur ou du rapporteur général au délibéré, même sans voix délibérative, est contraire aux exigences du procès équitable posées par l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et imposant notamment le respect du contradictoire et des droits de la défense ; que la décision du Conseil encourt donc l'annulation;

2°) sur les conséquences de l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence

Considérant que selon la société Colas Midi Méditerranée, c'est toute la procédure antérieure à la décision qui serait entachée d'irrégularité pour violation du principe d'impartialité posé par l'article 6-1 de la Convention européenne, en ce que le rapporteur ayant instruit "avait vocation à participer à un organe de jugement" ce qui aurait "affecté les droits des parties" dans leurs relations avec lui; qu'elle fait valoir que la notification de griefs et le rapport ont été établis en méconnaissance des droits des entreprises poursuivies;

Considérant cependant que l'atteinte au principe d'impartialité du juge entachant le délibéré du Conseil de la concurrence et entraînant l'annulation de sa décision, n'a pas nécessairement pour conséquence l'irrégularité de la procédure d'instruction qui l'a précédée; que la société Colas Midi Méditerranée n'explique pas concrètement en quoi aurait consisté la méconnaissance de ses droits au stade de l'enquête, de la notification de griefs ou de l'établissement du rapport;

Considérant que par conséquent, en application des articles 561 et 562 du Code de procédure civile, il y a lieu de statuer ce fait et en droit sur les demandes des parties;

3°) sur l'irrégularité des visites et saisies

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée critique les conditions dans lesquelles des opérations de visite domiciliaire et de saisie ont été autorisées et se sont déroulées en 1989 au départ de l'enquête sur les marchés de travaux publics du Var ayant conduit à la décision critiquée;

Que dans ses premiers mémoires la société Colas Midi Méditerranée critiquait seulement les opérations de visite et saisie dans les locaux de la société Garnier-Pisan (B); que dans ses deux derniers mémoires (11 février et 27 avril 2009) elle a saisi la Cour d'un recours en contestation de l'ordonnance d'autorisation (A);

(A) Le recours contre l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie

Considérant que l'article 5 § IV 2e alinéa de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 a ouvert, devant la Cour d'appel de Paris saisie dans le cadre de l'article L. 464-8 du Code de commerce, un recours en contestation de l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de cassation;

Qu'en l'espèce, par ordonnance du 15 juin 1989 le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan a, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et des saisies de documents dans les locaux de sept entreprises, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par l'article 7 de l'ordonnance précitée, dans le secteur des travaux routiers, d'assainissement, de terrassement et de canalisations dans le département du Var, que les entreprises visées étaient les sociétés Laget, Jean-François, Matière, Bertrand, Garnier-Pisan, STCM et Spie-Trendel; que le pourvoi formé contre cette ordonnance parla société Garnier-Pisan et par la société STCM a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 20 novembre 1990;

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée se prévaut des dispositions précitées de l'ordonnance du 13 novembre 2008 pour demander à la cour d'annuler l'ordonnance d'autorisation du 15 juin 1989; que venant aux droits de la société Jean-François expressément visée dans cette ordonnance et ayant été poursuivie sur le fondement de documents saisis en exécution de l'ordonnance dans les locaux de la société Garnier-Pisan, elle est recevable à exercer ce nouveau recours;

Que par ailleurs l'annulation de l'ordonnance d'autorisation aurait comme conséquence l'annulation des opérations conduites en vertu de cette ordonnance et des poursuites procédant de l'exploitation des documents saisis à cette occasion; que le défaut d'intérêt est donc vainement opposé à la contestation de la société Colas Midi Méditerranée;

Considérant qu'à l'appui de la demande d'annulation, la société Colas Midi Méditerranée fait valoir en premier lieu que le nouveau dispositif légal n'instaure pas un recours effectif, au motif que confier à la juridiction saisie du fond le soin de statuer sur la régularité de l'ordonnance serait contraire au principe d'impartialité imposé par l'article 6.1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme;

Considérant cependant que l'exigence d'impartialité du juge a pour finalité d'éviter qu'il ne soit habité d'un quelconque préjugé sur l'affaire qui lui est soumise; que cela implique notamment que le même juge ne soit pas appelé à statuer s'il a dans une précédente intervention pris une position ou émis une appréciation qui apparaît comme susceptible d'avoir une influence sur la seconde décision; qu'ainsi l'exercice successif par un même juge de fonctions juridictionnelles différentes dans un même litige n'est pas forcément contraire à l'exigence d'impartialité mais doit être apprécié au cas par cas par rapport à la finalité recherchée;

Que dans le cas présent, le Président du tribunal de grande instance auquel il était demandé d'autoriser une visite domiciliaire en application de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 était tenu de vérifier au vu des éléments d'information communiqués par l'administration que la demande d'autorisation qui lui était soumise était fondée; qu'à ce stade le juge se bornait à vérifier l'existence de présomptions d'une pratique anticoncurrentielle prohibée par l'article 7 de l'ordonnance précitée; que son autorisation de visite ne préjugeait pas de l'appréciation par la juridiction du fond de la portée des éléments de preuve trouvés;

Que par conséquent le contrôle en fait et en droit de la régularité de l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie n'impliquera de la part de la cour aucune appréciation sur le bien fondé des griefs et des sanctions concernant les sociétés Colas Midi Méditerranée et Jean-François; que la cour peut à la fois statuer sur les deux plans du recours de la société Colas Midi Méditerranée sans que cela constitue une atteinte à l'exigence d'impartialité;

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée fait valoir l'absence d'un recours effectif en deuxième lieu au motif qu'elle n'a pas eu communication de la requête et des pièces, lesquelles seraient essentielles pour apprécier la validité de l'ordonnance;

Considérant qu'il ne peut pas être fait grief au ministre qui n'est pas partie à l'instance et qui jusqu'au mémoire du 11 février 2009 ne pouvait pas s'attendre à une remise en cause d'une ordonnance ayant force de chose jugée depuis le rejet du pourvoi, c'est-à-dire depuis plus de 18 ans, de ne pas avoir communiqué ces documents;

Que de son côté la cour ne peut pas se dérober, au motif qu'il manquerait des pièces, à sa mission de juger le nouveau recours ouvert par le législateur; qu'il lui incombera d'apprécier en fait et en droit la régularité de l'ordonnance au vu des éléments du dossier, ce qui constitue un contrôle juridictionnel effectif;

Que le grief du caractère ineffectif du recours n'est donc pas fondé;

Considérant que s'agissant de la régularité de l'ordonnance, il est inexact de soutenir comme le fait la société Colas Midi Méditerranée que l'ordonnance doit faire la preuve par elle-même de sa régularité; qu'en effet dans le cadre du recours ouvert par l'article 5 de l'ordonnance du 13 novembre 2008, la Cour d'appel de Paris, juridiction du fond, donc juge du droit et du fait, comme l'admet la société Colas Midi Méditerranée dans ses écritures, ne doit pas s'arrêter uniquement aux termes de l'ordonnance mais peut avoir recours à des éléments extrinsèques pour en vérifier la régularité;

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée émet une série de critiques, tenant à l'absence des mentions de nature à établir que l'auteur de la requête était régulièrement habilité (a), à l'absence d'indication de l'objet de la demande d'enquête (b), et au défaut de mention précise des documents soumis au juge et de leur origine (c);

(a)

Considérant que dans son ordonnance du 15 juin 1989 qui fait foi jusqu'à inscription de faux, le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan énonce que la requête lui a été présentée par le chef de la brigade interrégionale d'enquêtes chargée des enquêtes de concurrence pour les régions Paca, Languedoc-Roussillon et Corse; que le ministre et le Conseil de la concurrence ont fait observer sans être contredits que le chef de brigade était un fonctionnaire de catégorie A de la DGCCRF; que l'arrêté du 31 décembre 1986, alors en vigueur, visant l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et notamment ses articles 45, 47 et 48, énonçait dans son article 1er : " sont habilités au titre de l'article 45 de l'ordonnance susvisée : les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes [...] "; que dès lors, sans avoir besoin d'une délégation du directeur général de la DGCCRF, l'auteur de la requête était habilité réglementairement à effectuer les enquêtes prévues par l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et par conséquent à demander les autorisations de procéder aux visites évoquées par l'article 48 du même texte;

(b)

Considérant que selon l'article 48 de l'ordonnance précitée, les visites doivent se situer dans le cadre de l'enquête en cours; qu'en l'espèce l'enquête en question est celle citée au 4e visa de l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Draguignan, à savoir l'enquête confiée le 17 avril 1989 par le Directeur général de la DGCCRF au chef de sa "Brigade interrégionale d'enquêtes à Marseille"; que les faits énoncés dans l'ordonnance par référence à des documents cités suffisent à établir que l'enquête en cours concernait des pratiques d'ententes dans la réponse aux appels d'offres pour la passation des marchés publics de chaussées, canalisations et terrassement dans le département du Var entre 1986 et 1988; que les visites dans sept entreprises de ce secteur d'activité, reconnues comme ayant soumissionné dans cette période, s'inscrivaient donc bien dans ce cadre;

(c)

Considérant que s'agissant des documents soumis au juge, l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Draguignan, dans ses motifs, cite en les analysant les pièces 1, 2 et 3 jointes à la requête de l'administration, ce qui établit, là encore jusqu'à inscription de faux, qu'elles lui ont été soumises; qu'aucun doute n'existe quant à la licéité de l'origine de tels documents afférents à des procédures d'attribution de marchés publics auxquelles la DGCCRF a légalement accès; que par ailleurs, quand bien même l'administration n'aurait joint à sa requête aucune autre pièce pour étayer les faits exposés dans la requête et repris par le magistrat à l'appui de sa décision, les 3 pièces susvisées suffisaient à étayer les soupçons de pratiques anticoncurrentielles prohibées, dans le secteur géographique et professionnel faisant l'objet de l'enquête de la DGCCRF, à l'égard des sept sociétés concernées; qu'en effet le magistrat déduisait justement de ces pièces une similitude de comportement jointe à une absence d'analyse sérieuse de l'appel d'offres, et des présomptions de partage du marché;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan pour délivrer son autorisation s'est bien conformé aux prescriptions de l'article 48 alinéa 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que par conséquent aucun des griefs formulés par la société Colas Midi Méditerranée contre son ordonnance du 15 juin 1989 n'est fondé;

(B) Les contestations sur les opérations de saisie

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée demande à la cour d'annuler les opérations de visite et saisie s'étant déroulées, à la suite de l'autorisation ci-dessus examinée, dans les locaux de la société Garnier-Pisan le 6 juillet 1989;

Que le Conseil de la concurrence et le ministre font justement observer que cette contestation est irrecevable, du fait que la société Colas Midi Méditerranée n'a pas saisi la juridiction de renvoi après l'arrêt de cassation de l'ordonnance du 16 octobre 1996 ayant déclaré irrecevable son recours contre ces opérations;

Considérant qu'en effet la société Colas Midi Méditerranée et une autre société visée par l'enquête, avaient, après la notification des griefs les concernant, introduit devant le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan un recours tendant à l'annulation de la visite domiciliaire relatée dans le procès-verbal du 6 juillet 1989; que ces sociétés avaient ensuite formé un pourvoi contre chacune des ordonnances du 16 octobre 1996 ayant déclaré irrecevables comme tardifs leur recours; que par deux arrêts du 15 juin 1999, la Cour de cassation a cassé ces ordonnances et renvoyé les causes et les parties devant le Président du Tribunal de grande instance de Toulon, lequel n'a jamais été saisi;

Que sans que la cour ait à se prononcer sur l'application des dispositions de l'article 386 ou de l'article 1034 du Code de procédure civile, il suffit pour écarter cette demande de la société Colas Midi Méditerranée de constater que par l'effet des cassations intervenues, les instances en contestation des opérations de visite et saisie du 6 juillet 1989 ne pouvaient reprendre leur cours que devant le Président du Tribunal de grande instance de Toulon, seul investi, par délégation spéciale de la Cour de cassation, du pouvoir de statuer sur les contestations en question;

Que c'est vainement que la société Colas Midi Méditerranée invoque des changements ultérieurs de jurisprudence qui lui auraient interdit de saisir la juridiction de renvoi; qu'en effet aucune évolution ni jurisprudentielle, ni législative, ne permet de déroger aux règles du renvoi après cassation; qu'au surplus les textes créant de nouveaux recours en cette matière n'ont pas donné à la Cour d'appel de Paris le pouvoir de statuer sur le déroulement des opérations de saisie;

Que toutes les prétentions de la société Colas Midi Méditerranée relatives à la visite et saisie du 6 juillet 1989 doivent dès lors être écartées;

4°) sur la demande subsidiaire tendant à voir constater la prescription des faits

Considérant que le moyen de la société Colas Midi Méditerranée tiré de la prescription présuppose que l'instruction menée par le rapporteur du Conseil de la concurrence était irrégulière et que par suite aucun acte valable n'a pu interrompre la prescription qui s'est trouvée acquise 3 ans après la saisine du Conseil soit le 22 août 1993;

Que tous les moyens tendant à établir l'irrégularité de l'enquête viennent d'être écartés; que dès lors les actes d'instruction ont bien interrompu la prescription qui n'est pas acquise;

5°) sur le fond

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée qui fait valoir essentiellement que les indices retenus sont dénués de force probante, et que les sanctions sont disproportionnées au regard de la gravité des faits et du dommage porté à l'économie, demande à la cour de "réformer la décision entreprise et par voie de conséquence de réduire la sanction infligée";

Que compte tenu de l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence, la cour doit d'abord examiner si les griefs notifiés sont établis, ensuite, le cas échéant, apprécier la sanction;

Considérant que les griefs notifiés à la société Colas Midi Méditerranée visent des pratiques relevées à l'occasion de deux marchés publics, celui des grosses réparations sur la voirie et l'aménagement de trottoirs à Fréjus en mai 1988 (pages 21 et suivantes du rapport du Conseil de la concurrence et pages 17 et 18 de la notification des griefs), et celui de l'aménagement d'un carrefour giratoire à la sortie est du Muy de mai 1988 (page 41 et suivantes du rapport et page 25 de la notification);

Que les griefs notifiés à la société Jean-François visent des faits commis à l'occasion des marchés publics concernant le CD 557, ayant donné lieu à deux appels d'offres en janvier 1988, l'un concernant la liaison CD 557-Nartuby (ville de Draguignan) et l'autre passé par le département du Var et la ville de Draguignan en deux lots liés (chaussée et assainissement) pour l'aménagement du CD 557 entre les points kilométriques 53 et 54 (pages 5 à 17 du rapport et pages 9 à 13 de la notification);

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, "sont prohibées lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites, ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : [...] faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marche en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse...";

Qu'en matière de marchés publics la coordination des offres ou l'échange d'informations antérieurs au dépôt des offres caractérisent une entente anticoncurrentielle contrevenant aux dispositions du texte précité; que la preuve d'une telle entente peut être rapportée par un faisceau d'indices qui, après recoupement, constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes;

Qu'en l'espèce l'enquête de la DGCCRF a abouti à la saisine du Conseil de la concurrence pour des faits de l'année 1988 portant sur treize marchés publics passés dans le Var et concernant quatorze entreprises dont la société Colas Midi Méditerranée et la société Jean-François; qu'au cours de l'enquête des documents ont été saisis et notamment, au siège de la société Garnier-Pisan, un cahier récapitulant les marchés de ce secteur professionnel; que chaque page y est divisée en dix colonnes, indiquant successivement la désignation du marché concerné, la date d'envoi de la candidature, la date éventuelle de son acceptation ou de son refus, la date de l'offre, son montant, la date de l'acceptation ou du refus, enfin les colonnes "bagarre" ou "couverture" mentionnant des noms d'entreprises, parfois un pourcentage ou le mot "oui"; que les quatre marchés concernés par la présente espèce sont répertoriés dans ce cahier;

Que contrairement aux explications non convaincantes données à l'enquêteur par Monsieur Max Pisan sur la tenue de ce cahier, les précisions y figurant et les différences avec le résultat des offres révèlent un échange d'informations et une concertation préalable au dépôt des soumissions;

Sur la participation de la société Colas Midi Méditerranée aux pratiques prohibées

- concernant le marché des trottoirs à Fréjus :

Considérant que dans le cahier précité au regard de la désignation du marché concerné figure dans la colonne "couverture" la mention "majoration 26 % couverture Colas-RM"; que la page de garde du dossier afférent à ce marché, saisi également au siège de la société Garnier-Pisan, est portée la mention "RM + Colas+SFTP"; que RM se comprend comme" R(outière du)M(idi)"; que le groupement Colas-Routière du Midi a été attributaire à la deuxième consultation; qu'en effet la première consultation ayant été déclarée infructueuse par le maître de l'ouvrage au vu des prix trop élevés par rapport à son estimation, seules les cinq entreprises les mieux placées ont été à nouveau consultées et ont de façon générale réduit leurs prix d'environ 10 %, si bien que le groupement Colas et SRM est demeuré le moins-disant comme à la première consultation;

Qu'ainsi l'offre de couverture de la société Garnier-Pisan prévue initialement pour bénéficier à un groupement "Routière du Midi + Colas + SFTP" a profité seulement aux sociétés Routière du Midi et Colas, la SFTP n'ayant finalement pas soumissionné avec elles mais présenté une offre très proche; que contrairement à ce que prétend la société Colas Midi Méditerranée, cela ne change rien à l'existence de la concertation préalable aux premières offres, établie par les mentions des documents saisis et les résultats des premières soumissions, pas plus que l'absence de la société Garnier-Pisan à la deuxième consultation;

- concernant le marché du carrefour giratoire au Muy:

Considérant que dans le cahier précité, au regard de la désignation du marché concerné, figure dans la colonne "couverture" la mention "Colas 50%, Jean Lefebvre 50 %"; que la même mention figure sur la première page du dossier afférent à ce marché également saisi au siège de la société Garnier-Pisan; que si une autre société a été attributaire du marché, le résultat des offres fait apparaître que le groupement en question se trouvait en deuxième position avec une offre un peu supérieure mais inférieure à celle de la société Carnier-Pisan;

Que cet ensemble d'indices établit la concertation reprochée, peu important que le bénéficiaire de l'offre de couverture n'ait pas obtenu le marché; que le dépôt par une société tierce d'une offre supérieure à celle de la société Garnier-Pisan ne remet pas en cause les faits constatés à l'encontre de la société Colas Midi Méditerranée;

Que par conséquent pour ces deux marchés, les documents saisis, confrontés aux explications non crédibles du dirigeant de la société Garnier-Pisan, et au résultat des appels d'offres, démontrent l'existence d'une concertation préalable et anticoncurrentielle notamment entre la société Garnier-Pisan et la société Colas Midi Méditerranée qui a volontairement soumissionné et devait bénéficier des offres de couverture de la société Garnier-Pisan; que les griefs notifiés à la société Colas Midi Méditerranée sont donc établis;

Sur la participation de la société Jean-François aux pratiques prohibées

Considérant que pour les deux marchés faisant l'objet de la notification de griefs à la société Jean-François, celle-ci a soumissionné en groupement avec la société Laget et avec la société Bonna; que pour les deux marchés ce groupement a été attributaire; que les deux appels d'offres ont été lancés concomitamment en janvier 1988 par la ville de Draguignan et le Conseil général du Var, et concernent le même axe routier CD 557; que les faits relatifs à ces deux marchés ne peuvent donc pas être totalement séparés même s'ils ont donné lieu à des documents distincts; que s'agissant du marché de la liaison CD 557- Nartuby, la photocopie du devis de la société Garnier-Pisan portant mention de la couverture du groupement précité a été retrouvée au siège de l'entreprise Laget avec d'autres documents de détails estimatifs concernant six autres entreprises également impliquées dans l'enquête; que l'antériorité de ces devis aux soumissions se déduit des divergences constatées entre ceux-ci et les soumissions enregistrées par la commission des appels d'offres; que de plus le dirigeant de l'entreprise Laget a reconnu que plusieurs de ces devis étaient écrits de la main de son fils; que l'existence d'une concertation élargie, tendant à faire obstacle au libre jeu du marché et ayant bénéficié au groupement de trois entreprises précité, est ainsi démontrée à l'occasion de cet appel d'offres au bénéfice des sociétés Laget, Bonna et Jean-François; que les griefs notifiés à la société Jean-François et portant sur les deux marchés connexes doivent être appréciés à la lumière de ce contexte général;

Considérant que contrairement à ce que soutient la société Colas Midi Méditerranée venant aux droits de la société Jean-François, des éléments de preuve caractérisant sa participation volontaire à l'action concertée existent en plus de son appartenance au groupement favorisé (cf pages 000165 et suivantes du rapport notifié aux parties par le rapporteur du Conseil de la concurrence):

- concernant la liaison CD 557-Nartuby (marché appelé aussi ZI St Hermentaire) : dans le cahier déjà cité, face à la désignation du marché concerné figure la mention "Laget + Banna Laget redevable de 3 000 000 HT (terrassement, pluvial)"; une mention manuscrite "Couverture - Laget - JF, Bonna Laget il m'est redevable de 3 000 000 F HT de travaux (terra... t, pluvial)" [JF désignant la société Jean-François), a été relevée par l'enquêteur de la DGCCRF sur la page de garde du dossier relatif à la liaison CD 557-Nartuby saisi au siège de la société Garnier-Pisan (page 00166 des annexes à la notification des griefs);

- concernant le deuxième marché de l'aménagement du CD 557 : le cahier déjà cité saisi chez Garnier-Pisan mentionne la "couverture" au profit de "Laget-Lefebvre"; les mêmes noms figurent sur la page de garde du dossier de la société Garnier-Pisan relatif à ce marché, contenant non seulement le devis dactylographié mais aussi un brouillon rédigé par Monsieur Franck Laget; le nom de Jean-François n'est pas cité mais c'est bien la société Jean-François qui a finalement soumissionné à la place de la société Lefebvre;

Considérant que la société Colas Midi Méditerranée n'explique pas concrètement comment la société Jean-François a pu contribuer aux offres avec la société Laget sans avoir connaissance de la concertation préalable; qu'elle se borne à affirmer l'absence de volonté de participer aux pratiques prohibées, alors que cette volonté se déduit du comportement des sociétés Garnier-Pisan et Laget, associé à l'adéquation entre les offres auxquelles la société Jean-François a contribué et l'offre de la société Garnier-Pisan destinée à la "couvrir"; qu'enfin il serait totalement artificiel de considérer que le niveau d'implication de la société Jean-François a pu être différent dans un marché et dans l'autre alors qu'il s'agissait de travaux d'une même période et touchant à la même route;

Que se trouve ainsi rapportée, par un faisceau d'indices concordants, la preuve que la société Jean-François a participé volontairement pour ces deux marchés aux pratiques, prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui lui sont reprochées dans les notifications de griefs;

Sur les sanctions

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 applicable aux faits retenus à leur encontre, les sociétés Colas Midi Méditerranée et Jean-François sont passibles d'une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à leur situation; que cette sanction ne peut pas dépasser 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos;

Considérant que le temps écoulé entre la commission des faits et le prononcé de la sanction n'entre pas dans les éléments d'appréciation retenus par l'article 13 précité;

Considérant que le dommage causé à l'économie résulte du fait que l'entente entre entreprises soumissionnaires au même marché avait pour objet ou a eu pour effet de faire échec au déroulement normal des procédures d'appel d'offres, soit en faisant attribuer le marché à l'une d'entre elles artificiellement moins-disante, soit en contraignant le maître de l'ouvrage à déclarer l'appel d'offres infructueux, source de retard dans l'exécution des travaux;

Que par ailleurs les pratiques reprochées aux sociétés Jean-François et Colas Midi Méditerranée sont d'autant plus graves qu'elles ont faussé la recherche du juste prix dans la passation des marchés publics de travaux d'équipements collectifs représentant un coût important pour les collectivités territoriales;

Que pour l'appréciation de la sanction, il convient aussi de tenir compte de ce que les pratiques prohibées se sont étendues suri' année 1988, mais qu'en revanche elles se sont limitées au département du Var,

Considérant que s'agissant de la société Colas Midi Méditerranée à titre personnel, les pratiques reprochées ont concerné deux appels d'offres ponant sur des travaux s'élevant à 6 122 194 F; que cette société a réalisé en France en 1995 un chiffre d'affaires de 126 183 513,71 euro (827 709 591F); qu'aucun autre chiffre d'affaires n'a été communiqué, ni aucun autre élément sur la situation de cette entreprise; que compte tenu des éléments généraux et individuels relevés, il convient d'infliger à la société Colas Midi Méditerranée une sanction pécuniaire de 350 000 euro;

Considérant que s'agissant de la société Jean-François, les pratiques reprochées ont concerné deux appels d'offres portant sur des travaux à hauteur de 17 815 193 F; que cette société a réalisé en France en 1995 un chiffre d'affaires de 15 621 352,47 euro (102 469 355 F); qu'aucun autre chiffre d'affaires n'a été communiqué; que compte tenu des éléments généraux et individuels relevés, il convient d'infliger à la société Colas Midi Méditerranée venant aux droits de la société Jean-François qu'elle a absorbée, il convient donc de lui infliger une sanction pécuniaire de 45 000 euro;

Par ces motifs, LA COUR, Annule la décision du Conseil de la concurrence n° 96-D-65 du 30 octobre 1996, en tant qu'elle concerne les sociétés Colas Midi Méditerranée et Jean-François; Statuant à nouveau : Déclare recevable mais mal fondé le recours de la société Colas Midi Méditerranée contre l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie rendue le 15 juin 1989 par le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan, et en conséquence rejette ce recours; Rejette comme irrecevables les contestations relatives aux opérations de visite et saisie du 6 juillet 1989 dans les locaux de la société Garnier-Pisan; Rejette l'exception de prescription; Juge que la société Colas Midi Méditerranée et la société Jean-François aux droits de laquelle se trouve la société Colas Midi Méditerranée ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986; Inflige les sanctions pécuniaires suivantes : - à la société Colas Midi Méditerranée à titre personnel : 350 000 euro - à la société Colas Midi Méditerranée venant aux droits de la société Jean-François : 45 000 euro; Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du Code de procédure civile; Dit que s'agissant d'une matière sans représentation obligatoire, ni par avoué ni par avocat, il n'y a pas lieu à application de l'article 699 du Code de procédure civile; Condamne la société Colas Midi Méditerranée aux entiers dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.