TPICE, 8e ch., 1 juillet 2009, n° T-288/06
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Regionalny Fundusz Gospodarczy SA
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martins Ribeiro
Juges :
MM. Papasavvas, Dittrich (rapporteur)
Avocats :
Mes Sadkowski, Salajewski
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),
Cadre juridique
1 Aux termes de l'article 8 du protocole n° 2 relatif aux produits CECA de l'accord européen, du 16 décembre 1991, établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Pologne, d'autre part (JO 1993, L 348, p. 2, ci-après le " protocole n° 2 ") :
" 1. Sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l'accord, dans la mesure où ils sont susceptibles d'affecter les échanges entre la Communauté et la Pologne :
[...]
iii) les aides publiques de toute nature, sauf dérogations autorisées en vertu du traité CECA.
[...]
4. Les parties reconnaissent que pendant les cinq premières années suivant l'entrée en vigueur de l'accord et par dérogation au paragraphe 1 [sous] iii) la [République de] Pologne est exceptionnellement autorisée, en ce qui concerne les produits 'acier CECA', à octroyer une aide publique à la restructuration, à condition que :
- le programme de restructuration soit lié à un plan global de rationalisation et de réduction des capacités en Pologne,
- cette aide contribue à la viabilité des entreprises bénéficiaires dans des conditions normales de marché à la fin de la période de restructuration,
- le montant et l'importance de cette aide soient limités aux niveaux strictement nécessaires pour rétablir cette viabilité et soient progressivement diminués.
Le conseil d'association décide, compte tenu de la situation économique de la [République de] Pologne, de la possibilité de proroger la période de cinq années prévue. "
2 La décision n° 3-2002 du Conseil d'association UE-Pologne, du 23 octobre 2002, prorogeant la période prévue à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 (JO 2003, L 186, p. 38), a prolongé de huit années supplémentaires à compter du 1er janvier 1997, ou jusqu'à la date d'adhésion de la République de Pologne à l'Union européenne, la période durant laquelle la République de Pologne était exceptionnellement autorisée, en ce qui concerne les produits " acier ", à octroyer une aide publique à la restructuration conformément aux modalités prévues à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2. Son article 2 énonce :
" La [République de] Pologne soumet à la Commission [...] un programme de restructuration et des plans d'entreprise qui satisfont aux exigences énumérées à l'article 8, paragraphe 4, du protocole [n°] 2 et qui ont été évalués et acceptés par son autorité nationale chargée de la surveillance des aides publiques (Office de la concurrence et de la protection des consommateurs). "
3 Le protocole n° 8 sur la restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise annexé à l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 948, ci-après le " protocole n° 8 "), a autorisé la République de Pologne, par dérogation aux règles générales relatives aux aides d'État, à octroyer des aides à la restructuration de son secteur sidérurgique sur la base des modalités fixées dans le plan de restructuration et aux conditions prévues dans ce protocole. Il prévoit notamment :
" 1. Nonobstant les articles 87 [CE] et 88 [CE], les aides d'État octroyées par la [République de] Pologne pour la restructuration de secteurs spécifiques de l'industrie sidérurgique polonaise sont reconnues comme compatibles avec le marché commun, à condition :
- que la période prévue à l'article 8, paragraphe 4, du protocole n° 2 [...] ait été prorogée jusqu'à la date d'adhésion,
- que les modalités fixées dans le plan de restructuration sur la base duquel le protocole susmentionné a été étendu soient suivies tout au long de la période 2002-2006,
- que les conditions prévues dans le présent protocole soient remplies, et
- qu'aucune aide d'État pour la restructuration ne soit à payer à l'industrie sidérurgique polonaise après la date de l'adhésion.
2. [...]
3. Seules les entreprises énumérées à l'annexe 1 (ci-après dénommées 'entreprises bénéficiaires') peuvent bénéficier des aides d'État dans le cadre du programme de restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise.
4. Une entreprise bénéficiaire ne peut pas :
a) en cas de fusion avec une entreprise ne figurant pas à l'annexe 1, transmettre le bénéfice de l'aide qui lui est accordée ;
b) reprendre les actifs d'une entreprise ne figurant pas dans l'annexe 1 qui est déclarée en faillite durant la période allant jusqu'au 31 décembre 2006.
5. [...]
6. Les aides à la restructuration accordées aux entreprises bénéficiaires sont déterminées par les justifications figurant dans le plan de restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise et les plans d'entreprise individuels approuvés par le Conseil. Mais en tout état de cause l'aide payée durant la période allant de 1997 à 2003 et leur montant total ne doit pas dépasser 3 387 070 000 PLN.
[...]
Aucune autre aide ne doit être accordée par la [République de] Pologne pour la restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise.
[...]
10. Toute autre modification du plan global de restructuration et des plans individuels doit être agréée par la Commission et, le cas échéant, par le Conseil.
[...]
18. Au cas où le suivi ferait apparaître :
[...]
c) [que] la [République de] Pologne, pendant la période de restructuration, a accordé à l'industrie sidérurgique et aux entreprises bénéficiaires en particulier, des aides d'État supplémentaires incompatibles,
les dispositions transitoires contenues dans le présent protocole sont sans effet.
La Commission prend les mesures appropriées en vue d'exiger des entreprises concernées qu'elles remboursent toute aide accordée en violation des conditions prévues dans le présent protocole. "
4 Le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] CE (JO L 83, p. 1), énonce à son article 7, paragraphe 5 :
" Lorsque la Commission constate que l'aide notifiée est incompatible avec le marché commun, elle décide que ladite aide ne peut être mise à exécution [...] "
5 Le règlement (CE) n° 794-2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659-1999 (JO L 140, p. 1), dispose à son article 9 :
" 1. Sauf dispositions contraires prévues par une décision spécifique, le taux d'intérêt applicable à la récupération des aides d'État octroyées en violation de l'article 88, paragraphe 3, [CE] est un taux en pourcentage annuel fixé par année civile.
Il est calculé sur la base de la moyenne des taux swap interbancaires à cinq ans pour les mois de septembre, octobre et novembre de l'année précédente, majorée de 75 points de base. Dans des cas dûment justifiés, la Commission peut relever le taux de plus de 75 points de base pour un ou plusieurs États membres.
[...]
4. En l'absence de données fiables ou équivalentes ou dans des cas exceptionnels, la Commission peut fixer, en étroite coopération avec l'État membre ou les États membres concernés, un taux d'intérêt applicable à la récupération des aides d'État, pour un ou plusieurs États membres, sur la base d'une méthode différente et des renseignements dont elle dispose. "
6 En ce qui concerne les modalités d'application du taux d'intérêt, l'article 11, paragraphe 2, dudit règlement précise :
" Le taux d'intérêt est appliqué sur une base composée jusqu'à la date de récupération de l'aide. Les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante. "
Faits à l'origine du litige
7 La présente affaire concerne une opération de restructuration du producteur d'acier polonais Huta Czestochowa SA (ci-après " HCz "). La restructuration de HCz a eu lieu entre 2002 et 2005. À cette fin, les actifs de HCz ont été transférés à de nouvelles sociétés :
- en 2002, Huta Stali Czestochowa sp. z o.o. (ci-après " HSCz ") a été constituée pour poursuivre la production sidérurgique de HCz. HSCz a loué les installations de production de HCz à l'administrateur judiciaire et a repris la plupart des salariés. La société mère de HSCz était Towarzystwo Finansowe Silesia sp. z o.o., une société détenue à 100 % par le Trésor polonais ;
- en 2004, les sociétés Majatek Hutniczy sp. z o.o. (ci-après " MH ") et Majatek Hutniczy Plus (ci-après " MH Plus ") ont été fondées. Leurs actions étaient détenues à 100 % par HCz. MH a reçu les actifs sidérurgiques de HCz et MH Plus a reçu certains autres actifs nécessaires à la production ;
- les actifs non liés à la production (appelés " actifs non sidérurgiques ") ainsi que l'établissement électroénergétique Elsen ont été transférés à la société Operator ARP sp. z o.o., une société qui dépend de l'Agencja Rozwoju Przemyslu SA (agence pour le développement industriel détenue par le Trésor polonais), afin de rembourser les créances de droit public soumises à restructuration (impôts et cotisations d'assurance sociale).
8 Par lettre du 19 mai 2004, la Commission a informé la République de Pologne qu'elle avait décidé d'ouvrir la procédure formelle d'examen concernant l'aide à la restructuration accordée au producteur d'acier HCz. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 12 août 2004 (JO C 204, p. 6, ci-après la " décision d'ouverture ") dans la langue faisant foi (le polonais), précédée d'un résumé dans les autres langues officielles. La Commission a invité toutes les parties intéressées à présenter leurs observations concernant les faits et l'analyse juridique figurant dans la décision d'ouverture. Elle a reçu des observations de la République de Pologne et de quatre parties intéressées.
9 À l'issue de la procédure, la Commission est parvenue à la conclusion que, contrairement à ses doutes initiaux, les mesures visant à la restructuration de HCz conformément aux dispositions de l'Ustawa o pomocy publicznej dla przedsiebiorców o szczególnym znaczeniu dla rynku pracy (loi sur l'aide publique aux entreprises d'importance significative pour le marché du travail du 30 octobre 2002, Dz. U. n° 213, position 1800, telle que modifiée) ne constituaient pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. En revanche, la Commission a considéré que HCz avait bénéficié à divers titres d'une aide d'État pour la période allant de 1997 à 2002. La Commission a conclu que celle-ci était en partie compatible avec le marché commun, mais en a exigé le remboursement pour la partie qu'elle a considérée comme étant incompatible avec le marché commun, à savoir un montant de 19 699 452 zloty polonais (PLN) (ci-après l'" aide litigieuse ").
10 Le 5 juillet 2005, la Commission a adopté la décision 2006-937-CE, concernant l'aide d'État C 20-04 (ex NN 25-04) en faveur du producteur d'acier HCz (JO 2006, L 366, p. 1, ci-après la " Décision "). Son article 3 énonce :
" 1. L'aide d'État accordée par la [République de] Pologne en faveur de [HCz] pour un montant de 19 699 452 PLN, durant la période allant de 1997 à mai 2002, sous forme d'aide au fonctionnement et d'aide à la restructuration de l'emploi, n'est pas compatible avec le marché commun.
2. La [République de] Pologne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de [HCz], de Regionalny Fundusz Gospodarczy, [de MH] et [d'Operator ARP] l'aide visée au paragraphe 1, illégalement accordée à [HCz]. Les entreprises susmentionnées sont solidairement tenues au remboursement de cette aide.
La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les sommes à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle l'aide a été accordée à [HCz] jusqu'à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés conformément aux dispositions du chapitre V du règlement [...] n° 794-2004.
3. [...] "
11 Conformément à un accord en date du 30 septembre 2005, entré en vigueur le 7 octobre 2005, ISD Polska sp. z o.o. (agissant alors sous la dénomination sociale de ZPD Steel sp. z o.o., ci-après " ISD "), une filiale à 100 % de l'Industrial Union of Donbass Corp., a acheté à HCz toutes les actions de MH et de MH Plus, ainsi que dix filiales restantes de HCz. Par contrat également en date du 30 septembre 2005 et entré en vigueur le 7 octobre 2005, ISD a acheté à Towarzystwo Finansowe Silesia sp. z o.o. toutes les actions de HSCz. ISD est ainsi devenue propriétaire de HSCz, de MH, de MH Plus et de dix autres filiales de HCz.
12 Après la vente, HCz a changé de dénomination sociale pour s'appeler Regionalny Fundusz Gospodarczy SA (ci-après la " requérante "). La requérante est toujours entièrement détenu par le Trésor polonais, mais ne possède que quelques rares biens immobiliers sans rapport avec l'industrie sidérurgique.
13 Par lettre du 17 février 2006, la Commission a demandé aux autorités polonaises de lui indiquer les taux d'intérêt pour le remboursement de l'aide litigieuse par les débiteurs solidaires mentionnés à l'article 3, paragraphe 2, de la Décision. Dans leur réponse du 13 mars 2006, les autorités polonaises ont proposé des taux d'intérêt applicables à la récupération et une méthodologie pour calculer les intérêts. Elles ont notamment proposé de prendre comme base, pour la période allant de 1997 à 1999, le taux des obligations du Trésor polonais à taux fixe, libellées en PLN, à cinq ans, et, pour la période allant de 2000 jusqu'à l'adhésion de la République de Pologne à l'Union européenne, le taux de ces mêmes obligations à dix ans. En outre, compte tenu de la situation des marchés de capitaux en Pologne à l'époque, qui était caractérisée par des taux très élevés, mais baissant rapidement, elles ont demandé qu'une mise à jour annuelle de ces taux soit effectuée et que les intérêts ne soient pas calculés sur une base composée.
14 Dans une lettre du 7 juin 2006, adressée aux autorités polonaises, la Commission a constaté que le taux d'intérêt applicable à la récupération de l'aide devait être, pour toute la période concernée, le taux des obligations du Trésor polonais à taux fixe, libellées en PLN, à cinq ans, et que, en vertu de l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 794-2004, ce taux d'intérêt devait être appliqué sur une base composée.
Procédure et conclusions des parties
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 octobre 2006, la requérante a introduit le présent recours.
16 Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, en vertu de l'article 242 CE, visant le sursis à l'exécution de l'article 3 de la Décision. Par ordonnance du 13 décembre 2006, le président du Tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable.
17 À la suite du renouvellement partiel du Tribunal, l'affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur. Celui-ci a ensuite été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
18 La requérante n'ayant pas déposé la réplique dans le délai prescrit, qui a expiré le 16 mars 2007, celle-ci n'a pas été versée au dossier.
19 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale, de poser certaines questions écrites aux parties et d'inviter la Commission à déposer certains documents. Les parties y ont déféré dans le délai imparti.
20 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 4 septembre 2008.
21 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal d'annuler l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision.
22 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme irrecevable ;
- à titre subsidiaire, rejeter le recours comme dénué de fondement ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
Arguments des parties
23 La Commission fait valoir que, en méconnaissance des exigences de forme énoncées à l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante n'a pas présenté d'arguments clairs et précis à l'appui de ses griefs, ce qui aurait permis à la Commission de préparer sa défense et au Tribunal de contrôler son argumentation.
24 Afin d'étayer ses griefs, la requérante n'aurait présenté que trois affirmations d'ordre général. La quasi-totalité de la motivation de la requête figurerait dans son résumé publié au Journal officiel.
Appréciation du Tribunal
25 Il ressort de la jurisprudence que, dès lors qu'elle expose les moyens d'annulation d'une manière suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de se défendre utilement et au juge communautaire d'exercer son contrôle juridictionnel, une requête introductive d'instance satisfait aux exigences minimales posées par l'article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 mars 1994, Hoyer/Commission, T-43-91, RecFP p. I-A-91 et II-297, point 22).
26 Par conséquent, il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable un recours pour non-respect de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, dans des circonstances où la requête indique brièvement les moyens en cause et où ni la partie défenderesse, qui a répondu dans son mémoire en défense aux arguments présentés, ni le juge communautaire n'ont été mis dans l'impossibilité de comprendre les arguments développés à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T-97-92 et T-111-92, RecFP p. I-A-159 et II-511, point 71).
27 En l'espèce, la requête est, certes, très laconique. Toutefois, elle satisfait aux exigences minimales énoncées ci-dessus. En effet, comme le démontre l'argumentation substantielle relative au fond de l'affaire qui est contenue dans le mémoire en défense, la requête a permis à la Commission de se défendre utilement. Elle permet également au juge communautaire d'exercer son contrôle juridictionnel.
28 Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être rejetée.
Sur le fond
29 La requérante invoque deux moyens, tirés d'une violation des articles 87 CE et 88 CE ainsi que de l'article 7, paragraphe 5, du règlement n° 659-1999, d'une part, et d'une violation de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004, d'autre part.
Sur le premier moyen, tiré d'une violation des articles 87 CE et 88 CE ainsi que de l'article 7, paragraphe 5, du règlement n° 659-1999
- Arguments des parties
30 La requérante fait valoir que les articles 87 CE et 88 CE, ainsi que l'article 7 du règlement n° 659-1999, autorisent l'adoption d'une décision qualifiant d'incompatible avec le marché commun une aide accordée par un État membre seulement dans deux cas de figure : d'une part, dans le cas où l'aide a été accordée après l'adhésion de l'État membre à l'Union européenne et, d'autre part, dans le cas où l'aide, bien qu'ayant été accordée avant l'adhésion de l'État membre à l'Union européenne, est toujours applicable après la date d'adhésion.
31 Étant donné que la République de Pologne a adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004 et que la décision d'octroyer l'aide à HCz entre 1997 et 2002 n'a pas été appliquée après l'adhésion de la République de Pologne, la Commission n'avait pas le droit, selon la requérante, d'apprécier si l'aide litigieuse était ou non compatible avec le marché commun et, partant, elle n'était pas autorisée à se prononcer sur le calcul des intérêts pour la période comprise entre le jour de l'octroi de l'aide à HCz et celui de sa récupération effective. La Commission aurait été uniquement habilitée à imposer une obligation de remboursement des intérêts à partir du 2 mai 2004 (le jour ayant suivi l'entrée en vigueur du traité d'adhésion) jusqu'au jour du paiement effectif.
32 L'aide accordée par la République de Pologne pour la période allant de 1997 à 2002 n'aurait pas pu influer sur les échanges intracommunautaires, dès lors qu'elle aurait concerné le marché d'un État qui, à la date à laquelle l'aide litigieuse a été octroyée, n'était pas membre de l'Union européenne. En outre, selon la requérante, le protocole n° 8 ne mentionnerait pas HCz dans son annexe 1, de sorte que la majeure partie de ses dispositions ne la concernerait pas. Enfin, le protocole n° 8 n'étendrait pas le contrôle de la Commission aux années qui sont antérieures à l'adhésion de la République de Pologne.
33 La Commission tient à souligner, à titre liminaire, qu'elle ne voit pas le rapport entre l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision et les griefs susmentionnés. En outre, elle réfute les arguments de la requérante.
- Appréciation du Tribunal
34 À titre liminaire, il y a lieu de clarifier le rapport existant entre le premier moyen et les conclusions formulées par la requérante, qui ne visent que l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision.
35 En effet, d'une part, la requérante fait valoir que les conditions énoncées aux articles 87 CE et 88 CE ne sont pas remplies, puisque, à l'époque des faits, la République de Pologne n'était pas encore membre de l'Union européenne et le protocole n° 8 n'était pas applicable. Elle conteste donc en substance l'applicabilité ratione temporis et ratione personae des règles communautaires en matière d'aides d'État.
36 D'autre part, l'incompatibilité avec le marché commun de l'aide litigieuse est constatée à l'article 3, paragraphe 1, de la Décision tandis que la seule disposition attaquée par la requérante, à savoir l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision, ne concerne que le calcul des intérêts.
37 Lors de l'audience, il a, dès lors, été demandé à la requérante de clarifier la portée de son recours et de ses conclusions. En réponse à cette demande, elle a indiqué, en substance, que son premier moyen visait certes à faire annuler la Décision dans son ensemble. Toutefois, " pour des raisons politiques ", sa direction aurait décidé de demander que, au cas où ce moyen serait accueilli, l'annulation de la Décision soit limitée à la disposition concernant les intérêts, à savoir l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision.
38 Partant, il convient de comprendre le premier moyen en ce sens qu'il vise uniquement l'annulation des intérêts dus pour la période précédant l'adhésion de la République de Pologne à l'Union européenne.
39 S'agissant, premièrement, de l'applicabilité ratione temporis des règles communautaires en matière d'aides d'État, il est constant entre les parties que, en principe, les articles 87 CE et 88 CE ne s'appliquent pas aux aides accordées avant l'adhésion qui ne sont plus applicables après l'adhésion.
40 Cela étant, la Commission s'appuie sur le protocole n° 8 comme lex specialis afin de justifier sa compétence. Dès lors, il convient d'examiner si les dispositions du protocole n° 8 habilitaient la Commission à étendre son pouvoir de contrôle en matière d'aides d'État à l'aide litigieuse et si elles constituaient une base juridique suffisante pour l'interdiction de cette aide.
41 À cet égard, il convient de rappeler que le protocole n° 8 fait référence aux aides accordées pendant la période allant de 1997 à 2003. Il autorise un montant limité d'aides à la restructuration, octroyé pour cette période (soit avant l'adhésion de la République de Pologne à l'Union européenne) à certaines entreprises énumérées à son annexe 1 et interdit, en contrepartie, toute autre aide d'État à la restructuration à l'industrie sidérurgique.
42 Le point 6, premier alinéa, du protocole n° 8 prévoit, en particulier, que, en tout état de cause, le montant total de l'aide payée durant la période allant de 1997 à 2003 ne doit pas dépasser 3 387 070 000 PLN. Le point 6, troisième alinéa, du protocole n° 8 précise qu'aucune autre aide ne doit être accordée par la République de Pologne pour la restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise. Partant, contrairement aux affirmations de la requérante, l'application rétroactive du protocole n° 8 est consacrée à son point 6, qui vise la période allant de 1997 à 2003.
43 Par conséquent, il ressort du libellé même du protocole n° 8 que celui-ci est applicable aux aides accordées avant l'adhésion. En effet, le but du protocole n° 8 était d'instaurer un régime compréhensif pour l'autorisation d'aides destinées à la restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise, et non seulement d'éviter le cumul d'aides par les entreprises bénéficiaires.
44 Il s'ensuit que le protocole n° 8 représente une lex specialis par rapport aux articles 87 CE et 88 CE qui élargit le contrôle des aides d'État effectué par la Commission en vertu du traité CE aux aides octroyées en faveur de la réorganisation de l'industrie sidérurgique polonaise pendant la période allant de 1997 à 2003.
45 En ce qui concerne, deuxièmement, l'argument relatif à l'applicabilité ratione personae du protocole n° 8, selon lequel ce dernier ne vise pas les entreprises non listées à son annexe 1, force est de constater que ce protocole concerne l'industrie sidérurgique polonaise dans son ensemble, ce qui inclut, par défaut, la requérante. En effet, non seulement le point 6, troisième alinéa, du protocole n° 8 impose un montant total pour l'aide et exclut toute autre aide non prévue par celui-ci, mais son point 3 dispose explicitement que seules les entreprises énumérées à l'annexe 1 (entreprises bénéficiaires) peuvent bénéficier des aides d'État dans le cadre du programme de restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise. S'il était admis qu'une entreprise non listée à l'annexe 1 puisse conserver des montants illimités d'aide à la restructuration reçus avant l'adhésion sans réduire en contrepartie les capacités de production, le protocole n° 8 serait vidé de tout son sens.
46 Enfin, dans la mesure où la requérante conteste les dispositions figurant dans le protocole n° 8, le recours serait irrecevable, puisque les dispositions du protocole n° 8 relèvent du droit primaire.
47 Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le second moyen, tiré d'une violation de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004
- Arguments des parties
48 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir fixé, dans la Décision, le taux d'intérêt applicable à la récupération de l'aide litigieuse. En l'absence d'un taux swap interbancaire à cinq ans en Pologne avant que cette dernière n'adhère à l'Union européenne, un accord aurait dû être conclu entre la Commission et la République de Pologne sur ce point, conformément aux dispositions de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004. Un tel accord devrait ressortir de la Décision ou d'une autre décision de la Commission, puisqu'il s'agirait de la seule façon de permettre aux opérateurs tenus au remboursement d'une aide publique d'engager un litige sur le fond avec les organes fixant les intérêts.
49 La Commission conteste ces arguments.
- Appréciation du Tribunal
50 Dans la mesure où la requérante conteste la méthode de calcul des intérêts contenue dans la Décision, il y a lieu de relever que les constatations à l'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la Décision revêtent un caractère purement déclaratoire, dès lors qu'elles se bornent à faire référence aux dispositions pertinentes du chapitre V du règlement n° 794-2004. En effet, la méthode pour le calcul des intérêts ressort du règlement n° 794-2004 lui-même. Or, la requérante ne soulève pas d'exception d'illégalité concernant ce règlement.
51 En ce qui concerne la prétendue nécessité d'un accord entre la Commission et la République de Pologne, il convient de relever que, au considérant 147 de la Décision, la Commission a constaté explicitement que, un taux swap interbancaire à cinq ans n'existant pas pour la Pologne pour la période concernée par l'octroi de l'aide litigieuse, le taux d'intérêt applicable à la récupération de celle-ci devrait se fonder, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004, sur le taux d'intérêt disponible qu'il convient de considérer comme approprié pour cette période.
52 Or, l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004 prévoit seulement que la fixation du taux d'intérêt applicable à la récupération doit être effectuée en " étroite coopération " avec l'État membre concerné, mais ne requiert pas d'" accord ".
53 À cet égard, la correspondance échangée entre la Commission et les autorités polonaises, que celle-ci a produite à la suite d'une question du Tribunal, révèle que la fixation du taux applicable à la récupération de l'aide litigieuse s'est effectivement déroulée en " étroite coopération " avec la République de Pologne. En effet, dans leur lettre du 13 mars 2006, les autorités polonaises ont proposé comme taux d'intérêt de récupération les taux des obligations du Trésor à respectivement cinq et dix ans. En outre, compte tenu de la situation des marchés de capitaux en Pologne à l'époque, qui était caractérisée par des taux très élevés, mais baissant rapidement, elles ont demandé que ces taux soient mis à jour annuellement et que les intérêts ne soient pas calculés sur une base composée.
54 La Commission a accepté l'essentiel de ces propositions. Elle a, certes, considéré que, pour des raisons de cohérence, au lieu d'utiliser deux taux différents, seul le taux sur les obligations à cinq ans devait être appliqué au cours de toute la période de 1997 à 2004. Toutefois, en déterminant le taux applicable conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004, la Commission disposait d'une certaine marge d'appréciation. Le choix d'un taux unique n'a d'ailleurs pas été contesté par la requérante.
55 S'agissant de la méthode d'application de l'intérêt et en particulier du calcul des intérêts sur une base composée, il est vrai que la Commission a rejeté l'argument de la République de Pologne concernant les intérêts sur les intérêts. Or, l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 794-2004 précise explicitement que le taux d'intérêt est appliqué sur une base composée jusqu'à la date de récupération de l'aide et que les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante. En outre, l'article 13 du règlement n° 794-2004 prévoit que ses articles 9 et 11 sont applicables à toute décision de récupération notifiée après la date d'entrée en vigueur de ce règlement. Le règlement n° 794-2004 étant entré en vigueur en mai 2004, il était donc applicable lors de l'adoption de la Décision, de sorte que la Commission était obligée de demander que l'intérêt soit calculé sur une base composée.
56 Dans ces conditions et eu égard au fait que les autorités polonaises ont proposé les taux de référence litigieux, il ne saurait être considéré que la Commission a méconnu son obligation de fixer le taux d'intérêt applicable à la récupération de l'aide litigieuse en étroite coopération avec la République de Pologne ou qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation.
57 Enfin, la Commission n'était pas obligée d'indiquer dans la Décision le taux d'intérêt applicable à la récupération de l'aide litigieuse, étant donné qu'elle n'était même pas obligée d'identifier précisément le montant principal de l'aide récupérable et qu'elle pouvait se limiter à indiquer simplement les méthodes permettant à l'État membre de calculer l'aide [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T-354-99, Rec. p. II-1475, point 67, et la jurisprudence citée].
58 Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 794-2004 doit être rejeté.
59 Tous les moyens de la requérante ayant été rejetés, il convient, dès lors, de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
60 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Regionalny Fundusz Gospodarczy SA est condamnée aux dépens.