Cass. crim., 3 juin 2009, n° 08-82.941
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocat général :
M. Mathon
Avocats :
SCP Tiffreau, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par R Hakim contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 21 janvier 2008, qui, pour loterie prohibée et tromperie, l'a condamné à 15 000 euro d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Hakim R, gérant de la société X, a diffusé, à compter du mois de janvier 2004, une brochure dénommée Y, vendue trois euro principalement dans les points de vente du PMU et du Loto, contenant un jeu appelé "perpétuité" consistant à gratter un ticket afin de gagner une somme d'argent, et de participer, le cas échéant, à un tirage au sort permettant d'obtenir une rente mensuelle viagère; qu'à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par la société la Française des jeux, une information a été ouverte à l'issue de laquelle Hakim R a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de loterie prohibée et de tromperie ; que la cour d'appel, infirmant partiellement le jugement, a retenu le prévenu dans les liens de la prévention du chef de loterie prohibée, pour les faits commis en 2004, et a confirmé la déclaration de culpabilité du chef de tromperie ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 49 du traité de Rome, 1er et 3 de la loi du 21 mai 1836, 136 de la loi du 31 mai 1933, 1er du décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978, L. 121-36 et L. 121-41 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hakim R coupable d'organisation de loterie prohibée, l'a condamné à 15 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'aucun texte européen n'a posé à ce jour le principe de l'autorisation des jeux et des paris sur le fondement des articles 43 et 49 du traité (de Rome) ; qu'ainsi, le point 5 de l'article 1er de la directive n° 2000-31-CE sur le commerce électronique dispose qu'elle n'est pas applicable aux activités de jeux d'argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions portant sur des paris ; qu'il en va de même de la directive n° 2006-123-CE du 12 décembre 2006, relative aux services qui ne s'applique pas, aux termes de son article 2.2, aux jeux d'argent ; que, certes, la commission européenne a adressé, le 27 juin dernier, aux autorités françaises, un avis motivé concernant le monopole des jeux, exigeant l'ouverture à la liberté de prestations de services, mais cet avis ne concerne que le secteur des paris sportifs et non les jeux de hasard dans leur ensemble ; que la question des jeux, en droit européen, relève donc, quant à présent, de la seule jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ; que les principes actuellement retenus par cette juridiction sont les suivants :
- les jeux d'argent constituent une activité à caractère économique et plus précisément des prestations de services qui sont soumises, à ce titre, aux dispositions du traité CE relatives à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement ;
- cependant, des raisons impérieuses d'intérêt général, tels la protection des consommateurs, la prévention de la délinquance, la protection de la moralité publique, la limitation de la demande de jeux d'argent ou le financement d'activités d'intérêt général justifient que les Etats puissent apporter librement des restrictions à l'exploitation des jeux de hasard ;
- les restrictions doivent être propres à la réalisation de l'objectif poursuivi, ne doivent pas être disproportionnées, ni discriminatoires et doivent avoir pour objectif soit de réduire véritablement les occasions de jeux de manière cohérente et systématique, car la collecte d'argent public ne peut être leur justification réelle, soit de prévenir l'exploitation des activités de jeux de hasard à des fins criminelles et frauduleuses en les canalisant dans des circuits contrôlables ;
- les juridictions nationales sont seules compétentes pour apprécier, à partir des critères retenus par la Cour de justice, les raisons d'intérêt général invoquées pour justifier les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de service, leur caractère non discriminatoire et leur proportionnalité à l'objectif poursuivi ;
que la réglementation française des loteries est conforme au droit communautaire et ne s'oppose en rien aux objectifs mis en exergue par la Cour de justice ; qu'elle permet de proposer au public une offre de jeux de loterie respectant les objectifs suivants :
- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la transparence de leur exploitation ;
- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'une exploitation des jeux d'argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent ;
- encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance ;
- veiller à ne pas inciter les mineurs à jouer ;
que la cour observe que la loi du 1er octobre 2004, qui a modifié les articles L. 562-1 à L. 562-10 du Code monétaire et financier, a ainsi assujetti la Française des Jeux à la procédure de " déclaration de sommes ou d'opérations soupçonnées d'être d'origine illicite " et que, depuis, cette procédure a été mise en œuvre à plusieurs reprises ; que, de même, un comité consultatif a été créé afin de veiller à la mise en œuvre de la politique d'encadrement des jeux et du jeu responsable ;
qu'un arrêté du 22 février 2006 détermine les pouvoirs d'approbation et de contrôle de la Française des Jeux qui sont confiés au ministre chargé du budget ; que la cour relève, par ailleurs, les points suivants :
- depuis 2000, la Française des Jeux subventionne, par le biais de sa Fondation d'entreprise, l'association SOS Joueurs ;
- en 2003, elle a adopté une Charte éthique fixant les obligations et les engagements de l'entreprise en matière de sécurité financière, d'intégrité du jeu et de transparence, de prévention des phénomènes de dépendance et de protection des mineurs ;
- en 2004, la Fondation d'entreprise de la Française des Jeux a développé une collaboration avec l'hôpital Louis Mourier (Ile-de-France) afin d'améliorer la prise en charge des joueurs excessifs ;
- elle s'est également engagée au sein de la World Loterie Association (WLA) et l'Association européenne des loteries et lotos d'Etats dans la promotion du jeu responsable ;
- en 2005, elle a nommé un directeur de programme rattaché directement à la direction générale, lequel est chargé de coordonner le plan d'action de l'entreprise en faveur du jeu responsable, cette même année, une charte publicitaire a également été établie, ce document ayant pour vocation de veiller particulièrement à la protection des mineurs ;
- alors que le décret du 17 février 2006 ne visait que les mineurs de moins de 16 ans, celui-ci a été amendé par le décret n° 2007-729 du 7 mai 2007, entré en vigueur le 1er juillet 2007, aux termes duquel " les jeux de loterie ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés " ;
- la Française des Jeux a mis en place un message de prévention sur différents supports de jeux intitulé " Restez maître du jeu " accompagné de la mention " Fixez vos limites " ;
- elle a multiplié ses collaborations dans le monde de la recherche afin d'être informé des pratiques étrangères en matière de jeu excessif ;
- de surcroît, elle met en œuvre une politique de formation de ses détaillants et courtiers-mandataires pour les associer étroitement à l'objectif de jeu responsable ; elle a ainsi, dans les contrats avec ses détaillants, inséré de nouvelles obligations réglementaires et éthiques et leur a imposé de nouvelles règles de transparence et de sécurité ;
- en complément, la Française des Jeux a créé, au sein de la formation de ses détaillants, un nouveau module intitulé " jeu responsable " ;
- ces mesures se sont traduites par une baisse du budget publicitaire qui est passé de 0,93% du chiffre d'affaires en 1998 à 0,73 % en 2005 ;
que la cour souligne, par ailleurs, que l'introduction éventuelle, dans le secteur des jeux d'argent, de nouveaux opérateurs, dans le but de renforcer les principes de la liberté d'établissement et de la libre prestation de service, supposerait, en tout état de cause, un agrément desdits opérateurs par les autorités compétentes ; qu'en définitive, les restrictions imposées par le réglementation française à l'exploitation des loteries ne sont, ni disproportionnées ni discriminatoires, par rapport aux objectifs poursuivis ; que cette réglementation, de même que ses modalités d'application par les pouvoirs publics et la Française des Jeux, s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la jurisprudence communautaire ; qu'en l'absence de difficultés d'interprétation du traité instituant les Communautés européennes, la cour ne fera pas droit à la demande du prévenu tendant à la saisine de la CJCE d'une question préjudicielle (...)" ;
"1°) alors qu'une réglementation nationale restreignant l'exploitation de jeux de loterie n'est compatible avec l'article 49 du traité de Rome que si elle est justifiée par d'impérieuses raisons d'intérêt général au moment des faits litigieux ; qu'à l'époque des faits reprochés à Hakim R, en 2004, le décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978, conférant à la société Française des Jeux le monopole de l'exploitation des jeux de loterie, n'assignait à cette société aucun objectif d'intérêt général ; que l'article 1er de ce décret a été modifié par un décret n° 2006-174 du 17 février 2006, prévoyant que l'offre de jeux de loterie " doit respecter les objectifs suivants :
- assurer l'intégrité, la sécurité et la fiabilité des opérations de jeux et veiller à la transparence de leur exploitation ;
- canaliser la demande de jeux dans un circuit contrôlé par l'autorité publique, afin de prévenir les risques d'une exploitation des jeux d'argent à des fins frauduleuses ou criminelles et de lutter contre le blanchiment d'argent ;
- encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance ;
- veiller à ne pas inciter les mineurs de moins de 16 ans à jouer " ; que cet article a encore été modifié par un décret n° 2007-729 du 7 mai 2007, prévoyant que " les jeux de loterie ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés " ; qu'il résulte de ces modifications successives que les prétendus " objectifs " d'intérêt général susvisés, pris en compte par la cour d'appel pour justifier une restriction des jeux de loterie, n'ont été en réalité prévus dans la réglementation qu'après les faits litigieux ; que la réglementation en vigueur à l'époque des faits reprochés ne visait pas ces objectifs, et devait donc apparaître contraire à l'article 49 du traité de Rome ; qu'en opposant néanmoins cette réglementation au prévenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que, subsidiairement, une réglementation nationale restreignant l'exploitation de jeux de loterie n'est compatible avec l'article 49 du traité de Rome que si elle est justifiée par des objectifs d'intérêt général, et si les restrictions imposées sont propres à garantir la réalisation de ces objectifs ; qu'en jugeant que la réglementation conférant à la société Française des Jeux le monopole de l'organisation et de l'exploitation de jeux de loterie serait compatible avec l'article 49 du traité de Rome, aux motifs qu'elle viserait un objectif de réduction des occasions de jeux, en particulier l'objectif d'"encadrer la consommation des jeux " afin de " prévenir le développement des phénomènes de dépendance ", sans rechercher si la société Française des Jeux profitait en réalité de son monopole pour développer son chiffre d'affaires et augmenter les recettes fiscales, en poursuivant une politique de diversification de ses jeux et d'expansion impropre à garantir la réalisation des objectifs susvisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"3°) alors que, plus subsidiairement, une réglementation restreignant l'exploitation de jeux de loterie n'est compatible avec l'article 49 du traité de Rome que si elle est justifiée par des objectifs d'intérêt général, et si les restrictions imposées ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs ; qu'en jugeant que la réglementation en cause, conférant à la société Française des Jeux le monopole de l'exploitation de jeux de loterie, serait compatible avec l'article 49 du traité de Rome, au motif qu'elle viserait des objectifs d'intérêt général, sans rechercher si ces objectifs pouvaient être atteints par des mesures moins restrictives que l'instauration dudit monopole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'en faisant application du texte d'incrimination de droit interne, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître le texte conventionnel invoqué ; Que, d'une part, les dispositions combinées de la loi du 21 mai 1836 et du décret du 9 novembre 1978, dans sa version applicable à l'époque des faits, qui réservent l'organisation et l'exploitation des loteries à une société contrôlée par l'Etat, sont commandées par une raison impérieuse d'intérêt général tenant à la protection de l'ordre public par la limitation des jeux et leur contrôle ;
Que, d'autre part, la restriction apportée à la liberté de prestation de service, qui est garantie par l'article 49 du traité CE, est proportionné à l'objectif poursuivi ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 3 de la loi du 21 mai 1836, 136 de la loi du 31 mai 1933, 1er du décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978, L. 121-36, L. 121-41 et L. 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hakim R coupable d'organisation de loterie prohibée et de tromperie, l'a condamné à 15 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que " sur le fond : le délit de loterie illicite : que, selon la réglementation, les loteries ne sont prohibées que lorsqu'elles réunissent cumulativement quatre conditions (une offre au public, l'espoir d'un gain, l'intervention du hasard et un sacrifice financier du participant pour pouvoir participer au jeu) ;
que, par ailleurs, une loterie dite " à double entrée " offrant cumulativement au choix du consommateur un accès de participation gratuit et l'autre payant, n'est pas considéré comme illicite ;
qu'au surplus, dans le cas d'une loterie " à double entrée ", il n'est pas exigé une égalité des conditions d'accès entre la voie gratuite et la voie payante mais un accès réel et effectif à la voie gratuite permettant de bénéficier d'une équivalence de chances et de gains et que le consommateur ait été clairement informé de l'existence de la voie gratuite ; que, pour relaxer le prévenu, les premiers juges rapportent que " des affiches et des affichettes avaient été mises au point pour annoncer dans chaque point de vente l'existence du jeu " et que " des présentoirs avaient été adaptés pour offrir aux clients des buralistes la possibilité d'accéder sans achat préalable aux modalités de la loterie " ; mais que l'examen des pièces citées par le tribunal fait apparaître que les affiches ne faisaient qu'annoncer l'existence de ce jeu mais ne mentionnaient aucune information sur l'existence de la voie gratuite ; qu'en outre, la présence des présentoirs, comprenant des magazines en accès libre, alléguée par le prévenu n'a été constatée lors de l'enquête, ni par les services de police lors de leurs transports dans les bars-tabacs ni par les deux constats d'huissier en date du 11 mars 2004 produits par la partie civile ; qu'il convient de rappeler qu'au terme de l'enquête, le magazine Fortune Magazine était vendu sous plastique fermé et qu'en conséquence, le consommateur devait payer le magazine pour connaître le règlement du jeu ; que, de plus, les vérifications faites par le service de police sur le site internet www.perpetuite.com ont permis de constater que la notion de gratuité n'était pas indiquée de prime abord puisqu'il fallait cliquer sur l'onglet " règlement ", en plus petits caractères, en haut à gauche du site, pour pouvoir télécharger le règlement du jeu " perpétuité " et trouver les modalités de remboursement au paragraphe 3 § 6 ; qu'il était donc nécessaire d'utiliser un accès supplémentaire, télécharger et lire le règlement jusqu'à la page 4 pour connaître l'existence d'un canal gratuit ; qu'ainsi, au cas d'espèce, le canal gratuit ne saurait être considéré comme étant effectif et l'information du consommateur comme étant facilement accessible dans la mesure où :
- l'adresse pour pouvoir bénéficier de ce canal n'était pas inscrite sur la couverture du magazine et qu'il fallait acheter cette publication pour la connaître ;
- sur le site internet, l'existence du canal gratuit était peu apparente puisqu'il n'en était fait mention qu'au sein d'un règlement à télécharger ;
que, par ailleurs, les constatations des services de police et de la DRCCRF faites sur le magazine Fortune Magazine (format et contenu) ont permis d'établir que ce dernier constituait en réalité un accessoire de la vente déguisée d'un coupon de jeu ; qu'il y a lieu en effet de relever que :
- le ticket du jeu est de format sensiblement égal à celui du magazine ;
- les informations fournies par les quinze pages du magazine (dont le jeu représente la couverture) sont particulièrement générales et sommaires ;
- malgré ce contenu des plus succincts, Fortune Magazine était vendu (essentiellement dans des bars-tabac, points PMU et points Loto) pour la somme de 3 euro, prix de magazine de fond tels que Le Point, l'Express, le Nouvel Observateur (prix de revient de 0,09 euro, soit 2,91 euro de bénéfice et donc 500 000 magazines x 2,91 euro = 1 455 000 euro de bénéfice...) ;
que la cour observe que la gratuité du jeu perpétuité ne présente qu'un caractère factice dès lors que le magazine est le support du jeu et non l'inverse ; qu'Hakim R savait parfaitement qu'il devait indiquer une adresse pour le canal gratuit, afin que l'opération soit licite ; que, toutefois, la difficulté d'accès à cette information, voire la nécessité d'acquérir un magazine sous cellophane en le payant, ont ruiné le dispositif prévu ; que le délit d'organisation de loterie prohibée est caractérisé en tous ses éléments à l'encontre d'Hakim R du moins pour les faits commis courant 2004, les faits poursuivis ayant cessé en 2005 ; que la cour, dès lors, par substitution de motifs, confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef d'organisation de loterie prohibée, pour les faits commis courant 2005, mais l'infirmant pour le surplus, déclarera Kakim R coupable pour les faits qualifiés d'organisation de loterie prohibée, commis à Paris courant 2004 ; le délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise : que le tableau des lots mentionné à l'article 4 du règlement du jeu "Perpétuité" est erroné en ce qu'il tend à faire croire que la probabilité de gagner au premier rang serait identique à celle du Loto, à savoir une chance sur 13 millions alors qu'après analyse de la partie civile, la chance de gagner la rente de 3 000 euro à vie n'est que de une chance sur plus de 300 mille milliards, ce qui équivaut à l'absence de toute chance de gain ; que vainement Hakim R soutient que les observations effectuées par la FDJ seraient inexactes car effectuées à partir d'une dotation globale ; que la cour relève, comme souligné à juste titre par les premiers juges, que ces critiques ne sont pas fondées dans la mesure où les calculs ont été opérés à partir des phases successives du jeu ; que la cour observe par ailleurs qu'Hakim R ne conteste pas sérieusement le caractère erroné du tableau de probabilité de gains puisqu'il précise lui-même dans ses écritures que ce tableau, réalisé par ses soins, et transmis à ses conseils, comportait deux grossières erreurs de calcul dont l'une seulement avait été rectifiée dans le règlement final du jeu ; que la cour souligne par ailleurs que :
- même si les avocats du prévenu ont procédé au calcul critiqué et que celui-ci a été validé par un huissier, en tant que mandataire de la société X Editions, Hakim R avait l'obligation de vérifier personnellement, sa responsabilité pouvant être engagée en tant qu'éditeur du jeu ;
- il aurait dû le soumettre à un mathématicien professionnel des probabilités, afin de s'assurer de sa justesse et non à des juristes dont ce n'est nullement le métier ;
- si la loi n'impose pas d'informer les joueurs sur les probabilités de gains, il importe que celles-ci, lorsqu'elles sont annoncées à la seule initiative de l'organisateur du jeu, soient exactes afin de ne pas induire les consommateurs en erreur ;
- si les probabilités de gain ont été communiquées, c'est évidemment pour inciter le consommateur à jouer et à acheter le jeu ;
- or une chance sur 13 millions de gagner est sans aucune commune mesure avec une chance sur 300 mille milliards ;
qu'Hakim R ne peut utilement faire plaider la non-applicabilité du délit de tromperie à un acte gratuit dans la mesure où le canal gratuit de la loterie " à double entrée " litigieuse n'était pas effectif ; qu'annoncer des probabilités de gains inexactes est constitutif du délit de tromperie visé à la prévention ; que, dès lors, la cour confirmera le jugement querellé en ce qu'il a, à bon droit, retenu la culpabilité du prévenu pour le délit de tromperie commis au cours de l'année 2004 et prononcé sa relaxe de ce chef pour l'année 2005, l'opération analysée ayant cessé à cette période (...) " ;
"1°) alors qu'il ressort de la pièce D131 du dossier de la procédure que les affiches publicitaires pour le jeu " perpétuité " comportaient la mention : " jeu gratuit sans obligation d'achat " ; qu'en retenant que ces affiches ne mentionnaient aucune information sur l'existence d'une voie gratuite, la cour d'appel a dénaturé la pièce susvisée ;
"2°) alors que, pour démontrer le caractère effectif de la voie d'accès gratuite au jeu " perpétuité ", Hakim R faisait notamment valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 7 et 8), que " des présentoirs avaient été adaptés pour offrir aux clients des buralistes la possibilité d'accéder sans achat préalable aux modalités de la loterie" ; que " cependant, dès le 26 janvier 2004, de nombreux détaillants avaient informé l'organisateur de leur souhait de mettre fin à leur relation et avaient retourné les éléments qui leur avaient été confiés " ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que la voie d'accès gratuite au jeu n'aurait pas été effective, que " la présence des présentoirs, comprenant des magazines en accès libre, alléguée par le prévenu n'a été constatée lors de l'enquête, ni par les services de police lors de leurs transports dans les bars-tabac ni par les deux constats d'huissier en date du 11 mars 2004 produits par la partie civile ", sans rechercher si des présentoirs avaient pu être livrés aux buralistes, puis retournés par ceux-ci, avant l'intervention des huissiers de justice et des services de police, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"3°) alors que, la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant que le magazine " Fortune Magazine " était vendu " sous plastique fermé " avec un ticket de participation au jeu "perpétuité", et que l'accès au règlement du jeu sur internet n'était pas effectif, de sorte que " le consommateur devait payer le magazine pour connaître le règlement du jeu " (arrêt attaqué, p. 16), tout en jugeant que le consommateur aurait été déterminé à acheter le jeu par un article du règlement du jeu relatif aux probabilités de gain (arrêt attaqué, p. 18), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de loterie prohibée dont elle a déclaré le prévenu coupable ; D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.