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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 5 février 2009, n° 07-04388

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

General Logistic Systems France (SA)

Défendeur :

Trans Service Logistique (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Simonnot

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Gimonet

Avoués :

SCP Castyres, Colleu, Perot & Le Couls-Bouvet, SCP Bazille

Avocats :

Mes Lecomte, Cabinet Eymin Seite & Associés

T. com. Quimper, du 12 juill. 2007

12 juillet 2007

Exposé des faits - procédure - objet du recours

Suivant déclaration en date du 12 juillet 2007 la SA General Logistic Systems France (GLS) a interjeté appel d'un jugement rendu le 22 juin 2007 par le Tribunal de commerce de Quimper qui l'a condamnée à payer à Trans Service Logistic (TSL) la somme correspondant à un an de marge brute de TSL en réparation du préjudice subi du fait de l'insuffisance de délai congé proportionnel et ordonné une expertise confiée à Monsieur Leroux expert-comptable pour chiffrer sur cette base le préjudice;

Qui a condamné GLS à payer à TSL la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Elle demande à la cour, aux termes de ses conclusions en date du 21 août 2008, de dire que le comportement de TSL est constitutif d'une faute grave justifiant la rupture sans préavis du 12 avril 2005;

De débouter TSL de l'intégralité de ses demandes;

Subsidiairement de dire le préavis de 3 mois offert lors de la rupture du 28 janvier 2005 satisfactoire et de débouter TSL de l'intégralité de ses demandes;

En toutes hypothèses de condamner TSL au paiement de la somme de 45 000 euro à titre de dommages et intérêts outre 25 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Aux termes de ses écritures en date du 11 septembre 2008, la SARL Trans Service Logistic demande à la cour de dire que la société GLS ne caractérise pas la faute de la société TSL et de dire que l'appelante ne justifie pas du préjudice qu'elle prétend avoir subi;

De débouter en conséquence la société GLS de sa demande et de confirmer sur ce point la décision du Tribunal de commerce de Quimper;

De dire en revanche que la société GLS a rompu brutalement et abusivement les relations contractuelles la liant à la société TSL depuis le mois de mai 1996;

En conséquence de réformer partiellement le jugement déféré et de condamner la société GLS à réparer le préjudice subi de ce fait et à ce titre de fixer à 1 168 000 euro, tous préjudices confondus, le montant des dommages et intérêts à régler par la société GLS à la société TSL;

Subsidiairement de valider la mission de l'expert désigné par le Tribunal de commerce de Quimper visant à chiffrer le préjudice à un an de marge brute;

De condamner la société GLS à payer à la société TSL la somme de 251 210,81 euro à titre de remboursement des sommes déboursées pour le licenciement de 16 salariés à savoir les préavis et indemnités de licenciement;

En tout état de cause de condamner la société GLS à payer à la société TSL une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à la décision attaquée et aux écritures des parties régulièrement signifiées;

Motifs de la cour

Considérant que la société TSL, qui a été créée en 1996 et qui a notamment pour objet le transport routier de marchandises, est le prestataire de services exclusif de la société GLS, ex-Extand/GLS, pour le transport de colis et marchandises ; que la flotte de la société TSL était constituée d'une vingtaine de véhicules et que la société employait une vingtaine de salariés ; qu'elle exerçait son activité dans des locaux mis gratuitement à sa disposition par la société GLS et appartenant à la SCI Loker;

Considérant qu'aucun contrat écrit n'a été régularisé entre les sociétés;

Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 janvier 2005 la société GLS mettait fin à la relation contractuelle liant les parties sous réserve d'un préavis de trois mois;

Que le 12 avril 2005, soit avant l'expiration du délai de préavis la société GLS signifiait à la société TSL la rupture de leurs relations contractuelles;

Considérant que par lettre du 9 juin 2005 la société TSL notifiait à ses salariés leur licenciement, leur préavis expirant le 9 août 2005;

Considérant que le 4 mai 2005 la GLS a fait assigner la société TSL, aux fins de l'entendre condamner au paiement de la somme de 45 000 euro en réparation du préjudice subi du fait d'un grand nombre d'incidents survenus pendant la période de délai-congé qu'elle avait consenti à son entreprise de messagerie, devant le Tribunal de commerce de Quimper qui a rendu la décision aujourd'hui déférée à la cour;

Considérant qu'au soutien de son recours la GLS fait valoir:

- que la rupture du contrat de prestations à la date du 28 janvier 2005 avec un préavis de trois mois est conforme aux règles applicables, la rupture anticipée du 14 avril 2005 étant simplement la conséquence de la faute grave commise par TSL pendant l'exécution du préavis;

- que le désistement en cours de procédure de son appel interjeté à l'encontre du jugement du Conseil des prud'hommes de Quimper du 4 octobre 2006 la condamnant à engager 14 salariés de TSL avec effet rétroactif doit avoir pour effet:

* d'annuler les licenciements prononcés par TSL à l'égard de ses 14 salariés le 9 juin 2005;

* de transformer à la date du 12 avril 2005 le contrat de prestation de services en un simple contrat de location de véhicules puisque les chauffeurs appartenaient à GLS rétroactivement depuis leur embauche;

- que le Tribunal de commerce de Quimper a commis des erreurs en rejetant toute notion de faute dans le comportement de la société TSL et en octroyant un préavis de 12 mois, ainsi qu'en prenant en compte un calcul de marge sur l'intégralité de l'activité et non sur celle résultant d'un simple louage de véhicule;

Considérant que la société TSL conteste cette analyse;

- Sur la faute reprochée par la société GLS à la société TSL

Considérant que la GLS reproche à la société TSL, postérieurement à la notification de la rupture de leurs relations commerciales et avant la fin du préavis qui se terminait le 28 avril 2005, d'avoir commis diverses actions à l'encontre de salariés de la GLS, de s'être approprié le dépôt et d'avoir retenu indûment des colis destinés à être livrés;

Qu'elle estime qu'un tel comportement justifiait que la durée du préavis soit abrégée;

Considérant qu'il n'est aucunement contesté par la société TSL qu'un incident s'est produit dans ses locaux le 9 décembre 2004 ; que si cet incident a pu servir à la société GLS de prétexte pour rompre le contrat qui la liait à la société TSL, il est antérieur à la rupture et ne peut justifier un préavis abrégé;

Considérant par ailleurs qu'il résulte des pièces du dossier que des altercations et des échanges de courriers peu amènes ont eu lieu postérieurement à l'envoi de la lettre de rupture du 28 janvier 2005;

Que cependant la société GLS ne justifie d'aucun dommage résultant de ces relations tendues avec la société TSL;

Que les mécontentements de clients dont fait état la société appelante se sont tous révélés après qu'elle ait elle-même abrégé prématurément le préavis ; que ces mécontentements, dont la preuve n'est pas rapportée qu'ils soient la conséquence du comportement de la société TSL, ne sauraient justifier que le préavis de trois mois ne soit pas respecté;

Qu'ils ne fondent d'aucune façon une demande de dommages et intérêts;

Considérant que le Tribunal de commerce de Quimper sera confirmé en ce qu'il a débouté la société GLS de sa demande de ce chef;

- Sur la demande de la société TSL

Considérant que la société TSL fait valoir qu'elle était en totale dépendance économique de la société GLS, l'intégralité de son temps et de ses moyens humains et matériels étant consacrés à la seule activité générée par GLS;

Considérant que pour écarter l'application des dispositions du décret du 19 juillet 2001 instaurant un contrat-type applicable aux relations entre commissionnaires de transport et sous-traitants, la société TSL fait valoir que sa situation de dépendance vis-à-vis de GLS est telle qu'il convient en l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce lequel dispose que le préavis doit tenir compte de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale déterminée, en référence aux éventuels usages de la profession, par des accords interprofessionnels;

Considérant en l'espèce qu'il ne peut être sérieusement contesté que la société TSL était dans une totale dépendance de la société GLS dans la mesure où toute son activité était consacrée à celle-ci, que notamment ses véhicules portaient le logo GLS, que ses employés portaient un uniforme et un badge GLS, qu'elle était hébergée dans des locaux mis gratuitement à sa disposition par GLS, que cette dernière était son donneur d'ordre exclusif;

Considérant que cette dépendance a été consacrée par un jugement rendu le 4 octobre 2007 par le Conseil des prud'hommes de Quimper contre lequel GLS a renoncé à faire appel;

Considérant ainsi que c'est à bon droit que le Tribunal de commerce de Quimper a estimé que dans une telle situation un préavis d'un an apparaissait justifié compte tenu en outre de la soudaineté de la rupture;

Qu'il apparaît en effet que l'incident du mois de décembre 2004 a été le prétexte pour la société GLS pour concrétiser une rupture qu'elle envisageait depuis longtemps, ayant un projet de restructuration de ses activités;

Considérant en ce qui concerne l'indemnisation de la société TSL que le tribunal de commerce a estimé que celle-ci devait être calculée sur la marge brute sur une année correspondant à la durée du préavis non accordé

Que la société GLS, pour tenir compte de la décision prud'hommale lui transférant la quasi-totalité des contrats de travail estime que sa relation avec la société TSL doit être requalifiée en contrat de location de véhicule;

Considérant cependant que ce transfert n'a aucun effet rétroactif pour les sociétés elles-mêmes et ne modifie en rien les relations qu'ont entretenues les deux sociétés depuis 1996;

Considérant que c'est en outre à bon droit que les premiers juges ont ordonné une expertise afin de chiffrer le préjudice subi par la société TSL; qu'il convient de préciser que l'expert devra tenir compte dans son calcul des frais de licenciement restés à la charge de la société TSL après reprise des contrats de travail par la société GLS;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel et qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société GLS à payer à la société TSL la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Que succombant en appel la société GLS supportera les dépens de première instance et d'appel;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision déférée, Y additant, Dit que l'expert devra tenir compte dans son évaluation du préjudice de l'impact sur la société TSL de la décision du Conseil des prud'hommes de Quimper en date du 4 octobre 2007, Condamne la société GLS à payer à la société TSL la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société GLS aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.