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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 22 janvier 2009, n° 07-05197

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selectour Voyages (SA)

Défendeur :

Publications de voyages et de multimédias publications (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

Me Couturier, SCP Taze-Bernard-Belfayol Broquet

Avocats :

Mes Coat, Halpern

T. com. Paris, du 21 févr. 2007

21 février 2007

Vu l'appel interjeté, le 22 mars 2007, par la société Selectour Voyages d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris, du 21 février 2007, qui l'a condamnée à payer à la société PVM Publications-Publications de voyages et de multimédias 81 000 euro de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies et 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de Selectour Voyages, du 28 octobre 2008, tendant à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes de PVM Publications et à sa condamnation à lui payer 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de PVM Publications, du 5 novembre 2008 qui prie la cour de confirmer le jugement, sauf sur le montant des dommages et intérêts, de condamner Selectour Voyages à lui payer, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, 330 000 euro en réparation du préjudice lié à la difficulté de réorienter son activité, 280 642,79 euro au titre des gains manqués et 100 000 euro au titre de son préjudice moral, et 3 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'ordonner la publication aux frais de l'appelante dans 3 journaux ou revues à concurrence de 6 000 euro HT par insertion, d'un texte de 5 lignes mentionnant la condamnation de celle-ci pour avoir porté atteinte à ses droits en rompant brusquement et sans aucun préavis ni justification les relations commerciales qu'elles entretenaient depuis 18 ans;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la société Selectour Voyages est une société anonyme à capital variable qui fournit à ses sociétaires, qui sont des agences de voyages, des produits et des services touristiques, et à cet effet se charge de faire éditer des catalogues et des documents publicitaires;

Qu'à partir de 1988, elle a confié successivement ses publications à la société Clic Clac, qui a fusionné avec le groupe PVM Communication, puis à la société Publications de Voyages et de Multimédias-Publications, qui a pour sigle PVM Publications, constituée en 2003 pour racheter le fonds de commerce de PVM Communication, dans le cadre d'un plan de cession arrêté par un jugement du Tribunal de commerce de Paris, du 16 décembre 2003;

Considérant que Selectour, qui faisait réaliser cinq de ses brochures par PVM Publications, a décidé, dans le premier semestre de l'année 2005, de supprimer sept brochures d'information qui ne correspondaient plus à ses besoins, dont deux étaient confiées à un autre fournisseur, et de n'en éditer que cinq par an, à partir de la saison 2005/2006, avec des titres différents, en faisant appel à un autre prestataire;

Que PVM Publications a appris cette décision, lors d'un entretien téléphonique du 20 mai 2005, par Mme Chapu-Leclerc qui travaillait pour le compte de l'appelante ;

Qu'aucune réponse n'a été apportée par Selectour à la lettre du 20 juin 2005 du dirigeant de PVM Publications demandant confirmation de cette décision;

Considérant que PVM Publications estimant que Selectour avait rompu brusquement et sans justification les relations commerciales qu'elles entretenaient depuis 18 ans a assigné, le 24 janvier 2006, cette société devant le Tribunal de commerce de Paris, qui a statué dans les termes ci-dessus rappelés, retenant que:

- PVM Publications était fondée à se prévaloir d'une durée de relations commerciales de 18 années, puisqu'en reprenant le fonds de commerce de PVM Communication, elle avait repris la clientèle,

- Selectour avait rompu les relations sans préavis,

- les usages des industries de la communication et de l'impression n'étaient pas opposables à PVM Publications et elle devait être indemnisée de l'ensemble de ses préjudices calculé eu égard à un préavis de 18 mois, en fonction de la moyenne de la marge brute réalisée sur trois ans, avec une réduction de ses prix de 18 % pour tenir compte de leur surestimation;

Considérant que, si la décision de Selectour de supprimer certaines de ses brochures d'information qui ne correspondaient plus à ses besoins n'est pas discutable, de même que son choix de changer de prestataire, il demeure qu'elle n'a aucunement, personnellement, verbalement ou par écrit, indiqué à PVM Publications les motifs de la rupture de leurs relations et qu'elle n'en a précisé les raisons que dans le cadre de la présente instance ;

Considérant que Selectour reprend en appel l'argumentation qu'elle avait déjà développée en première instance, suivant laquelle il ne ressortirait pas des termes du jugement arrêtant le plan de cession du fonds de commerce de PVM Communication à PVM Publications que cette dernière aurait repris la clientèle, qui ne figurait pas dans le périmètre de la reprise exclusivement limité aux marques, logos et titre de journaux;

Que la citation qu'elle donne des observations de Me Chavaux, ès qualités, reprises par le tribunal, est incomplète, puisque cet administrateur judiciaire, certes, explique que les résultats de la seconde période d'observation se sont dégradés et que le non-renouvellement du contrat du principal client a rendu inenvisageable le plan d'apurement du passif, mais fait état préalablement du maintien des principaux clients, d'où il résulte qu'il y avait bien une clientèle susceptible d'être cédée dans le cadre du plan de cession;

Que l'acte de cession signé le 10 mai 2004 désigne d'ailleurs parmi les éléments cédés la clientèle qui est un élément essentiel du fonds de commerce;

Que Selectour a elle-même, en poursuivant ses relations de cliente avec la nouvelle société créée par le fils de l'ancien dirigeant de PVM Communication pour en reprendre le fonds de commerce, considéré qu'il y avait une continuité dans leurs relations, et qu'elle est mal venue à soutenir que les relations commerciales auraient débuté le 9 décembre 2003 pour les insertions publicitaires et le 14 novembre 2003 pour les travaux d'édition;

Que c'est donc à juste titre que PVM Publications se prévaut de l'ancienneté de ses relations avec Selectour et de leur caractère établi depuis 18 années;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement sur ce point;

Considérant que c'est exactement que le tribunal a relevé qu'il n'y avait en aucun préavis écrit; que l'information verbale, qui plus est donnée par une personne qui n'était pas encore l'employée de Selectour à cette époque, n'équivaut pas à un préavis écrit;

Considérant que c'est à tort que Selectour soutient que devraient être appliqués à la durée du préavis les usages professionnels et conditions générales de vente du Syndicat National des Industries et de la Communication Graphique et de l'imprimerie Française (SICOGIF), alors que l'activité de PVM Publications relève de l'édition, non de l'impression ou de l'industrie de la communication graphique;

Que, par ailleurs, le délai fixé pour le terme de leurs relations à la saison hiver 2005/2006 était beaucoup trop bref pour envisager et réaliser une réorientation de l'activité que PVM Publications réalisait avec Selectour et qui représentait 32 % de son chiffre d'affaires, d'autant qu'aucune critique n'avait jamais été formulée sur son travail;

Considérant qu'il est ainsi établi que Selectour a engagé sa responsabilité et doit réparer le préjudice qu'elle a causé à PVM Publications en rompant brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de 18 années de leur relation commerciale et respectant une durée minimale de préavis, que le tribunal a exactement fixé à un an;

Considérant que PVM Publications réclame à titre de réparation des conséquences financières de la rupture des relations la somme de 330 000 euro, au titre des gains manqués calculés sur une période de 18 mois et sur une moyenne des trois dernières années la somme de 280 642,79 euro, et au titre de son préjudice moral la somme de 100 000 euro qu'elle souligne que l'exercice clos au 31 décembre 2005 montre un résultat d'exploitation négatif et un résultat courant avant impôt en baisse;

Que Selectour estime qu'en tenant compte d'un résultat d'exploitation de 159 002 euro pour un chiffre d'affaires total de 2 339 440 euro comprenant celui réalisé avec elle de 464 649,73 euro, la marge réalisée ne pouvait être que de 31 580,31 euro et qu'en retenant un préavis de 3 mois, le gain manqué ne serait que de 7 895,07 euro;

Mais considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a fixé le montant du préjudice économique réellement découlé de la faute commise par Selectour à la somme de 81 000 euro;

Considérant que, si l'appelante était libre de supprimer certaines de ses brochures et de recourir à un autre prestataire, il demeure que la loyauté qu'elle devait avoir à l'égard d'un partenaire avec lequel elle avait entretenu des relations commerciales depuis 18 ans, sans lui faire de reproches, devait la conduire à l'informer elle-même de ce qu'elle n'entendait pas poursuivre cette relation et que ne l'ayant pas fait elle a fait preuve d'un comportement vexatoire qui doit être réparé par sa condamnation à payer à l'intimée une somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts;

Que le jugement sera infirmé de ce chef;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la publication de l'arrêt, la nature de l'affaire ne le justifiant pas d'une part, et preuve n'étant pas faite que l'appelante aurait donné une publicité à la fin de ses relations avec l'intimée, d'autre part;

Considérant que l'équité commande de condamner en appel Selectour à payer à PVM Publications une indemnité de 3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter sa demande;

Par ces motifs, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement, sauf sur le rejet de la demande au titre du préjudice moral, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Selectour Voyages à payer à la société PVM Publications une somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en appel et une indemnité de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Selectour Voyages aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.