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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 30 avril 2009, n° 07-04256

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Hypermarchés France (SAS)

Défendeur :

La Grande Récré (SARL), Syndicat français du jouet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

SCP Hardouin, Me Huyghe

Avocats :

Mes Roy-Masurel, Bronquard

T. com. Meaux, du 23 janv. 2007

23 janvier 2007

Vu l'appel interjeté, le 8 mars 2007, par la société Carrefour Hypermarchés France d'un jugement du Tribunal de commerce de Meaux, du 23 janvier 2007, qui a déclaré recevable la demande du Syndicat Français du Jouet et de la société La Grande Récré et l'a condamnée à payer au Syndicat Français du Jouet la somme de 1 euro TTC et à la société La Grande Récré 3 000 euro TTC et une indemnité de 1 000 euro chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la société Carrefour, du 14 janvier 2009, qui prie la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement et de débouter le Syndicat Français du Jouet et la société La Grande Récré de leurs demandes, à titre subsidiaire, de dire que les ventes intéressées s'inscrivaient dans la période terminale et autorisée, et de condamner conjointement et solidairement les intimés à lui payer 3 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions, du 23 janvier 2007, du Syndicat Français du Jouet et de la société La Grande Récré qui sollicitent la cour de déclarer irrecevable l'appel de la société Carrefour, de confirmer le jugement et de condamner cette société au paiement d'une indemnité de 2 000 euro chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR

Considérant que les intimés ne soutenant aucun moyen à l'appui de leur demande d'irrecevabilité d'appel, celle-ci sera rejetée;

Considérant que le Syndicat Français du Jouet et la société La Grande Récré, estimant que les magasins Carrefour d'Evreux et de Lieusaint avaient, respectivement les 20 et 21 décembre 2003, revendu à perte des articles de jouets en pratiquant une remise de 30 % effectuée directement en caisse, ce que révélait la comparaison entre le tarif fournisseur, le prix affiché à la vente et la remise consentie au public, ont, le 22 novembre 2005, assigné cette société devant le Tribunal de commerce de Meaux pour obtenir sa condamnation à payer au Syndicat un euro symbolique et à la société La Grande Récré la somme de 10 000 euro en réparation du préjudice subi;

Considérant que le tribunal a statué dans les termes ci-dessus rappelés, retenant qu'il résultait des pièces du dossier que les articles incriminés avaient été vendus à leur prix d'achat majoré de la TVA applicable, pour 4 d'entre eux, et à un prix inférieur pour le produit AM Altitude et ce, avant même que ne soit pratiquée une remise de 30 %, et qu'après application de la remise l'ensemble des articles avait été vendu à perte ; que, si cette pratique n'est pas illicite, lorsqu'elle intervient lors de la période terminale de la vente d'un produit saisonnier, ce n'était pas le cas en l'espèce, la société Carrefour ayant utilisé les articles de jouets comme un produit d'appel dès avant la période terminale des ventes, et le produit AM Altitude ayant même été vendu à perte avant la période incriminée ; que la société Carrefour ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 442-4 I du Code de commerce et avait commis un acte de concurrence déloyale;

Considérant que l'article L. 442-4 I Code de commerce, dispose en son 1° a) que les dispositions de l'article L. 442-2 ne sont pas applicables aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué pendant la période terminale de la saison des ventes;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Carrefour, les éléments matériels invoqués par les intimés sont suffisants pour apprécier s'il y a eu revente à perte;

Qu'en effet, les tickets de caisse du magasin Carrefour d'Evreux mentionnent pour les trois jouets concernés Ranga Tanga, Barbie Krissy et Jungle Diabolic, le prix de vente qui aurait dû être pratiqué, la remise consentie de 30 % (respectivement 9 euro, 9,90 euro et 6,90 euro), la date de l'achat du 20 décembre 2003, et pour le magasin de Lieusaint les jouets AM Altitude et Arbre Découverte, avec les remises respectives de 6,27 euro et de 16,71 euro, et la date d'achat du 21 décembre 2003;

Qu'il suffit alors de se reporter aux tarifs des fournisseurs pour comparer les prix consentis aux distributeurs et ceux pratiqués par la société Carrefour avec sa propre clientèle;

Que, sur ce point, la société Carrefour est mal venue à reprocher aux intimés de se référer aux tarifs des fournisseurs communiqués par la société La Grande Récré, alors que, revendiquant le secret des affaires, s'agissant des tarifs qui lui sont consentis ainsi que des contrats de coopération commerciale pouvant avoir un impact sur les tarifs dont elle bénéficie, elle refuse d'indiquer, pour les ventes concernées, le prix consenti par ses fournisseurs pour chaque jouet et d'en justifier, au besoin par une attestation de ceux-ci; que force est de constater, par ailleurs, qu'elle fait valoir qu'elle n'a jamais affirmé bénéficier de tarifs différents de ceux des autres détaillants;

Considérant que la comparaison des prix pratiqués dans les deux magasins Carrefour avec les tarifs des fournisseurs communiqués permettent de conclure que les éléments de la revente à perte sont caractérisés

Que le jugement sera donc confirmé sur ce point;

Considérant que la société Carrefour fait vainement valoir que cette revente à perte serait licite, dans la mesure où les 20 et 21 décembre étaient les derniers jours où les consommateurs effectuaient leurs achats et constituaient la période terminale de la saison des ventes au sens de l'article L. 442-4 I du Code de commerce, alors que, si la vente de jouets a un caractère saisonnier, qu'elle démarre en novembre et se poursuit au cours du mois de décembre, elle se termine dans la journée du 24 décembre avec les achats de dernière heure qui constituent encore un volume d'affaires non négligeable;

Que l'argument suivant lequel les remises pratiquées seraient sélectives en raison d'invendus est d'autant moins crédible que les jouets concernés recueillent la faveur des consommateurs, et d'autant moins avéré que la société Carrefour ne démontre pas qu'elle courrait un risque d'invendus;

Qu'ainsi la licéité de la revente à perte n'est pas caractérisée;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement, y compris sur le montant des dommages et intérêts qui ont été alloués;

Considérant qu'en raison du sens du présent arrêt, la société Carrefour doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Considérant que l'équité commande de condamner la société Carrefour à payer à chacun des intimés 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter sa demande;

Par ces motifs, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement Déboute la société Carrefour Hypermarchés France de ses demandes, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Carrefour Hypermarchés France à payer en appel au Syndicat Français du Jouet et à la société La Grande Récré une indemnité de 2 000 euro chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Carrefour Hypermarchés France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.