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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 26 mars 2009, n° 08-07723

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hippo Gestion et Cie "Hippo" (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mandel

Conseillers :

Mmes Valantin, Lonne

Avocat :

Me Pinson

TGI Nanterre, prés., du 17 juil. 2008

17 juillet 2008

La SNC Hippo Gestion et Cie (Hippo) a interjeté appel le 25 juillet 2008 par son conseil d'une ordonnance rendue le 17 juillet 2008 par le président du Tribunal de grande instance de Nanterre qui a rejeté sa requête tendant à être dispensée de respecter le délai prévu à l'article L. 144-3 du Code de commerce (2 ans d'exercice personnel) pour la mise en location-gérance du fonds de commerce situé Espace centre commercial Chanterraines lot n° 12, 77-101 avenue du Vieux chemin de Saint Denis et 112 avenue du Général de Gaulle à Gennevilliers et ce, conformément aux réquisitions du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Nanterre.

La SNC Hippo a été immatriculée le 1er février 1995. Elle est dirigée par deux gérants non associés. Ses associés sont deux sociétés : le groupe Flo et la SNC Flo Tradition. Elle exerce sous le nom d'Hippopotamus et a son siège social à Courbevoie 5-76 place de l'Iris. Elle a plusieurs établissements dans le ressort qui sont tous exploités dans le cadre d'une location-gérance.

A l'appui de sa demande de dispense, elle fait valoir que dans le cadre de sa réorganisation économique, juridique et comptable elle souhaite mettre en location-gérance le fonds de commerce ouvert à Gennevilliers ; que cette mise en location-gérance est nécessaire car elle ne pouvait pas exploiter le fonds personnellement par l'intermédiaire de salariés compte tenu du nombre de ses établissements et de leur dispersion géographique ; qu'il est nécessaire que chaque restaurant ait son autonomie et que la mise en place d'une société filiale propre à chaque restaurant répond parfaitement à cet objectif.

Elle soutient que la dispense prévue par l'article L. 144-4 du Code de commerce ne suppose pas que le commerce ait déjà été exploité ; qu'en outre la jurisprudence a une interprétation large du texte ; qu'en particulier, il a été jugé que le choix même délibéré fait par une société commerciale d'avoir recours à la location-gérance comme mode d'exploitation de ses fonds de commerce n'est pas en soi significatif d'une intention spéculative contraire aux textes et que la mise en location-gérance ab initio était possible si elle répondait à des choix d'ordre économiques réels et convergents n'emportant pas les effets nocifs de la spéculation.

Elle ajoute que les créanciers ne sont pas privés de recours contre le fonds de commerce puisque celui-ci est seulement loué et qu'en vertu de l'article L. 144-6 du Code de commerce, les créanciers dont les dettes sont liées au fond, peuvent demander au tribunal de les déclarer immédiatement exigibles.

Le ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance.

Il fait valoir qu'une demande de dérogation même lors de la création du fonds de commerce n'est pas interdite et ne se trouve pas limitée par la seule impossibilité d'exploiter le fonds personnellement; que néanmoins, il est contraire à l'ordre public économique de vider de toute portée, les dispositions de l'article L. 144-3 du Code de commerce, ce qui est le cas lorsqu'une société ou "chaîne" décide par stratégie commerciale d'investir dans l'achat de fonds de commerce pour les placer en location-gérance en organisant la création d'une société différente ; qu'en effet, les créanciers d'un exploitant d'un fonds de commerce ainsi placé en location-gérance ne bénéficient pas, au cas de sa défaillance, du fonds de commerce comme gage de leurs créances et qu'une telle organisation permet d'échapper aux contraintes du droit du travail.

Sur ce,

Considérant que selon l'article L. 144-3 du Code de commerce "les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance";

Que l'article L. 144-4 du Code de commerce prévoit toutefois que le président du Tribunal de grande instance peut par ordonnance réduire ou supprimer le délai de deux ans d'exploitation personnelle du fonds quand le demandeur est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de préposés;

Considérant que la société Hippo a parmi ses activités dans la restauration, l'achat, l'exploitation directe ou en gérance libres de tous fonds de commerce de restauration et d'hôtellerie ;

Considérant qu'en l'espèce, elle a acquis un fonds de commerce dans le centre commercial Chanterraines à Gennevilliers ;

Considérant que dans le cadre de l'organisation de la gestion de ses fonds de commerce, la société Hippo a choisi de faire une unité de chaque fonds de commerce et de le donner en location-gérance; que le fait de confier ainsi les fonds de commerce à des sociétés filiales pour les exploiter selon la location-gérance en raison d'une plus grande facilité de gestion de ses fonds de commerce dispersés, relève de sa seule décision sans qu'il soit démontré que d'autres modalités d'exploitation étaient impossibles ; qu'en effet, d'autres entreprises restent propriétaires de fonds de commerce dispersés ;

Considérant en outre que si cette organisation correspond à ses propres intérêts protégeant les éléments corporels et incorporels dont elle est propriétaire comme elle l'invoque, chaque fonds étant bien individualisé et simplifie sa gestion par rapport à l'administration de multiples salariés en divers endroits, elle ne démontre pas que la location-gérance, modalité retenue pour gérer localement ces unités autonomes et en particulier le fonds de commerce situé à Gennevilliers ne porte pas atteinte aux droits des créanciers et du personnel au regard de la législation sociale ;

Qu'en effet, le propriétaire du fonds de commerce du locataire-gérant n'est solidairement responsable que pendant un délai de six mois à compter de la publication de la location-gérance et les dispositions de l'article L. 144-6 du Code de commerce n'assurent pas la même garantie qu'une exploitation à titre personnel, comme la prise de sûretés;

Que par ailleurs, la société Hippo n'a donné aucune justification sur les mesures prises pour assurer le respect des droits des salariés des exploitations pour leur droit de représentation dont la location-gérance peut les priver pendant deux ans ; qu'au regard de cette situation et du nécessaire respect de l'ensemble des intérêts en cause, la société Hippo ne justifie pas de son impossibilité d'une organisation structurelle de son fonds de commerce situé à Gennevilliers avec une exploitation autre qu'une location-gérance pendant deux ans;

Qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise qui a refusé d'accorder la dispense sollicitée par la société Hippo ;

Par ces motifs,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, condamne la société Hippo Gestion et Cie aux dépens.