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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 9 avril 2009, n° 08-07996

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chattawak (SAS)

Défendeur :

Chantal Pieri (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

SCP Baufume-Galland-Vignes, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Me de Balmann, Covillard

T. com. Paris, du 6 févr. 2004

6 février 2004

Vu le jugement rendu le 6 février 2004 par le Tribunal de commerce de Paris qui, avec exécution provisoire, a:

- dit que le contrat était un contrat d'agence commerciale, et qu'il avait été rompu unilatéralement par la société Chattawak,

- condamné cette société à payer à la société Chantal Pieri 145 000 euro à titre d'indemnité de rupture, 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et rejeté les autres demandes ;

Vu l'arrêt rendu le 13 septembre 2006 par la Cour d'appel de Paris qui a confirmé le jugement et condamné la société Chattawak au paiement de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'arrêt rendu le 26 février 2008 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 13 septembre 2006, remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et les a renvoyées, pour être fait droit, devant la Cour d'appel de Paris autrement composée ;

Vu la déclaration de saisine de la présente formée le 16 avril 2008 par la société Chattawak ;

Vu les conclusions signifiées le 17 décembre 2008 par la société Chattawak, qui conclut à l'infirmation du jugement et au débouté de la demande d'indemnité de la société Chantal Pieri, en faisant valoir que les parties étaient liées par un contrat d'affiliation et non d'agence commerciale, qu'elle-même a respecté ses obligations contractuelles, et n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 20 octobre 2008, par la SARL Chantal Pieri, qui demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que le contrat du 11 juin 1999 est un contrat d'agence commerciale, ou à tout le moins un mandat d'intérêt commun, que la rupture est intervenue à l'initiative de Chattawak, et a condamné cette société à lui payer 145 000 euro à titre d'indemnité de rupture, à titre subsidiaire, qu'il soit jugé que la dénonciation du contrat par Chattawak est intervenue de manière fautive, sans respecter les délais contractuels, et constitue un abus du droit de rompre et que cette société soit en conséquence condamnée à lui payer 120 000 euro à titre de dommages et intérêt, que dans ce dernier cas, il soit aussi jugé que la société Chattawak a commis à son encontre des actes de concurrence déloyale, à savoir l'appropriation injustifiée de son fichier clientèle, et qu'elle soit condamnée à lui payer 30 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

Sur ce:

Considérant que la SARL Chantal Pieri a conclu en 1987, avec la société de prêt-à-porter Chattawak, un contrat de franchise auquel a été substitué le 11 juin 1999 un " contrat d'affilié " prenant effet le 19 juin suivant ;

Que le contrat, conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation avec un préavis de six mois, et assorti d'une exclusivité d'enseigne sur le territoire constitué par la ville d'Annecy, permettait à l'affilié " d'utiliser la marque Chattawak à titre d'enseigne " et de " disposer d'un stock de marchandises en consignation défini et financé par Chattawak " ;

Considérant que la société Chantal Pieri, estimant que ce contrat était un contrat d'agence commerciale, et qu'il avait été rompu à l'initiative du mandant, par acte du 6 février 2003, a assigné la société Chattawak devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement d'une indemnité de rupture de 175 000 euro à titre principal, de 120 000 euro à titre subsidiaire, et en tout état de cause, de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, ainsi que 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'exécution provisoire étant requise ;

Considérant que la société Chattawak s'est opposée à ces demandes, soutenant que la société Chantal Pieri avait la qualité de commissionnaire, que la fin des relations contractuelles résultait du seul fait de cette société, laquelle n'avait pas respecté les obligations résultant du contrat, qu'elle n'avait commis aucun acte de concurrence déloyale, et demandant l'allocation de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que le Tribunal de commerce a statué le 6 février 2004 dans les termes rappelés plus haut ;

Que, sur appel interjeté par la société Chattawak, la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 13 septembre 2006, a confirmé le jugement et a condamné la société Chattawak au paiement de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que la cour d'appel a retenu qu'il résulte des éléments versés aux débats que la société Chantal Pieri, qui se trouvait contractuellement et dans les faits, tenue d'agir non seulement pour le compte mais aussi au nom de la société Chattawak, avait en réalité la qualité d'agent commercial ;

Considérant que cet arrêt a été cassé le 26 février 2008 au visa des articles L. 134-1 et L. 132-1 du Code de commerce, aux motifs:

- qu'après avoir constaté que le contrat liant les parties contenait une disposition selon laquelle la société Chantal Pieri était " un commerçant indépendant, propriétaire de son fonds de commerce ", l'arrêt retient que cette société avait la qualité d'agent commercial de la société Chattawak ;

- qu'en statuant ainsi, alors que l'agent commercial, simple mandataire qui n'a pas de clientèle propre, ne peut être titulaire d'un fonds de commerce, et n'a pas qualité de commerçant, la cour a violé les textes susvisés ;

Considérant que la société Chattawak poursuit l'infirmation du jugement en faisant valoir que:

- c'est de façon abusive, et au prix d'une dénaturation des faits, que la société Chantal Pieri a invoqué le bénéfice du statut d'agent commercial ;

- qu'en effet, ce statut ne bénéficie qu'à des acteurs économiques qui ne sont pas propriétaires de leur clientèle ; l'agent commercial est un mandataire civil, et non un commerçant auquel serait attachée une clientèle propre ;

- la commission d'affiliation en général, et la convention Chattawak en particulier, ne privent en rien le partenaire de la propriété de son fonds de commerce, et n'en font pas un mandataire transparent vis-à-vis de la clientèle ;

- le passage, pour Mme Chantal Pieri, de la franchise à la commission, n'avait en rien modifié son droit sur sa clientèle ; que Mme Pieri a d'ailleurs reconnu détenir sa propre clientèle dans les écritures déposées devant la 5e A ; que la question de savoir si les franchisés avaient ou non une clientèle propre a été tranchée par la Cour de cassation (27 mars 2002) en faveur de la reconnaissance de la propriété de la clientèle au profit des franchisés, en conséquence de quoi le statut des baux commerciaux a été reconnu à ceux-ci ;

- le fait que Mme Pieri a pu céder son droit au bail (au prix de 99 100 euro) est révélateur en ce que, ou Mme Pieri n'avait pas de fonds de commerce, et elle n'aurait pas pu céder son droit au bail, ou elle avait un fonds de commerce, et donc une clientèle, ce qui la prive de tout droit à une indemnité de clientèle ;

- d'ailleurs, les faits démontrent que les clientes de Mme Pieri lui sont restées fidèles, même après le changement d'enseigne et le transfert de son fonds rue Vaugelas ;

- la notion de mandat d'intérêt commun ne saurait non plus s'appliquer en l'espèce ; le contrat prévoit que " les ventes sont faites au nom de l'affilié et pour le compte de Chattawak " ; dès l'instant que le commissionnaire agit en son nom personnel, il ne peut y avoir un intérêt commun entre le commettant et le commissionnaire ;

- la cessation des relations contractuelles ne saurait ouvrir droit à des indemnités pour la société Chantal Pieri, car Chattawak avait un juste motif de résilier le contrat: le fait que Mme Pieri ait décidé de " liquider " son fonds de commerce de la rue Someiller pour aller s'installer rue Vaugelas, dans un local qui ne convenait pas à la marque Chattawak ;

Considérant que la société Chantal Pieri rappelle qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier, et éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, qu'il peut être une personne physique ou morale ; que l'article L. 134-4 du même Code précise que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties ;

Que la société Chantal Pieri fait valoir que le statut d'agent commercial est d'ordre public, et que ses effets ne peuvent être anéantis par un " habillage juridique " lorsque les faits et l'exécution du contrat réclame son application, ajoutant qu'aux termes de l'article 12 du Code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée ;

Qu'elle souligne que l'agent commercial est un mandataire dès lors qu'il agit au nom et pour le compte de son mandant ; qu'il se distingue du commissionnaire qui contracte et établit les factures en son nom propre, à l'ordre de qui sont établis les paiements et qui ne dispose pas d'un pouvoir de représentation du commettant ;

Qu'elle demande que la qualification de commissionnaire donnée par la société Chattawak au contrat d'adhésion imposé à ses franchisés soit écartée, dans la mesure où elle ne reflète pas les relations réellement entretenues par les parties et vise seulement à faire échec à l'application du statut protecteur et d'ordre public établi par les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce et à la jurisprudence applicable en matière de mandat d'intérêt commun ;

Sur la qualification du contrat:

Considérant que la revendication de la société Chantal Pieri est fondée ; qu'en effet, l'application du statut d'agent commercial ne dépend pas de la dénomination portée en tête du contrat, mais des conditions effectives de l'exercice de l'activité régie par ce contrat ;

Considérant que la seule contradiction entre le statut d'agent commercial et la situation de la société Chantal Pieri découlant de l'exécution de la " convention Chattawak " signée par les parties le 11 juin 1999 résulte de l'article 2.2 du contrat " fonds de commerce " qui précise " l'affilié est propriétaire du fonds de commerce immatriculé au Registre du Commerce et des sociétés d'Annecy sous le numéro B 342 283 116, qu'il exploite dans les locaux en vertu d'un bail consenti pour une durée de 9 ans à compter du 01/08/91 ", dans la mesure où un agent commercial n'a pas de clientèle propre ;

Considérant que la société Chattawak insiste sur le fait que la société Chantal Pieri était, avant la signature du contrat du 11 juin 1999, titulaire d'un contrat de franchise, et qu'elle avait développé, dans ce cadre, une clientèle propre, qui n'a pas disparu après cette date ; qu'elle souligne que le bénéfice du statut des baux commerciaux a été reconnu aux franchisés par un arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2002, qui a relevé notamment que si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériels et stock, et l'élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n'est pas le propriétaire de la marque et de l'enseigne mises à sa disposition pendant l'exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls ;

Considérant qu'il convient de relever, à propos de l'article 2.2 du contrat, qu'un fonds de commerce ne s'immatricule pas, et que c'est la SARL Chantal Pieri qui est immatriculée sous le numéro B. 342 283 116 au Registre du commerce d'Annecy ; que le fonds de commerce est une universalité de fait, qui peut comprendre divers éléments, au nombre desquels cumulativement ou non, la clientèle, le droit au bail, l'enseigne, le matériel, le stock, des marques, des licences ; que la reconnaissance de l'existence d'un fonds de commerce est une des situations permettant de se prévaloir du statut des baux commerciaux ;

Considérant que la société Chattawak soutient que la société Chantal Pieri ne peut se prévaloir du statut des agents commerciaux dans la mesure où elle avait développé une clientèle dans le cadre du contrat de franchise, et où son passage de la franchise à la commission-affiliation n'avait en rien modifié ses droits sur cette clientèle puisqu'elle a pu céder son droit au bail sur les locaux situés 7 rue Sommeiller à Annecy, ce qu'elle n'aurait pu faire si elle n'avait pas été propriétaire d'une clientèle, élément essentiel du fonds de commerce ;

Considérant que les conditions dans lesquelles s'est effectuée la cession par la société Chantal Pieri du droit au bail des locaux situés 7 rue Sommeiller à Annecy n'est pas un élément essentiel du présent litige, étant rappelé que la société Chattawak ne prétend pas avoir eu quelque droit que ce soit sur ces locaux, et que ni le bailleur ni le cessionnaire du droit au bail ne sont parties à la présente procédure ;

Considérant qu'il résulte des éléments versés aux débats, et dont l'essentiel a été rappelé plus haut, que la plupart des éléments susceptibles de composer le fonds de commerce appartenaient à la société Chattawak ou étaient étroitement contrôlés par celle-ci, spécialement l'enseigne, le matériel et le stock ;

Considérant, en effet, que le contrat prévoit, outre une obligation d'exclusivité réciproque, que l'exclusivité territoriale consentie pour la ville d'Annecy ne pourra s'exercer que dans le seul magasin sur le fronton extérieur duquel doivent figurer la ou les enseignes Chattawak " à l'exclusion de toute autre enseigne " (articles 4.2, 4.3), que l'affilié ne vendra les produits Chattawak qu'aux consommateurs finals (article 5), que les marchandises et accessoires confiés à l'affilié restent la propriété de Chattawak qui fixe le tarif de vente des produits auquel s'oblige l'affilié (article 8), que la rémunération est constituée par une commission de 40 % sur le prix de vente (article 11) ;

Considérant que l'alinéa 1er de l'article 11 du contrat, invoqué par Chattawak (" les ventes sont faites au nom de l'affilié et pour le compte de Chattawak "), est en contradiction avec les autres dispositions de ce même article qui ont un caractère essentiel et stipulent que " l'affilié encaissera le produit de l'ensemble des ventes au détail faites à la clientèle en versant le montant sur un compte bancaire ouvert au nom de Chattawak. Ces remises de fonds interviendront au moins trois fois par semaine ", l'affilié percevant ultérieurement sa commission à titre de ristourne à terme échu deux fois par mois ; que les correspondances adressées par Chattawak à son affiliée mentionnent toutes la dénomination " Chattawak Annecy, Mme Chantal Pieri ", les facturations Chattawak étant adressées à la " Boutique Chattawak, 7 rue Sommeiller Annecy ", tout comme les courriers adressés par le Crédit Lyonnais en novembre 2001 à " Chattawak 7 rue Sommeiller Annecy " ; qu'à l'égard du public, le ticket de caisse versé aux débats établi par le logiciel " terminal point de vente " fourni par Chattawak et impérativement utilisé par l'affilié pour la gestion du magasin, mentionne " Chattawak 7 rue Sommeiller 74 000 Annecy ", ainsi que le numéro de téléphone du magasin, sans aucune indication permettant d'identifier la société Chantal Pieri ; que la transparence de l'affilié ne peut qu'être renforcée par l'apposition obligatoire sur le fronton extérieur du magasin de la ou les enseignes Chattawak " à l'exclusion de toute autre enseigne " ;

Considérant que l'influence de la société Chantal Pieri sur la clientèle locale attachée à la marque Chattawak, dont les produits étaient exclusivement vendus dans les locaux exploités par cette société, est d'autant plus difficile à cerner, qu'hormis la qualité de l'accueil, les moyens mis en œuvre étaient étroitement contrôlés par Chattawak ; qu'en admettant que Mme Chantal Pieri ait su fidéliser une clientèle sur le territoire de la ville d'Annecy, l'attachement ainsi manifesté par les clients était, à l'évidence, détachable de la marque Chattawak, qui a pu ouvrir un nouveau magasin à Annecy dès avril 2003, et qui ne démontre pas que les pertes enregistrées par cet établissement en 2003 et 2004 aient une autre origine que les investissements nécessaires à cette installation ;

Que la mention figurant à l'article 2.2 du contrat selon laquelle " l'affilié est propriétaire du fonds de commerce immatriculé au Registre du Commerce et des sociétés d'Annecy sous le numéro B 342 283 116, qu'il exploite dans les locaux " est ainsi de pure forme, destinée seulement, comme l'explique l'intimée à faire échec à l'application du statut d'ordre public d'agent commercial ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat liant les parties en contrat d'agent commercial ;

Sur la rupture du contrat:

Considérant que la société Chattawak soutient que, contrairement à ce que fait plaider la société Chantal Pieri, il n'y a pas eu, de sa part, violation du contrat ; qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir mis fin à ce contrat dans la mesure où, par le transfert de son exploitation dans un local non agréé par la société Chattawak, la société Chantal Pieri avait fait disparaître l'objet de l'obligation ;

Considérant que la société Chantal Pieri répond qu'elle n'a commis aucune faute grave susceptible de la priver de l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce ; qu'en fait, la société Chattawak l'a manipulée ; qu'informée des travaux d'urbanisme dans la rue Sommeiller qui avaient réduit très largement l'activité commerçante de cette rue et rendaient indispensable un changement d'emplacement, la société Chattawak ne s'y est jamais opposée ; que d'ailleurs, le fait que la société Chattawak soit, à ce jour, implantée 7 rue Vaugelas, en face de la boutique actuelle de la société Chantal Pieri, démontre que le déménagement n'était qu'un prétexte ;

Considérant qu'aux termes des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que cette indemnité n'est pas due, notamment lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation soit imputable au mandant ;

Considérant que la société Chattawak, qui a mis fin au contrat, à effet du 31 janvier 2003, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 septembre 2002, ne démontre pas de faute grave commise par la société Chantal Pieri ; qu'elle se borne à invoquer la disparition de l'objet du contrat, non établie dans la mesure où cette société autorisait la société Chantal Pieri, dans la lettre de rupture, à continuer l'exploitation de la marque Chattawak dans le nouveau local de la rue Vaugelas, jusqu'à la fin du contrat ; que le changement de local apparaît d'autant plus comme un prétexte, que la société Chattawak dans une lettre du 8 août 2002 en réponse à un courrier de Mme Pieri du 6 août précédent demandant l'autorisation de se déplacer, indiquait certes " concernant votre déplacement, afin de pouvoir nous prononcer, nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir les adresses, surfaces et conditions financières des emplacements que vous envisagez ", mais poursuivait " nous tenons cependant à vous rappeler qu'un contrat de commission-affiliation est en cours entre nos deux sociétés, et que la prochaine date anniversaire de ce contrat est le 19 juillet 2003. Cependant nos serions prêts à envisager une rupture anticipée à condition que celle-ci se déroule à une fin de saison, soit au plus tôt le 31 janvier 2003 " ;

Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la société Chantal Pieri a droit à une indemnité pour cessation du contrat d'agent commercial ;

Considérant que la société Chattawak fait valoir que société Chantal Pieri, qui a continué son activité sous une autre enseigne, ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait de la rupture du contrat ;

Considérant que l'indemnité prévue par l'article L. 132-12 du Code de commerce est destinée à compenser le préjudice résultant de la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ;

Qu'au vu de l'ensemble des éléments du litige, notamment la durée des relations entretenues par les parties, des pièces comptables produites, et spécialement des comptes annuels de la société Chantal Pieri établis aux 30 juin 2000, 30 juin 2001 et 30 juin 2002 le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de cette indemnité à deux années de commissions, soit 145 000 euro, sans qu'il soit nécessaire de se référer aux résultats obtenus par cette société sous sa nouvelle enseigne ;

Sur les autres demandes:

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société Chantal Pieri l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer ; qu'il lui sera en conséquence fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les conditions fixées au dispositif, le jugement étant confirmé en ses dispositions sur ce point ; qu'en revanche, la société demanderesse à la saisine sera déboutée de sa demande à ce titre ;

Considérant que la société Chattawak, qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Condamne la société Chattawak à payer à la société Chantal Pieri la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Chattawak aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions l'article 699 du Code de procédure civile.