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Décisions

CJCE, 3e ch., 17 septembre 2009, n° C-519/07 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes, Koninklijke FrieslandCampina NV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rosas

Avocat général :

M. Bot

Juges :

MM. Caoimh, Cunha Rodrigues, Klucka, Arabadjiev (rapporteur)

Avocats :

Mes Pijnacker Hordijk, Geursen

CJCE n° C-519/07 P

17 septembre 2009

LA COUR (troisième chambre),

1 Par son pourvoi, la Commission des Communautés européennes demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 septembre 2007, Koninklijke Friesland Foods-Commission (T-348-03, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a partiellement annulé la décision n° 2003-515-CE de la Commission, du 17 février 2003, concernant le régime d'aide mis à exécution par les Pays-Bas pour les activités de financement internationales (JO L 180, p. 52, ci-après la "décision litigieuse").

Le cadre juridique national

2 La loi portant modification de la loi relative à l'impôt des sociétés de 1969 en vue de lutter contre l'érosion de la base imposable et de renforcer l'infrastructure fiscale (wet tot wijziging van de wet op de vennootschapsbelasting 1969 met het oog op het tegengaan van uitholling van de belastinggrondslag en het versterken van de fiscale infrastructuur), du 13 décembre 1996 (Stb. 1996, n° 651), a inséré un article 15 b dans la loi relative à l'impôt des sociétés de 1969 (wet op de vennootschapsbelasting 1969, ci-après la "loi de 1969"), qui prévoit un régime fiscal particulier pour les activités de financement internationales d'entreprises appartenant à un groupe (ci-après le "régime CFA"). Ce régime est entré en vigueur le 1er janvier 1997.

3 L'article 15 b, paragraphe 1, première phrase, de la loi de 1969 énonce:

"S'agissant d'une entité appartenant à un groupe international et qui n'exerce qu'à partir des Pays-Bas des activités de financement au profit d'entités appartenant à ce groupe qui sont établies, ou sont également situées, dans au moins quatre États ou sur deux continents, à la demande du contribuable, l'inspecteur autorise, à des conditions qu'il fixe, la constitution d'une réserve pour risques liés à ces activités de financement [...]"

4 Il résulte de l'article 15 b, paragraphe 3, de la loi de 1969 que le contribuable qui accède au régime CFA peut affecter 80 % de son bénéfice imposable total à une réserve pour risques. Les montants ainsi affectés peuvent être utilisés aux diverses fins prévues par cette loi. Ainsi, selon l'article 15 b, paragraphe 5, de celle-ci, en cas d'acquisition d'actions d'une société néerlandaise ou étrangère, ou d'apport de capital à une telle société, une quotité, comprise entre 50 % et 100 %, du prix d'acquisition ou de l'apport en capital peut être prélevée sur la réserve en exonération d'impôt.

5 L'article 15 b, paragraphe 10, de la loi de 1969 prévoit que l'inspecteur décide, sur demande du contribuable, d'accorder le bénéfice du régime CFA et précise les conditions de ce régime par une décision susceptible de recours (ci-après l'"agrément CFA"). L'agrément CFA est accordé par période de dix années.

6 Par suite de l'adoption de la décision litigieuse, l'article 1er, section D, de la loi du 15 septembre 2005 portant modification de la loi sur l'impôt des sociétés de 1969 - suppression du régime de financement d'entreprises appartenant à un groupe (wet van 15 september 2005 houdende wijziging van de wet op de vennootschapsbelasting 1969 - vervallen van concernfinancieringsregeling, Stb. 2005, n° 468), a abrogé l'article 15 b de la loi de 1969.

7 L'article 2 de ladite loi du 15 septembre 2005 précise que, à l'égard des contribuables soumis à l'impôt des sociétés qui, le 11 juillet 2001, remplissaient les conditions du régime CFA, l'article 15 b de la loi de 1969 et les dispositions qui en découlent demeurent applicables. Ledit article 2 prévoit également que cette disposition transitoire s'applique pendant une période de dix ans à compter de la date à laquelle le contribuable pouvait constituer une réserve, sans que cette période puisse s'étendre au-delà du 31 décembre 2010.

Les antécédents du litige

Les faits antérieurs à la décision litigieuse

8 Dans le cadre d'une réflexion globale sur la concurrence fiscale dommageable, le Conseil de l'Union européenne et les représentants des gouvernements des États membres ont adopté, le 1er décembre 1997, une résolution sur un Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (JO 1998, C 2, p. 2). Dans ce contexte, les États membres se sont engagés à démanteler de façon progressive certaines mesures fiscales qualifiées de dommageables, tandis que la Commission exprimait son intention d'examiner ou de réexaminer, au regard des règles relatives aux aides d'État, les régimes fiscaux en vigueur dans les États membres.

9 Dans le cadre de cet examen, la Commission a, par lettre du 12 février 1999, demandé au Royaume des Pays-Bas des informations sur le régime CFA. Ces informations ont été fournies par cet État membre dans une lettre du 8 mars 1999.

10 Le 27 décembre 2000, Koninklijke FrieslandCampina NV (ci-après "KFC") a introduit une demande d'agrément CFA auprès de l'administration fiscale néerlandaise.

11 Par lettre du 11 juillet 2001, la Commission a notifié au Royaume des Pays-Bas sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE concernant le régime CFA (ci-après la "décision du 11 juillet 2001"). Cette décision ainsi que l'invitation faite aux intéressés de présenter leurs observations sur ce régime ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes (|JO 2001, C 306, p. 6).

12 Le 26 juillet 2001, l'administration fiscale néerlandaise a informé KFC de l'ouverture de ladite procédure. En conséquence, la demande d'agrément CFA de KFC a été tenue en suspens.

13 Par courrier du 3 octobre 2002, le Royaume des Pays-Bas a fait valoir auprès de la Commission que, compte tenu des principes de protection de la confiance légitime et de respect des droits acquis, cette institution devait permettre aux entreprises alors bénéficiaires du régime CFA de continuer à en bénéficier jusqu'au terme des agréments CFA octroyés.

14 Le 5 décembre 2002, le secrétaire d'État aux Finances néerlandais a adopté une décision formulée comme suit:

"[J]'ai décidé de cesser dès aujourd'hui le traitement de toute nouvelle demande d'application du régime [CFA]."

La décision litigieuse

15 Par la décision litigieuse, la Commission a déclaré le régime CFA incompatible avec le marché commun. Toutefois, elle a reconnu aux points 111 et 112 des motifs de cette décision que, dans la mesure où ce régime était comparable au régime institué en Belgique par l'arrêté royal nº 187, du 30 décembre 1982, concernant l'imposition des centres de coordination (ci-après le "régime BCC"), qui avait été considéré comme ne comportant pas d'aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, les bénéficiaires du régime CFA à la date de la décision du 11 juillet 2001 pouvaient valablement invoquer le principe de protection de la confiance légitime. Ainsi, sur la base de l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] (JO L 83, p. 1), qui dispose notamment que "[l]a Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit communautaire", elle a renoncé à ordonner la récupération des aides reçues en application du régime CFA.

16 En outre, à l'article 2 de la décision litigieuse, la Commission a admis que les bénéficiaires du régime CFA à la date de la décision du 11 juillet 2001 pouvaient continuer à en bénéficier jusqu'à l'expiration des agréments CFA de dix années qui leur avaient été délivrés par l'administration fiscale néerlandaise, mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 2010. En particulier, compte tenu des avancées réalisées au niveau communautaire dans le domaine de la lutte contre la concurrence fiscale dommageable et de la perspective d'une réduction progressive du nombre des bénéficiaires du régime CFA, la Commission a estimé, au point 118 des motifs de la décision litigieuse, que les bénéficiaires dudit régime pourraient continuer, en raison de "ces circonstances exceptionnelles", tant à constituer de nouvelles réserves qu'à utiliser les réserves existantes.

Les faits postérieurs à la décision litigieuse

17 Par lettre du 11 avril 2003, le Royaume des Pays-Bas a demandé à la Commission, notamment, de confirmer par écrit que le régime transitoire prévu à l'article 2 de la décision litigieuse s'applique aussi aux entreprises qui, bien que ne bénéficiant pas encore d'un agrément CFA, avaient introduit une demande de premier agrément CFA avant le 5 décembre 2002, date à partir de laquelle toute nouvelle demande d'un tel agrément avait été refusée, dans la mesure où ces entreprises satisfaisaient aux conditions du régime CFA à la date de la décision du 11 juillet 2001.

18 Dans une lettre datée du 7 juillet 2003, la Commission a indiqué qu'il résulte clairement du point 118 des motifs et de l'article 2 de la décision litigieuse que le régime transitoire prévu par celle-ci ne s'applique pas auxdites entreprises. Elle a également indiqué que, si les autorités néerlandaises accordaient un agrément CFA aux entreprises concernées, cela équivaudrait à octroyer une aide nouvelle en contradiction avec ladite décision.

19 Le 21 août 2003, l'administration fiscale néerlandaise a rejeté la demande d'agrément CFA de KFC au motif que la Commission avait adopté une décision négative à l'égard du régime CFA, telle que précisée dans la lettre de cette dernière du 7 juillet 2003.

Le recours devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

20 Devant le Tribunal, KFC a demandé l'annulation de l'article 2 de la décision litigieuse en ce qu'il exclut du régime transitoire qu'il prévoit les opérateurs qui, à la date de la décision du 11 juillet 2001, avaient déjà introduit auprès de l'administration fiscale néerlandaise une demande d'agrément CFA sur laquelle il n'avait pas encore été statué à cette date.

21 Ainsi qu'il ressort du point 103 de l'arrêt attaqué, KFC fondait son recours sur trois moyens. Le premier de ceux-ci s'articulait en deux branches, faisant valoir, premièrement, la violation du principe de protection de la confiance légitime et, deuxièmement, l'obligation pour la Commission de savoir qu'il existait des demandes d'agrément CFA pendantes à la date de la décision du 11 juillet 2001. Le deuxième moyen était tiré de la violation du principe d'égalité de traitement et le troisième de la violation de l'obligation de motivation.

22 La Commission a, à titre principal, soulevé deux exceptions d'irrecevabilité et, à titre subsidiaire, demandé au Tribunal de rejeter le recours comme non fondé.

23 Le Tribunal a rejeté lesdites exceptions d'irrecevabilité. Tout d'abord, s'agissant de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, le Tribunal a estimé, au point 72 de l'arrêt attaqué, que, si le recours était accueilli, KFC pourrait faire valoir certaines prétentions auprès des autorités néerlandaises en ce qui concerne le bénéfice du régime CFA ou, à tout le moins, faire examiner sa demande auprès de celles-ci, ce qui justifie l'existence d'un intérêt à l'action.

24 S'agissant ensuite de la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir, le Tribunal a jugé, aux points 94 et 98 de l'arrêt attaqué, que KFC est directement et individuellement concernée par la décision litigieuse, car elle fait partie d'un cercle fermé de contribuables dont la demande d'agrément CFA était encore pendante au moment de la décision des autorités néerlandaises de suspendre l'examen de telles demandes.

25 Au point 99 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la circonstance que les demandes des contribuables appartenant à ce cercle fermé portaient sur un premier agrément ouvrant le droit à bénéficier d'un régime fiscal donné, et non pas sur le renouvellement d'un agrément existant comme c'était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187-Commission (C-182-03 et C-217-03, Rec. p. I-5479), n'est pas de nature à écarter le constat que ces contribuables ont été spécialement affectés par la décision litigieuse.

26 Ensuite, le Tribunal a accueilli le recours de KFC et annulé l'article 2 de la décision litigieuse en ce qu'il exclut du régime transitoire qu'il prévoit les opérateurs qui, à la date de la décision du 11 juillet 2001, avaient introduit auprès de l'administration fiscale néerlandaise une demande d'agrément CFA sur laquelle il n'avait pas encore été statué.

27 En effet, le Tribunal a considéré comme fondés les premier et deuxième moyens, tirés respectivement de la violation des principes de protection de la confiance légitime et d'égalité de traitement.

28 S'agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal a relevé, aux points 125 et 126 de l'arrêt attaqué, que, ce principe visant à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques qui relèvent du seul droit communautaire, il ne concerne pas les situations juridiques qui relèvent exclusivement du droit national. Partant, la question de savoir si KFC est ou non bénéficiaire du régime CFA et celle de savoir si elle remplit les conditions pour bénéficier de ce régime seraient sans pertinence pour apprécier l'existence d'une confiance légitime dans son chef dans la compatibilité du régime CFA avec le droit communautaire.

29 Se référant à l'arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, le Tribunal a rappelé, au point 127 de l'arrêt attaqué, que l'application du principe de protection de la confiance légitime requiert qu'une institution communautaire ait fait naître des espérances fondées dans le chef d'un sujet de droit sur la base d'assurances précises qu'elle lui a fournies, le caractère légitime de la confiance requise impliquant qu'un opérateur économique prudent et avisé ait pu raisonnablement se fier au maintien de la situation résultant de l'acte ou du comportement de l'institution en cause. Il a également rappelé qu'un intérêt public péremptoire peut néanmoins s'opposer à la protection que confère ledit principe.

30 En l'espèce, s'agissant, premièrement, de l'existence d'une confiance dans le chef de KFC, le Tribunal a considéré au point 131 de l'arrêt attaqué que, pour les raisons énoncées aux points 111 et 112 des motifs de la décision litigieuse, mentionnées au point 15 du présent arrêt, le comportement de la Commission à l'égard du régime BCC a créé une confiance dans le fait que le régime CFA ne constituait pas un régime d'aides prohibé.

31 Deuxièmement, s'agissant du caractère légitime de cette confiance, le Tribunal a estimé, aux points 132 à 135 de l'arrêt attaqué, que l'ouverture, par la décision du 11 juillet 2001, de la procédure formelle d'examen à l'égard du régime CFA ne pouvait préjuger la qualification que retiendrait la Commission à l'égard dudit régime dans sa décision finale, de sorte que cette décision ne saurait, en tant que telle, s'opposer à ce que KFC invoque le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime. Au point 136 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que, à supposer même que ladite décision ait été susceptible d'ébranler la confiance de KFC dans la compatibilité du régime CFA avec les règles du traité CE, KFC pouvait néanmoins s'attendre à ce que la décision litigieuse, revenant sur l'appréciation que la Commission avait antérieurement portée sur un régime similaire, à savoir le régime BCC, lui laisse le temps nécessaire pour prendre effectivement en compte ce changement d'appréciation concernant la compatibilité du régime CFA avec le marché commun.

32 À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 137 de l'arrêt attaqué, que "le délai qui s'est écoulé entre la publication de la décision d'ouverture de la procédure formelle, soit le 31 octobre 2001, et la décision [litigieuse] a été insuffisant pour permettre à [KFC] de prendre en considération l'incidence d'une décision éventuelle mettant fin au régime en cause. En effet, la circonstance non contestée que [KFC] a pris les dispositions qu'elle estime nécessaires pour se conformer aux conditions légales du régime CFA [...] implique la mise en place de mesures comptables et de décisions financières et économiques qui ne peuvent être modifiées dans un délai de moins de quinze mois".

33 Troisièmement, s'agissant de la mise en balance de l'intérêt de KFC fondé sur une confiance légitime, d'une part, et d'un éventuel intérêt communautaire d'ordre public, d'autre part, le Tribunal a jugé au point 139 de l'arrêt attaqué que, la Commission ayant elle-même admis dans la décision litigieuse que les bénéficiaires effectifs du régime CFA pouvaient invoquer la protection de la confiance légitime pour obtenir une période transitoire leur permettant de continuer à bénéficier dudit régime, tant en utilisant les réserves existantes qu'en en constituant de nouvelles, aucun intérêt péremptoire ne s'oppose à l'application du principe de protection de la confiance légitime au bénéfice de KFC.

34 C'est sur la base de ces éléments que le Tribunal a accueilli, au point 140 de l'arrêt attaqué, le premier moyen de KFC en tant que celui-ci était tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

35 Quant à la seconde branche de ce moyen, le Tribunal a ensuite ajouté, aux points 141 à 143 de cet arrêt, que la question de savoir si l'institution communautaire en cause était effectivement au courant de la situation de l'opérateur qui entend invoquer la protection de la confiance légitime est étrangère aux conditions dans lesquelles ledit principe trouve à s'appliquer. En effet, eu égard à la fonction de celui-ci, qui est de garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire, son applicabilité ne saurait dépendre de la question de savoir si l'institution qui est revenue sur une appréciation antérieure était concrètement informée de toutes les situations et relations juridiques dont la prévisibilité est affectée par son changement d'attitude. Pour ces raisons, le Tribunal a considéré que la question de la connaissance effective, par la Commission, de la situation concrète de KFC à la date de la décision du 11 juillet 2001 est sans incidence sur l'appréciation du moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

36 S'agissant du deuxième moyen de KFC, tiré de la violation du principe d'égalité de traitement, le Tribunal a jugé aux points 149 et 150 de l'arrêt attaqué que, en ne prévoyant pas de mesures transitoires en ce qui concerne les contribuables dont la demande était toujours pendante au moment de la notification de la décision litigieuse, la Commission avait violé ce principe. À cet égard, le Tribunal s'est fondé sur son analyse du moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

37 Dans ces conditions, le Tribunal a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le troisième moyen de KFC.

Les conclusions des parties

38 À titre principal, la Commission demande à la Cour d'annuler l'arrêt attaqué, de rejeter le recours de KFC tendant à obtenir l'annulation de la décision litigieuse et de condamner cette dernière aux dépens. À titre subsidiaire, elle lui demande d'annuler l'arrêt attaqué dans la mesure où il confère des droits à des opérateurs autres que KFC qui, à la date de la décision du 11 juillet 2001, avaient introduit auprès de l'administration fiscale néerlandaise une demande d'agrément CFA et de rejeter le recours en annulation de la décision litigieuse dans la mesure où il tend à conférer des droits à de tels opérateurs.

39 KFC conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la Commission aux dépens.

Sur le pourvoi

40 À l'appui de son pourvoi, la Commission présente six moyens. Les premier et deuxième moyens sont tirés d'erreurs de droit que le Tribunal aurait commises en jugeant, respectivement, au point 66 de l'arrêt attaqué, que KFC avait intérêt à agir contre la décision litigieuse même si elle ne réunissait pas les conditions prévues par le droit néerlandais pour pouvoir bénéficier du régime CFA et, au point 100 dudit arrêt, que KFC était individuellement concernée par cette décision.

41 Le troisième moyen est tiré d'une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en considérant, aux points 141 à 143 de l'arrêt attaqué, que la circonstance que la Commission ignorait l'existence et la situation de KFC ainsi que des autres entreprises se trouvant dans une situation identique à la sienne n'était pas pertinente aux fins de l'appréciation de l'existence d'une confiance légitime dans le chef de KFC.

42 Le quatrième moyen s'articule en deux branches, tirées, la première, d'une dénaturation des faits commise par le Tribunal au point 137 de l'arrêt attaqué et, la seconde, d'une erreur de droit que le Tribunal aurait commise dans l'examen, aux points 125 à 140 de l'arrêt attaqué, de la confiance légitime à l'existence de laquelle prétendait KFC.

43 Le cinquième moyen est tiré d'une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en jugeant, aux points 149 et 150 de cet arrêt, que la Commission avait violé le principe d'égalité de traitement en traitant différemment des contribuables qui pouvaient tous prétendre à l'octroi d'une période transitoire.

44 Enfin, le sixième moyen est tiré de l'erreur de droit que le Tribunal aurait commise en tant que celui-ci, par la formulation du dispositif de l'arrêt attaqué, a conféré des droits à tous les opérateurs qui avaient introduit une demande de premier agrément CFA à la date du 11 juillet 2001.

Sur le deuxième moyen

Arguments des parties

45 Par son deuxième moyen, qu'il convient d'examiner en premier lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant au point 100 de l'arrêt attaqué que KFC était individuellement concernée par la décision litigieuse. Tel ne serait pas le cas, parce que cette décision est une mesure de portée générale et que KFC, n'étant pas bénéficiaire du régime CFA, appartient à un groupe indéterminé de bénéficiaires potentiels de celui-ci. La circonstance que KFC avait introduit une demande d'agrément CFA avant la décision du 11 juillet 2001 serait sans effet à cet égard. Par ailleurs, la Commission ignorait l'existence d'entreprises dans une situation identique à celle de KFC, laquelle n'aurait pas fait usage de la possibilité prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE de présenter des observations dans le cadre de la procédure formelle d'examen du régime CFA déclenchée par cette dernière décision.

46 En particulier, la Commission reproche au Tribunal de ne pas avoir distingué la situation de KFC, qui concerne une demande de premier agrément, de celle relative à une demande de renouvellement d'agrément, comme cela était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité. Selon la Commission, KFC est affectée comme toutes les autres entreprises qui n'ont jamais bénéficié du régime CFA, et non pas "spécialement", comme l'étaient les entreprises visées par cet arrêt en ce qui concerne le régime BCC et dont la situation existante aurait été modifiée par la décision annulée par ledit arrêt, ce qui ne serait pas le cas de KFC en ce qui concerne la décision litigieuse.

Appréciation de la Cour

47 Conformément à l'article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

48 En ce qui concerne la première condition ainsi formulée, il est de jurisprudence constante que le fait pour un particulier d'être directement affecté requiert que la mesure communautaire en cause produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et qu'elle ne laisse aucun pouvoir d'appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d'autres règles intermédiaires (arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus-Commission, C-386-96 P, Rec. p. I-2309, point 43 et jurisprudence citée).

49 En l'espèce, ainsi que l'a constaté le Tribunal au point 94 de l'arrêt attaqué, il résulte de l'article 2 de la décision litigieuse que les autorités néerlandaises étaient tenues, sans disposer de la moindre marge d'appréciation, de rejeter toute demande de premier agrément CFA pendante, les entreprises n'ayant pas été bénéficiaires du régime CFA à la date de la décision du 11 juillet 2001 ne pouvant bénéficier du régime transitoire.

50 Dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que la décision litigieuse affecte directement KFC.

51 S'agissant de la seconde condition prévue à l'article 230 CE, il y a lieu de rappeler que le fait qu'une disposition litigieuse ait, par sa nature et sa portée, un caractère général en ce qu'elle s'applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n'exclut pas pour autant qu'elle puisse concerner individuellement certains d'entre eux (arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, point 58 et jurisprudence citée).

52 Toutefois, une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si la disposition litigieuse l'atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, point 59).

53 En effet, une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une décision de la Commission interdisant un régime d'aides sectoriel si elle n'est concernée par cette décision qu'en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. Une telle décision se présente à l'égard de cette entreprise comme une mesure de portée générale qui s'applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l'égard d'une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a.-Commission, 67-85, 68-85 et 70-85, Rec. p. 219, point 15; du 7 décembre 1993, Federmineraria e.a.-Commission, C-6-92, Rec. p. I-6357, point 14, ainsi que du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines-Commission, C-15-98 et C-105-99, Rec. p. I-8855, point 33).

54 En revanche, la Cour a jugé que, lorsque l'acte attaqué affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu'elles font partie d'un cercle restreint d'opérateurs économiques (voir arrêts du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a.-Commission, 11-82, Rec. p. 207, point 31; du 26 juin 1990, Sofrimport-Commission, C-152-88, Rec. p. I-2477, point 11, ainsi que Belgique et Forum 187-Commission, précité, point 60).

55 Il est constant, d'une part, que la décision litigieuse a eu pour conséquence le rejet sans examen des demandes de premier agrément CFA pendantes à la date de notification de cette décision et, d'autre part, que les entreprises concernées étaient parfaitement identifiables, en raison de l'existence même d'une telle demande, au moment où ladite décision a été adoptée. À cet égard, il y a lieu de rappeler que KFC faisait partie d'un groupe de, au plus, quatorze demandeurs de premier agrément CFA dont les demandes étaient pendantes à la date de la décision du 11 juillet 2001, que ces demandes ont été suspendues par suite de cette décision et que les autorités néerlandaises ont annoncé le 5 décembre 2002 qu'elles cessaient sans délai de traiter toute nouvelle demande d'application du régime CFA.

56 Ainsi que le Tribunal l'a constaté à bon droit aux points 98 et 100 de l'arrêt attaqué, KFC faisait donc partie d'un cercle fermé d'entreprises, et non d'un groupe indéterminé d'entreprises appartenant au secteur concerné, spécialement affectées par la décision litigieuse.

57 En effet, il convient de relever que, pour bénéficier du régime CFA, une entreprise ayant fait une demande de premier agrément CFA devait déjà avoir pris les dispositions nécessaires en vue de remplir les critères requis pour ce régime. En outre, les autorités néerlandaises ne disposant d'aucune marge d'appréciation à cet égard, elles devaient accorder un tel agrément si lesdits critères étaient remplis. Ainsi, les entreprises dont la demande de premier agrément CFA était pendante doivent être considérées comme concernées par la décision litigieuse en raison de qualités qui leur sont propres et d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre entreprise appartenant au secteur en question et n'ayant pas déposé de demande de premier agrément CFA.

58 Il s'ensuit que ces entreprises ont qualité pour agir à titre individuel à l'encontre de la décision litigieuse.

59 Ce constat n'est pas remis en cause par l'argument de la Commission selon lequel, d'une part, elle ignorait l'existence d'entreprises dans la situation de KFC et, d'autre part, cette dernière n'aurait pas fait usage de la possibilité prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE de présenter des observations dans le cadre de la procédure formelle d'examen du régime CFA. En effet, la connaissance par la Commission de la situation des entreprises ayant demandé un premier agrément CFA est sans incidence sur le fait pour celles-ci d'être individuellement affectées par la décision litigieuse.

60 Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que KFC avait qualité pour agir.

61 Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le premier moyen

Arguments des parties

62 La Commission considère que, en jugeant, au point 66 de l'arrêt attaqué, que KFC avait un intérêt à agir même si elle ne réunissait pas les conditions du régime CFA, le Tribunal a commis une erreur de droit. Elle fait valoir que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un intérêt à agir suppose que l'annulation de l'acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques. Or, étant donné que l'annulation demandée ne saurait procurer un avantage à KFC que si les autorités néerlandaises constatent à l'avenir qu'elle remplit les conditions d'octroi du régime CFA, à défaut, cette annulation n'aurait aucun effet juridique sur sa situation.

Appréciation de la Cour

63 Selon une jurisprudence constante, l'intérêt à agir d'un requérant, au vu de l'objet du recours, suppose que ce recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l'a intenté (voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores-Conseil, C-50-00 P, Rec. p. I-6677, point 21; du 3 avril 2003, Parlement-Samper, C-277-01 P, Rec. p. I-3019, points 30 et 31, ainsi que ordonnance du 5 mars 2009, Commission-Provincia di Imperia, C-183-08 P, point 19 et jurisprudence citée).

64 En l'occurrence, il est constant que, si la décision litigieuse avait étendu le régime transitoire aux demandes de premier agrément CFA pendantes à la date de notification de cette décision, ces dernières auraient été examinées par les autorités néerlandaises. À cet égard, il convient de rappeler que ces autorités ne disposaient d'aucun pouvoir discrétionnaire, devant accorder ledit agrément si les critères requis pour bénéficier du régime CFA étaient remplis.

65 Ainsi, à la date d'introduction de son recours devant le Tribunal, KFC disposait d'un intérêt à agir, né et actuel, à l'encontre de la décision litigieuse, dans la mesure où, en cas d'annulation de celle-ci, sa demande de premier agrément CFA serait admise à l'examen, de sorte que KFC pourrait accéder audit régime si elle remplissait lesdits critères. Ainsi que le Tribunal l'a jugé à bon droit aux points 59 et 66 de l'arrêt attaqué, cette circonstance, à elle seule, était suffisante pour procurer à KFC un "bénéfice" au sens de la jurisprudence rappelée au point 63 du présent arrêt.

66 L'argument de la Commission selon lequel KFC ne remplissait pas les critères du régime CFA n'est pas de nature à remettre en cause cette affirmation, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un fait juridiquement établi et incontestable. En effet, en cas de rejet du présent pourvoi ou de confirmation de l'annulation de la décision litigieuse au terme ou à la suite de la présente procédure, il n'est pas exclu que les autorités néerlandaises soient amenées à admettre KFC au bénéfice du régime CFA (voir, par analogie, ordonnance du 25 janvier 2001, Lech-Stahlwerke-Commission, C-111-99 P, Rec. p. I-727, point 19).

67 Dans ces circonstances, la Commission n'a pas établi que le recours de KFC devant le Tribunal n'était pas susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à KFC.

68 Partant, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que KFC avait intérêt à agir.

69 Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

Sur la seconde branche du quatrième moyen

Arguments des parties

70 Par la seconde branche du quatrième moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 125 à 140 de l'arrêt attaqué, que la non-admission de KFC au bénéfice du régime CFA n'a pas d'incidence sur l'applicabilité du principe de protection de la confiance légitime au motif qu'il s'agit d'une situation juridique relevant exclusivement du droit national.

71 Toutefois, il s'agirait en l'espèce de déterminer si le droit communautaire imposait à la Commission d'autoriser l'administration fiscale néerlandaise à octroyer un agrément CFA à KFC en application de ce principe.

72 Or, ledit principe ne serait pas applicable en l'espèce.

73 En effet, en premier lieu, la Commission n'aurait ni fourni à KFC, dont elle ignorait l'existence, une assurance précise selon laquelle le régime CFA serait compatible avec le marché commun ni pris un engagement spécifique à l'égard de KFC en ce sens.

74 En deuxième lieu, KFC ne serait pas un opérateur économique prudent et avisé au sens de la jurisprudence relative au principe de protection de la confiance légitime.

75 En effet, premièrement, il conviendrait de distinguer à cet égard la situation d'un opérateur économique demandant le renouvellement d'un agrément qui lui ouvrait le droit à un régime d'aides antérieurement considéré comme compatible avec le marché commun, comme c'était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, de celle d'une entreprise qui, comme KFC, n'a jamais disposé d'un tel agrément et ne pourrait dès lors pas invoquer une confiance légitime pour exiger de bénéficier d'un régime transitoire prévoyant le maintien temporaire du régime d'aides concerné.

76 Deuxièmement, la Commission fait valoir que, même si l'on admettait que KFC a réalisé des investissements considérables pour remplir les conditions imposées par le droit néerlandais pour bénéficier du régime CFA, celle-ci a présenté une demande de premier agrément CFA aux autorités néerlandaises le 27 décembre 2000, alors que, par suite de la publication de la résolution sur un Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, mentionnée au point 8 du présent arrêt, et de la communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO 1998, C 384, p. 3), tous les opérateurs économiques prudents et avisés savaient, depuis l'année 1998, qu'il était probable que la Commission qualifie le régime CFA de régime d'aides d'État et le déclare incompatible avec le marché commun. Partant, la constatation contenue au point 135 de l'arrêt attaqué selon laquelle, "sur la seule base de la décision du 11 juillet 2001, un opérateur prudent et avisé n'était pas en mesure de prévoir l'adoption de la décision [litigieuse]" serait incorrecte et justifierait à elle seule l'annulation de cet arrêt.

77 Troisièmement, la circonstance qu'il ait été possible que, à la suite de la décision du 11 juillet 2001, la Commission adopte une décision constatant que le régime CFA ne constitue pas un régime d'aides n'entraînerait pas que KFC peut valablement se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 132 de l'arrêt attaqué.

78 En troisième lieu, s'agissant de la mise en balance des intérêts, la Commission considère que la confiance de KFC serait en toute hypothèse de nature très générale et qu'il n'existe aucun lien logique entre, d'une part, la constatation selon laquelle les bénéficiaires effectifs du régime CFA peuvent invoquer le principe de protection de la confiance légitime et, d'autre part, la conclusion du Tribunal selon laquelle aucun intérêt communautaire péremptoire ne s'oppose à ce que KFC invoque utilement ce principe.

79 Enfin, l'arrêt attaqué inciterait, à l'avenir, tous les opérateurs ayant introduit une demande d'aide avant l'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE à former un recours en annulation.

80 KFC rétorque, tout d'abord, que la jurisprudence de la Cour n'exige pas que la confiance légitime devant être protégée soit fondée sur des engagements concrets d'une institution communautaire. Ainsi, il serait contradictoire de la part de la Commission d'admettre, comme elle l'aurait fait dans la décision litigieuse, que sa décision concernant le régime BCC a fait naître une confiance légitime et d'affirmer dans sa requête de pourvoi qu'il s'agit "seulement d'une décision relative à un autre régime d'aides quelque peu comparable", et non pas d'un engagement spécifique à l'égard de KFC. De plus, aucune des entreprises concernées par le régime transitoire prévu par la décision litigieuse n'aurait reçu un tel engagement.

81 Ensuite, s'agissant de la qualification d'opérateur économique prudent et avisé en ce qui concerne KFC, celle-ci soutient qu'il n'existe aucune raison de considérer comme tels les bénéficiaires du régime BCC en attente d'une décision relative à leur demande de renouvellement d'agrément dans le cadre de ce régime alors qu'elle-même, en attente d'une réponse à sa demande de premier agrément CFA, ne le serait pas. En outre, ainsi que l'a constaté le Tribunal, la décision du 11 juillet 2001 ne pouvait pas, selon KFC, avoir pour conséquence que sa confiance légitime dans la compatibilité du régime CFA avec le marché commun ait cessé d'exister à cette date. A fortiori, cette confiance légitime n'aurait pas pu cesser d'exister antérieurement à cette décision.

82 Enfin, s'agissant de la mise en balance des intérêts, la question de savoir si la confiance légitime de KFC est "de nature très générale" ou autre serait dépourvue de pertinence. En effet, une fois la confiance légitime établie, quelle que soit la manière dont la Commission l'a fait naître, l'intérêt du sujet de droit concerné devrait être mis en balance avec l'intérêt communautaire.

83 En tout état de cause, la Commission ne justifierait d'aucune manière que l'intérêt communautaire s'oppose à ce que soit accordé le bénéfice d'un régime transitoire aux quatorze entreprises dont la demande de premier agrément CFA était pendante à la date de la décision litigieuse. En outre, ni l'ampleur de l'aide accordée ou à accorder ni le nombre d'entreprises qui peuvent invoquer le principe de protection de la confiance légitime pour prétendre au bénéfice d'un régime transitoire ne pourrait influer sur l'application de ce principe. Enfin, les situations telles que celle en cause étant rares, l'arrêt attaqué n'entraînera pas, selon KFC, une course aux régimes d'aides non notifiés.

Appréciation de la Cour

84 La Cour a itérativement jugé que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s'étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution communautaire a fait naître des espérances fondées du fait d'assurances précises qu'elle lui aurait fournies. Toutefois, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (voir, en ce sens, arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, point 147 et jurisprudence citée).

85 Par ailleurs, à supposer même que la Communauté européenne ait créé au préalable une situation susceptible d'engendrer une confiance légitime, un intérêt public péremptoire peut s'opposer à l'adoption de mesures transitoires pour des situations nées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, mais non achevées dans leur évolution (arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, point 148 et jurisprudence citée).

86 La Cour a également jugé que, en l'absence d'intérêt public péremptoire, la Commission, en n'ayant pas assorti la suppression d'une réglementation de mesures transitoires protégeant la confiance que l'opérateur pouvait légitimement avoir dans la réglementation communautaire, a violé une règle supérieure de droit (arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité, point 149 et jurisprudence citée).

87 À la lumière de ce qui précède, il importe de rappeler, en premier lieu, que, aux points 111 et 112 des motifs de la décision litigieuse, la Commission a elle-même considéré que le régime CFA présente des similitudes avec le régime BCC et que, ayant estimé, dans sa décision du 2 mai 1984 sur le régime BCC [Quatorzième rapport sur la politique de concurrence (1984), p. 271], que le système sur lequel ce dernier était fondé ne comportait pas d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CEE (devenu article 92, paragraphe 1, du traité CE, lui-même devenu après modification article 87, paragraphe 1, CE), elle admettait les arguments du Royaume des Pays-Bas et des tiers intéressés concernant l'existence d'une confiance légitime chez les bénéficiaires du régime CFA, renonçant ainsi à ordonner la récupération des aides accordées.

88 Il importe cependant de souligner que KFC se trouvait dans une situation différente de celle des contribuables dont la Commission avait admis la confiance légitime par les points 113 à 118 des motifs de la décision litigieuse, dès lors qu'elle n'était pas bénéficiaire du régime CFA, mais avait uniquement introduit une demande de premier agrément CFA.

89 En effet, même si, ainsi que le soutient KFC, l'inspecteur est tenu d'octroyer un agrément CFA à tout contribuable qui en fait la demande et remplit les conditions légales pour pouvoir en bénéficier, il n'en reste pas moins que la loi néerlandaise prévoit la nécessité de l'adoption d'une décision de l'inspecteur après vérification que le contribuable remplit ces conditions légales, ladite décision pouvant en outre être elle-même assortie de conditions.

90 Par ailleurs, la situation des contribuables ayant introduit une demande de premier agrément CFA ne saurait être utilement comparée à celle des contribuables ayant introduit une demande de renouvellement d'un agrément au régime BCC, dont la Cour a reconnu la confiance légitime dans l'arrêt Belgique et Forum 187-Commission, précité.

91 Dans cet arrêt, la Cour a tenu compte des investissements importants auxquels avaient procédé les bénéficiaires de l'agrément au régime BCC qui en demandaient le renouvellement ainsi que des engagements à long terme qu'ils avaient pris. Or, les demandeurs d'un premier agrément CFA ne se trouvent pas, en principe, dans la même situation qu'un contribuable déjà bénéficiaire d'un agrément CFA quant aux investissements et aux engagements.

92 Il importe à cet égard de souligner que KFC n'a jamais fait état de manière concrète d'investissements déjà réalisés ni d'engagements déjà pris. Il ressort au contraire de sa position devant le Tribunal, telle que synthétisée au point 51 de l'arrêt attaqué, que, "si la Commission n'avait pas adopté la décision litigieuse, elle aurait pu alimenter, à partir de l'année 2000, sa réserve pour risques jusqu'à l'établissement des avis définitifs d'imposition". De même, KFC fait état de décisions qu'elle aurait pu adopter en matière de réserves pour risques et de lieu du siège de la société de financement.

93 Ces différents éléments montrent que KFC conteste ne pas avoir pu bénéficier, pour l'avenir, du bénéfice d'un agrément CFA.

94 Or, une telle situation est différente de celle des bénéficiaires d'un agrément CFA, qui, si des mesures transitoires n'avaient pas été adoptées, auraient subi des dommages en raison d'investissements effectués ou d'engagements pris dans le passé, à un moment où la légalité du régime fiscal concerné n'était pas mise en cause.

95 Par conséquent, en jugeant, au point 140 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait violé le principe de protection de la confiance légitime en n'admettant pas KFC au bénéfice du régime transitoire prévu par la décision litigieuse, le Tribunal a commis une erreur de droit.

96 Il s'ensuit que la seconde branche du quatrième moyen est fondée.

Sur le troisième moyen et la première branche du quatrième moyen

97 La seconde branche du quatrième moyen ayant été accueillie, il n'est pas nécessaire d'examiner la première branche du quatrième moyen ni le troisième moyen.

Sur le cinquième moyen

Arguments des parties

98 La Commission considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que KFC pouvait se prévaloir du principe d'égalité de traitement. Elle fait notamment valoir que, en tout état de cause, KFC ne saurait être assimilée à des entreprises bénéficiaires du régime CFA qui ont formulé des observations dans le cadre de la procédure ouverte par la décision du 11 juillet 2001 et pour lesquelles les autorités néerlandaises ont demandé l'instauration d'un régime transitoire.

99 KFC considère que ce moyen devrait être considéré comme irrecevable dans la mesure où il porterait sur des questions de fait et devrait être rejeté pour le surplus. À cet égard, elle rappelle que, s'agissant du principe d'égalité de traitement, la seule question pertinente est celle de savoir s'il existe des différences objectives d'une certaine importance de nature à justifier une différence de traitement. Or, aucune des prétendues différences mises en avant par la Commission en ce qui concerne les situations respectives de KFC et des entreprises bénéficiaires du régime CFA à la date de la décision du 11 juillet 2001 ne serait de nature à justifier une différence de traitement.

Appréciation de la Cour

100 Il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, une violation du principe général du droit communautaire d'égalité de traitement consiste dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêts du 7 mai 1998, Lease Plan, C-390-96, Rec. p. I-2553, point 34, et du 19 septembre 2000, Allemagne-Commission, C-156-98, Rec. p. I-6857, point 84).

101 En l'occurrence, il est constant que la Commission a traité différemment, dans la décision litigieuse, les entreprises bénéficiaires du régime CFA et les entreprises dont une demande de premier agrément CFA était pendante à la date de cette décision, en accordant un régime transitoire aux premières et non aux secondes.

102 Il résulte des points 87 à 94 du présent arrêt que cette différence de traitement était justifiée, ce critère de différenciation caractérisant des situations objectivement différentes en ce qui concerne ces deux catégories d'entreprises.

103 Partant, en jugeant aux points 149 et 150 de l'arrêt attaqué que, par la décision litigieuse, la Commission avait violé le principe d'égalité de traitement en n'admettant pas KFC au bénéfice dudit régime transitoire, au motif que, ce faisant, elle avait traité différemment des sujets de droit se trouvant dans une situation comparable au regard de la confiance légitime qu'ils pouvaient placer dans l'octroi d'une période transitoire raisonnable, le Tribunal a commis une erreur de droit.

104 Il s'ensuit que le cinquième moyen est fondé.

105 Eu égard à tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le sixième moyen, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué.

Sur le recours devant le Tribunal

106 Conformément à l'article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, cette dernière, en cas d'annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.

107 En l'espèce, dès lors qu'il résulte des points 84 à 95 du présent arrêt que la première branche du premier moyen présenté par KFC à l'appui de son recours contre la décision litigieuse n'est pas fondée, il y a lieu d'examiner la seconde branche dudit moyen ainsi que les deuxième et troisième moyens présentés à l'appui de ce recours.

108 Or, la réponse, notamment, à ce troisième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation, implique des appréciations en fait sur la base d'éléments qui n'ont pas été examinés par le Tribunal.

109 Il en résulte que ledit recours n'est pas en état d'être jugé par la Cour, de sorte qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue sur cette branche et ces moyens.

Sur les dépens

110 L'affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1) L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 septembre 2007, Koninklijke Friesland Foods-Commission (T-348-03), est annulé.

2) L'affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.

3) Les dépens sont réservés.