CCE, 11 décembre 2002, n° 2003-442
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Concernant la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux d'impôt sur les revenus
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, ,Vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), Après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), et vu ces observations, Considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Par lettre n° 18 du 5 janvier 2000 de leur représentation permanente, enregistrée à la Commission le 10 janvier 2000, les autorités portugaises ont notifié à la Commission un régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores. Ce régime a cependant été inscrit au registre des aides non notifiées car, d'une part, sa notification est intervenue tardivement, en réponse à une demande de renseignements formulée par les services de la Commission par lettre D-65111 du 7 décembre 1999 adressée à la représentation permanente portugaise suite à des articles parus dans la presse, et il semblerait, d'autre part, que le régime en question soit entré en vigueur avant son autorisation par la Commission.
(2) Par lettres D-51013 du 6 mars 2000, D-53849 du 17 juillet 2000 et D-50739 du 19 février 2001, ainsi que par lettres de rappel D-52933 du 19 juillet 2001 et D-54133 du 9 octobre 2001 adressées à la Représentation permanente portugaise, les services de la Commission ont demandé des renseignements complémentaires. Par lettres n° 488 du 2 mai 2000, n° 548 du 16 mai 2000, n° 871 du 22 août 2000, n° 1864 du 13 juin 2001, n° 2827 du 25 septembre 2001 et n° 44 du 9 janvier 2002 de leur représentation permanente, enregistrées à la Commission, respectivement, les 3 mai 2000, 18 mai 2000, 23 août 2000, 19 juin 2001, 1er octobre 2001 et 11 janvier 2002, les autorités portugaises ont répondu à cette demande.
(3) Par lettre SG (2002) D-229609 du 26 avril 2002, la Commission a informé le Portugal que, après avoir examiné les informations communiquées par les autorités portugaises sur le régime en question, elle a décidé, dans le cadre des articles 87 et 88 du traité CE et des articles 61 et 62 de l'accord EEE, de ne pas soulever d'objections à l'égard de la partie du régime qui concerne les volets relatifs aux abattements à la base d'imposition et aux crédits d'impôt sur les revenus, et d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'égard de la partie du régime qui concerne le volet relatif aux réductions des taux d'impôt sur les revenus. Par la même occasion, la Commission a invité le Portugal à présenter ses observations et à fournir toute information utile pour l'évaluation de la partie concernée du régime susmentionné dans un délai d'un mois à compter de la date de réception de la lettre susvisée.
(4) La décision de la Commission de ne pas soulever d'objections à l'égard d'une partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores, en considérant qu'elle est compatible avec le traité, et d'ouvrir la procédure formelle d'examen à l'égard de l'autre partie du régime en question, a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). Les intéressés ont été invités à présenter à la Commission leurs observations sur le régime en cause dans un délai d'un mois à compter de la date de cette publication.
(5) Par lettre n° 1548 du 30 mai 2002 de leur Représentation permanente, enregistrée à la Commission le 31 mai 2002, les autorités portugaises ont fait parvenir à la Commission leurs propres observations.
(6) La Commission a également reçu des observations à ce sujet de la part du gouvernement régional des îles Åland (Finlande). Elle les a transmises au Portugal, par lettre D-53729 du 16 juillet 2002 adressée à la Représentation permanente portugaise, en lui donnant la possibilité de les commenter, et a reçu ses commentaires par lettre n° 2355 du 23 août 2002 de la Représentation permanente portugaise, enregistrée à la Commission le 27 août 2002.
II. DESCRIPTION DES ÉLÉMENTS À L'ENCONTRE DESQUELS LA COMMISSION A OUVERT LA PROCÉDURE
(7) Au vu de la Constitution de la République portugaise, les régions des Açores et de Madère sont des régions autonomes disposant notamment d'une autonomie administrative et financière. Par loi n° 13-98 du 24 février 1998 relative aux finances des régions autonomes, l'État portugais a défini de façon précise les conditions d'une telle autonomie financière. Cette loi énonce les principes et les objectifs de l'autonomie financière régionale, prévoit la coordination des finances des régions autonomes avec celles de l'État, établit le principe de solidarité nationale et l'obligation de coopération entre l'État et les régions autonomes. Elle prévoit, en particulier, que l'impôt sur les revenus des personnes physiques (IRS) et des personnes morales (IRC) constitue une ressource des régions autonomes dans les conditions qu'elle détermine. Dans les termes de l'article 37 de cette loi, les assemblées législatives régionales sont autorisées, inter alia, à diminuer les taux d'impôts sur les revenus qui y sont applicables, dans la limite de 30 % des taux prévus par la législation nationale.
(8) Par décret législatif régional n° 2-99-A du 20 janvier 1999, la région des Açores a arrêté les modalités d'adaptation du système fiscal national aux spécificités régionales, en application des compétences qui lui sont dévolues en la matière. Ce décret législatif produit ses effets depuis le 1er janvier 1999, et comporte en particulier un volet relatif à des réductions des taux d'impôt sur les revenus.
(9) Les réductions des taux d'impôt susmentionnées s'appliquent automatiquement à tous les opérateurs économiques (personnes physiques et morales), et viseraient notamment, selon les autorités portugaises, à permettre aux entreprises installées dans la région autonome des Açores de surmonter les handicaps structurels qui découlent de leur localisation dans une région insulaire et ultrapériphérique. À ce titre, tous les assujettis à l'impôt sur les revenus des personnes physiques (IRS) et des personnes morales (IRC) redevables dans la région des Açores bénéficient de réductions des taux d'impôt sur les revenus, à hauteur de 20 % pour l'IRS (15 % pendant l'année 1999) et de 30 % pour l'IRC. Le coût budgétaire de cette mesure est estimé par les autorités portugaises, sur base des pertes de recettes fiscales qui en découleront, à environ 26,25 millions d'euro par an.
(10) Eu égard aux caractéristiques de ce volet du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores, la Commission a observé en premier lieu que les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (3) consacrent le principe général de l'interdiction des aides régionales destinées à réduire les dépenses courantes des entreprises (aides au fonctionnement), tout en admettant des exceptions dans les régions bénéficiant de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, "à condition qu'elles soient justifiées en fonction de leur contribution au développement régional, de leur nature et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu'elles visent à pallier" (point 4.15). Ces mêmes principes et conditions ont été réitérés par la Commission aux paragraphes 32 et 33 de sa communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (4).
(11) Dans ce contexte, la Commission a encore observé que les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale précisent cependant que, dans les régions ultrapériphériques bénéficiant des dérogations des articles 87, paragraphe 3, point a) et point c) "peuvent être autorisées des aides qui ne sont pas à la fois dégressives et limitées dans le temps, dans la mesure où elles contribuent à compenser les coûts additionnels de l'exercice de l'activité économique inhérents aux facteurs identifiés à l'article 299, paragraphe 2, du traité, dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement de ces régions (éloignement, insularité, faible superficie, relief et climat difficiles, dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits)" (point 4.16.2). Dans les termes de ces mêmes lignes directrices "il incombe à l'État membre de mesurer l'importance des coûts additionnels et de démontrer le lien qui existe avec les facteurs de l'article 299, paragraphe 2". Finalement, "les aides envisagées devront être justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature" et "leur niveau devra être proportionnel aux coûts additionnels qu'elles visent à compenser".
(12) En vue de démontrer la conformité des réductions des taux d'impôt sur les revenus avec les conditions établies par les lignes directrices en matière d'aides au fonctionnement, les autorités portugaises ont d'abord procédé à l'analyse d'un certain nombre d'indicateurs financiers relatifs à un échantillon de 1083 entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu des personnes morales (IRC), dont 100 localisées aux Açores. Pour tous les indicateurs retenus (rentabilité des ventes, autonomie financière, solvabilité totale et rentabilité des capitaux propres), les entreprises localisées aux Açores présenteraient des valeurs substantiellement inférieures à celles localisées dans la partie continentale du Portugal (selon la méthode de pondération retenue, cette différence varierait entre 29,2 % et 76,15 %).
(13) Les autorités portugaises ont par ailleurs soumis à la Commission une étude économétrique, basée sur des données relatives à l'année 1997, et portant sur le même échantillon d'entreprises. Dans les termes de la régression effectuée à cette fin, les profits des dites entreprises s'expliquaient par la valeur ajoutée per capita (considérée comme indicateur du niveau de développement technologique et de la qualification des ressources humaines), le nombre de travailleurs (en tant qu'indicateur de la dimension de chaque entité), le secteur d'activité et la localisation des entreprises concernées. D'après les résultats obtenus, et après correction par des procédures de sample selection visant à prendre en compte l'effet de la présence dans l'échantillon d'entreprises réalisant des pertes, il s'avèrerait que les profits des entreprises localisées aux Açores seraient, en moyenne et ceteris paribus, inférieurs de 33,6 % aux profits réalisées par les autres entreprises. Dans la mesure où une telle différence ne semblerait pas être entièrement explicable par les seuls surcoûts de transport auxquels seraient confrontées les entreprises des Açores lorsque elles doivent s'approvisionner en matières premières ou écouler leur production, les autorités portugaises ont estimé qu'elle découlerait de l'ensemble des facteurs spécifiques à la nature ultrapériphérique de la région. Dans ces circonstances, les autorités portugaises ont considéré en particulier que les réductions des taux d'impôt susvisées seraient justifiées au vu des coûts additionnels de l'exercice de l'activité économique inhérents aux facteurs identifiés à l'article 299, paragraphe 2, du traité, et que leur niveau serait proportionnel à ces coûts.
(14) À cet égard, la Commission a cependant observé que l'étude susvisée ne lui permettait toujours pas, à un tel stade, de vérifier si les réductions des taux d'impôt susvisées étaient justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature, et si leur niveau était proportionnel aux coûts additionnels qu'elles viseraient à compenser. En effet, la Commission a relevé en particulier, et à titre provisoire, trois limitations éventuelles du modèle utilisé par les autorités portugaises:
- en premier lieu, il est probable que l'effet du lieu de localisation des entreprises sur les profits soit variable en fonction de leur secteur d'activité. C'est ainsi que la "nouvelle géographie économique" souligne notamment l'importance des relations interentreprises pour ce qui est de l'accès à des économies d'échelle. Dans le cas présent, il aurait probablement été préférable de procéder à l'estimation de plusieurs modèles indépendants,
- en deuxième lieu, il n'est pas possible d'exclure a priori que la régression utilisée soit surdéterminée. En effet, la valeur ajoutée par travailleur pourrait être elle-même une fonction du nombre de travailleurs, du secteur d'activité et de la localisation des entreprises concernées. Or, il ne ressortait pas clairement des informations transmises à cet égard par les autorités portugaises que tous les tests requis pour juger d'une éventuelle multicolinéarité des variables exogènes (ou d'une hypothétique hétéroscédasticité du modèle) aient été effectués,
- finalement, aucune entreprise du secteur financier ne figurait parmi celles retenues dans l'échantillon de base. Or, le manque de prise en compte d'institutions bancaires et de sociétés d'assurances (lesquelles constituent l'essentiel du secteur financier dans la région des Açores) serait, en principe, susceptible de limiter de façon significative la portée des résultats obtenus.
(15) Dans ces conditions, la Commission a estimé, à titre provisoire, que les autorités portugaises ne lui avaient pas fourni d'éléments suffisants pour prouver que les réductions des taux d'impôt en question étaient, de par leur nature et niveau, aptes à pallier les problèmes spécifiques de la région des Açores, en particulier en ce qui concerne les activités mobiles (notamment services financiers et entreprises de type "services intra-groupe" ou "centre de coordination") pour lesquelles l'existence de handicaps régionaux réels n'entre que très peu en ligne de compte lorsqu'il s'agit de décider de leur localisation. Par conséquent, la Commission n'a pas pu considérer, à un tel stade, que lesdites réductions des taux d'impôt étaient, sous cet aspect, compatibles avec les dispositions pertinentes des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale, ce qui l'a incité à douter de leur compatibilité avec le traité.
(16) En conséquence, la Commission s'est interrogée en particulier, à ce stade, sur la conformité des réductions des taux d'impôt susvisées aux critères de ciblage et de proportionnalité précisés dans sa communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, et notamment dans son paragraphe 33, selon lequel "on peut s'interroger sur l'existence de handicaps régionaux réels pour des activités pour lesquelles les surcoûts qu'ils entraînent entrent peu en ligne de compte, comme par exemple, les surcoûts de transport pour les activités liées à la finance qui favorisent l'évasion fiscale". En effet, et dans la mesure où faisaient toujours défaut des éléments quantifiés permettant de mesurer objectivement le niveau des coûts additionnels auxquels seraient confrontées les sociétés financières redevables dans la région des Açores, la Commission n'était pas non plus en mesure, à ce stade, de considérer que de telles réductions des taux d'impôt étaient, sous cet aspect, compatibles avec les dispositions pertinentes des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale.
III. OBSERVATIONS SOUMISES PAR LES AUTORITÉS PORTUGAISES
(17) Les observations communiquées par les autorités portugaises dans le cadre de la procédure formelle d'examen dont il est question s'efforcent globalement de justifier la méthodologie utilisée dans l'étude économétrique soumise à la Commission par des exemples tirés de la littérature économique récente. D'une part, elles signalent que l'insuffisance généralisée de données statistiques fiables sur les variables pertinentes limiterait sensiblement le choix des échantillons disponibles pour procéder à ce type de régressions, et que, compte tenu de ce fait, l'estimation de modèles sectoriels indépendants n'aboutirait qu'à des résultats peu significatifs. D'autre part, elles précisent que l'hypothèse de multicolinéarité peut être exclue au vu des résultats mêmes et des niveaux de signification statistique des paramètres de la régression effectuée, et considèrent que toute omission de l'une ou l'autre variable exogène, et notamment de la valeur ajoutée par travailleur, aurait pour effet de biaiser les résultats obtenus (ommitted variable bias) ainsi que de réduire significativement leur degré de robustesse.
(18) En ce qui concerne l'absence d'entreprises actives dans le secteur financier parmi celles retenues dans l'échantillon de base, les autorités portugaises se limitent cependant à la justifier par un manque de données statistiques y relatives, tout en reconnaissant que, pour de telles activités, il ne leur serait pas possible de démontrer de façon rigoureuse que les réductions des taux d'impôt en question soient, de par leur nature et niveau, aptes à pallier les problèmes spécifiques de la région des Açores.
(19) Bien qu'étant persuadées que les opérateurs du secteur financier seraient également affectés par des désavantages liés à leur localisation dans la région des Açores, compte tenu notamment de la portée essentiellement régionale de leurs activités, les autorités portugaises se sont néanmoins déclaré disposées à procéder aux ajustements législatifs nécessaires afin de garantir la conformité des réductions des taux d'impôt susvisées aux règles applicables en matière d'aides d'État, notamment en excluant les activités financières de son champ d'application. Dans ce contexte, elles ont par ailleurs indiqué que, dans la mesure où de telles figures n'existent pas dans l'ordre juridique portugais, les activités du type "services intra-groupe" (centres de coordination, centres de distribution et régimes de ruling) seraient de facto exclues du bénéfice de cette mesure.
IV. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS ET COMMENTAIRES DES AUTORITÉS PORTUGAISES
(20) Le gouvernement régional des îles Åland s'est constitué comme partie intéressée au titre de l'autonomie constitutionnelle dont bénéficie cette région finlandaise, notamment dans certains domaines fiscaux. À cet égard, le gouvernement des îles Åland estime que la spécificité géographique d'une mesure fiscale ne suffirait pas pour qu'elle soit considérée comme une aide d'État lorsqu'une telle mesure est mise en œuvre par une région autonome (considérée comme une circonscription fiscale à part entière), en application de ses compétences propres en la matière, et qu'elle s'applique indistinctement à toutes les entreprises y installées sans comporter aucune spécificité matérielle. Ainsi, les réductions des taux d'impôt sur les revenus mises en vigueur par la région des Açores en vue de l'adaptation du système fiscal national aux spécificités régionales seraient, selon le gouvernement des îles Åland, à considérer comme une mesure générale.
(21) Les observations soumises par le gouvernement régional des îles Åland ont été partagées par les autorités portugaises, dans les commentaires qu'elles ont transmis à la Commission à cet égard. Dans ce contexte, elles ont tenu notamment à rappeler que la région des Açores est, au vu de la Constitution portugaise, une région autonome disposant d'une autonomie administrative et financière, et elles considèrent que, dans la mesure où les modalités d'adaptation du système fiscal national ont été arrêtées par cette région en application de ses compétences propres en la matière, les réductions des taux d'impôt susvisées seraient à considérer comme une mesure générale qui relève de la politique fiscale nationale.
V. APPRÉCIATION
(22) La Commission a examiné les observations soumises tant par les autorités portugaises que par les intéressés, dans le cadre de sa procédure formelle d'examen.
(23) En ce qui concerne la nature des réductions des taux d'impôt examinées, qui, selon les observations soumises par le gouvernement régional des îles Åland et les commentaires subséquents des autorités portugaises, seraient à considérer comme une mesure générale, la Commission tient en particulier à rappeler les quatre critères de définition d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. En premier lieu, la mesure en cause doit procurer à ses bénéficiaires un avantage qui allège les charges qui grèvent normalement leur budget. En deuxième lieu, un tel avantage doit être octroyé par l'État ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit. En troisième lieu, la mesure en cause doit affecter la concurrence et les échanges entre les États membres. Finalement, une telle mesure doit être spécifique ou sélective, au sens qu'elle favorise certaines entreprises ou certaines productions.
(24) Sur la base des critères de définition d'une aide d'État susmentionnés, la Commission note en particulier que:
- tel qu'elle l'a souligné au point 9 de sa communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, "un tel avantage peut être procuré par une réduction de la charge fiscale de l'entreprise sous différentes formes et notamment (...) par une réduction totale ou partielle du montant de l'impôt". Dans la mesure où les réductions des taux d'impôt sous examen s'appliquent à des entreprises, elles leur procurent donc un avantage qui allège les charges qui grèvent normalement leur budget,
- l'octroi d'une réduction d'impôt implique une perte de recettes fiscales qui, dans les termes du point 10 de la communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, "équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales". Dans la mesure où ce principe est également d'application dans le cas d'aides accordées par des entités régionales et locales des États membres (5), les réductions des taux d'impôt sous examen sont octroyées au moyen de ressources d'État, soit de ressources qui, dans le système des finances publiques portugaises, sont affectées à la Région autonome des Açores,
- le critère d'affectation de la concurrence et des échanges entre États membres suppose que le bénéficiaire de la mesure exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement. Selon une jurisprudence constante, la condition d'affectation des échanges est remplie dès lors que l'entreprises bénéficiaire exerce une activité économique qui fait l'objet d'échanges entre les États membres, sans que ni l'importance relativement faible d'une aide (6), ni la taille modeste du bénéficiaire ou sa part très réduite sur le marché communautaire, ni même l'absence d'activité à l'exportation dudit bénéficiaire ou le fait que l'entreprise exporte la quasi-totalité de sa production en dehors de la Communauté (7), ne modifient ce constat. Compte tenu de l'étendue de son champ d'application sectoriel, et dans la mesure où au moins une partie des entreprises concernées exerceront une activité faisant l'objet d'échanges entre les États membres, tel est le cas des réductions d'impôt sous examen,
- tel qu'il est rappelé au point 17 de la communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, "la pratique décisionnelle de la Commission jusqu'à présent montre que seules les mesures dont la portée s'étend à l'ensemble du territoire de l'État échappent au critère de spécificité fixé par l'article 87, paragraphe 1, du traité" qui "qualifie lui-même d'aide les mesures destinées à favoriser le développement économique d'une région" (8). Même si elles s'appliquent automatiquement à tous les opérateurs économiques redevables dans la région des Açores, sans y introduire aucune différence de traitement en faveur d'un ou plusieurs secteurs d'activité, les réductions des taux d'impôt susvisées "sont en effet destinées exclusivement à des entreprises situées dans une région donnée de l'État membre en question et constituent pour ces entreprises un avantage dont ne peuvent pas bénéficier les entreprises qui veulent réaliser des opérations économiques analogues dans d'autres zones de cet État" (9). En l'occurrence, lesdites réductions des taux d'impôt favorisent effectivement les entreprises qui sont redevables de l'impôt dans la région des Açores, par rapport à toutes les autres entreprises portugaises.
(25) Les autorités portugaises et l'intervenant contestent que la mesure soit sélective, c'est-à-dire qu'elle favorise "certaines entreprises ou certaines productions". Ils admettent que les avantages fiscaux en cause ne s'appliquent pas à toutes les entreprises portugaises mais seulement à celles qui exercent leur activité dans une partie du territoire portugais, ce qui les rend territorialement sélectives. Ils soutiennent, cependant, que l'on doit distinguer entre les cas où des avantages fiscaux dont la portée est limitée à une partie du territoire national sont octroyés par l'État et ceux où les mêmes avantages sont conférés par une autorité territoriale infraétatique pour la portion de territoire relevant de sa compétence. Les premiers seraient sélectifs car limités dans leur portée à une partie des entreprises soumises à la juridiction de l'État tandis que les deuxièmes seraient des mesures générales car applicables à toutes les entreprises soumises à la juridiction de l'autorité régionale.
(26) La Commission considère en premier lieu que l'élément de sélectivité dans la notion d'aide se fonde sur une comparaison entre le traitement avantageux accordé à certaines entreprises et celui réservé à d'autres entreprises qui se trouvent dans le même cadre de référence. La détermination de ce cadre revêt une importance accrue dans le cas des mesures fiscales parce que l'existence même d'un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition définie comme normale. En principe, il découle à la fois de l'économie du traité, qui vise les aides octroyées par les États ou au moyen de ressources de l'État, et du rôle fondamental que jouent les autorités centrales des États membres dans la définition de l'environnement politique et économique où les entreprises opèrent, par les mesures qu'elles prennent, par les services qu'elles rendent et, le cas échéant, par les transferts financiers qu'elles opèrent, que le contexte dans lequel cette comparaison doit être effectuée est l'espace économique de l'État membre. Par ailleurs, le texte même du traité, qui qualifie d'aides d'État pouvant être déclarées compatibles les mesures destinées "à favoriser le développement économique d'une région" [article 87, paragraphe 3, point a) et point c)], indique que des avantages dont la portée est limitée à une partie du territoire de l'État soumis à la discipline des aides sont susceptibles de constituer des avantages sélectifs. Il est évident que si le contexte de référence pour apprécier la sélectivité territoriale d'une mesure était le territoire où elle s'applique, les mesures qui avantagent l'ensemble des entreprises situées sur ce territoire deviendraient par définition générales. La pratique constante de la Commission, confirmée par la Cour, consiste, en revanche, à qualifier comme aides des régimes fiscaux qui sont applicables dans des territoires ou régions déterminées et qui sont favorables par rapport au régime général d'un État membre (10).
(27) En deuxième lieu, la thèse des autorités portugaises selon laquelle des avantages ayant une portée territoriale limitée deviendraient des mesures générales dans la région concernée du seul fait qu'elles n'ont pas été instituées par l'autorité centrale, mais par l'autorité régionale, et qu'elles s'appliquent dans tout le territoire soumis à la juridiction de la région est inconciliable avec la notion d'aide. Il s'agit là d'une notion objective, qui englobe toutes les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une ou plusieurs entreprises, indépendamment de leur finalité, de leur justification, de leur objectif et de la nature de l'autorité publique qui les institue ou dont le budget supporte la charge. Une distinction basée uniquement sur le pouvoir qui décide de la mesure enlèverait tout effet utile à l'article 87 du traité, qui vise à appréhender les mesures en cause exclusivement en fonction de leurs effets sur la concurrence et sur les échanges communautaires (11). Dès lors, le seul critère formel du degré d'autonomie de l'autorité infraétatique instituant les mesures n'est pas suffisant pour justifier que soient traitées différemment des mesures ayant les mêmes objectifs, mettant en œuvre les mêmes moyens et produisant les mêmes effets sur les échanges et la concurrence. Selon les conclusions précitées de l'avocat général Saggio dans les affaires jointes C-400-97, C-401-97 et C-402-97, "le fait que les mesures en cause sont prises par des collectivités territoriales dotées d'une compétence exclusive en vertu du droit national est en réalité (...) une circonstance purement formelle, qui ne suffit pas à justifier le traitement préférentiel réservé aux entreprises qui relèvent du champ d'application des 'normes forales'. Si tel n'était pas le cas, l'État pourrait aisément éviter l'application, dans une partie de son territoire, des dispositions communautaires en matière d'aides d'État, tout simplement en apportant des modifications à la répartition interne des compétences dans certains domaines, de manière à invoquer ainsi, pour ce territoire déterminé, la nature 'générale' de la mesure en question".
(28) Il y a lieu de constater que, dans le cas d'espèce, le législateur national a d'abord habilité le législateur régional à accorder les réductions d'impôt en cause. Dans un deuxième temps, le législateur régional, sur la base de cette habilitation, a effectivement institué lesdites réductions. Un tel mécanisme produit les mêmes effets que dans le cas où les avantages seraient octroyés directement par les autorités nationales, comme cela a été le cas par le passé pour d'autres régimes d'aides en faveur des entreprises situées aux Açores (12).
(29) La Commission souligne, en effet, que l'utilisation d'un critère purement institutionnel pour différencier les "aides" des "mesures générales" mènerait inévitablement à des différences de traitement dans l'application de la discipline des aides aux États membres selon que ceux-ci ont adopté un modèle centralisé ou décentralisé de distribution des compétences fiscales (ou autres, par exemple en matière de sécurité sociale). Selon la thèse des autorités portugaises, les États membres dont l'organisation administrative interne permettrait à certaines autorités territoriales infraétatiques d'établir des modulations du système fiscal général sous forme d'avantages fiscaux applicables aux entreprises actives dans leurs régions respectives, échapperaient, pour ces régions et ces mesures, à la discipline des aides.
(30) La Commission considère que si des mesures tout à fait semblables dans leurs objectifs, leur technique et leurs effets n'étaient pas soumises à la même discipline, cela serait contraire à l'égalité de traitement et engendrerait de graves distorsions dans le fonctionnement du marché commun. L'application de la discipline des aides à des avantages fiscaux de portée régionale doit répondre à des critères objectifs et ne peut pas être conditionnée par un élément purement institutionnel, comme celui de la mise en œuvre, à un moment déterminé, d'une autonomie fiscale plus au moins large au bénéfice d'une autorité infraétatique d'une portée territoriale plus au moins importante. La généralisation de cette technique mènerait à la rupture de l'égalité dans l'application de la discipline des aides d'État et donc à son inefficacité.
(31) Dans la pratique de la Commission, l'autonomie fiscale de l'autorité régionale octroyant les avantages n'a jamais été considérée comme un élément de nature à exclure la qualification d'aides. Dans sa décision 93-337, la reconnaissance du fait que "les institutions compétentes des trois provinces basques peuvent, sous certaines conditions, maintenir, établir et réglementer le régime fiscal à l'intérieur de leur territoire", n'a pas empêché la Commission de conclure que les avantages fiscaux en cause établis par les trois provinces relevaient des dispositions de l'article 87, paragraphe 1 et de les déclarer incompatibles du fait du non-respect des règles applicables entre autres aux aides régionales et sectorielles (13). Dans des décisions ultérieures relatives à des régimes d'aides fiscales mises en œuvre par des autorités fiscales dotées d'autonomie, la Commission, tout en considérant que les mesures examinées constituaient des aides en raison de leur sélectivité matérielle, a laissé expressément ouverte la possibilité d'examiner leur sélectivité territoriale (14). Ainsi, il convient également de noter que la présente décision ne porte pas sur un mécanisme permettant à l'ensemble des collectivités locales d'un certain niveau (régions, communes ou autres) d'instituer et de percevoir des impôts locaux n'ayant aucun rapport avec la fiscalité nationale. Au contraire, il s'agit en l'espèce d'une réduction applicable uniquement aux Açores, du taux d'impôt fixé par la législation nationale et appliqué à la partie continentale du Portugal. Dans ces conditions, il est évident que la mesure adoptée par les autorités régionales constitue une dérogation par rapport au système fiscal national.
(32) Finalement, la Commission souligne que la qualification d'aide de ces mesures ne remet pas en cause l'autonomie fiscale des régions telle qu'établie par la Constitution portugaise et mise en œuvre par le législateur portugais en 1998 et par le législateur régional en 1999. Elle vise seulement à assurer que, lorsque ces régions exercent leur autonomie en réduisant le niveau d'un impôt perçu sur une base nationale, les avantages fiscaux ainsi octroyés respectent les règles communautaires en matière d'aides régionales et les autres encadrements applicables sur un pied d'égalité dans tout le territoire communautaire et qu'elle ne préjuge donc pas de la compatibilité de ces avantages avec le marché commun.
(33) Au demeurant, la Commission note également qu'elle n'est pas en mesure de considérer que les réductions des taux d'impôt susvisées se justifient par la nature ou l'économie du système fiscal portugais, ni qu'elles sont, de par leur rationalité économique, nécessaires ou fonctionnelles par rapport à l'efficacité d'un tel système. En particulier, et dans la mesure où ces réductions ne découlent pas de l'application de principes tels que la proportionnalité ou la progressivité fiscale, mais favorisent des entreprises localisées dans une région particulière, indépendamment de leur situation financière, les objectifs de développement régional qui leur sont assignés ne peuvent pas être perçus comme inhérents audit système fiscal portugais.
(34) Eu égard aux considérations qui précèdent, ainsi qu'aux caractéristiques de la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui fait l'objet de la procédure formelle d'examen susvisée, la Commission considère ainsi que les réductions des taux d'impôt sur les revenus en cause sont des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE. Il s'agit en effet d'aides accordées au moyen de ressources d'État qui, dans la mesure où lesdites réductions des taux d'impôt s'appliquent à des entreprises, sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres, et menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises.
(35) Dans ces circonstances, et compte tenu du fait qu'il s'agit d'aides qui auraient un caractère continu et qui, selon les autorités portugaises, viseraient à surmonter les handicaps structurels permanents qui découlent du caractère insulaire de la région des Açores et de son éloignement des centres économiques continentaux en réduisant les dépenses courantes des entreprises, la Commission considère en particulier que les aides en question constituent des aides au fonctionnement, certes octroyées dans une région ultrapériphérique qui est, jusqu'à fin 2006, entièrement éligible au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, point a), de l'accord EEE, mais dont la durée n'est pas limitée dans le temps et dont la dégressivité n'est pas assurée. Ceci étant, de telles aides ne peuvent être autorisées que si elles sont destinées à réduire les coûts additionnels de l'exercice de l'activité économique inhérents aux handicaps identifiés à l'article 299, paragraphe 2, du traité, dans le respect des conditions établies par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale en matière d'aides au fonctionnement, et notamment dans son point 4.16.2.
(36) À cet égard, la Commission observe en premier lieu que la région des Açores est constituée par neuf îles éloignées d'environ 1500 km du territoire continental le plus proche, et dont la superficie totale dépasse à peine les 2300 km2, ce qui, selon les autorités portugaises et en raison de l'étroitesse des marchés régionaux, limiterait considérablement les possibilités d'obtention d'économies d'échelle qui permettraient aux entreprises régionales d'atteindre les niveaux de compétitivité nécessaires, tout en entraînant des surcoûts importants en matière de production et d'accès aux marchés. De plus, et compte tenu en particulier du faible niveau de développement atteint par la région [le produit intérieur brut (PIB) par habitant y représentait, en 1998-2000, 52,6 % de la moyenne communautaire], celle-ci figure effectivement parmi les moins développées de l'Union européenne.
(37) En outre, au vu des résultats de l'étude qui lui a été transmise et des commentaires la concernant soumis dans le cadre de la procédure formelle d'examen par les autorités portugaises, et pour ce qui est des entreprises actives en dehors du secteur financier, la Commission observe également que:
- compte tenu de la difficulté d'estimer de façon objective l'incidence de chacun des facteurs mentionnés à l'article 299, paragraphe 2, du traité sur les coûts additionnels de l'activité économique, et dans la mesure où les réductions des taux d'impôt susvisées ne s'appliquent pas en faveur d'un ou plusieurs secteurs particuliers mais s'adressent plutôt à l'ensemble de l'économe régionale, il semblerait, en principe, acceptable de procéder à leur évaluation en termes abstraits. Les autorités portugaises auraient ainsi établi l'existence de l'ensemble desdits coûts additionnels, tout en mesurant, de façon indirecte, leur importance,
- une réduction de 30 % du taux de l'IRC (impôt sur le revenu des collectivités) permettrait simultanément de réduire le handicap des entreprises localisées aux Açores, tel que mesuré par leur niveau de profits, de 9,3 points de pourcentage (de 33,6 % à 24,3 %). Dans la mesure où la compensation des surcoûts liés à la nature ultrapériphérique de la région serait donc limitée à environ 27,7 % de leur valeur absolue, et compte tenu du fait qu'une telle réduction devrait permettre aux entreprises bénéficiaires d'améliorer leur situation financière en dégageant les moyens nécessaires à la poursuite de leurs activités dans des conditions moins contraignantes, les aides envisagées seraient, ainsi, justifiées en fonction de leur contribution au développement régional,
- en termes moyens, et compte tenu de la valeur moyenne du montant d'IRC acquitté par les entreprises redevables dans la région sur les cinq dernières années (23500 euro, selon les autorités portugaises), l'avantage qui reviendrait à chaque entreprise en raison d'une telle réduction du taux de l'IRC ne dépasserait pas 7050 euro par an. Ce montant devrait encore être inférieur dans le cas des petites entreprises soumises à l'impôt sur les revenus des personnes physiques (IRS), ce qui permettrait de considérer que le niveau de tels avantages est proportionnel aux coûts additionnels qu'ils visent à compenser.
(38) Dans la mesure où les réductions des taux de l'impôt sur le revenu s'appliquent aux entreprises actives en dehors du secteur financier, et compte tenu de l'engagement pris par les autorités portugaises de notifier à la Commission, en temps utile, tout maintien de l'application du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores au-delà du 31 décembre 2006 (date d'expiration de la période de validité de la carte des aides d'État à finalité régionale), les autorités portugaises auront la possibilité de démontrer - et la Commission de constater - l'efficacité réelle de la contribution des réductions des taux d'impôt actuelles au développement régional et donc de réévaluer leur pertinence vis-à-vis de la situation de la région. La Commission peut ainsi considérer que l'octroi de ces aides sera effectué en conformité avec les conditions établies par le point 4.16.2 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale. Par conséquent, et dans la mesure où lesdites réductions des taux d'impôt s'appliquent à des entreprises actives en dehors du secteur financier, la Commission peut également considérer les aides susvisées comme compatibles avec le marché commun aux termes de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité.
(39) En revanche, et dans la mesure où les réductions des taux de l'impôt sur le revenu s'appliquent aussi aux entreprises actives dans le secteur financier, la Commission constate qu'elles ne sont pas justifiées par leur contribution au développement régional, et que leur niveau n'est pas proportionnel aux handicaps qu'elles viseraient à pallier. Ainsi, et dans la mesure où font toujours défaut des éléments quantifiés permettant de mesurer objectivement les coûts additionnels auxquels seraient confrontées les sociétés financières redevables dans la région des Açores, la Commission ne peut pas considérer l'application de telles réductions comme compatible avec les dispositions pertinentes des lignes directrices relatives aux aides d'État à finalité régionale. Par conséquent, et dans la mesure où lesdites réductions des taux d'impôt s'appliquent à des entreprises actives dans le secteur financier, la Commission ne peut pas non plus considérer les aides susvisées comme compatibles avec le marché commun aux termes de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité.
(40) De même, et dans la mesure où les réductions des taux de l'impôt sur le revenu s'appliquent à des entreprises actives dans le secteur financier, la Commission ne peut pas considérer les aides susvisées comme pouvant relever d'autres dérogations prévues par le traité. D'une part, compte tenu de leur nature d'aides au fonctionnement, de telles aides ne peuvent pas être considérées comme des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, sans pour autant altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun [article 87, paragraphe 3, point c)]. D'autre part, elles ne constituent pas des aides à caractère social octroyées à des consommateurs individuels [article 87, paragraphe 2, point a)], ne sont pas destinées à remédier à des dommages causés par des calamités naturelles ou d'autres évènements extraordinaires [article 87, paragraphe 2, point b)], ne sont pas octroyées à l'économie de certaines régions de la république fédérale de l'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne [article 87, paragraphe 2, point c)], ne sont pas destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre [article 87, paragraphe 3, point b)], ne sont pas destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine [article 87, paragraphe 3, point d)], et ne concernent pas d'autres catégories d'aides déterminées par le Conseil [article 87, paragraphe 3, point e)].
(41) Dans ces conditions, la Commission constate que seule l'exclusion des entreprises actives dans le secteur financier du champ d'application de la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux de l'impôt sur le revenu, en conformité avec la disposition manifestée à cet égard par les autorités portugaises dans le cadre de la procédure formelle d'examen, lui permettra de considérer les aides susvisées comme compatibles avec le marché commun aux termes de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité. À cette fin, sont à considérer comme entreprises actives dans le secteur financier toutes celles qui exercent des activités reprises à la section J de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE Rév. 1.1) (15), soit des activités d'intermédiation financière (code 65), d'assurance (code 66) et d'auxiliaires financiers et d'assurance (code 67).
(42) Bien que les autorités portugaises aient déclaré que les activités du type "services intra-groupe" (activités dont le fondement économique est de rendre des services à des entreprises appartenant à un même groupe, tels des centres de coordination, de trésorerie ou de distribution) n'existent actuellement pas dans l'ordre juridique portugais, la Commission, pour des raisons de transparence et de sécurité juridique, constate que dans le cas où ces activités seraient en pratique susceptibles d'être exercées dans le cadre des services fournis principalement aux entreprises (section K, code 74 de la NACE Rév. 1.1), elles devront également être exclues de jure du bénéfice des aides susvisées. En effet, et dans la mesure où leurs effets sur la décision de localisation des entreprises d'un groupe ainsi que leurs externalités sur l'économie locale sont faibles, la Commission considère que de telles activités ne participent pas de manière suffisante au développement régional pour pouvoir être déclarées compatibles en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a) ou au titre d'autres dérogations prévues par le traité, pour les raisons déjà indiquées à propos du secteur financier.
(43) Finalement, la Commission se réfère à l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 88 du traité CE (16) qui stipule que toute aide illégale pourra faire l'objet d'une récupération auprès de son bénéficiaire. Le régime d'aides qui fait l'objet de la présente décision ne relève d'aucune des catégories d'aides existantes visées à l'article 1er, point b), du règlement n° 659-1999, sans préjudice de la possibilité que certaines aides versées au titre de ce régime constituent des aides existantes en raison de la situation particulière du bénéficiaire. Étant donné que les aides susvisées ont été illégalement mises en vigueur et qu'aucun principe de droit communautaire ne s'y oppose, les avantages fiscaux dont auraient déjà bénéficié des entreprises actives dans le secteur financier, ainsi que celles exerçant des activités du type "services intra-groupe" (et relatifs aux années 1999, 2000 et 2001), sont à récupérer par les autorités portugaises.
(44) La présente décision concerne le régime en tant que tel et doit être exécutée immédiatement en récupérant les aides illégales déclarées incompatibles. La Commission rappelle qu'une décision négative concernant un régime d'aides ne préjuge pas la possibilité que certains avantages octroyés au titre de ce régime soient considérés, en tout ou en partie, comme n'étant pas des aides ou comme étant des aides compatibles avec le marché commun en fonction de leurs mérites propres (par exemple parce que l'avantage individuel relève des règles de minimis ou est octroyé dans le cadre d'une future décision ou en vertu des règlements d'exemption).
VI. CONCLUSION
(45) La Commission constate que le Portugal a illégalement mis à exécution la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux de l'impôt sur le revenu, en violation de l'article 88 paragraphe 3 du traité. Cependant, sur la base de l'appréciation qui précède, et après avoir examiné ce régime à la lumière des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale, la Commission considère que les aides susvisées satisfont aux conditions établies pour qu'elles puissent être jugées comme compatibles avec le marché commun aux termes des dérogations des articles 87, paragraphe 3, point a), du traité et 61, paragraphe 3, point a), de l'accord EEE, à l'exception des aides octroyées en faveur d'entreprises exerçant des activités financières ou du type "services intra-groupe" (centres de coordination, de trésorerie ou de distribution).
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
La partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux de l'impôt sur le revenu, mise à exécution sur la base des articles 4 et 5 du décret législatif régional n° 2-99-A du 20 janvier 1999, est compatible avec le marché commun, sous réserve des dispositions de l'article 2.
Article 2
La partie du régime d'aides visé à l'article 1er est incompatible avec le marché commun pour autant qu'elle s'applique aux entreprises qui exercent des activités financières reprises sous la section J (codes 65, 66 et 67) de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE Rév. 1.1), ainsi qu'aux entreprises qui exercent des activités reprises sous la section K, code 74, de cette nomenclature dont le fondement économique est de fournir des services à d'autres entreprises appartenant à un même groupe, tels des centres de coordination, de trésorerie ou de distribution.
Article 3
1. Le Portugal prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des entreprises exerçant les activités mentionnées à l'article 2, les aides versées au titre de la partie du régime d'aides visée à l'article 1er.
2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer sont augmentées d'intérêts courant de la date de leur mise à la disposition des bénéficiaires jusqu'à la date de leur récupération. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
Article 4
Le Portugal informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.
Article 5
La République portugaise est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 127 du 29.5.2002, p. 16.
(2) Voir la note 1 de bas de page
(3) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9 et JO C 258 du 9.9.2000, p. 5.
(4) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.
(5) Voir notamment l'arrêt de la Cour de justice du 14 octobre 1987, affaire C 248-84, Allemagne contre Commission (Rec. 1987, p. 4013).
(6) À l'exception cependant des aides accordées en conformité avec les conditions établies par le règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (JO L 10 du 13.1.2001, p. 30).
(7) Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 13 juillet 1988, affaire C-102-87, France contre Commission (Rec. 1988, p. 4067), du 21 mars 1990; affaire C-142-87, Belgique contre Commission (Rec. 1990, p. I-959), et du 14 septembre 1994, affaires jointes C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Espagne contre Commission (Rec. 1994, p. I-4103).
(8) Voir notamment les décisions de la Commission relatives aux aides d'État C 55-01 (Compagnies d'assurances captives des îles Åland, JO C 309 du 6.11.2001, p. 4) et C 52-01 (régime de la qualifying company de Gibraltar, JO C 26 du 30.1.2002, p. 9), ainsi que la décision 93-337-CEE de la Commission du 10 mai 1993 concernant des aides fiscales à l'investissement dans le Pays basque (JO L 134 du 3.6.1993, p. 25).
(9) Conclusions de l'avocat général Saggio, présentées le 1er juillet 1999, dans le cas d'une question préjudicielle posée à la Cour de justice et concernant les affaires jointes C-400-97, C-401-97 et C-402-97 (Rec. 2000, p. I-1073).
(10) Voir notamment, s'agissant de mesures prises par des autorités centrales, la décision de la Commission du 21.5.1997, aide N 847-96, concernant la création de zones prioritaires ultrapériphériques et de mesures de désenclavement économique dans les DOM (JO C 245 du 12.8.1997), la décision de la Commission du 16 décembre 1997, aide N 144-A-96, concernant le régime d'aides régionales à l'investissement et au fonctionnement portant modification du régime économique et fiscal des îles Canaries (JO C 65 du 28.2.1998), et la décision de la Commission 2002-780-CE du 28 février 2001 concernant le régime d'aide "Prime fiscale 1999", que l'Allemagne envisage de mettre à exécution en faveur de certaines entreprises opérant dans les nouveaux Länder, y compris Berlin (JO L 282 du 19.10.2002, p. 15). Voir également la décision 98-476-CE de la Commission du 21 janvier 1998 concernant les allégements fiscaux accordés en vertu de l'article 52, paragraphe 8, de la loi allemande relative à l'impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz) (JO L 212 du 30.7.1998, p. 50), qui a fait l'objet de l'arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne contre Commission, affaire C-156-98 (Rec. 2000, p. I-6857).
(11) Arrêts du 2 juillet 1974, Italie contre Commission, affaire 173-73 (Rec. 1974, p. 713), du 14 novembre 1984, Intermills contre Commission, 323-82 (Rec. 1984, p. 3809), du 14 octobre 1987, Allemagne contre Commission, précité.
(12) Voir notamment l'aide N 143-93, mesures fiscales en faveur des Zones franches de Madère et de Santa Maria.
(13) Voir, à cet égard, l'arrêt de 6 mars 2002, Territorio Histórico de Álava et autres contre Commission, affaires jointes T-127-99, T-129-99 et T-148-99 (Rec. p. II-1385, p. 1275, point 237).
(14) Voir notamment les décisions du 20 décembre 2001, cas C 58-2000, C 59-2000 et C 60-2000. Aides fiscales sous la forme de l'exemption de l'impôt des sociétés pour certaines entreprises nouvellement créées dans la province d'Alava.
(15) Règlement (CE) n° 29-2002 de la Commission du 19 décembre 2001 modifiant le règlement (CE) n° 3037-90 du Conseil relatif à la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (JO L 6 du 10.1.2002, p. 3).
(16) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.