Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 septembre 2009, n° 07-12165

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Salentine Automobiles (SA)

Défendeur :

General Motors France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Birolleau

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Monin-d'Auriac de Brons

Avocats :

Me Guillin, SCP Vogel, Vogel

CA Paris n° 07-12165

16 septembre 2009

LA COUR,

Vu le jugement du 22 mai 2007 du Tribunal de commerce de Paris qui a débouté la SA Salentine Automobiles, ancien concessionnaire automobile de la marque Opel pour le Nord du département de la Loire-Atlantique, de ses demandes, notamment en dommages et intérêts et en paiement de sommes qui lui seraient contractuellement dues à l'encontre de la SAS General Motors France, anciennement Opel France, concédante, et l'a condamnée à payer à cette dernière les sommes de 91 740,82 euro avec intérêts au taux légal à compter du 29-12-2003 au titre de factures et 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et a ordonné l'exécution provisoire;

Vu l'appel de la SA Salentine Automobiles et ses conclusions du 12 mai 2009 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement; condamner la société General Motors France à lui payer la somme de 249 899 euro au titre de la dévalorisation de son fonds de commerce; 1 596 398 euro au titre des pertes enregistrées et de son manque à gagner de 2000 à 2003, 70 350 euro au titre de la perte de marge sur le portefeuille de véhicules neufs cédés à la société BSA, 82 979 euro au titre des investissements non repris par BSA; 114 002,72 euro en titre du solde de garanties non remboursées avec compensation avec la somme de 91 740,82 euros correspondant aux factures émises par GMF ; enjoindre à cette dernière de communiquer divers documents ; la condamner à lui payer 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions du 6 mai 2009 de General Motors qui demande la confirmation du jugement; le débouté de l'appelante et 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant sur la responsabilité de General Motors quant à la distribution de véhicule utilitaires que Longchamp Automobiles, ancienne dénomination de Salentine Automobiles, a été concessionnaire Opel à partir de 1987 ; qu'à partir de 1991, la société Beaulieu Sud Automobiles BSA a été concessionnaire pour le Sud de la Loire-Atlantique; que les véhicules commercialisés étaient des véhicules particuliers et des véhicules utilitaires légers (VUL) ; qu'à partir de 1999 Opel a mis en place un réseau pour les véhicules utilitaires (VU) ; que Salentine reproche à GMF de ne pas lui avoir accordé la concession pour les VU, lui ayant pour ce faire préféré BSA, faisant valoir que les performances de Longchamp étaient les meilleures du secteur, très supérieures à celles de BSA dont les résultats étaient négatifs et de surcroît les locaux inadaptés ; que Longchamp a effectué des investissements dans la perspective d'être nommée concessionnaire VU, soutenant que les autres concessionnaires qui en ont fait la demande ont obtenu la concession pour les véhicules utilitaires, et qu'elle a été victime de discrimination;

Considérant que le choix de BSA plutôt que de Longchamp a été motivé, selon General Motors par le fait que BSA faisait partie du groupe Convenant, groupe multimarque dans l'ouest de la France pour les véhicules industriels qui bénéficiait d'une assise financière importante ; que le fait de privilégier les seuls liens capitalistiques sans tenir compte des performances de vente et des résultats apparaît économiquement peu rationnel ; que Salentine remarque que BSA qui a racheté son fonds de commerce, notamment les investissements qu'elle avait effectués pour les véhicules utilitaires a cessé la représentation de la marque Opel 4 ans après ce rachat avec un résultat d'exploitation déficitaire de 1 089 458 euro; mais que la cour ne peut tirer de conséquences juridiques de cette erreur économique; qu'en application de la règle fondamentale de liberté des contrats, General Motors était libre de choisir son partenaire pour la nouvelle activité de commercialisation de véhicules utilitaires; qu'elle n'a pas rompu les relations avec Longchamp qui a conservé la concession tant pour les véhicules particuliers que pour les véhicules utilitaires légers; que rien n'établit que General Motors ait établi des critères généraux et objectifs pour le choix des concessionnaires VU auxquels elle aurait dérogé au préjudice de la seule société Longchamp Automobiles ;

Considérant qu'il n'apparaît pas plus que General Motors l'ait encouragée a effectuer des investissements en vue de la commercialisation des véhicules utilitaires ni l'ait trompée ou manqué à la loyauté en lui laissant entendre qu'elle serait choisie pour les véhicules utilitaires ; qu'au contraire, dans une lettre du 1er avril 1999, Opel France, se référant à des courriers "évoqués verbalement" de Longchamp "confirmait" par écrit sa position selon laquelle Opel n'avait pas retenu la candidature de Longchamp ; que dans une autre lettre du 13 avril 2000 se référant à un nouvel "acte de candidature à la distribution de véhicules utilitaires" effectué par courrier du 27 mars 2000, Opel informait Longchamp Automobiles que cette démarche ne pouvait recevoir une réponse favorable, déclarant qu'aucun élément nouveau sur la région nantaise ne justifiait que soit reconsidérée "la décision prise fin 1998" et rappelait le contrat "qui nous lie formellement à Nantes BSA pour la distribution des VU sur la région nantaise"; que dans une lettre du 29 janvier 2001, la position d'Opel était à nouveau confirmée;

Considérant sur les "objectifs", que l'appelante reproche à GMF d'avoir surévalué ses objectifs tant en véhicules qu'en pièces de rechange, de les avoir constamment augmentés, la privant ainsi de toute perspective de primes, indispensables à sa rentabilité ; mais qu'outre qu'il résulte des chiffres qu'elle cite qu'en matière de véhicules neufs, 765 en 1998, 774 en 1999, 1028 en 2000, 1070 en 2001, 927 en 2002, il n'y a eu d'augmentation importante qu'entre 1999 et 2000 et une diminution entre 2001 et 2002, GMF fait valoir que les objectifs, fixés annuellement, sont signés par les concessionnaires ; que Salentine a signé et donc accepté l'ensemble de ses objectifs sans utiliser la possibilité qu'elle avait de les contester avant de les signer en ayant recours à un tiers expert ; que GMF déclare en outre que ce n'est pas l'atteinte de l'objectif annuel qui détermine les primes de volume mais les plans trimestriels ; que Salentine a perçu des primes de volume alors qu'elle n'atteignait pas l'objectif annuel;

Considérant sur le défaut d'approvisionnement, que Salentine déclare qu'à compter de juin 2002 GMF ne l'a plus approvisionnée dans des conditions normales en véhicules neufs finissant ainsi de l'asphyxier et l'obligeant à céder son fonds à BSA ; mais qu'elle n'en établit ni le caractère fautif de la part de GMF ni l'ampleur, ni les conséquences ; que GMF reconnaît des retards ponctuels dus à des problèmes, d"'encours" dont, n'assurant pas l'encours fournisseur, elle n'est pas responsable, soit à des retards dans la production, "ce qui arrive parfois" ; et remarque que le portefeuille client qui a été cédé à BSA, correspondait à 3 semaines de commandes, "ce qui est parfaitement normal au vu des délais" ; que la cour n'est pas en mesure de tirer des conséquences précises des difficultés d'approvisionnement, qui apparaissent mineures;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et des motifs non contraires du tribunal qu'il ne peut être fait droit à aucune des demandes de dommages et intérêts de la société Salentine Automobile; qu'il en résulte également que les injonctions de communiquer des documents demandés par l'appelante n'apparaissent pas utiles;

Considérant sur les sommes dues dans le cadre de l'exécution du contrat, que ni le montant ni le bien-fondé des factures de General Motors ne sont contestées ; mais qu'il n'est pas certain qu'elles correspondent à des créances encore existantes, compte tenu de la compensation qui a pu s'opérer avec des créances de Salentine au titre des garanties ; que General Motors ne conteste pas le principe d'une obligation de paiement du concédant au concessionnaire pour les remises aux clients afférentes à des véhicules sous garantie, et le reconnaît même, en rappelant le mécanisme mais déclare que Salentine ne justifie pas sa demande, ne verse aucun document probant, notamment les numéros d'ordre de travail ou de demandes en garanties sur lesquels figure un numéro de châssis;

Considérant toutefois que figurent au dossier de l'appelante plusieurs dizaines de ces documents avec notamment des numéros de châssis et l'ordre de travail (OT) sans que leur communication régulière résulte clairement du bordereau de communication de pièces joint aux conclusions susvisées ; que la plupart des demandes y afférentes ont été apparemment refusées en raison de retards "claim not received in allowable time" certaines pour d'autres raisons apparemment d'ordre technique, "claim type invalid for the repair"; que la cour ignore les stipulations contractuelles sur cette question du paiement des garanties, notamment quels sont les travaux donnant droit aux paiements, quels sont les délais dans lesquels les demandes doivent être faites et quelle est la sanction du défaut de respect des délais ; que la cour ne dispose pas en l'état d'éléments suffisants pour statuer sur la demande de paiement de 114 002,72 euro faite par l'appelante; qu'il y a lieu à réouverture des débats;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SA Salentine Automobiles à payer à la SAS General Motors France la somme de 91 740,82 euro outre intérêts et l'a déboutée de sa demande de paiement de 114 002,72 euro avec compensation. Réserve sa décision et rouvre les débats sur ces seuls points, hors frais irrépétibles et dépens. Enjoint aux parties de communiquer régulièrement tout élément utile de ce chef notamment pour l'appelante les OT qui fondent sa demande, pour l'intimée les stipulations contractuelles sur lesquelles elle fonderait son refus de paiement, et de conclure en conséquence. Déboute les parties de leurs autres demandes hors frais irrépétibles et dépens. Réserve les frais irrépétibles et les dépens. Renvoie à la mise en état.