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Décisions

Cass. com., 15 septembre 2009, n° 08-18.388

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Vernouillet automobiles (SAS)

Défendeur :

Fiat France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Defrenois, Levis

T. com. Versailles, 2e ch., du 6 févr. 2…

6 février 2008

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juin 2008), que la société Fiat France a conclu, le 1er octobre 2003, huit contrats de distribution avec la société Vernouillet automobiles lui octroyant ainsi, pour les sites de Dreux et d'Evreux, l'agrément de distributeur agréé pour la vente des véhicules neufs de plusieurs de ses marques, ainsi que de distributeur pièces et services correspondant à ces véhicules ; qu'en 2007, M. Mesellaty a informé la société Fiat France de son intention d'acquérir les actions de la société Vernouillet automobiles et a sollicité la poursuite des contrats en cours ; que la société Fiat France a notifié son refus d'agrément de M. Mesellaty en invoquant des procédures en cours les opposant et concernant deux autres concessions dirigées par ce dernier, placées en liquidation judiciaire ; que M. Mesellaty ayant néanmoins acquis les titres de la société Vernouillet automobiles, la société Fiat France a notifié à celle-ci la résiliation à effet immédiat des contrats de distributeur agréé au motif que la cession s'étant réalisée sans son accord préalable, elle faisait application de deux dispositions des contrats de distribution ouvrant la possibilité d'une résiliation "extraordinaire" à défaut d'agrément; qu'un litige s'est alors élevé entre la société Vernouillet automobiles et la société Fiat France concernant la restitution des véhicules en stock et la dépose de la signalétique des marques Fiat et Alfa Roméo apposées sur les sites de Dreux et d'Evreux; que parallèlement à cette procédure, la société Vernouillet automobiles a poursuivi la société Fiat France pour qu'il lui soit enjoint de l'agréer au titre de ces deux sites en tant que distributeur pièces et services des véhicules des marques Fiat VP et VU et Alfa Roméo ; que la société Fiat France a demandé reconventionnellement la condamnation de la société Vernouillet automobiles à lui payer une certaine somme et à déposer les enseignes sous astreinte;

Attendu que la société Vernouillet automobiles fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'agrément à titre de distributeur pièces et services de la société Fiat France et de lui avoir ordonné de déposer les enseignes et la signalétique attachées à la vente des véhicules neufs des marques Fiat VP, Fiat VU et Alfa Roméo sur les sites d'Evreux et de Dreux, sous astreinte, alors, selon le moyen 1°) qu'aux termes de l'article 1er du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002, "Aux fins du présent règlement, on entend par... h) "système de distribution sélective qualitative", un système de distribution sélective dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis par la nature des biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous les distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distribution et appliqués d'une manière non discriminatoire et ne limitant pas directement le nombre de distributeurs ou de réparateurs"; que dans un tel système, le fournisseur doit agréer tous ceux qui remplissent les critères qualitatifs requis, sans pouvoir s'attacher à d'autres critères, tenant en particulier à la personne du candidat et, s'il s'agit d'une personne morale, de ses dirigeants ou associés, ainsi qu'à la façon dont ont été exécutés et/ou rompus les contrats antérieurement conclus avec celui-ci; qu'en considérant qu'un fournisseur serait malgré tout "en droit de ne pas agréer de façon systématique un distributeur respectant les critères qualitatifs définis par le fabricant", en ce qu'il conviendrait "de maintenir la possibilité pour le concédant de refuser l'agrément si cela est... justifié par des impératifs tenant à la sauvegarde de ses intérêts commerciaux légitimes", la cour d'appel a violé l'article 1° h) du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ; 2°) qu'à supposer qu'il convienne cependant "de maintenir la possibilité pour le concédant de refuser l'agrément si cela est... justifié par des impératifs tenant à la sauvegarde de ses intérêts commerciaux légitimes", tel n'apparaît pas pouvoir être le cas pour la seule raison que la demande d'agrément émane d'un distributeur dont le contrat a été précédemment résilié, y compris pour faute, même quelques semaines plus tôt; qu'en estimant que la société Fiat France "était en droit de ne pas agréer de façon systématique un distributeur respectant les critères qualitatifs définis par le fabricant, lorsque le contrat de distribution avait été précédemment résilié pour faute et notamment lorsque la résiliation était intervenue quelques semaines avant la nouvelle demande d'agrément la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1° h) du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ; 3°) qu'en se prononçant de la sorte, après avoir relevé que "la société Vernouillet automobiles est dirigée par une personne parfaitement avertie qui gérait des sociétés (Altius et SNDA) appartenant au réseau Fiat, en contentieux ouvert avec la société Fiat France depuis plusieurs années", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le motif du refus d'agrément exprimé par la société Fiat France ne tenait pas à l'existence de litiges en cours avec les liquidateurs judiciaires des sociétés, anciennement concessionnaires Fiat, dont le nouveau dirigeant de la société Vernouillet automobiles, M. Mesellaty, avait été le dirigeant, ainsi qu'il résultait, en particulier, des termes de sa lettre en date du 12 mars 2007, dans laquelle elle précisait "nous n'entendons pas retenir votre candidature à la représentation de nos marques sur les secteurs de Dreux/Evreux compte tenu des procédures actuellement pendantes qui nous opposent", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1° h) du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ; 4°) qu'en relevant, ainsi, pour en déduire sa "mauvaise foi", "que l'ensemble des huit contrats de distributeur agréé pour la vente et l'après-vente avaient été résiliés de plein droit et sans préavis à effet immédiat par lettre du 28 mars 2007, en raison du non-respect des obligations contractuelles de l'appelante, qui n'avait pas informé l'intimée de la cession envisagée et n'avait pas sollicité l'agrément du nouveau dirigeant" puis que "la société Vernouillet automobiles est dirigée par une personne parfaitement avertie qui gérait des sociétés (Altius et SNDA) appartenant au réseau Fiat, en contentieux ouvert avec la société Fiat France depuis plusieurs années, ce qui explique peut-être le non-respect par l'appelante des obligations précitées", après avoir indiqué, dans son rappel des faits de la cause, que "par des courriers du 27 février 2007 et 26 mars 2007, M. Mesellaty a informé la société Fiat France de son intention d'acquérir les actions de la société Vernouillet automobiles et a sollicité la poursuite des différents contrats en cours; par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 mars 2007, la société Fiat France a notifié son refus d'agrément de M. Mesellaty "compte tenu des procédures actuellement pendantes qui nous opposent", des actions engagées par les liquidateurs judiciaires de deux concessions Fiat que M. Mesellaty avait précédemment exploitées au Havre et à Yvetot et auxquelles la société Fiat France avait notifié en juin 2000 la résiliation ordinaire (sans faute, avec préavis d'un an de leur contrat); le 23 mars, M. Mesellaty a acquis les titres de la société Vernouillet automobiles"; par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mars 2007, la société Fiat France a notifié à la société Vernouillet automobiles la résiliation immédiate des contrats de distributeurs agréés de la société Vernouillet automobiles au motif que la cession s'était réalisée sans son accord préalable, en application des articles 53-1 et 60-1 des contrats de distribution, ouvrant une possibilité de résiliation "extraordinaire" à défaut d'agrément", la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences qu'elles appelaient nécessairement, a violé de l'article 1° h) du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ; 5°) qu'en relevant encore que "cette résiliation pour faute n'a pas été judiciairement contestée et ne l'est qu'à présent dans les dernières écritures de l'appelante au seul soutien de la demande d'agrément en tant que réparateur agréé; que dans ces conditions, force est de relever que l'appelante n'avait alors aucun argument à opposer à la résiliation intervenue dans la stricte application des articles 53.1 et 60.1 des contrats de distribution et de constater la mauvaise foi de la société appelante, qui entache l'exécution de l'ensemble des contrats intervenus entre les parties" et que "le non-respect par l'appelante des obligations précitées..., constitue un manquement caractérisé et grave à une obligation contractuelle", motifs inopérants à établir que la société Fiat France aurait valablement pu refuser l'agrément qui lui était demandé par la société Vernouillet automobiles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1° h) du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ; 6°) qu'en ajoutant, in fine, qu'il convenait de maintenir la possibilité pour le concédant de refuser l'agrément "s'il s'agissait par le biais de la clause d'agrément de permettre à Fiat France de vérifier que le repreneur n'avait pas d'intérêts contraires aux siens, ce qui était le cas", sans autre précision, sauf à ce que cette énonciation renvoie aux actions en justice engagées par les liquidateurs judiciaires des sociétés dont M. Mesellaty avait été le dirigeant, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1° h) du règlement CE n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, d'un côté, que l'ensemble des huit contrats de distributeur agréé pour la vente et l'après-vente avaient été résiliés de plein droit et sans préavis, à effet immédiat, en raison du non-respect des obligations contractuelles de la société Vernouillet automobiles, qui n'avait pas informé la société Fiat France de la cession envisagée et n'avait pas sollicité l'agrément du nouveau dirigeant, de l'autre, que cette résiliation pour faute n'a pas été judiciairement contestée, et enfin que la société Vernouillet automobiles qui s'est ainsi rendue responsable d'un manquement caractérisé et grave à une obligation contractuelle est désormais dirigée par une personne parfaitement avertie qui gérait des sociétés appartenant au réseau Fiat, en contentieux ouvert avec la société concédante depuis plusieurs années, l'arrêt retient à bon droit et par une décision légalement justifiée, sans avoir à procéder à une recherche que ces constatations rendaient vaine et sans encourir les griefs des quatrième cinquième et sixième branches, que le contrat de distribution ayant été précédemment résilié pour faute, la société Fiat France était en droit de ne pas agréer à nouveau ce distributeur bien qu'il respecte les critères qualitatifs définis par elle ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Par ces motifs: Rejette le pourvoi.