Cass. soc., 24 juin 2009, n° 07-43.542
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Perey
Défendeur :
Jannot
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Perony (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Moignard
Avocat général :
M. Carré-Pierrat
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, Me Le Prado
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Jannot, ayant travaillé à compter du 27 septembre 2003 à l'agence immobilière de M. Perey, comme agent commercial, a refusé un contrat de VRP qui lui a été proposé en date du 14 février 2005 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que M. Perey fait grief à l'arrêt de dire recevable l'appel formé contre le jugement en ce qu'il a dit et jugé que les conditions nécessaires à la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat d'agent commercial n'étaient pas réunies pour la période du 27 septembre 2003 au 7 février 2005 et s'est déclaré incompétent pour en connaître alors, selon le moyen, que lorsque la demande principale est indépendante de la demande subsidiaire, le chef du jugement afférent à la première et qui statue seulement sur la compétence ne peut être attaqué que par la voie du contredit; qu'en l'espèce, M. Jannot avait saisi les juges d'une demande principale tendant à la requalification de son contrat d'agent commercial du 1er janvier 2004 en contrat de travail et d'une demande subsidiaire tendant à ce que sa qualité de salarié soit, en tout état de cause, reconnue pour la période du 14 au 21 février 2005, M. Perey lui ayant proposé le 14 février 2005 de régulariser un contrat de VRP; qu'aux termes du jugement rendu le 12 avril 2006, le Conseil de prud'hommes de Roanne, après avoir jugé que les conditions nécessaires à la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat d'agent commercial de M. Jannot n'étaient pas réunies pour la période du 27 septembre 2003 au 7 février 2005, s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige et a renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de Roanne et ayant retenu l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée du 14 février 2005, s'est, en revanche, déclaré compétent pour statuer sur la demande subsidiaire de M. Jannot; qu'en déclarant recevable l'appel formé par M. Jannot à l'encontre du chef du jugement précité afférent à la demande principale de ce dernier et statuant seulement sur la compétence, quand seule la voie du contredit était sur ce point ouverte à l'intéressé, la cour d'appel a violé l'article 80 du Code de procédure civile;
Mais attendu qu'ayant relevé que le conseil de prud'hommes avait partiellement statué sur le fond du litige, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel était recevable pour statuer sur la demande de requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail pour la période du 27 septembre 2003 au 7 février 2005 ; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal: - Attendu que M. Perey fait grief à l'arrêt de juger que les parties étaient liées par un contrat de travail à compter du 27 septembre 2003 et en conséquence de le condamner à payer diverses sommes alors, selon le moyen: 1°) que l'existence d'un lien de subordination entre le mandataire et son mandant doit être appréciée au regard des conditions de fait dans lesquelles s'est concrètement déroulée la collaboration entre les parties et ne peut être déduite du seul examen des stipulations du contrat de mandat; qu'en se bornant à se fonder sur des stipulations contractuelles (convention établie le 3 juin 2004 et fiches de procédure jointes à cet acte) établissant, selon elle, l'existence un lien de subordination, pour en déduire l'éviction des attestations produites par l'employeur, faisant état des conditions réelles l'exécution de l'activité professionnelle de M. Jannot, comme contenant des enseignements contraires aux stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code du travail; 2°) que l'agent commercial, qui n'est astreint à aucun horaire ni à aucun objectif précis, détermine seul le volume de son activité, définit librement les modalités de prospection et n'est soumis à aucun pouvoir disciplinaire, n'est pas dans un lien de subordination vis-à-vis de son mandant; que l'éventuelle détermination unilatérale des taux de commissionnement par le mandant ne saurait davantage caractériser un lien de subordination, un tel mode de rémunération étant parfaitement compatible avec le régime du contrat de mandat ; qu'en l'espèce, M. Perey soutenait que les relations qu'il avait entretenues avec M. Jannot étaient celles s'instaurant entre un mandant et un mandataire; que s'il reconnaissait avoir sollicité de ce dernier, de manière marginale, des modalités particulières d'exercice du mandat, il soulignait s'être toujours gardé de s'immiscer dans l'organisation de son activité, le laissant libre du choix de ses horaires, de ses moyens, de ses objectifs et donc de son volume d'activité et ne le soumettant, au demeurant, à l'exercice d'aucun pouvoir disciplinaire; qu'en déduisant l'existence d'un lien de subordination du fait que M. Perey effectuait les annonces et les répercutait sur M. Jannot pour la prise de rendez-vous, qu'il avait pris l'initiative de fixer lui-même les taux de commission de l'intéressé, et que l'agenda de M. Jannot comportait des annotations et remarques émanant de Mme Perey sur des prises de rendez-vous et l'exigence d'un rapport, lorsque de telles circonstances, qui ne s'accompagnaient ni d'instructions précises et régulières ni d'aucun pouvoir disciplinaire, n'étaient nullement exclusives d'une indépendance du mandataire dans l'exercice de son activité et de sa liberté dans le choix des modalités de prospection, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code du travail; 3°) que la détermination unilatérale des taux de commissionnement qui a été acceptée par le mandataire présente un caractère contractuel; qu'en déduisant l'existence d'un lien de subordination de la circonstance que M. Perey aurait fixé unilatéralement ses taux de commissionnement, quand elle avait elle-même relevé que ceux-ci avaient été contractuellement acceptés par M. Jannot, ce que ce dernier reconnaissait d'ailleurs expressément, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code du travail; 4°) que M. Perey rappelait avoir été contacté en septembre 2003 par M. Jannot, alors sans emploi et fragilisé par cette situation, pour être initié au métier de négociateur immobilier qu'il envisageait à terme d'exercer et l'avoir à cette fin laissé assister à une dizaine d'opérations de vente pendant la période de septembre à décembre 2003, sans qu'il résultât de cette collaboration amiable aucun engagement réciproque entre eux, M. Perey ayant même pris soin d'aviser l'intéressé de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait alors de l'engager comme salarié; qu'il précisait que M. Jannot n'avait d'ailleurs jamais cessé de percevoir les indemnités des ASSEDIC pendant ladite période; qu'en se fondant sur la circonstance que des clients de l'agence attestaient de l'intervention de M. Jannot pendant la période en question, pour convenir de l'existence d'un contrat de travail entre les parties dès septembre 2003, sans préciser les conditions de déroulement de ces interventions ni dire en quoi elles révélaient l'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de M. Perey, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait non seulement des stipulations contractuelles mais aussi de mentions sur un agenda et d'attestations que M. Jannot accomplissait un travail sous la direction et le contrôle de M. Perey, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la troisième branche, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal:- Vu les articles 4 du Code de procédure civile et L. 40-1 devenu L. 3211-1 du Code du travail; - Attendu que pour condamner M. Perey à payer à M. Jannot des rappels de salaires de 7 970,85 euro pour 2003, 8 775,15 euro pour 2004 et 9 750 euro pour 2005, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient que la qualité de VRP a été reconnue au salarié et que ses réclamations salariales sont justifiées par des calculs non contestés;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que, d'une part, M. Perey contestait la référence à des commissions et la possibilité de commissions pour certains dossiers, d'autre part, que les commissions applicables en tant que VRP étaient différentes de celles résultant de l'avenant au contrat d'agent commercial, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Et sur le pourvoi incident: - Vu les articles 12 du Code de procédure civile et 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975; - Attendu que pour débouter M. Jannot de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de rupture, l'arrêt retient que son calcul est basé sur une ancienneté comprise entre trois et six ans alors qu'il ne bénéficie d'une ancienneté que du 27 septembre 2003 au 21 avril 2005;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle lui reconnaissait la qualité de VRP et qu'en application de l'accord applicable, pour les années comprises entre zéro et trois ans d'ancienneté, cette prime est de 0,70 mois par année entière, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Par ces motifs: Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Perey à payer à M. Jannot des rappels de salaires de 7 970,85 euro pour 2003, 8 775,15 euro pour 2004 et 9 750 euro pour 2005, outre les congés payés afférents et en ce qu'il a débouté M. Jannot de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de rupture, l'arrêt rendu le 25 mai 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.