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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 27 mai 2009, n° 08-02294

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

General Motors France (SAS)

Défendeur :

Bigorre Services Automobiles (SAS), Navarre Services Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Birolleau

Avoués :

SCP Monin-d'Auriac de Brons, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Me Bourgeon, Selas Vogel & Vogel

T. com. Paris, du 10 janv. 2008

10 janvier 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 10 janvier 2008 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit que la résiliation des contrats de distribution sélective conclus le 1er octobre 2003 entre la société General Motors France (GMF), concédant, et les sociétés SAS Bigorre Services Automobiles (BSA) et SAS Navarre Services Automobiles (NSA), concessionnaires, prendrait effet au 18 décembre 2008 et condamné la société General Motors France (GMF) à verser 33 033,66 euro à la SAS Bigorre Services Automobiles (BSA) et 27 615,98 euro à la SAS Navarre Services Automobiles (NSA) avec intérêt au taux légal à compter du 16 janvier 2007, outre 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à l'ensemble des demanderesses, l'exécution provisoire étant ordonnée ;

Vu la déclaration d'appel de la société GMF du 4 février 2008 et ses conclusions du 15 octobre 2008 par lesquelles elle demande à la cour à titre principal l'infirmation du jugement, le remboursement des sommes versées, le débouté des demandes des sociétés Bigorre Services Automobiles et Navarre Services Automobiles, celles-ci n'étant notamment plus fondées, depuis la loi du 4 août 2008, à invoquer un grief de pratiques discriminatoires et, à titre subsidiaire, la confirmation sur la résiliation, 10 000 euro étant demandés in solidum des appelantes sur le fondement de l'article 700 du Code procédure civile;

Vu la déclaration d'appel des sociétés BSA et NSA du 8 février 2008 et leurs conclusions du 17 octobre 2008 par lesquelles elles demandent à la cour, à titre principal, qu'il soit ordonné sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard ou par infraction, la poursuite de l'exécution des contrats et, subsidiairement, la condamnation de la société GMF à payer à la société BSA au total 1 446 000 euro et à la société NSA la somme de 2 064 000 euro, outre la confirmation des condamnations prononcées par le jugement déféré, 1 000 euro étant enfin réclamés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que le tribunal a rappelé les faits, la cour se référant à son exposé;

Considérant sur la clause résolutoire, que les sociétés distributrices qui se sont vues notifier le 18 décembre 2006 la résiliation de leurs contrats avec effet au 31 janvier 2007, en raison de la vente de véhicules immatriculés et non utilisés à la société ASI, ne contestent pas la réalité de ces ventes mais la licéité de l'assimilation des véhicules vendus à des véhicules neufs, la notion de " véhicules non utilisés et immatriculés " ne pouvant selon elles, licitement être assimilée à celle de véhicules neufs comme stipulée au contrat; qu'elles ajoutent que GMF leur a fait une application discriminatoire de ladite clause; qu'elles soutiennent que la clause résolutoire n'est pas acquise;

Considérant que la société GMF conteste le caractère illicite de la clause contractuelle et prétend que les appelantes ayant commis des fautes contractuelles, à savoir des ventes hors réseau, l'application de la clause résolutoire était justifiée, qu'au demeurant les sociétés BSA et NSA sont de mauvaise foi dès lors qu'elles ont organisé une revente en faisant notamment figurer sur les factures un kilométrage fictif; qu'enfin aucune discrimination n'a été commise et, qu'au demeurant, eu égard à la loi du 4 août 2008 qui supprime la prohibition des pratiques discriminatoires, ce grief est devenu inexistant;

Considérant que pour contester l'application de la clause résolutoire, les sociétés concessionnaires se référent aux stipulations d'ordre général de l'article 1er du contrat contenant la définition suivante:

" art. 1.21 Véhicules automobiles : Tous les types ou séries de véhicules du modèle en cours neufs, non-usagés et non- immatriculés de marque Opel/Vauxhall mentionnés à l'annexe véhicule automobile communiquée par GMF " ;

qu'elles considèrent que les véhicules vendus ayant été immatriculés, la clause résolutoire ne saurait valablement s'appliquer;

Considérant qu'il résulte de l'article 10.3.4 a du contrat de distribution sélective conclu entre les parties que les sociétés distributrices se sont engagées à ne pas vendre, directement ou indirectement, à des personnes autres que des utilisateurs ou d'autres distributeurs Opel/Vauxhall des " véhicules automobiles Opel/ Vauxhall neufs ou non utilisés qui ont déjà été immatriculés"; qu'aux termes de l'article 19.3.2 s du contrat, "le fait de vendre des véhicules automobiles en violation des articles 10.3.1 à 10.3.3" ainsi que 10.3.4 a, ouvre le droit à la société GMF de résilier le contrat sans avertissement préalable ; qu'il est constant que les sociétés concessionnaires ont vendu des véhicules " non-utilisés et immatriculés " à la société ASI; qu'il résulte de ce qui précède que lesdites ventes ont été faites en violation des stipulations de l'article 10.3.4 a du contrat, interdisant aux concessionnaires la vente hors réseau des véhicules "neufs ou non utilisés qui ont déjà été immatriculés";

Considérant que les stipulations spécifiques de l'article 10.3.4 a du contrat dont l'objet est de définir "les ventes autorisées et les ventes non autorisées de véhicules", ne peuvent être écartées par les dispositions plus générales de l'article 1-21 dont l'objet est de définir "les mots et expressions en lettre majuscules" du contrat;

Considérant sur la licéité des articles 10.3.4 a et 19.3.2 s, que les sociétés concessionnaires affirment que l'interdiction des ventes de véhicules "non utilisés et immatriculés" hors réseau, serait illicite car elle assimilerait des véhicules immatriculés à des véhicules neufs en contradiction avec la conception en droit interne et en droit communautaire du véhicule neuf;

Mais considérant qu'en droit interne aussi bien qu'en droit communautaire, la notion de véhicule neuf ne fait pas l'objet d'une définition légale générale ; que la brochure explicative de la Commission européenne concernant le règlement CE n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 précise que : " pour l'acheteur, le véhicule n'est plus neuf dès qu'il a été immatriculé et conduit sur route par un autre utilisateur. En revanche, le véhicule qui a été immatriculé par un concessionnaire pour un seul jour sans avoir été utilisé est encore neuf " ; qu'il en résulte qu'en visant les véhicules "non utilisés et immatriculés" l'article 10.3.4 a est conforme à la conception du véhicule neuf ainsi définie par la Commission européenne; qu'en droit interne, si la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que le fait de vendre un véhicule comme neuf, alors qu'il a déjà été immatriculé est constitutif d'un délit de tromperie, en matière fiscale un véhicule est considéré comme neuf lorsqu'il a parcouru moins de 6 000 kilomètres ; qu'il s'en déduit qu'un véhicule immatriculé et non utilisé n'est pas nécessairement un véhicule d'occasion et peut être considéré comme une véhicule neuf; qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés concessionnaires ne démontrent pas le caractère illicite des clauses des articles 10.3.4 a et 19.3.2 s du contrat; que ce faisant, c'est à bon droit que la société GMF a sanctionné le manquement à l'obligation allégée des distributeurs aux termes de l'article 10.3.4 c du contrat par application de la clause résolutoire de l'article 19.3.2 s;

Considérant sur le caractère discriminatoire de l'application de la clause de résiliation que les sociétés concessionnaires affirment qu'en leur appliquant les dispositions des articles 10.3.4 a et 19.3.2 s tout en s'abstenant de les appliquer aux autres membres du réseau ayant procédé à des ventes dans les mêmes conditions, la société GMF fait une application discriminatoire des dites dispositions et contrevient aux dispositions des articles L. 442-6-I-1° et L. 420-1 du Code de concurrence;

Considérant que la société GMF prétend que la résiliation n'a pas eu d'effet avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 abrogeant les dispositions de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce;

Mais considérant que les faits de nature discriminatoire relatés par Monsieur Rey sont constants et la société GMF se contente d'en contester les effets juridiques en raison de l'absence de concurrence entre les entreprises dirigées par Monsieur Rey et les sociétés BSA et NSA ; que cette affirmation n'est pas exacte eu égard à la situation de concurrence existant entre les concessionnaires d'un réseau de distribution sélective; que toutefois le contrat ayant été poursuivi en exécution de décisions judiciaires, les effets de ladite discrimination ont été suspendus; qu'il en résulte que les sociétés concessionnaires n'ont pas subi de préjudice spécifique au titre de l'application discriminatoire de la clause de résiliation ; que la discrimination n'a plus été illégale à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré devra être infirmé en ce qu'il a débouté la société GMF de sa demande fondée sur l'application de la clause résolutoire;

Considérant sur la restitution des primes, que les sociétés BSA et NSA estiment qu'au regard du caractère justifié de leur griefs quant à la licéité de l'article 10.3.4 du contrat, les primes doivent être restituées ;

Considérant que la société GMF estime au contraire, que le caractère licite du dit article et les fautes commises justifient la non-restitution des primes litigieuses;

Considérant qu'au vu de la décision de la cour de faire application de la clause résolutoire, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande et le jugement doit être infirmé sur ce point; qu'en conséquence les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire doivent être restituées;

Considérant sur le subsidiaire que les sociétés BSA et NSA réclament, en raison du caractère anticoncurrentiel et illicite des décisions de résiliation, des dommages et intérêts qui correspondent, pour chacune des sociétés au paiement de deux années de marge brute pour les activités de vente de véhicules et pour les activités de service après-vente ; qu'eu égard à ce qui précède, ces demandes sont infondées, les sociétés NSA et BSA devant en être déboutées et le jugement entrepris confirmé de ce chef;

Considérant sur l'application de l'article 700 qu'eu égard notamment à la situation économique des parties, il est équitable de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris. Dit la société General Motors France bien fondée à mettre fin au contrat dans les conditions qu'elle a déterminé. Ordonne la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire. Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives. Met à la charge des sociétés Bigorre Services Automobiles et Navarre Services Automobiles les dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.