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Décisions

TPICE, 7e ch., 30 septembre 2009, n° T-175/05

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel AB, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, Eka Chemicals AB

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forwood

Juges :

MM. Šváby (rapporteur), Truchot

Avocats :

Mes Swaak, Käyhkö, van der Woude

TPICE n° T-175/05

30 septembre 2009

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

Antécédents du litige et décision attaquée

1 Par la décision C (2004) 4876 final, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE, (affaire COMP/E-1/37.773 - AMCA) (ci-après la " décision attaquée "), la Commission des Communautés européennes a constaté que la société-mère Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, Eka Chemicals AB et Akzo Nobel AB (ci-après, prises ensemble, le " groupe Akzo Nobel "), Elf Aquitaine SA et sa filiale Arkema SA (anciennement Elf Atochem SA, puis Atofina SA), Clariant AG et sa filiale Clariant GmbH, ainsi que Hoechst AG avaient enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), en participant à une entente concernant le marché de l'acide monochloracétique (article 1er de la décision attaquée).

2 L'acide monochloracétique (ci-après l'" AMCA ") est un acide organique fort, utilisé comme un intermédiaire chimique, notamment, dans la fabrication de détergents, d'adhésifs, de produits auxiliaires textiles et d'épaississants dans les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques (considérants 3 à 6 de la décision attaquée).

3 La Commission a commencé son enquête relative au marché de l'AMCA après que Clariant GmbH l'a informée, par lettre du 6 décembre 1999, de l'existence d'une entente concernant ce marché et l'a saisie d'une demande de traitement favorable au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ") (considérant 43 de la décision attaquée).

4 Par la suite, Clariant GmbH a communiqué à la Commission des documents et des renseignements relatifs à l'entente (considérants 44 et 45 de la décision attaquée).

5 Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux d'Elf Atochem et dans ceux d'Akzo Nobel Chemicals et d'Akzo Nobel Functional Chemicals (considérant 46 de la décision attaquée).

6 Le 15 décembre 2000, Akzo Nobel Chemicals a déposé une demande en vertu de la communication sur la coopération. Le 25 juillet 2001, Akzo Nobel Chemicals et Akzo Nobel Functional Chemicals ont remis un projet de note donnant des renseignements détaillés sur le fonctionnement des accords, remplacé par un nouveau projet de note, le 21 décembre 2001, et complété par une déclaration, le 21 février 2003 (considérants 49 à 51 de la décision attaquée).

7 La Commission a poursuivi son enquête par l'envoi de plusieurs demandes de renseignements à certains participants à l'entente ainsi qu'à leurs concurrents (considérants 52 à 55 de la décision attaquée).

8 Les 7 et 8 avril 2004, la Commission a adressé une communication des griefs aux douze destinataires suivants : sept sociétés du groupe Akzo Nobel, à savoir la société-mère, Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel AB, Eka Chemicals et Akzo Nobel Base Chemicals, ainsi qu'à Clariant GmbH et à Clariant AG (ci-après, prises ensemble, " Clariant "), à Hoechst, à Elf Aquitaine et à sa filiale Atofina. Chacun des destinataires y a répondu.

9 Au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les entreprises précitées s'étaient entendues afin de maintenir les parts de marché au moyen d'un système de répartition des volumes et des clients, qu'elles avaient échangé des informations sur les prix et avaient examiné, au cours de réunions multilatérales régulières, les volumes de ventes réels ainsi que des informations sur les prix afin de surveiller la mise en œuvre des accords (considérants 84 à 90 de la décision attaquée).

10 S'agissant du groupe Akzo Nobel, et plus particulièrement de ses activités dans le secteur de l'AMCA aux Pays-Bas, la Commission a établi qu'Akzo Nobel Chemicals et Akzo Nobel Functional Chemicals avaient directement participé à l'entente, pour la première du 1er janvier 1984 au 30 juin 1997 et, pour la seconde, du 1er juillet 1997 au 7 mai 1999 (considérant 224 de la décision attaquée).

11 Compte tenu du fait que, à la suite d'opérations de concentration, Akzo Nobel Chemicals était devenue une société holding détenant 100 % du capital d'Akzo Nobel Functional Chemicals, la Commission a considéré qu'Akzo Nobel Chemicals était responsable de la participation directe d'Akzo Nobel Functional Chemicals à l'infraction (considérant 225 de la décision attaquée).

12 De surcroît, étant donné qu'Akzo Nobel Nederland contrôlait l'intégralité du capital d'Akzo Nobel Chemicals, la Commission a tenu pour responsable Akzo Nobel Nederland des activités illégales de sa filiale Akzo Nobel Chemicals. Elle a en outre relevé que des salariés d'Akzo Nobel Nederland avaient directement participé à l'infraction (considérant 226 de la décision attaquée). La Commission a également considéré qu'Akzo Nobel NV devait assumer avec Akzo Nobel Nederland la responsabilité conjointe et solidaire de l'infraction dans la mesure où Akzo Nobel NV contrôlait l'intégralité du capital d'Akzo Nobel Nederland (considérant 227 de la décision attaquée).

13 La Commission a, par ailleurs, relevé d'autres éléments démontrant, selon elle, l'implication directe d'Akzo Nobel NV dans l'infraction. En premier lieu, un salarié d'Akzo Nobel Nederland aurait directement participé à l'infraction et aurait dû rendre compte à un administrateur d'Akzo Nobel NV qui avait été aussi président d'Akzo Chemicals BV (devenue Akzo Nobel Chemicals) de 1991 à 1994 et qui, dès lors, aurait dû être au courant de l'infraction. En second lieu, la Commission a relevé que, sur le plan de l'organisation, les activités dans le secteur de l'AMCA du groupe Akzo Nobel étaient réunies jusqu'en 1993-1994 au sein de la division " Produits chimiques " et que cette dernière rendait compte directement au conseil d'administration d'Akzo Nobel NV. Par ailleurs, les activités dans le secteur de l'AMCA relevaient de l'unité commerciale " Produits chimiques fonctionnels " dont le directeur général était directement nommé par le conseil d'administration d'Akzo Nobel NV et avait continué, à ce titre, à rendre compte à Akzo Nobel NV (considérants 227 et 228 de la décision attaquée).

14 S'agissant des activités dans le secteur de l'AMCA du groupe Akzo Nobel en Suède, la Commission a tenu pour responsables Eka Nobel AB (devenue Eka Chemicals), une filiale à 100 % de Nobel Industrier AB (devenue Akzo Nobel AB), et sa filiale à 100 % Eka Nobel Skoghall AB (devenue Akzo Nobel Base Chemicals) pour leur participation directe à l'infraction du 15 juin 1993 au 25 février 1994 (considérant 229 de la décision attaquée).

15 À la suite de la fusion avec Akzo NV le 25 février 1994, Nobel Industrier est devenue une filiale à 100 % d'Akzo Nobel NV. Compte tenu de la structure de l'actionnariat, caractérisée par un contrôle total, qui existait au moment de l'infraction entre Akzo Nobel Base Chemicals, Eka Chemicals, Akzo Nobel AB et Akzo Nobel NV, la Commission a imputé à Akzo Nobel NV la responsabilité conjointe et solidaire de l'infraction commise par Eka Chemicals et Akzo Nobel Base Chemicals durant la période postérieure au 25 février 1994 (considérants 230 et 232 de la décision attaquée).

16 Selon la Commission, il existait également d'autres éléments montrant qu'Akzo Nobel NV était directement responsable de l'infraction commise dans le cadre des activités suédoises relatives à l'AMCA. Elle a relevé, à cet égard, que sur le plan de l'organisation, la responsabilité des activités dans le secteur de l'AMCA à Skoghall était passée en 1994 à l'unité commerciale " Produits chimiques fonctionnels " d'Akzo Nobel Chemicals. De surcroît, un salarié d'Eka Chemicals qui avait directement participé à l'infraction serait devenu le salarié direct d'Akzo Nobel Nederland et rendait compte au directeur général de l'unité commerciale " Produits chimiques fonctionnels ", qui rendait à son tour compte à la société-mère de tête Akzo Nobel NV (considérant 233 de la décision attaquée).

17 La Commission a ensuite relevé que, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes avaient fait valoir qu'Akzo Nobel NV et Akzo Nobel AB ne devaient pas être tenues pour responsables dans la mesure où elles n'avaient pas participé à l'infraction et n'en avaient pas eu connaissance. Parmi les autres arguments soulevés à cet effet figurait également le fait qu'Akzo Nobel NV était une holding " pure " et que tant sa taille que sa structure l'empêchaient d'exercer une influence décisive sur ses filiales, que l'intervention du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV se limitait aux grandes décisions financières et stratégiques et que les unités et les sous-unités commerciales, telles que celle compétente pour le secteur de l'AMCA, étaient pleinement responsables de leur propre comportement commercial au sein du groupe Akzo Nobel. Les requérantes ont également soutenu que les mêmes arguments auraient également dû s'appliquer à la holding Akzo Nobel AB (considérants 235 à 237 de la décision attaquée).

18 La Commission a considéré que de tels éléments étaient insuffisants pour écarter la présomption selon laquelle Akzo Nobel NV et Akzo Nobel AB avaient exercé une influence décisive sur leurs filiales. En effet, selon elle, Akzo Nobel NV ne serait pas une simple structure ayant pour seul objet d'investir dans des sociétés auxquelles elle laisserait le soin de gérer leurs opérations, mais, eu égard à la description de ses fonctions donnée par la société elle-même, ferait au moins depuis 1993 office de " centre général " pour le groupe et coordonnerait les actions les plus importantes dans le domaine de la stratégie générale du groupe, des finances, des affaires juridiques et des ressources humaines. Les " programmes de direction " (Authority Schedules) communiqués par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs confirmeraient également l'absence d'autonomie commerciale des unités commerciales du groupe Akzo Nobel (considérants 240 et 241 de la décision attaquée).

19 Selon la Commission, grâce à ses fonctions, Akzo Nobel NV était en mesure d'exercer une influence décisive sur la politique commerciale de ses filiales, toutes détenues directement ou indirectement à 100 %, et il pouvait être supposé qu'elle l'avait effectivement fait (considérant 240 de la décision attaquée).

20 La Commission a ajouté qu'il ressortait clairement de la structure des entreprises du groupe que l'unité économique qui produisait et vendait de l'AMCA devait comprendre Akzo Nobel NV, puisque cette dernière n'avait pas fait valoir que les personnes morales responsables de ses activités dans le secteur de l'AMCA en Suède constituaient une unité économique autonome et distincte des personnes morales responsables de ses activités aux Pays-Bas (considérant 243 de la décision attaquée).

21 La Commission en a conclu qu'Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Base Chemicals, Eka Chemicals, et Akzo Nobel AB devaient être toutes destinataires de la décision attaquée (considérant 244 de la décision attaquée).

22 S'agissant du calcul des amendes, leur montant a été fixé par la Commission, en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") et de la communication sur la coopération.

23 Aux considérants 276 et 277 de la décision attaquée, la Commission a énoncé les critères généraux au vu desquels elle a procédé à la détermination du montant des amendes. Elle a précisé devoir prendre en considération toutes les circonstances pertinentes et, notamment, la gravité et la durée de l'infraction, critères explicitement visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] du traité (JO 1962, 13, p. 204), et à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et apprécier sur une base individuelle le rôle joué par chacune des entreprises parties à l'infraction. Pour ce faire, elle a souligné qu'elle tenait compte, dans le cadre de la fixation du montant des amendes, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et, le cas échéant, de la communication sur la coopération.

24 S'agissant de la gravité de l'infraction, la Commission a considéré, au vu de la nature de celle-ci, qui a consisté en un partage des marchés et en une fixation des prix, de son caractère délibéré, de son impact réel sur le marché de l'AMCA et du fait qu'elle s'est étendue à l'ensemble du marché commun et, à partir de sa constitution, à l'ensemble de l'EEE, que les entreprises destinataires de la décision attaquée avaient commis des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (considérants 280, 281 et 288 de la décision attaquée).

25 En vue de déterminer le montant de départ des amendes, la Commission a précisé que, dans les circonstances de la présente affaire où plusieurs entreprises étaient impliquées, il était nécessaire de tenir compte du poids particulier et donc, de l'impact réel sur la concurrence du comportement infractionnel de chaque entreprise (considérant 290 de la décision attaquée).

26 À cet effet, la Commission a estimé qu'il convenait, en l'espèce, d'utiliser les parts de marché dans l'EEE des entreprises ayant participé à l'infraction comme base de comparaison pour déterminer leurs poids respectifs. La comparaison a été faite sur la base des parts détenues sur le marché de l'EEE pour le produit en cause au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction (1998). Pour Hoechst, l'année prise en considération a toutefois été 1996. Le groupe Akzo Nobel, avec une part de marché dans l'EEE estimée à 44 %, a été considéré par la Commission comme le plus important producteur et a été placé dans la première catégorie des entreprises concernées (considérants 291 à 293 de la décision attaquée).

27 Le montant de départ des amendes a ainsi été déterminé comme suit : 30 millions d'euro pour le groupe Akzo Nobel, 21 millions pour Hoechst et Clariant, 12 millions pour Atofina/Elf Aquitaine et 1,33 million pour Eka Nobel (il y est mentionné par erreur qu'il s'agit de " montant de base ", considérants 296 et 297 de la décision attaquée).

28 Pour assurer un caractère suffisamment dissuasif aux amendes, la Commission a multiplié par 2,5 le montant de départ de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, qui est passé ainsi à 30 millions d'euro, et par 1,5 celui de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel, qui est passé ainsi à 45 millions d'euro, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises (considérants 298 à 300 de la décision attaquée).

29 La Commission a, en outre, majoré le montant de départ des amendes pour chacune des entreprises, en fonction de la durée de leur participation à l'infraction, considérant que les montants de départ des amendes qui leur avaient été infligées devaient être augmentés de 10 % pour chaque année pleine d'infraction et d'un montant supplémentaire de 5 % pour toute période supérieure ou égale à six mois, mais inférieure à un an. Ainsi, a t'elle majoré de 150 % le montant de départ de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel afin de prendre en compte le fait que les sociétés Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Nederland et Akzo Nobel NV avaient participé quinze ans à l'entente. À cet égard, elle n'a pas tenu compte du fait que les sociétés de la branche suédoise du groupe (Akzo Nobel Base Chemicals, Eka Chemicals et Akzo Nobel AB) avaient été impliquées cinq ans dans l'infraction. Aucune augmentation au titre de la durée n'a été appliquée à Eka Nobel pour son infraction indépendante, étant donné qu'elle avait participé à l'entente pendant moins d'un an. La Commission a également majoré de 150 % le montant de départ de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, de 135 % celui de l'amende infligée à Hoechst et de 15 % celui de l'amende infligée à Clariant (considérant 302 de la décision attaquée).

30 En raison des éléments de preuve et des déclarations fournies volontairement par le groupe Akzo Nobel, de nature à démontrer qu'Eka Nobel, Eka Nobel Skoghall et Nobel Industrier ont participé de façon indépendante à l'entente pendant une période de huit mois s'étendant entre le 15 juin 1993 et le 25 février 1994, ces sociétés n'ont pas été pénalisées pour ladite période, le montant de 1,33 million d'euro de leur amende étant par conséquent réduit à zéro. En effet, selon la Commission, Akzo Nobel, en tant que groupe, aurait sinon dû payer, pour cette période spécifique, une amende plus élevée que celle qu'il aurait versée s'il n'avait pas coopéré (considérant 318 de la décision attaquée).

31 S'agissant de l'application de la communication sur la coopération, la Commission a accordé, au titre du point B, une réduction de 100 % du montant de l'amende infligée à Clariant, cette dernière ayant été le premier membre de l'entente à fournir des preuves de l'existence, du fonctionnement, de la durée et de la mise en œuvre de l'entente. La Commission a estimé que Clariant l'avait informée à propos d'une entente secrète à une époque où elle n'avait pas engagé d'enquête et ne disposait pas non plus de renseignements suffisants pour établir la preuve de ladite entente (considérants 328 à 332 de la décision attaquée).

32 En outre, la Commission a constaté que ni Atofina ni le groupe Akzo Nobel n'avaient été les premières à fournir à la Commission des éléments déterminants sur l'entente dans le secteur de l'AMCA et qu'elles ne satisfaisaient pas dès lors à la condition posée par le point B, sous b), de la communication sur la coopération pour bénéficier d'une réduction importante du montant de l'amende au titre du point C de ladite communication (considérant 334 de la décision attaquée).

33 La Commission a relevé que le groupe Akzo Nobel avait été la troisième entreprise à lui fournir, avant la communication des griefs, des informations et des éléments de preuve confirmant l'existence de l'entente dans le secteur de l'AMCA et n'avait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission s'était appuyée pour établir l'existence de l'entente dans sa communication des griefs. Par conséquent, elle a estimé que le groupe Akzo Nobel remplissait les conditions énoncées au point D 2, premier et deuxième tirets, de la communication sur la coopération, de sorte à bénéficier d'une réduction de 25 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission (considérants 342 à 346 de la décision attaquée).

34 La Commission conclut, à l'article 1er de la décision attaquée :

" Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81 [CE], en s'attribuant des quotas de production et des clients, en augmentant les prix de façon concertée, en mettant au point un mécanisme de compensation, en échangeant des informations sur les volumes de vente et les prix, et, en participant à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de convenir et de mettre en œuvre les restrictions susmentionnées. Le comportement des entreprises suivantes a constitué une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à partir du 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord EEE :

a) Akzo Nobel Chemicals [...], Akzo Nobel Functional Chemicals [...], Akzo Nobel Nederland [...] et Akzo Nobel NV : du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999 ;

b) Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB : du 15 juin 1993 au 7 mai 1999 ;

[...] "

35 À l'article 2 de la décision attaquée, les montants des amendes ont été fixés comme suit :

" a) Akzo Nobel Chemicals [...], Akzo Nobel Nederland [...], Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Functional Chemicals [...], Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB :

84,38 millions d'euro ;

b) Hoechst [...] :

74,03 millions d'euro ;

c) Elf Aquitaine [...] et Arkema [...] (anciennement Atofina [...]), responsabilité conjointe et solidaire :

45,00 millions d'euro ;

d) Arkema [...] (anciennement Atofina [...]) :

13,50 millions d'euro ;

e) Clariant AG et Clariant GmbH, responsabilité conjointe et solidaire :

0 euro.

Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB seront conjointement et solidairement responsables de l'amende infligée au premier alinéa, sous a), jusqu'à un montant de 50,63 millions d'euro. Les autres sociétés [du groupe] Akzo [Nobel] mentionnées au premier alinéa, sous a), seront conjointement et solidairement responsables pour le montant total de l'amende [...] "

36 Aux termes de l'article 3 de la décision attaquée, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions mentionnées dans cet article, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire.

Procédure et conclusions des parties

37 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 avril 2005, les requérantes ont introduit le présent recours.

38 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

39 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

40 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 18 juin 2008. Le Tribunal n'a pas fait droit à la demande de suspension de la procédure formée par les requérantes, le 9 juin 2008, et fondée sur le fait que le premier moyen soulevé faisait actuellement l'objet, dans le cadre d'un pourvoi, d'un examen par la Cour dans l'affaire C-97-08 P.

41 À l'audience, les requérantes ont indiqué qu'elles entendaient renoncer au sixième moyen, tiré d'une violation du principe de l'égalité de traitement du fait de l'application erronée de la communication sur la coopération et que, dans l'hypothèse où le Tribunal devait considérer qu'Akzo Nobel NV était responsable du comportement de ses filiales, le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 dans la fixation du montant total de l'amende, deviendrait inopérant. Il en a été pris acte dans le procès-verbal d'audience.

42 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

43 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours dans son intégralité ;

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité du recours à l'égard d'Akzo Nobel Nederland, d'Akzo Nobel Chemicals, d'Akzo Nobel Functional Chemicals, d'Akzo Nobel Base Chemicals et d'Eka Chemicals

Arguments des parties

44 La Commission fait observer que le présent recours tend à l'annulation partielle de la décision attaquée, puisque, dans leur requête, les requérantes contestent uniquement la responsabilité d'Akzo Nobel NV et d'Akzo Nobel AB quant à la violation de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE. Elle soutient que, si le Tribunal décidait d'annuler la décision attaquée sur la base des moyens invoqués par les requérantes, l'annulation qu'il prononcerait ne pourrait porter, en conséquence, que sur des éléments de la décision qui ont été spécifiquement attaqués dans la requête. Selon la Commission, les requérantes ne sauraient prétendre qu'elles entendent contester la décision attaquée en ce qu'elle concerne les autres sociétés du groupe Akzo Nobel. En effet, une telle requête, formulée en des termes imprécis ne pourrait être considérée comme valable pour Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Base Chemicals et Eka Chemicals, puisqu'elle ne répondrait pas aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

45 Les requérantes rétorquent qu'il ressort de leur requête qu'elles demandent l'annulation intégrale de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, une réduction de l'amende infligée.

Appréciation du Tribunal

46 Il convient de relever que, étant donné qu'il s'agit d'un seul et même recours et que sa recevabilité à l'égard d'Akzo Nobel NV et d'Akzo Nobel AB n'est pas remise en cause, il n'y a pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission s'agissant des autres requérantes (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T-282-06, Rec. p. II-2149, point 50 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125, points 30 et 31).

47 En effet, s'il est vrai que l'annulation d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entités au titre de l'article 81 CE ne doit pas profiter à celles n'ayant pas introduit un recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C-310-97 P, Rec. p. I-5363, point 63), ou dont le recours est irrecevable, il n'en demeure pas moins que la Commission n'a pas expliqué de quelle façon une annulation éventuelle de la décision attaquée sur la base des moyens invoqués par l'ensemble des requérantes pourrait profiter à Akzo Nobel Nederland, à Akzo Nobel Chemicals, à Akzo Nobel Functional Chemicals, à Eka Chemicals et à Akzo Nobel Base Chemicals. C'est d'ailleurs la Commission elle-même qui soutient dans la duplique que, eu égard aux moyens soulevés dans la requête, une annulation éventuelle ne pourrait concerner que la responsabilité d'Akzo Nobel NV et d'Akzo Nobel AB quant à la violation de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE. En outre, même à supposer qu'Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Chemicals, Eka Chemicals et Akzo Nobel Base Chemicals ne soient pas recevables, le Tribunal devrait néanmoins examiner le recours dans son intégralité.

48 Dans ces conditions, des raisons relatives à l'économie de procédure justifient de ne pas examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

Sur le fond

49 Les requérantes soulèvent, à titre principal, trois moyens à l'appui de leur recours. Le premier moyen est tiré de l'imputation erronée à Akzo Nobel NV et à Akzo Nobel AB de la responsabilité conjointe et solidaire pour les infractions commises par leurs filiales. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 dans la fixation du montant final de l'amende. Le troisième moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 253 CE. À titre subsidiaire, les requérantes invoquent deux moyens visant à la réduction du montant de l'amende : le quatrième moyen est tiré du classement erroné des parties à l'entente en fonction de la gravité de l'infraction, alors que le cinquième moyen est pris d'une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur appliqué aux fins du calcul du montant de l'amende infligée aux requérantes.

Sur le premier moyen, tiré de l'imputation erronée à Akzo Nobel NV et à Akzo Nobel AB de la responsabilité conjointe et solidaire pour les infractions commises par leurs filiales

- Arguments des parties

50 Les requérantes considèrent que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation et a violé l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 en imputant la responsabilité conjointe et solidaire de l'infraction à Akzo Nobel NV et à Akzo Nobel AB.

51 Elles rappellent qu'il ressort de la jurisprudence que la condition sine qua non pour imputer à la société-mère la responsabilité des infractions commises par sa filiale est que la première exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de la seconde et font valoir qu'il incombe, en principe, à la Commission de prouver qu'une société-mère a le pouvoir d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale et qu'elle a effectivement exercé ce pouvoir en pratique. La Cour aurait certes établi une présomption en vertu de laquelle une filiale dont le capital est détenu à 100 % par sa société-mère se conforme nécessairement à la politique établie par celle-ci. Cette présomption pourrait néanmoins être renversée dès lors que la filiale apporterait la preuve qu'elle a agi de manière autonome sur le marché, c'est-à-dire qu'elle a déterminé sa politique commerciale dans une large mesure de manière autonome.

52 En outre, les requérantes font observer que la Commission aurait dans sa pratique décisionnelle toujours fait référence à des éléments de fait, en plus de la détention de 100 % du capital d'une filiale, pour faire valoir que la société-mère était impliquée dans l'infraction ou du moins en avait eu connaissance de telle sorte qu'elle pouvait en être tenue responsable. La jurisprudence communautaire aurait confirmé la pratique décisionnelle de la Commission. Les requérantes relèvent notamment que, dans l'arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, ci-après l'" arrêt Stora ", point 28, la Cour a affirmé que la détention de 100 % du capital d'une filiale ne suffisait pas pour imputer la responsabilité de son comportement à une société-mère et a relevé que la société concernée ne contestait pas qu'elle était en mesure d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale et qu'elle n'avait pas présenté de preuves pour démontrer l'autonomie de celle-ci.

53 Les requérantes font également observer que la Cour semble avoir désormais mis l'accent sur le critère de la connaissance de l'infraction par la société-mère afin de lui imputer la responsabilité des infractions commises par ses filiales (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C-248-98 P, Rec. p. I-9641, points 71 à 74).

54 À l'audience, les requérantes ont précisé qu'il convenait de faire référence au principe de responsabilité personnelle en l'espèce pour imputer la responsabilité aux sociétés impliquées dans l'entente, et non d'appliquer, comme l'avait fait la Commission dans la décision attaquée, la notion de contrôle propre aux fusions.

55 Selon les requérantes, la Commission tend également à abaisser le seuil de l'influence déterminante tel que déterminé par la Cour. En effet, le critère utilisé par la Commission, à savoir l'exercice d'une influence déterminante sur les grandes orientations de la stratégie et les opérations commerciales, ne serait pas celui posé par la jurisprudence communautaire pour l'imputation de la responsabilité à la société-mère, pas plus que ne le serait le fait de se conformer à une stratégie approuvée qui, en tout état de cause, serait en l'espèce dépourvue de lien avec la stratégie commerciale, mais serait plutôt liée à des questions telles que les meilleures pratiques d'Akzo Nobel en tant que groupe. À cet égard, les requérantes précisent que les questions de marketing, de budget et d'investissement ne sont pas nécessairement liées au comportement commercial des différentes filiales du groupe, mais concernent la stratégie d'entreprise.

56 Elles contestent que la prétendue orientation fondamentale de la stratégie commerciale soit assimilable à la notion d'influence décisive sur la politique commerciale stricto sensu et font observer qu'une telle position revient pour la Commission à affirmer qu'une filiale appartenant à un groupe multinational ne peut, par définition, être tenue pour commercialement autonome, pour la simple raison que les orientations générales à long terme du groupe font l'objet de décisions arrêtées à un niveau élevé de l'entreprise. Or, une telle position serait contraire à la jurisprudence.

57 Selon les requérantes, c'est à tort que la Commission a soutenu, dans la décision attaquée, que, compte tenu des fonctions de son organe central, Akzo Nobel NV était censée être en mesure d'exercer une influence décisive sur la politique commerciale de ses filiales, ce qui ne saurait se concevoir pour une société de cette dimension, dans la mesure où les directives données par Akzo Nobel NV auraient dû concerner la répartition des quotas et de la clientèle, la fixation des prix, l'accord sur le mécanisme compensatoire et l'échange d'informations sur le marché de l'AMCA.

58 Les requérantes font valoir qu'elles ont apporté des éléments de preuve suffisants démontrant que les filiales participant aux activités dans la branche de l'AMCA déterminaient leur politique commerciale dans une large mesure de manière autonome et que chacune d'elles était dotée de son propre organe de décision, conformément aux principes posés dans la jurisprudence communautaire.

59 Elles rappellent qu'elles ont fait valoir dans leur réponse à la communication des griefs qu'Akzo Nobel NV est une société holding qui n'exerce aucune activité commerciale et ne fabrique ou ne distribue aucun produit et que les décisions relatives aux prix de vente et aux hausses des prix sont en principe arrêtées par les cadres chargés de commercialiser les produits en cause, qui exercent légalement leurs activités au sein des filiales.

60 La structure du groupe serait divisée en deux niveaux comprenant, d'une part, Akzo Nobel NV, l'organe central de l'entreprise, qui traiterait exclusivement des grandes questions stratégiques telles que les finances, les affaires juridiques, la santé, la sécurité, la réglementation et les politiques environnementales à l'exclusion des questions de politiques commerciales stricto sensu et, d'autre part, les unités commerciales et les sous-unités commerciales qui s'occuperaient de la stratégie et de la politique commerciale. Dans la mesure où les objectifs financiers et stratégiques seraient fixés et approuvés par l'organe central de l'entreprise, la gestion de l'unité commerciale resterait en fait absolument indépendante et exclusivement déterminée par les principes régissant l'entreprise applicables à l'ensemble du groupe Akzo Nobel.

61 Citant un magazine interne, les requérantes font observer qu'il en ressort que le groupe Akzo Nobel est structuré en unités commerciales qui sont chargées de la commercialisation, de la vente, de la fabrication, de la recherche et développement et de l'analyse commerciale. Selon les requérantes, une telle structure organisationnelle mettrait en évidence que toutes les questions de politique commerciale ne seraient pas tranchées par le conseil d'administration d'Akzo Nobel NV, qui n'aurait pas pour fonction de s'ingérer dans le comportement commercial de ses filiales sur les marchés en cause. Il découlerait également de ce document que le domaine de compétences serait distinct entre, d'une part, les unités commerciales et, d'autre part, la société holding Akzo Nobel NV.

62 Il ressortirait également de la déclaration de M. M., membre du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV, que la mise en œuvre de la politique commerciale, notamment la répartition des produits et la fixation des prix, ferait l'objet de décisions au niveau du groupe de produit spécifique dans le cadre de la sous-unité commerciale en cause. Chaque unité ou sous-unité commerciale aurait sa propre direction qui arrêterait ses décisions en matière de politique commerciale et rendrait compte à un membre du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV, en tant que personne de contact. Ce dernier ne participerait ni aux activités de l'unité commerciale en cause ni à la direction de ses activités.

63 Les requérantes précisent que les vice-présidents de groupe dirigeant les unités commerciales étaient nommés par les présidents des divisions des deux anciennes divisions chimiques du groupe Akzo Nobel, après l'approbation du membre responsable du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV. Les vice-présidents étaient employés par la division chimique pour laquelle ils travaillaient (dans le cas de l'AMCA, Akzo Chemicals) et rendaient compte au président de cette division qui, à son tour, rendaient compte au membre responsable du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV. Cependant, la nomination, l'emploi et les obligations de rendre des comptes de la direction exécutive ne seraient pas des critères posés par les juridictions communautaires pour l'imputation de la responsabilité. Selon les requérantes, il serait logique qu'un grand actionnaire d'une société ait le pouvoir de nommer les représentants de la direction exécutive de cette société. Il ressortirait ainsi des règles établies dans le cadre du contrôle communautaire des fusions et en matière d'attribution de la responsabilité à une société-mère que la seule possibilité de nommer des représentants de la direction exécutive n'équivaudrait pas à l'exercice d'une influence déterminante.

64 Les requérantes notent que, dans la structure des unités et des sous-unités commerciales, les transactions commerciales sont gérées sous l'autorité d'une personne morale particulière. Dans le secteur de l'AMCA, elles auraient été gérées sous l'autorité d'Akzo Nobel Chemicals jusqu'au 1er juillet 1999, date à laquelle cette dernière est devenue une société de portefeuille, puis sous celle d'Akzo Nobel Functional Chemicals à compter du 1er juillet 1999, en ce qui concerne les ventes réalisées par l'usine de production de l'AMCA aux Pays-Bas, et sous la responsabilité d'Akzo Nobel Base Chemicals en ce qui concerne les ventes réalisées par l'usine de production de l'AMCA en Suède.

65 La Commission soutiendrait ainsi à tort que la stratégie et les opérations commerciales des filiales ne seraient pas définies par elles-mêmes, mais par la direction des unités commerciales et des sous-unités commerciales, sous la coordination de la direction d'Akzo Nobel NV. En effet, les stratégies et les opérations commerciales des filiales seraient sans lien avec celles de la sous-unité commerciale de l'AMCA, qui serait l'acteur opérationnel sur le marché et qui déterminerait ses propres politiques, stratégies et opérations commerciales. Les entités juridiques ou les unités ou sous-unités commerciales ne seraient pas sous l'influence déterminante d'Akzo Nobel NV.

66 Quant à la justification de l'imputation de la responsabilité à Akzo Nobel NV tirée du fait que cette dernière constituerait le seul lien de propriété entre les activités relevant du secteur de l'AMCA en Suède et aux Pays-Bas, les requérantes font observer que, contrairement à ce que soutient la Commission, elles ont avancé des éléments de preuves pour renverser la présomption de responsabilité d'Akzo Nobel AB, puisqu'il est clairement affirmé dans leur réponse à la communication des griefs que les considérations avancées pour renverser la présomption appliquée à Akzo Nobel NV valent également pour Akzo Nobel AB.

67 S'agissant des éléments additionnels sur lesquels la Commission s'est fondée pour imputer la responsabilité de l'infraction à Akzo Nobel NV, les requérantes précisent que, pour les activités relevant du secteur de l'AMCA en Suède et aux Pays-Bas, l'obligation pour la division chimique de rendre des comptes au conseil d'administration d'Akzo Nobel NV concerne essentiellement les résultats et les prévisions d'ordre financier. À cet égard, le rapport mensuel de décembre 1998, communiqué avec leurs observations à la communication des griefs, serait un élément de preuve qui confirmerait que l'obligation de rendre des comptes ne pouvait concerner des informations relatives à l'infraction.

68 Concernant le fait qu'il ressort du document intitulé " Programme de direction " que certains investissements doivent être autorisés par certains organismes d'Akzo Nobel NV, les requérantes font valoir que le contrôle exercé sur certaines décisions d'investissement serait simplement dicté par la réalité économique, Akzo Nobel NV étant une société holding ayant pour mission principale de gérer les finances du groupe à la tête duquel elle se trouve. Son rôle pourrait être assimilé à celui de gestionnaire des investissements du groupe.

69 Elles considèrent également que les informations relatives aux activités anticoncurrentielles qui auraient été communiquées par certains participants à l'entente ne pouvaient avoir été transmises au plus haut niveau, étant donné que toute participation à des échanges de caractère anticoncurrentiel était expressément interdite au sein du groupe.

70 Quant à l'argument selon lequel serait significatif le fait qu'Akzo Nobel NV et ses filiales aient présenté une réponse commune à la communication des griefs et soient représentées par le même cabinet d'avocats, elles font valoir que la Commission fait une interprétation erronée de l'arrêt Stora, point 52 supra, et que, de surcroît, ni Akzo Nobel AB ni Akzo Nobel NV ne se sont présentées comme l'unique interlocuteur pour les sociétés du groupe Akzo Nobel. Elles précisent que le fait d'avoir le même avocat n'a jamais été considéré comme permettant de présumer une influence déterminante.

71 La Commission rétorque que l'argument des requérantes selon lequel la présomption de responsabilité peut être renversée en démontrant que la gestion courante des filiales est dans une large mesure assurée indépendamment des instructions données par la société-mère, même si cette dernière définit les grandes orientations de la stratégie et des opérations commerciales de ses filiales, repose sur une interprétation erronée de la jurisprudence relative aux notions d'influence déterminante et d'entreprise.

72 Elle précise que, pour imputer le comportement des filiales à la société-mère, elle n'a pas postulé, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, qu'Akzo Nobel NV définissait les grandes orientations de la stratégie et des opérations commerciales de ses filiales, mais a simplement expliqué que, pour renverser la présomption, les requérantes auraient dû démontrer qu'Akzo Nobel NV ne définissait pas ces grandes orientations.

73 La Commission considère, en se fondant sur la jurisprudence communautaire relative à l'imputation aux sociétés-mères des infractions commises par leurs filiales et à la notion d'entreprise, que la présomption de responsabilité ne peut être renversée que s'il est démontré que la filiale qui a commis l'infraction ne faisait pas partie, avec sa société-mère, d'une seule et même entreprise au sens de l'article 81 CE. En d'autres termes, il faudrait démontrer que la société-mère, nonobstant sa participation à 100 % au capital de sa filiale, n'était pas en mesure d'exercer, ou n'a effectivement pas exercé, une influence déterminante sur les grandes orientations de la stratégie et les opérations commerciales de sa filiale.

74 La Commission rappelle qu'elle a en principe toute latitude pour déterminer s'il convient ou non d'imputer à une société-mère la responsabilité des infractions commises par ses filiales détenues à 100 %. Le fait qu'elle ait décidé de ne pas le faire dans sa pratique décisionnelle antérieure ne saurait être interprété en ce sens que des circonstances supplémentaires devraient être réunies pour qu'elle puisse imputer aux sociétés-mères la responsabilité des infractions commises par leurs filiales à 100 %.

75 Selon la Commission, c'est à tort que les requérantes considèrent qu'elle devait prouver qu'Akzo Nobel NV et Akzo Nobel AB avaient connaissance de l'infraction ou qu'elles étaient directement impliquées ou y avaient directement participé. Cet argument ne tiendrait pas compte de la jurisprudence selon laquelle il peut y avoir présomption de responsabilité d'une société-mère pour les infractions au droit de la concurrence commises par ses filiales dès lors que ladite société possède la totalité de leur capital, à moins que la partie qui conteste cette présomption n'apporte des preuves suffisantes pour la renverser. De surcroît, la Commission conteste qu'il ressorte de sa pratique décisionnelle qu'elle a utilisé le critère de la participation directe de la société-mère à l'infraction pour lui imputer la responsabilité des infractions commises par ses filiales.

76 Elle considère que, en l'espèce, les requérantes n'ont pas réussi à renverser la présomption de responsabilité d'Akzo Nobel NV résultant du fait qu'elle détenait directement ou indirectement 100 % d'Akzo Nobel Nerderland, d'Akzo Nobel Chemicals, d'Akzo Nobel Functional Chemicals et d'Akzo Nobel AB, ni la présomption de responsabilité d'Akzo Nobel AB découlant du fait qu'elle contrôlait directement ou indirectement 100 % d'Akzo Nobel Base Chemicals et d'Eka Chemicals. Les allégations présentées par les requérantes au cours de la procédure administrative et dans leur requête, non étayées par des preuves documentaires, seraient insuffisantes pour renverser ces présomptions.

77 La Commission considère que, eu égard à la structure hiérarchique et à l'organisation du groupe, les vice-présidents de ce dernier sont nommés directement par Akzo Nobel NV et doivent lui rendre des comptes. Les règles de désignation et d'emploi des membres de la direction des unités commerciales et des sous-unités commerciales, ainsi que l'obligation de rendre des comptes, constitueraient un élément qui renforcerait la présomption de l'exercice d'une influence déterminante.

78 Quant à l'argument des requérantes selon lequel il serait logique qu'un actionnaire majoritaire désigne les membres de la direction de la société dans laquelle il détient des actions, la Commission considère qu'il ne renverse pas la présomption de responsabilité. Au contraire, selon elle, si un actionnaire majoritaire ou unique intervient et désigne les dirigeants d'une filiale, comme cela s'est produit aux dires des requérantes, cela constitue un élément conduisant à considérer que la filiale n'est pas autonome.

79 De surcroît, les informations relatives aux domaines de compétence respectifs des unités commerciales montreraient, contrairement à ce que prétendent les requérantes, que la stratégie et les opérations commerciales des filiales n'étaient pas définies par elles, mais par la direction des unités commerciales, et que la direction d'Akzo Nobel NV avait alors un rôle de coordination.

80 De même, selon la Commission, le fait que les filiales disposent de leurs propres conseils d'administration ne signifie pas nécessairement qu'elles prennent en toute autonomie les décisions commerciales fondamentales concernant la vente et la production d'AMCA. Le fait que les filiales soient toutes soumises au contrôle de la sous-unité commerciale de l'AMCA et que leurs activités soient coordonnées par cette sous-unité commerciale montrerait qu'aucune de ces filiales ne détermine de manière autonome sa politique commerciale sur le marché.

81 Elle considère que l'observation des requérantes selon laquelle les unités commerciales et les sous-unités commerciales ne se rattachent pas aux entités juridiques du groupe Akzo Nobel confirme qu'Akzo Nobel NV est la seule entité juridique au sein du groupe à donner une cohérence et une orientation non seulement au groupe dans son ensemble, mais également au sein de chaque unité commerciale ou sous-unité commerciale. Les requérantes reconnaîtraient ainsi qu'il n'existerait au sein de l'unité commerciale ou de la sous-unité commerciale chargée de l'AMCA aucune entité juridique pouvant être considérée comme exerçant une influence déterminante sur les opérations commerciales se rapportant à l'AMCA et que le seul dénominateur commun des unités commerciales et de la structure juridique serait Akzo Nobel NV.

82 La Commission fait observer, à cet égard, que les requérantes ne désignent aucune entité juridique qui, en dessous du niveau d'Akzo Nobel NV, aurait été chargée, à titre exclusif, du secteur de l'AMCA. Selon elle, il existerait différentes entités juridiques s'occupant du secteur de l'AMCA qui ne fonctionneraient pas comme des unités commerciales distinctes, mais opéreraient ensemble, dans le cadre d'un plan d'entreprise commun défini au sein du groupe Akzo Nobel pour ce secteur.

83 Quant à l'argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû adresser la décision à la sous-unité commerciale chargée du secteur de l'AMCA, la Commission rétorque qu'elle doit adresser en pratique ses décisions à des entités juridiques et que, en l'espèce, une telle sous-unité commerciale n'est pas une entité juridique.

84 La Commission fait également observer qu'elle ne s'est pas uniquement fondée sur le critère de la détention du capital pour imputer en l'espèce la responsabilité à Akzo Nobel NV et à Akzo Nobel AB, mais sur d'autres indices qui corroborent la présomption selon laquelle les sociétés-mères exercent une influence déterminante sur la politique commerciale de leurs filiales.

85 Ainsi, en plus du fait que certains salariés des filiales néerlandaises et suédoises ayant participé à l'infraction rendaient compte directement ou indirectement à un membre du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV, la Commission souligne qu'elle a pris en considération le fait qu'il ressort des programmes de direction que certains investissements devaient être approuvés par Akzo Nobel NV, ce qui indiquerait que cette dernière exerce un contrôle étroit sur la politique commerciale de ses unités commerciales.

86 Quant à l'argument tiré de l'obligation pour certains salariés des filiales néerlandaises et suédoises de rendre des comptes directement ou indirectement à un membre du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV, la Commission fait valoir qu'elle ne cherchait pas, en s'en prévalant, à démontrer qu'Akzo Nobel NV avait connaissance des comportements anticoncurrentiels de ses filiales, mais que l'existence d'une telle obligation serait révélatrice de la mise en place par Akzo Nobel NV d'un mécanisme lui permettant de surveiller les activités de ses filiales et de s'assurer de leur conformité aux objectifs et aux stratégies d'ordre commercial définis par elle.

87 La Commission fait également remarquer que les requérantes ont présenté une réponse commune à la communication des griefs et que le même avocat les a représentées au cours de la procédure administrative et, désormais, devant le Tribunal. Cet élément corroborerait la présomption selon laquelle la société-mère et ses filiales à 100 % constituent une seule et même entreprise.

- Appréciation du Tribunal

88 Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que la notion d'entreprise au sens de l'article 81 CE inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 54, et la jurisprudence citée).

89 Ce n'est donc pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens susmentionné qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. En effet, il y a lieu de rappeler que le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. I-4071, point 290).

90 Il convient également de relever que, aux fins de l'application et de l'exécution des décisions de la Commission en matière de droit de la concurrence, il est nécessaire d'identifier, en tant que destinataire, une entité dotée de la personnalité juridique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit " PVC II ", T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, point 978).

91 Dans le cas particulier où une société-mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société-mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, point 50, et arrêt PVC II, précité, points 961 et 984) et qu'elles constituent donc une seule entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 59). Il incombe, dès lors, à la société-mère contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuves susceptibles de démontrer l'autonomie de cette dernière (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt Stora, point 52 supra, point 29).

92 À cet égard, il y a lieu de souligner que, s'il est vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de l'arrêt Stora, point 51 supra, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que l'absence de contestation, par la société-mère, de l'influence exercée par celle-ci sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n'en demeure pas moins que lesdites circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement pour conclure que celui-ci n'était pas fondé uniquement sur la détention de la totalité du capital de la filiale par sa société-mère. Partant, le fait que la Cour a confirmé l'appréciation du Tribunal dans cette affaire ne saurait avoir pour conséquence de modifier le principe consacré au point 50 de l'arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité.

93 Dans ces conditions, dès lors que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société-mère et que, par conséquent, cette dernière est en mesure d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale, il incombe à la société-mère de renverser la présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, la Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société-mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale.

94 À cet égard, il convient de rejeter, à titre liminaire, tout d'abord, l'argument des requérantes selon lequel la Commission, dans la décision attaquée, tendrait à réduire le seuil de l'influence déterminante exercée par la société-mère sur la politique commerciale de ses filiales, tel que déterminé par la Cour. Selon les requérantes, l'influence déterminante devrait être entendue stricto sensu et concerner la répartition des quotas et de la clientèle, la fixation des prix, l'accord sur le mécanisme compensatoire et l'échange d'informations sur le marché concerné (voir points 55 et 56 ci-dessus).

95 En effet, plusieurs facteurs ont été pris en compte, dans la jurisprudence, pour déterminer l'existence d'une entité économique composée de plusieurs sociétés faisant partie d'un groupe, le juge communautaire ayant examiné si la société-mère pouvait influencer la politique des prix (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48-69, Rec. p. 619, point 137, et Geigy/Commission, 52-69, Rec. p. 787, point 45), les activités de production et de distribution (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223, points 37 et 39 à 41), les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le " cash flow ", les stocks et le marketing (arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102-92, Rec. p. II-17, point 48). Toutefois, il ne saurait en être déduit que seuls ces aspects relèvent de la notion de la politique commerciale d'une filiale aux fins de l'application des articles 81 CE et 82 CE à l'égard de sa société-mère.

96 Il ressort, au contraire, de cette jurisprudence, lue en combinaison avec les considérations figurant aux points 91 à 93 ci-dessus, qu'il incombe à la société-mère de produire tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre sa filiale et elle-même et qu'elle considère comme étant de nature à démontrer qu'elles ne constituent pas une entité économique unique. Il en résulte également que, lors de son appréciation, le Tribunal doit tenir compte de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties, dont le caractère et l'importance peuvent varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d'espèce.

97 C'est à l'aune de ces considérations qu'il convient de vérifier si Akzo Nobel NV, Akzo Nobel AB et leurs filiales destinataires de la décision attaquée constituent une entité économique unique.

98 En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties qu'Akzo Nobel NV détient, directement ou indirectement, 100 % du capital de ses filiales destinataires de la décision attaquée. Il n'est pas davantage contesté, s'agissant de la branche suédoise du groupe, qu'Akzo Nobel AB, filiale à 100 % d'Akzo Nobel NV, détient également 100 % du capital de ses filiales.

99 De surcroît, il y a lieu de constater que la Commission a relevé, au considérant 241 de la décision attaquée, que l'absence d'autonomie des unités commerciales du groupe Akzo Nobel en charge du secteur de l'AMCA résultait notamment des programmes de direction que les requérantes ont transmis, à l'occasion de leur réponse à la communication des griefs, afin de décrire les liens organisationnels du groupe.

100 Il résulte desdits programmes que le conseil d'administration d'Akzo Nobel NV a un rôle de coordination et de décision dans de nombreux domaines [confidentiel] (1).

101 Ainsi, concernant la stratégie à mener par les unités ou sous-unités commerciales, chacune d'elles prépare et soumet son plan stratégique au [confidentiel] d'Akzo Nobel NV pour avis, lequel, par la suite, le soumet pour révision au [confidentiel] dans le cadre des lignes directrices déterminées par [confidentiel]. C'est toutefois Akzo Nobel NV qui, en application du [confidentiel], décide des actions stratégiques majeures. En matière d'investissements, chaque unité ou sous-unité commerciale dispose d'un pouvoir de décision, mais dans les limites convenues au préalable avec le [confidentiel] d'Akzo Nobel NV et en fonction de la valeur de ces investissements.

102 Il résulte dès lors des programmes de direction que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, selon lesquelles le groupe Akzo Nobel se borne à définir les grandes questions stratégiques du groupe, le conseil d'administration d'Akzo Nobel NV intervient de manière significative sur plusieurs aspects essentiels de la stratégie des unités et des sous-unités commerciales, en se réservant la décision finale à l'égard d'une série de sujets définissant leur ligne d'action sur le marché.

103 Le fait, relevé par les requérantes, que le groupe Akzo Nobel est structuré et organisé de telle sorte qu'il convient de distinguer la politique des unités et des sous-unités commerciales de celle des filiales ne saurait infirmer la précédente conclusion. En effet, comme le soutiennent elles-mêmes les requérantes dans leurs écritures (voir point 64 ci-dessus), la sous-unité commerciale de l'AMCA était gérée, pour la branche néerlandaise, sous l'autorité d'Akzo Nobel Chemicals jusqu'au 1er juillet 1999 puis sous celle d'Akzo Nobel Functional Chemicals et, pour la branche suédoise, sous la responsabilité d'Akzo Nobel Base Chemicals. La décision attaquée ne pouvait au demeurant être adressée qu'à des entités dotées de la personnalité juridique qui, d'ailleurs, faisaient partie de l'entreprise ayant participé à l'infraction (voir jurisprudence citée au point 90 ci-dessus).

104 Dans ces conditions, force est de conclure, à l'instar de la Commission aux considérants 240 et 241 de la décision attaquée, à l'absence d'autonomie commerciale des unités et sous-unités commerciales du groupe Akzo Nobel et au rôle de coordination de la société-mère par rapport aux unités et sous-unités commerciales et, en conséquence, aux personnes morales dont elles dépendent.

105 L'argument des requérantes, selon lequel l'obligation pour la division chimique de rendre des comptes au conseil d'administration de la société-mère Akzo Nobel NV ne concernerait que les résultats et les prévisions d'ordre financier, à l'appui duquel elles ont communiqué le rapport mensuel de décembre 1998 (voir point 67 ci-dessus), ne permet pas davantage de renverser la présomption de l'exercice, par la société-mère, d'une influence déterminante sur la politique commerciale de ses filiales. En effet, il ne ressort pas de ce document que la stratégie à mener, c'est-à-dire les objectifs à poursuivre sur le plan commercial et la politique d'investissement de chaque unité commerciale, était exclue de la politique commerciale de la société-mère.

106 Il en est de même de l'argument des requérantes selon lequel il est de pratique courante dans des groupes de la taille d'Akzo Nobel que la désignation des dirigeants, en l'espèce celles des directeurs des unités commerciales, soit approuvée par le conseil d'administration et que chaque unité commerciale possède son propre organe de direction. En effet, les requérantes ont elles-mêmes précisé, dans la réplique, que les vice-présidents du groupe, qui dirigent les unités commerciales, sont désignés par les présidents des divisions de produits chimiques du groupe après approbation par le membre compétent du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV. Ils rendent des comptes au président d'Akzo Nobel Chemicals qui, à son tour, rend des comptes au membre compétent du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV. L'existence d'un tel lien confirme au contraire l'appréciation de la Commission selon laquelle le conseil d'administration d'Akzo Nobel NV joue un rôle de coordination de l'ensemble des unités et des sous-unités commerciales du groupe Akzo Nobel et, en conséquence, la société-mère exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de ses filiales.

107 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, force est dès lors de constater que les requérantes ne sont pas parvenues à renverser la présomption selon laquelle Akzo Nobel NV et Akzo Nobel AB, sociétés détenant 100 % du capital des filiales néerlandaises et des filiales suédoises destinataires de la décision attaquée, exerçaient une influence déterminante sur la politique de ces dernières. Eu égard aux liens organisationnels et capitalistiques entre les branches néerlandaises et suédoises du groupe, et compte tenu du fait que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de preuve de nature à démontrer que les filiales suédoises seraient autonomes de la société-mère Akzo Nobel AB, c'est à bon droit que la Commission a considéré qu'il convenait d'imputer à la société-mère de tête, Akzo Nobel NV, la responsabilité conjointe et solidaire des infractions commises par les filiales néerlandaises et suédoises destinataires de la décision attaquée.

108 Il s'ensuit qu'Akzo Nobel NV ainsi que, d'une part, ses filiales néerlandaises, à savoir Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Functional Chemicals et Akzo Nobel Chemicals, et, d'autre part, ses filiales suédoises, à savoir Akzo Nobel AB, société-mère de la branche suédoise, Akzo Nobel Base Chemicals et Eka Chemicals, doivent être considérées comme constituant une seule et même entreprise au sens de l'article 81 CE. Dès lors, la Commission était en droit d'imputer aux sociétés-mères Akzo Nobel NV, et Akzo Nobel AB, la responsabilité conjointe et solidaire pour le comportement de leurs filiales néerlandaises et suédoises destinataires de la décision attaquée.

109 En tout état de cause, c'est à bon droit que la Commission relève qu'elle a apporté, aux considérants 226 à 228, 231 et 233 de la décision attaquée, des éléments de preuve additionnels confirmant l'influence déterminante d'Akzo Nobel NV sur le comportement de ses filiales et l'usage effectif de ce pouvoir, indépendamment de la présomption tirée de la détention par celle-ci de la totalité du capital de ses filiales et de la constatation par la Commission d'une implication directe d'Akzo Nobel NV dans l'infraction.

110 En effet, la nomination du directeur général de l'unité commerciale " Produits chimiques fonctionnels " par le conseil d'administration d'Akzo Nobel NV et l'obligation pour ce directeur de rendre compte à ce dernier corroborent le rôle de coordination et de contrôle de la société-mère sur la stratégie commerciale des unités commerciales. Une même conclusion peut être tirée de l'obligation, dont l'existence n'a pas été contestée par les requérantes, de rendre des comptes directement ou indirectement à un administrateur d'Akzo Nobel NV imposée aux salariés d'Akzo Nobel Nederland et d'Eka Chemicals ayant directement participé à l'infraction.

111 Il convient toutefois de souligner qu'est dépourvu de toute pertinence l'argument soulevé par la Commission dans ses écritures et tiré du fait qu'Akzo Nobel NV et ses filiales ont présenté une réponse commune à la communication des griefs et déposé une requête commune. En effet, il ne saurait être déduit de ces circonstances qu'Akzo Nobel NV exerçait une influence déterminante sur ses filiales.

112 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen, tiré de l'imputation erronée à Akzo Nobel NV et à Akzo Nobel AB de la responsabilité conjointe et solidaire pour les infractions commises par leurs filiales, comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 dans la fixation du montant final de l'amende

- Arguments des parties

113 Les requérantes soutiennent que le montant de l'amende infligée solidairement à Akzo Nobel Base Chemicals, à Eka Chemicals et à Akzo Nobel AB viole l'article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1-2003, dans la mesure où elle dépasse le seuil de 10 % de l'ensemble du chiffre d'affaires desdites sociétés qui sont responsables solidairement du paiement de l'amende de 50,63 millions d'euro.

- Appréciation du Tribunal

114 Ainsi que les requérantes l'ont reconnu, lors de l'audience, le deuxième moyen est intimement lié au premier dans la mesure où le rejet de ce dernier aurait nécessairement une incidence sur le bien-fondé du présent moyen. Par conséquent, eu égard aux considérations ayant donné lieu au rejet du premier moyen, la Commission n'a pas commis d'erreur en prenant le chiffre d'affaires consolidé du groupe Akzo Nobel comme référence pour le calcul du plafond de 10 % du chiffre d'affaires. En effet, ce plafond doit être calculé sur la base du chiffre d'affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l'entité économique agissant en tant qu'entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 528).

115 Dès lors, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 253 CE

- Arguments des parties

116 Les requérantes prétendent que, d'une part, le calcul de la partie de l'amende infligée à la branche suédoise du groupe Akzo Nobel et, d'autre part, l'imputation de la responsabilité à Akzo Nobel NV et le dépassement du plafond de 10 % du chiffre d'affaires n'ont pas été suffisamment motivés.

117 Elles soutiennent, en premier lieu, que la Commission n'a pas exposé clairement pourquoi et comment elle a partagé la responsabilité de l'amende entre les filiales suédoises et néerlandaises du groupe Akzo Nobel et abouti au montant de 50,63 millions d'euro pour lesquels Akzo Nobel Base Chemicals, Eka Chemicals et Akzo Nobel AB sont conjointement et solidairement responsables, sur un montant total de 84,38 millions d'euro d'amende infligée à l'ensemble du groupe Akzo Nobel. Compte tenu du fait que le seul facteur que la Commission utiliserait pour différencier la partie suédoise et la partie néerlandaise serait la durée de leur participation à l'infraction, à savoir cinq années pour la branche suédoise et quinze années pour la branche néerlandaise, le montant de l'amende dont la partie suédoise pouvait être tenue pour responsable devrait être fonction de cette différence.

118 En second lieu, les requérantes considèrent que la Commission a violé son obligation de motivation en imputant la responsabilité conjointe et solidaire des infractions à Akzo Nobel NV ainsi qu'en imposant une amende d'un montant de 50,63 millions d'euro à la partie suédoise de l'entreprise, excédant ainsi la limite de 10 % de son chiffre d'affaires.

119 S'agissant de l'imputation de la responsabilité à Akzo Nobel NV pour les infractions commises par ses filiales suédoises et néerlandaises, la motivation concernant la présomption de responsabilité et les éléments additionnels sur lesquels s'est fondée la Commission seraient erronés et insuffisants, la Commission se limitant à appliquer la présomption sans expliquer les raisons pour lesquelles elle a ignoré le rejet de cette présomption par les requérantes.

120 S'agissant du dépassement du plafond de 10 % du chiffre d'affaires de la branche suédoise du groupe, les requérantes considèrent que la Commission n'a pas fourni le moindre motif.

121 Enfin, elles soutiennent que le caractère suffisant d'une motivation d'un acte communautaire ne saurait réellement être apprécié en déterminant si son destinataire est en mesure de le contester. Si tel était le cas, une contestation sur la base d'un défaut de motivation n'aboutirait jamais, puisque tant qu'il n'y aurait pas de contestation, la motivation ne pourrait pas être considérée comme insuffisante.

122 La Commission conclut au rejet du moyen.

- Appréciation du Tribunal

123 Il y a lieu de rappeler que l'obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l'acte litigieux (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 67, et du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 54).

124 En l'espèce, il convient de constater que les requérantes considèrent que l'obligation de motivation n'aurait pas été respectée sans distinguer pour autant, d'une part, le bien-fondé de la décision attaquée et, d'autre part, sa motivation.

125 Pour autant que le présent moyen puisse être compris comme tiré de la violation par la Commission de l'obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s'agissant du calcul du montant des amendes infligées par la Commission pour infraction au droit communautaire de la concurrence, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. I-9693, point 43 ; arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279-02, Rec. p. II-897, point 193). Il n'incombe pas à la Commission, au titre de l'obligation de motivation, d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Cascades/Commission, précité, point 50, et du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, point 80).

126 En ce qui concerne, en premier lieu, le calcul de la partie de l'amende infligée à la branche suédoise du groupe Akzo Nobel, il ressort en l'espèce du considérant 302 de la décision attaquée que :

" [Le] chiffre de 150 % s'applique [au groupe] Akzo [Nobel] pour la participation de quinze ans (Akzo Nobel Chemicals [...], Akzo Nobel Functional Chemicals [...], Akzo Nobel Nederland [...], Akzo Nobel NV). Bien que la branche suédoise de l'activité (Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB) eût été impliquée cinq ans, ce qui équivaut à une augmentation de 50 %, il n'y aura pas de double comptage aux fins du calcul de la durée. Une simple augmentation pour la durée de 150 % sera appliquée [au groupe] Akzo [Nobel]. Aucune augmentation pour la durée n'est appliquée à Eka [Nobel AB (devenue Eka Chemicals)] [voir point 14 supra] pour son infraction indépendante étant donné qu'elle a participé à l'entente pendant moins d'un an. "

127 Il est précisé dans la note en bas de page n° 217 que, bien qu'une augmentation de 150 % pour la durée soit imposée, la branche suédoise de l'activité du groupe Akzo Nobel ne peut être tenue pour conjointement et solidairement responsable avec la branche néerlandaise du groupe Akzo Nobel pour une augmentation correspondant à une période pendant laquelle elle n'a pas participé à l'entente. Aux termes de la décision attaquée, comme les deux branches, suédoise et néerlandaise, du groupe Akzo Nobel ont participé à l'infraction pendant au moins cinq ans, elles doivent être tenues pour conjointement et solidairement responsables pour une partie de l'amende comprenant le montant de base, un multiplicateur et une augmentation pour la durée de 50 %. Comme la branche néerlandaise du groupe Akzo Nobel a été impliquée dans l'infraction pendant dix ans de plus que la branche suédoise, Akzo Nobel NV et ses filiales néerlandaises seront conjointement et solidairement responsables pour l'autre partie de l'amende, c'est-à-dire un montant comprenant seulement une augmentation de 100 % pour la durée imputable auxdites sociétés néerlandaises pour dix autres années d'infraction.

128 En conséquence, à l'article 2, premier alinéa, sous a), de la décision attaquée, la Commission décide qu'une amende d'un montant de 84,38 millions d'euro est infligée à Akzo Nobel NV et à ses filiales suédoises et néerlandaises, et précise, au deuxième alinéa de cet article, que les filiales suédoises sont conjointement et solidairement responsables de cette amende jusqu'à un montant de 50,63 millions d'euro. Les autres sociétés du groupe Akzo Nobel, à savoir Akzo Nobel NV et ses filiales néerlandaises, sont, aux termes de cette disposition, conjointement et solidairement responsables pour le montant total de l'amende.

129 Il convient de constater, au vu de ce qui précède, que, conformément à la jurisprudence citée (voir point 125 ci-dessus), la Commission a indiqué les éléments d'appréciation utilisés pour prendre en considération la différence entre les durées de participation respectives à l'entente des filiales suédoises et néerlandaises. Il s'ensuit qu'aucune insuffisance de motivation concernant le calcul de la partie de l'amende infligée à la branche suédoise du groupe Akzo Nobel ne saurait être constatée.

130 Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument des requérantes selon lequel la Commission aurait commis une erreur de calcul quant aux montants imputables aux branches néerlandaises et suédoises. En effet, un tel argument ne concerne pas la motivation, mais le bien-fondé des motifs, élément relevant de la légalité au fond (voir point 123 ci-dessus).

131 En ce qui concerne, en second lieu, le grief relatif à l'insuffisance de motivation de l'imputabilité de la responsabilité à Akzo Nobel NV, il convient de constater qu'il ne saurait être retenu. En effet, la décision attaquée expose, aux considérants 224 à 244, tous les éléments pertinents permettant aux requérantes de comprendre les motifs pour lesquels l'infraction constatée a été imputée à Akzo Nobel NV.

132 S'agissant du grief selon lequel la Commission n'aurait pas motivé le prétendu dépassement du plafond de 10 % des chiffres d'affaires cumulés des filiales suédoises, force est de constater qu'il manque en fait. En effet, les requérantes se fondent sur une prémisse erronée selon laquelle les filiales suédoises du groupe Akzo Nobel seraient autonomes et que, par conséquent, le montant de l'amende ne pouvait excéder 10 % du chiffre d'affaires total desdites filiales. Or, il a été conclu dans le cadre de l'examen du premier moyen (voir point 108 ci-dessus), qu'Akzo Nobel NV et ses filiales néerlandaises et suédoises formaient une entreprise au sens de l'article 81 CE. Partant, la Commission pouvait infliger une amende ne dépassant pas le plafond de 10 % du chiffre d'affaire total de l'entreprise, en vertu tant de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 que de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003.

133 À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a précisé le plafond du montant de l'amende applicable, en faisant explicitement référence à ces deux dispositions au considérant 275 de la décision attaquée et en précisant, au considérant 243 de la décision attaquée, qu'Akzo Nobel NV et ses filiales suédoises et néerlandaises formaient une entreprise au sens de l'article 81 CE.

134 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré d'un classement erroné des parties à l'entente en fonction de la gravité de l'infraction

- Arguments des parties

135 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur en classant les participants à l'entente sur le fondement des parts de marché qu'ils détenaient au cours de la dernière année pleine de l'infraction, soit 1998, et, dans le cas de Hoechst, 1996. En effet, la Commission aurait dû utiliser une moyenne des parts de marché dégagées pendant toute la durée de l'infraction, c'est-à-dire pendant une période de quinze ans. En se référant exclusivement à la dernière année complète d'exécution de l'infraction, la Commission aurait, à tort, tenu les requérantes comme ayant la plus grande capacité économique effective à causer un préjudice sensible à la concurrence.

136 Étant donné que les parts de marché des entreprises participantes auraient été radicalement affectées par des acquisitions ou des désinvestissements au cours de la période pertinente, les requérantes considèrent que la référence aux parts de marché au cours de la dernière année pleine de l'infraction n'est pas acceptable. En effet, Hoechst aurait quitté le marché de l'AMCA en 1997, alors que ladite société aurait détenu la plus grande part du marché pendant la majeure partie de l'infraction. Cette situation n'aurait changé qu'en 1994, lorsque le groupe Akzo Nobel a acquis Eka Nobel, ledit groupe détenant alors la plus grande part de marché au cours des cinq dernières années de l'entente.

137 Dans la mesure où les parties requérantes auraient dû être classées dans la même catégorie que Hoechst et, ultérieurement, que Clariant, elles demandent à ce que le montant de base (qu'il convient de comprendre comme montant de départ) de l'amende déterminé en fonction de la gravité s'élève à 21 millions d'euro.

138 La Commission conclut au rejet du moyen.

- Appréciation du Tribunal

139 Il est de jurisprudence constante que, parmi les éléments d'appréciation de la gravité de l'infraction, peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l'objet de l'infraction, ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché. D'une part, il s'ensuit qu'il est loisible, en vue de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de sa taille et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre qui provient de la vente des marchandises faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. D'autre part, il en résulte qu'il ne faut attribuer ni à l'un ni à l'autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation, de sorte que la fixation du montant d'une amende appropriée ne peut être le résultat d'un simple calcul fondé sur le chiffre d'affaires global (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 176, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 158).

140 En l'espèce, il y a lieu de relever que la Commission a réparti les entreprises concernées par la décision attaquée en fonction des parts de marché détenues pour le produit en cause au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction, à savoir 1998, sauf pour Hoechst, pour laquelle l'année prise en considération était 1996 (considérant 292 de la décision attaquée).

141 Sans remettre en cause en tant que tel le critère utilisé par la Commission, à savoir le classement en catégories des entreprises selon leurs parts de marchés respectives sur le marché de l'AMCA, les requérantes considèrent néanmoins qu'il ne permet pas en l'espèce de tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants en raison de l'évolution des parts de marché, au cours de la période infractionnelle, du fait des acquisitions et des cessions intervenues à cette occasion.

142 À cet égard, il convient de relever que dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d'affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière à ce que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible. Il en résulte qu'une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu'à condition qu'elle démontre que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique ni de l'ampleur de l'infraction qu'elle a commise (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T-319-94, Rec. p. II-1331, point 42).

143 Il ressort également de la jurisprudence que la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises au cours de l'année de référence, à savoir la dernière année complète de la période d'infraction retenue, permet d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction commise par chaque entreprise (voir, en ce sens, arrêt Fiskeby Board/Commission, précité, point 41).

144 Il convient de relever que les requérantes se bornent à affirmer que Hoechst détenait la plus grande part du marché de l'AMCA avant 1994, date à laquelle le groupe Akzo Nobel a acquis Eka Nobel, sans démontrer que le chiffre d'affaires qu'elles ont réalisé au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction ne constitue pas une indication de leur véritable taille, de leur puissance économique ni de l'ampleur de l'infraction qu'elles ont commise.

145 Dans ces circonstances, les allégations des requérantes selon lesquelles Hoechst était l'entreprise qui disposait, pendant une période de dix ans sur les quinze ans de la période infractionnelle, de la plus grande part de marché, non étayées par des éléments chiffrés, ne permettent pas de considérer que la Commission aurait dû, dans le cas spécifique des requérantes, se fonder sur le chiffre d'affaires réalisé au cours d'une période différente de celle retenue.

146 Dès lors, il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen tiré du classement erroné du groupe Akzo Nobel aux fins de la détermination de la gravité de l'infraction.

Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur

- Arguments des parties

147 Les requérantes contestent l'application d'un coefficient multiplicateur de 1,5 au groupe Akzo Nobel, qui réalise un chiffre d'affaires total de 13 milliards d'euro, alors que le groupe Atofina/Elf Aquitaine, avec un chiffre d'affaires total de 84,5 milliards d'euro, s'est vu appliquer un coefficient de 2,5. Elles estiment que l'importance relative des chiffres d'affaires n'est pas en rapport avec celle des deux coefficients. Un calcul proportionné par rapport au chiffre d'affaires aurait abouti à un coefficient multiplicateur de 1,22.

148 À l'argument de la Commission selon lequel le coefficient multiplicateur ne serait pas fondé sur le chiffre d'affaires mondial, mais correspondrait à un système d'ajustement simplifié tenant compte de la taille et des ressources globales des entreprises en cause, les requérantes rétorquent que seul le chiffre d'affaires permet d'indiquer la taille et les ressources globales d'une entreprise. Quant au fait que, dans la décision C (2004) 4717, du 9 décembre 2004, relative à une procédure d'application de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-2/.37.533 - Chlorure de choline), dont un résumé est publié au Journal officiel du 22 juillet 2005 (JO L 190, p. 22), le même coefficient de 1,5 lui avait été appliqué, les requérantes considèrent que cet argument n'est pas pertinent, puisque l'on ne saurait en déduire que le coefficient multiplicateur de 1,5 est approprié dans n'importe quel cas où une société du groupe Akzo Nobel est impliquée dans une entente.

149 La Commission conclut au rejet du moyen.

- Appréciation du Tribunal

150 Il y a lieu de rappeler que les sanctions prévues à l'article 15 du règlement n° 17 et à l'article 23 du règlement n° 1-2003 ont pour but de réprimer des comportements illicites aussi bien que d'en prévenir le renouvellement (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 218, et la jurisprudence citée).

151 Les lignes directrices mentionnent cette finalité en leur point 1 A, consacré à la gravité des infractions. Plus précisément, le quatrième alinéa de ce point énonce qu'il sera nécessaire " de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif. " Il y est également précisé, au cinquième alinéa que, " [d]e manière générale, il pourra également être tenu compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence ".

152 En l'espèce, cet objectif est mentionné dans l'intitulé de la section concernée de la décision attaquée (" Effet dissuasif suffisant ") et dans ses considérants 298 et 300. Pour y satisfaire, la Commission a jugé opportun de multiplier par 2,5 le montant de départ de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine et par 1,5 celui de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel, en se fondant sur leurs chiffres d'affaires mondiaux respectifs de 84,5 milliards d'euro et de 13 milliards d'euro en 2003, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales des deux groupes précités.

153 Sans remettre en cause la légalité de l'application d'un coefficient multiplicateur au montant de départ de l'amende qui leur a été infligée, les requérantes prétendent néanmoins que, en l'espèce, l'application du coefficient multiplicateur de 1,5 est disproportionnée.

154 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le montant de l'amende doit être modulé afin de tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle l'amende est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité. Le Tribunal a ainsi relevé, dans son arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 241, que, en raison de son chiffre d'affaires global nettement supérieur à celui des autres membres de l'entente, l'une des entreprises concernées dans cette affaire mobiliserait plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, ce qui justifierait, en vue d'un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l'application d'un coefficient multiplicateur.

155 En l'espèce, il est vrai que la Commission n'a marqué la différence de capacité économique entre les groupes Hoechst et Akzo Nobel que par un écart d'un point dans le coefficient multiplicateur appliqué au montant de départ des amendes qui leur ont été infligées. Cependant, la Commission disposant d'un pouvoir d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende et n'étant pas tenue d'appliquer une formule mathématique précise (voir arrêt Hoek Loos/Commission, précité, point 68, et la jurisprudence citée), le Tribunal considère, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, qu'elle a correctement pris en considération la différence de capacité économique de chacun des deux groupes dans le choix des coefficients multiplicateurs qu'elle a appliqués. Partant, elle n'a pas violé le principe de proportionnalité en appliquant un coefficient multiplicateur de 1,5 au groupe Akzo Nobel.

156 Il s'ensuit qu'il convient de rejeter le cinquième moyen comme non fondé.

157 Compte tenu de tout ce qui précède, l'ensemble des demandes présentées dans le cadre du présent recours doivent être rejetées.

Sur les dépens

158 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel AB, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB et Eka Chemicals AB sont condamnées aux dépens.