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Décisions

TPICE, 7e ch., 30 septembre 2009, n° T-161/05

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hoechst GmbH

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forwood

Juges :

Šváby (rapporteur), Truchot

Avocats :

Mes Klusmann, Itzen, Thomas

TPICE n° T-161/05

30 septembre 2009

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

Antécédents du litige et décision attaquée

1 Par la décision C (2004) 4876 final, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/E-1/37.773 - AMCA) (ci-après la " décision attaquée "), la Commission des Communautés européennes a constaté que la société mère Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, Eka Chemicals AB et Akzo Nobel AB (ci-après, prises ensemble, le " groupe Akzo Nobel "), Elf Aquitaine SA et sa filiale Arkema SA (anciennement Elf Atochem SA, puis Atofina SA), Clariant AG et sa filiale Clariant GmbH ainsi que la requérante, Hoechst AG, avaient enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), en participant à une entente concernant le marché de l'acide monochloracétique (article 1er de la décision attaquée).

2 L'acide monochloracétique (ci-après l'" AMCA ") est un acide organique fort, utilisé comme un intermédiaire chimique notamment dans la fabrication de détergents, d'adhésifs, de produits auxiliaires textiles et d'épaississants dans les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques (considérants 3 à 6 de la décision attaquée).

3 La Commission a commencé son enquête relative au marché de l'AMCA après que Clariant GmbH l'a informée, par lettre du 6 décembre 1999, de l'existence d'une entente concernant ce marché et l'a saisie d'une demande de traitement favorable au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ") (considérant 43 de la décision attaquée).

4 Par la suite, Clariant GmbH a communiqué à la Commission des documents et des renseignements relatifs à l'entente (considérants 44 et 45 de la décision attaquée).

5 Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux d'Elf Atochem et dans ceux d'Akzo Nobel Chemicals et d'Akzo Nobel Functional Chemicals (considérant 46 de la décision attaquée).

6 Le 28 mai 2003, la Commission a adressé à Hoechst une demande de renseignements sur les accords et sur sa participation à ceux-ci et a reçu une réponse le 10 juillet 2003. Une nouvelle demande a été envoyée par la Commission le 19 novembre 2003, à laquelle Hoechst a répondu les 5 et 15 décembre 2003 (considérants 53 et 55 de la décision attaquée).

7 La Commission a, dans le cadre de son enquête, envoyé plusieurs demandes de renseignements à certains participants à l'entente ainsi qu'à leurs concurrents (considérants 52 à 55 de la décision attaquée).

8 Les 7 et 8 avril 2004, la Commission a adressé une communication des griefs aux douze destinataires suivants : sept sociétés du groupe Akzo Nobel, à savoir la société mère Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel AB, Eka Chemicals et Akzo Nobel Base Chemicals ; Clariant GmbH et Clariant AG (ci-après, prises ensemble, " Clariant ") ; Hoechst ; Elf Aquitaine et sa filiale Atofina. Chacun des destinataires y a répondu.

9 Au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les entreprises précitées s'étaient entendues afin de maintenir les parts de marché au moyen d'un système de répartition des volumes et des clients, qu'elles avaient échangé des informations sur les prix et avaient examiné, au cours de réunions multilatérales régulières, les volumes de ventes réels ainsi que des informations sur les prix afin de surveiller la mise en œuvre des accords (considérants 84 à 90 de la décision attaquée).

10 S'agissant de Hoechst, la Commission a considéré que ladite société avait directement participé à l'infraction du 1er janvier 1984 au 30 juin 1997, à savoir jusqu'à la date où cette dernière avait vendu son activité de l'AMCA à Clariant AG (considérants 246 et 272 de la décision attaquée).

11 La Commission n'a pas retenu l'argument développé par Hoechst dans sa réponse à la communication des griefs selon lequel elle ne pouvait être tenue pour responsable des infractions alléguées dans la mesure où la responsabilité desdites infractions avait été intégralement transférée à Clariant en vertu d'accords contractuels explicites. La Commission a considéré, d'une part, que Hoechst avait participé directement à l'infraction et devait être tenue pour responsable pour l'intégralité de la période au cours de laquelle elle avait participé à cette infraction avant le transfert de son activité de l'AMCA et, d'autre part, que la responsabilité de Hoechst pour son comportement infractionnel en vertu du droit de la concurrence n'était pas affectée par d'éventuels accords contractuels conclus entre les parties et par la structure spécifique de l'opération (considérant 248 de la décision attaquée).

12 Le montant des amendes a été fixé par la Commission en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") et de la communication sur la coopération.

13 Aux considérants 276 à 277 de la décision attaquée, la Commission a énoncé les critères généraux au vu desquels elle a procédé à la détermination du montant des amendes. Elle a précisé devoir prendre en considération toutes les circonstances pertinentes et, notamment, la gravité et la durée de l'infraction, critères explicitement visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et apprécier sur une base individuelle le rôle joué par chacune des entreprises partie à l'infraction. Pour ce faire, elle a souligné qu'elle tenait compte, dans le cadre de la fixation du montant des amendes, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et, le cas échéant, de la communication sur la coopération.

14 S'agissant de la gravité de l'infraction, la Commission a considéré, au vu de la nature de celle-ci, qui a consisté en un partage des marchés et en une fixation des prix, de son caractère délibéré, de son impact réel sur le marché de l'AMCA et du fait qu'elle s'est étendue à l'ensemble du marché commun et, à partir de sa constitution, à l'ensemble de l'EEE, que les entreprises destinataires de la décision attaquée avaient commis des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (considérants 280, 281 et 288 de la décision attaquée).

15 En vue de déterminer le montant de départ des amendes, la Commission a précisé que, dans les circonstances de la présente affaire où plusieurs entreprises étaient impliquées, il était nécessaire de tenir compte du poids particulier et donc de l'impact réel sur la concurrence du comportement infractionnel de chaque entreprise (considérant 290 de la décision attaquée).

16 À cet effet, la Commission a estimé qu'il convenait, en l'espèce, d'utiliser les parts de marché dans l'EEE des entreprises ayant participé à l'infraction comme base de comparaison pour déterminer leurs poids respectifs. La comparaison a été faite sur la base des parts détenues sur le marché de l'EEE pour le produit en cause au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction (1998). Pour Hoechst, l'année prise en considération a toutefois été 1996 (considérants 291 et 292 de la décision attaquée).

17 Le groupe Akzo Nobel, avec une part de marché dans l'EEE estimée à 44 %, a été considéré comme le plus important producteur et a été placé en conséquence dans la première catégorie des entreprises concernées. Hoechst et Clariant, considérées comme les deuxièmes plus importants producteurs d'AMCA, avec respectivement des parts de marché de 28 % et de 34 %, ont été placées dans une deuxième catégorie. Atofina, dont la part de marché a été estimée à 17 %, a été placée dans la troisième catégorie (considérants 293 à 295 de la décision attaquée).

18 Le montant de départ des amendes a ainsi été déterminé comme suit : 30 millions d'euro pour le groupe Akzo Nobel, 21 millions pour Hoechst et Clariant, 12 millions pour Atofina/Elf Aquitaine et 1,33 million pour Eka Nobel (il y est mentionné par erreur qu'il s'agit du " montant de base ", considérants 296 et 297 de la décision attaquée).

19 La Commission a, en outre, majoré le montant de départ des amendes pour chacune des entreprises en fonction de la durée de leur participation à l'infraction, considérant que les montants de départ des amendes qui leur avaient été infligées devaient être augmentés de 10 % pour chaque année pleine d'infraction et d'un montant supplémentaire de 5 % pour toute période supérieure ou égale à six mois mais inférieure à un an. Ainsi a-t-elle majoré de 150 % le montant de départ de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel ainsi que celui de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, de 135 % celui de l'amende infligée à Hoechst et de 15 % celui de l'amende infligée à Clariant (considérant 302 de la décision attaquée).

20 Hoechst et Atofina se sont vu appliquer, au titre de la prise en compte des circonstances aggravantes, une augmentation de 50 % du montant de base de l'amende qui devait leur être infligée pour cause de récidive, ces deux entreprises ayant fait l'objet de décisions antérieures de la Commission établissant leur participation à des ententes (considérants 308 et 314 de la décision attaquée).

21 La Commission a relevé, à cet effet, que Hoechst avait été destinataire de la décision 94-599-CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (JO L 239, p. 14) (ci-après la " décision PVC II "), et de la décision 69-243-CEE de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article [81 CE] (JO L 195, p. 11, ci-après la " décision matières colorantes ") (considérant 309 de la décision attaquée).

22 La Commission n'a pas retenu les arguments présentés par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, selon lesquels les activités, les produits et les personnes concernés par les décisions citées étaient différents des activités, des produits et des personnes liés au secteur de l'AMCA et que la décision matières colorantes était trop ancienne. En effet, selon elle, le critère de l'infraction de même type posé par les lignes directrices était rempli du fait que les décisions antérieures citées et la décision attaquée avaient trait à des ententes, qui concernaient des infractions à l'article 81 CE similaires. Il ne serait pas exigé que les activités, les produits et les personnes soient les mêmes, il suffirait que l'entreprise soit la même, ce qui aurait été le cas en l'espèce (considérant 312 de la décision attaquée).

23 La Commission a également rejeté l'argument de la requérante selon lequel le principe non bis in idem serait violé en l'espèce du fait qu'elle avait déjà pris les décisions antérieures en considération au titre des circonstances aggravantes dans la décision 2005-493-CE de la Commission, du 1er octobre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/E-1/37.370 - Sorbates), dont un résumé est publié au Journal officiel du 13 juillet 2005 (JO L 182, p. 20). Selon la Commission, si des entreprises continuent à commettre le même type d'infraction et si de précédentes amendes ne les ont pas incitées à changer leur comportement, cela constitue une circonstance aggravante, qu'elle ait ou non été considérée comme telle dans des affaires antérieures (considérant 313 de la décision attaquée).

24 S'agissant de l'application de la communication sur la coopération, la Commission a accordé, au titre du point B, une réduction de 100 % du montant de l'amende infligée à Clariant, cette dernière ayant été le premier membre de l'entente à fournir des preuves de l'existence, du fonctionnement, de la durée et de la mise en œuvre de l'entente. La Commission a estimé que Clariant GmbH l'avait informée à propos d'une entente secrète à une date où elle n'avait pas engagé d'enquête et ne disposait pas non plus de renseignements suffisants pour établir la preuve de ladite entente (considérants 328 à 332 de la décision attaquée).

25 Elle a considéré qu'Atofina pouvait bénéficier d'une réduction significative du montant de son amende, à savoir de 40 %, dans la mesure où elle avait été la deuxième entreprise à lui fournir, avant la communication des griefs, des informations et des éléments de preuve qui ont contribué à établir l'existence de l'entente et où elle n'avait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission s'était appuyée pour établir l'existence de l'entente dans sa communication des griefs (considérants 337, 338 et 340 de la décision attaquée).

26 La Commission a relevé que le groupe Akzo Nobel avait été la troisième entreprise à lui fournir, avant la communication des griefs, des informations et des éléments de preuve confirmant l'existence de l'entente dans le secteur de l'AMCA et n'avait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission s'était appuyée pour établir l'existence de l'entente dans sa communication des griefs. Par conséquent, elle a estimé que le groupe Akzo Nobel remplissait les conditions énoncées au point D, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, de la communication sur la coopération, de sorte à bénéficier d'une réduction de 25 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission (considérants 342 à 346 de la décision attaquée).

27 En revanche, la Commission n'a pas retenu les arguments de Hoechst selon lesquels elle aurait été empêchée d'introduire une demande au titre de la communication sur la coopération puisqu'elle avait vendu son activité de l'AMCA à Clariant AG avant l'ouverture de la procédure, en 1999, et que, de surcroît, elle aurait été couverte par la demande introduite à ce titre par Clariant GmbH. La Commission a considéré que Hoechst aurait eu la possibilité d'introduire une telle demande à l'époque où elle était encore propriétaire de son activité de l'AMCA et qu'elle ne pouvait être couverte par la demande de Clariant GmbH, puisque l'unité commerciale AMCA avait appartenu à Hoechst puis à Clariant AG, deux personnes morales indépendantes (considérants 325 et 326 de la décision attaquée).

28 La Commission conclut, à l'article 1er de la décision attaquée :

" Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81 [CE], en s'attribuant des quotas de production et des clients, en augmentant les prix de façon concertée, en mettant au point un mécanisme de compensation, en échangeant des informations sur les volumes de vente et les prix et en participant à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de convenir et de mettre en œuvre les restrictions susmentionnées. Le comportement des entreprises suivantes a constitué une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à partir du 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord EEE.

[...]

[...]

c) Hoechst [...] : du 1er janvier 1984 au 30 juin 1997 ;

[...]

e) Clariant AG, Clariant GmbH : du 1er juillet 1997 au 7 mai 1999. "

29 À l'article 2 de la décision attaquée, les montants des amendes ont été fixés comme suit :

" a) Akzo Nobel Chemicals [...], Akzo Nobel Nederland [...], Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Functional Chemicals [...], Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB :

84,38 millions d'euro ;

b) Hoechst [...] :

74,03 millions d'euro ;

c) Elf Aquitaine [...] et Arkema [...] (anciennement Atofina [...]), responsabilité conjointe et solidaire :

45,00 millions d'euro ;

d) Arkema [...] (anciennement Atofina [...]) :

13,50 millions d'euro ;

e) Clariant AG et Clariant GmbH, responsabilité conjointe et solidaire :

0 euro.

[...] "

30 Aux termes de l'article 3 de la décision attaquée :

" Les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions mentionnées dans cet article, si elles ne l'ont pas déjà fait.

Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire. "

Procédure et conclusions des parties

31 Par requête déposée au greffe le 25 avril 2005, la requérante a introduit le présent recours.

32 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

33 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

34 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 18 juin 2008.

35 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler les articles 2 et 3 de la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

36 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

37 La requérante invoque sept moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de l'absence de responsabilité de la requérante en ce qui concerne l'entente sanctionnée en raison de la vente de ses activités de l'AMCA, le deuxième de l'illégalité de l'amende infligée, le troisième d'une méconnaissance de la communication sur la coopération, le quatrième d'une erreur d'appréciation dans le calcul du montant de base de l'amende, le cinquième d'une majoration injustifiée de l'amende pour récidive, le sixième de vices procéduraux et le septième de l'illégalité de l'injonction de ne plus faire prévue à l'article 3 de la décision attaquée.

Sur le premier moyen, tiré de l'absence de responsabilité de la requérante en ce qui concerne l'entente sanctionnée en raison de la vente de ses activités de l'AMCA

Arguments des parties

38 La requérante soutient qu'elle n'est plus responsable des infractions commises pour la branche d'activité de l'AMCA, puisque la responsabilité de ces infractions a été transférée de façon illimitée à Virteon GmbH lors du démembrement et de la vente de cette branche. Ainsi fait-elle observer que la branche d'activité de l'AMCA a été juridiquement démantelée et vendue, le 30 mai 1997, à une filiale à 100 %, Virteon, en même temps que quatre autres grands domaines d'activité liés aux produits chimiques spéciaux. Virteon aurait alors poursuivi l'exploitation de l'activité en tant qu'entreprise autonome dans les mêmes conditions. Partant, cette dernière aurait pris la place de la requérante, à la fois sur le plan juridique et sur le plan économique. La reprise de Virteon par Clariant AG ne changerait rien à la responsabilité de Virteon, devenue Clariant GmbH. En effet, la modification de l'actionnariat à la suite de la reprise de Virteon par Clariant AG n'aurait aucune incidence sur la responsabilité de la société, dès lors que l'identité économique et, partant, la continuité de l'entreprise concernée seraient préservées. Ainsi, Virteon, devenue Clariant GmbH, aurait continué à exister au sein du groupe avec la même identité juridique, sans aucune rupture juridique ou économique.

39 Selon la requérante, si l'entreprise est transmise comme un tout, de telle sorte que le nouveau sujet de droit remplace son prédécesseur et poursuit l'activité en place, le principe de la continuité économique entraîne le transfert simultané de la responsabilité pour une entente de l'entreprise cédée. Il s'agirait alors, dans la détermination de la responsabilité, de " suivre la trace de l'entreprise en tant que réalité économique et non pas juridique ". En l'espèce, après le démantèlement et la vente de l'activité de l'AMCA, Virteon, puis Clariant GmbH, seraient les sujets de droit responsables des infractions au droit des ententes, et non Hoechst.

40 La requérante fait également observer que le fait que Clariant ait continué à participer aux accords existants manifesterait la continuité de l'entreprise.

41 L'arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49-92 P, Rec. p. I-4125), cité par la Commission, ne permettrait pas de tirer d'autres conclusions. En effet, selon cet arrêt, le principe selon lequel la responsabilité d'un chef d'entreprise pourrait être retenue nonobstant la vente de son activité concernerait exclusivement la vente d'une entreprise à des tiers et non à un sujet de droit appartenant au groupe, comme en l'espèce. À cet égard, la requérante a précisé, au cours de l'audience, que la Cour a confirmé dans un de ses récents arrêts (arrêt du 11 décembre 2007, ETI e.a., C-280-06, Rec. p. I-10893) que le critère de la continuité économique devait s'appliquer eu égard aux liens structurels entre l'entité ayant commis l'infraction et son successeur économique au moment du transfert.

42 Elle fait également observer que le transfert de responsabilité apparaît dans le contrat d'apport dans lequel les parties reconnaissent expressément que Virteon libère la requérante de sa responsabilité au sein du groupe. Selon la requérante, il ressort de la jurisprudence qu'une telle prise en charge de la responsabilité au sein du groupe doit être prise en considération lors de l'imputation de l'amende.

43 Quant à l'argument de la Commission selon lequel la requérante aurait tenté d'échapper à sa responsabilité en cédant son activité de l'AMCA, la requérante rétorque que la restructuration du groupe qui s'opérait étape par étape depuis 1996 était un processus qui n'avait pas été influencé ou motivé par d'éventuelles spécificités de certains domaines d'activité particuliers. En effet, la restructuration consistait en une externalisation de toutes les activités qui n'étaient pas liées aux secteurs d'activité pharmaceutique et agricole.

44 La jurisprudence ainsi que la pratique décisionnelle de la Commission confirmeraient la position de la requérante. Si la Commission devait jouir d'un pouvoir discrétionnaire quant à la détermination des destinataires de l'amende, cela constituerait une violation du principe selon lequel l'administration est liée par ses propres décisions, principe énoncé dans le préambule et à l'article 20 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1).

45 La requérante a ajouté au cours de l'audience que, contrairement à ce que soutenait la Commission, celle-ci ne disposerait pas d'un pouvoir d'appréciation pour déterminer les auteurs d'une infraction à l'article 81 CE, ces derniers étant déterminés selon des dispositions juridiques précises.

46 La requérante soutient également que, lorsqu'elle détenait la branche d'activité de l'AMCA, cette dernière avait une organisation et un fonctionnement autonomes et assumait seule la responsabilité de ses résultats. Par ailleurs, en dehors de l'activité concernée, elle n'aurait eu aucune connaissance de l'infraction, le comportement des employés de la branche d'activité de l'AMCA ayant participé à l'infraction s'opposant d'ailleurs à la politique du groupe Hoechst favorisant le respect du droit de la concurrence.

47 La Commission rétorque, en substance, que l'argument de la requérante selon lequel la restructuration de son activité de l'AMCA l'a complètement exonérée de toute responsabilité ne saurait être accueilli. En effet, si l'interprétation retenue par la requérante était correcte, elle offrirait aux grandes entreprises un moyen aisé d'échapper aux conséquences juridiques d'une entente ou du moins de minimiser les risques commerciaux dans l'hypothèse de sa découverte.

48 Elle fait observer également que le moyen de la requérante ne viserait en réalité que le mois de juin 1997, sur un total de 149 mois d'infraction, et que, dans ces circonstances, une annulation de la décision attaquée pour un seul mois ne serait pas justifiée.

49 À cet égard, la Commission considère qu'elle pouvait présumer, eu égard à une jurisprudence bien établie, qu'une filiale à 100 %, comme l'était en l'espèce Virteon du 30 mai 1997 au 30 juin 1997, appliquait pour l'essentiel les instructions qui lui étaient données par sa société mère, sans devoir vérifier si la société mère avait effectivement exercé son pouvoir. Dès lors, Hoechst aurait dû établir que son ancienne filiale avait effectivement déterminé de façon autonome son comportement sur le marché en juin 1997, ce qu'elle n'aurait pas fait.

Appréciation du Tribunal

50 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l'entreprise en cause au moment où l'infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l'adoption de la décision constatant l'infraction, l'exploitation de l'entreprise a été placée sous la responsabilité d'une autre personne (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, point 37, et Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. 9693, point 78 ; arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 103).

51 Il peut s'avérer néanmoins nécessaire, aux fins de la mise en œuvre efficace des règles de concurrence, d'imputer à titre exceptionnel une entente non à l'exploitant initial mais au nouvel exploitant de l'entreprise impliquée dans l'hypothèse où ce dernier peut être effectivement considéré comme le successeur de l'exploitant initial, c'est-à-dire s'il continue d'exploiter l'entreprise impliquée dans l'entente (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général Mme Kokott sous l'arrêt ETI e.a., précité, points 75 et 76). En effet, si aucune autre possibilité d'infliction de la sanction à une entité autre que celle ayant commis l'infraction n'était prévue, des entreprises pourraient échapper à des sanctions par le simple fait que leur identité ait été modifiée par suite de restructurations, de cessions ou d'autres changements juridiques ou organisationnels (voir, en ce sens, arrêt ETI e.a., précité, point 41).

52 Ainsi a-t-il été considéré par la Cour que le critère dit " de la continuité économique " ne joue que dans le cas où la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise aurait cessé d'exister juridiquement après la commission de l'infraction (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 145, et HFB e.a./Commission, précité, point 104) ou dans les cas de restructurations internes d'une entreprise lorsque l'exploitant initial ne cesse pas nécessairement d'avoir une existence juridique mais n'exerce plus d'activité économique sur le marché concerné et eu égard aux liens structurels entre l'exploitant initial et le nouvel exploitant de l'entreprise (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, 213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 359, et ETI e.a., précité, point 41).

53 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée et des observations de la requérante relatives à la communication des griefs que Hoechst fabriquait elle-même de l'AMCA par l'intermédiaire de sa division chimique jusqu'au 30 mai 1997. Cette division, ainsi que d'autres, ont été transférées à Virteon, une filiale de Hoechst détenue à 100 % par cette dernière, le 30 mai 1997. Le 30 juin 1997, par la vente de la totalité des actions de Virteon, Hoechst a cédé l'ensemble de ses activités de l'AMCA à Clariant AG.

54 S'agissant tout d'abord de la responsabilité de la requérante du fait de sa participation à l'entente pour la période s'étendant jusqu'au 30 mai 1997, la requérante se limite à affirmer que la branche d'activité de l'AMCA avait une organisation et un fonctionnement indépendants et qu'elle n'avait pas connaissance de l'infraction. Elle soutient également que le comportement des employés ayant participé à l'infraction n'était pas en conformité avec la politique du groupe visant au respect du droit de la concurrence.

55 Force est toutefois de constater que, jusqu'au transfert de sa branche d'activité chimique à Virteon, le 30 mai 1997, la requérante était la personne morale directement responsable de l'exploitation de sa branche d'activité de l'AMCA et des employés qui ont commis l'infraction en cause. Dans ces circonstances, la requérante était censée avoir eu connaissance de leurs agissements et ne pouvait se prévaloir d'un dysfonctionnement de son organisation interne (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 mai 1991, Bayer/Commission, T-12-90, Rec. p. II-219, point 35). Dès lors, les agissements infractionnels de ses employés de la branche d'activité de l'AMCA doivent être considérés comme imputables à la requérante.

56 Il y a lieu également de rappeler que, aux fins de l'application et de l'exécution des décisions de la Commission en matière de droit de la concurrence, il est nécessaire d'identifier, en tant que destinataire, une entité dotée de la personnalité juridique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, point 978). Dès lors, c'est à bon droit que la Commission a imputé la responsabilité de l'infraction commise dans la branche d'activité de l'AMCA à la requérante, qui était effectivement la personne morale chargée de cette activité.

57 S'agissant ensuite de la période allant du 30 mai au 30 juin 1997, la requérante se borne à préciser que, au cours de cette période, la branche d'activité de l'AMCA, ainsi que d'autres branches, ont été transférées à une filiale, Virteon, détenue à 100 % par Hoechst, avant sa vente à Clariant AG, le 30 juin 1997.

58 À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a pris en considération cette période en se fondant, aux considérants 217 à 219 de la décision attaquée, sur la notion d'entreprise, au sens de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE. Eu égard à ladite notion, qui sous-tend toute la jurisprudence communautaire relative à l'imputabilité de la responsabilité des infractions aux entités juridiques constituant une même entreprise, c'est à bon droit que la Commission a imputé l'infraction à Hoechst pour la période allant du 30 mai au 30 juin 1997. En effet, la notion d'entreprise, au sens de l'article 81 CE, inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 311, et HFB e.a./Commission, précité, point 54).

59 Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, point 50, et arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, points 961 et 984) et qu'elles constituent donc une seule entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 59). Il incombe, dès lors, à la société mère contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer l'autonomie de cette dernière (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, précité, point 29).

60 En l'espèce, force est de constater que Virteon était, du 30 mai au 30 juin 1997, une filiale détenue à 100 % par Hoechst. Cette dernière ayant procédé, comme il est indiqué dans la réponse de la requérante à la communication des griefs, à la vente de Virteon à Clariant AG, définitivement conclue par contrat en date du 17 juin 1997 et exécutée par le transfert des actions le 30 juin 1997, la filialisation de la branche d'activité de l'AMCA s'inscrivait manifestement dans un objectif de vente des actions de cette filiale à une entreprise tierce. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer comme établi que la requérante n'a pas renversé la présomption selon laquelle la société mère exerçait une influence déterminante sur le comportement de sa filiale détenue à 100 % (arrêts AEG-Telefunken/Commission, précité, point 50, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 59) en démontrant l'autonomie de sa filiale Virteon GmbH.

61 Il convient de rejeter également l'argument de la requérante consistant à faire valoir que le transfert de son unité économique AMCA à une autre entreprise entraînerait également le transfert de la responsabilité des agissements anticoncurrentiels au nouvel exploitant. En effet, eu égard à la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, il incombe à la requérante, personne morale qui dirigeait l'entreprise en cause au moment où l'infraction a été commise, de répondre de celle-ci, même si, au jour de l'adoption de la décision constatant l'infraction, l'exploitation de l'entreprise avait été placée sous la responsabilité de Clariant AG. Le principe de responsabilité personnelle ne saurait être remis en cause par celui de la continuité économique dans les cas où, comme en l'espèce, une entreprise impliquée dans l'entente a cédé une partie de ses activités à un tiers indépendant et qu'il n'existe pas de liens structurels entre l'ancien exploitant et le nouveau (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général Mme Kokott sous l'arrêt ETI e.a., précité, point 82).

62 Or, contrairement à ce que soutient la requérante, elle ne se situe pas dans un des cas exceptionnels où la Cour a pu considérer qu'il convenait d'utiliser le critère de la continuité économique pour imputer les comportements anticoncurrentiels de l'exploitant initial au nouvel exploitant de l'activité en cause. En effet, si la branche de l'AMCA a été transférée dans un premier temps au sein du groupe à Virteon, filiale de Hoechst, pour être ensuite cédée à Clariant AG, Hoechst a continué à exister en tant que personne morale distincte après la commission de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C-65-02 P et C-73-02 P, Rec. p. I-6773, point 88).

63 De surcroît, contrairement à ce que prétend la requérante, elle ne peut se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle, en cas de transfert de tout ou partie des activités économiques d'une entité juridique à une autre, la responsabilité de l'infraction commise par l'exploitant initial, dans le cadre des activités en question, peut être imputée au nouvel exploitant si celui-ci constitue avec l'exploitant initial une entité économique aux fins de l'application des règles de concurrence, et ce même si l'exploitant initial existe encore en tant qu'entité juridique (arrêt ETI e.a., précité, point 48). En effet, force est de constater que, à la suite de la cession de Virteon à Clariant AG, le 30 juin 1997, aucun lien structurel ni organisationnel ne liait Clariant AG à Hoechst, qui sont deux entreprises distinctes au sens de l'article 81 CE et dont le seul lien économique est que la première a racheté la totalité du capital de Virteon et, partant, les activités de la branche de l'AMCA de Hoechst.

64 En tout état de cause, l'imputation au nouvel exploitant d'une infraction commise par l'ancien exploitant est une possibilité que, dans certaines circonstances, la jurisprudence reconnaît à la Commission, et non une obligation, et ce tout particulièrement dans des cas où, comme en l'espèce, l'exploitant initial auteur de l'infraction continue d'exister juridiquement et économiquement (au sens de l'arrêt ETI e.a, précité, point 40). En outre, en l'espèce, le risque que l'entreprise auteur de l'infraction échappe à des sanctions que vise à combattre le principe de la continuité économique (voir point 51 ci-dessus) est inexistant, puisque Hoechst continue d'exister tant juridiquement qu'économiquement.

65 La requérante ne saurait davantage invoquer le transfert de sa responsabilité par la voie du contrat d'apport de sa branche d'activité conclu avec Virteon. D'une part, un tel contrat ne peut être opposé à la Commission afin d'échapper aux sanctions encourues en application du droit communautaire de la concurrence, dans la mesure où il vise à répartir la responsabilité entre les sociétés pour avoir participé à une entente. D'autre part, le prétendu transfert de responsabilité opéré en l'espèce selon les termes du contrat d'apport est sans incidence sur la détermination de la responsabilité de la requérante, dès lors que ce contrat a été conclu entre Hoechst et une filiale qu'elle détenait à 100 % et dont, par conséquent, le comportement infractionnel peut lui être imputé en sa qualité de société mère. En tout état de cause, à la différence de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission (T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 62), invoqué par la requérante, dans lequel le Tribunal avait considéré que la Commission était exceptionnellement en droit d'imputer à une société la responsabilité du comportement infractionnel de son prédécesseur, il ne ressort pas des pièces du dossier que Clariant AG ait accepté d'être tenue pour responsable des agissements de Hoechst avant le transfert de sa branche d'activité de l'AMCA.

66 Il s'ensuit que l'argument de la requérante selon lequel la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de sa branche d'activité de l'AMCA aurait été transférée lors de sa vente à Clariant AG ne saurait être retenu.

67 Dès lors, la Commission ayant à bon droit imputé à Hoechst la responsabilité de l'infraction commise du 1er juin 1984 au 30 juin 1997, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'illégalité de l'amende infligée

Arguments des parties

68 La requérante soutient que l'amende infligée est illégale dans la mesure où la nouvelle société mère de Virteon, devenue Clariant GmbH, a obtenu une exonération complète de l'amende et qu'elle-même, en tant qu'ancienne société mère, n'en a pas bénéficié. La Commission aurait ainsi enfreint le principe d'égalité de traitement, prévu à l'article 20 de la charte des droits fondamentaux, ainsi que le sens et l'objet de la communication sur la coopération.

69 Dans la mesure où l'activité de l'AMCA détenue par Hoechst puis cédée à Virteon, devenue Clariant GmbH, avant d'être exploitée par Clariant AG constituait une unité économique, la demande de bénéficier d'une exonération de l'amende déposée par Clariant GmbH se rapporterait à toutes les personnes juridiques incluses dans l'" entreprise Hoechst/Virteon/Clariant ". Cette analyse serait corroborée par le fait que la Commission (considérant 332 de la décision attaquée) a étendu l'exonération de l'amende octroyée à Clariant GmbH à sa société mère, Clariant AG, en raison du lien existant entre cette dernière et Virteon, devenue Clariant GmbH, Virteon et Clariant GmbH, et par sa pratique décisionnelle. Dès lors, en ne considérant pas que la requérante faisait partie de la même unité économique que Clariant GmbH et Clariant AG, la Commission aurait violé la notion d'entreprise, au sens de l'article 81 CE, telle que définie par la jurisprudence.

70 La requérante fait également observer que l'entente a été mise en œuvre de la même façon par les mêmes personnes de manière continue pendant toute la durée de l'infraction et que, en conséquence, la demande d'exonération de l'amende de Clariant GmbH ne portait pas uniquement sur la période postérieure au rachat de Virteon. En effet, les faits invoqués par Clariant GmbH au soutien de sa demande d'exonération portaient également sur l'ensemble de la période d'infraction. Dès lors, eu égard aux informations communiquées, ce serait la requérante qui aurait dû bénéficier d'un traitement de faveur, en vertu de sa coopération. De surcroît, la demande d'exonération aurait été déposée au nom de la branche d'activité.

71 La requérante précise qu'elle n'était pas en mesure de déposer sa propre demande d'exonération avant la deuxième partie de l'année 1997, n'ayant pas eu connaissance de l'entente avant cette date. Elle n'était pas, de surcroît, en mesure de faire une telle demande par la suite, étant donné qu'elle avait cédé l'ensemble de ses actifs de l'AMCA, le 30 juin 1997, à Clariant AG.

72 Enfin, si l'octroi de l'exonération découlant de la communication sur la coopération ne renvoyait pas aussi à la période durant laquelle Hoechst était propriétaire de l'activité AMCA, la communication sur la coopération seraient vidée de son sens, puisque l'auteur de l'infraction, à savoir l'unité économique AMCA, avait coopéré avec la Commission et levé le secret concernant l'infraction.

73 La Commission conclut au rejet dudit moyen.

Appréciation du Tribunal

74 Tout d'abord, il y a lieu de constater que, comme cela a été établi dans le cadre de l'examen du premier moyen relatif à la prétendue illégalité de l'imputation à Hoechst des infractions commises dans le cadre de ses activités de l'AMCA (voir points 53 à 60 ci-dessus), la responsabilité de la requérante pour la période s'étendant du 1er janvier 1984 au 30 juin 1997 ne saurait être considérée comme ayant été transférée à Clariant AG à partir du moment où cette dernière a repris les activités de l'AMCA de Hoechst, le 30 juin 1997.

75 Dès lors, dans la mesure où l'on ne saurait retenir l'argument de la requérante selon lequel l'activité de l'AMCA détenue par Hoechst puis cédée à Clariant AG constituait une unité économique autonome, la demande déposée par lettre du 6 décembre 1999 de Clariant GmbH (ci-après la " lettre de clémence ") au titre de la communication sur la coopération ne concernait pas la société détenant auparavant l'activité AMCA, à savoir Hoechst. Il convient de souligner, en effet, que Hoechst et Clariant AG sont deux sociétés ayant des personnalités juridiques différentes qui ont participé successivement à l'entente relative à l'AMCA et qui font partie de deux entreprises distinctes, au sens de l'article 81 CE (voir point 63 ci-dessus). La demande déposée par Clariant GmbH au titre de la communication sur la coopération ne saurait donc bénéficier qu'à l'entreprise dont cette dernière faisait partie, et non à Hoechst.

76 Une telle conclusion ne saurait, ensuite, être infirmée par l'argument de la requérante selon lequel il ressortirait des termes de la lettre de clémence que cette dernière faisait référence à la période où la requérante était active sur le marché de l'AMCA. En effet, il ressort du point B de la communication sur la coopération, relatif à la non-imposition d'amende ou à la réduction très importante de son montant, que c'est l'entreprise qui remplit les conditions visées audit point qui bénéficie d'une réduction du montant de l'amende pouvant aller jusqu'à une non-imposition totale. Or, ainsi qu'il a été constaté au point 75 ci-dessus, l'auteur de la lettre n'est pas Hoechst, mais Clariant GmbH, qui faisait à cette date partie de l'entreprise Clariant. Il est constant que Hoechst n'exerçait plus, au moment de l'envoi de ladite lettre, aucune autorité sur la société dont a émané la dénonciation de l'entente. Par conséquent, et indépendamment du fait qu'il est fait référence dans la lettre à la période pendant laquelle Hoechst était active sur le marché de l'AMCA, Clariant GmbH ne saurait, par cette démarche, engager Hoechst ni, partant, lui permettre de bénéficier du traitement favorable prévu par la communication sur la coopération.

77 Il convient également de rejeter l'argument de la requérante selon lequel elle n'a pas été en mesure de déposer elle-même une demande au titre de la communication sur la coopération pendant la période où l'activité de l'AMCA était sous son contrôle. En effet, la requérante n'apporte aucun élément de preuve au soutien de son affirmation et, en tout état de cause, elle ne prouve pas que l'activité de l'AMCA, non filialisée avant le 30 mai 1997, était autonome et non sous sa responsabilité.

78 À l'instar de la Commission, le Tribunal considère également que la décision attaquée ne met nullement en cause l'esprit et la finalité de la communication sur la coopération. En effet, dans la mesure où Clariant AG et sa filiale Clariant GmbH constituent une unité économique, elles peuvent bénéficier, en tant que formant une entreprise, des avantages prévus par la communication sur la coopération, sans compromettre sa finalité. Tel n'est pas le cas de la requérante, au vu de l'absence des liens avec l'auteur de la lettre de clémence, à savoir Clariant GmbH.

79 Enfin, quant à l'argument selon lequel la Commission aurait enfreint le principe d'égalité de traitement, il importe de rappeler que ledit principe n'est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106-83, Rec. p. 4209, point 28, et du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 96). En l'espèce, dès lors que la requérante, étant une entreprise distincte de Clariant, n'est pas dans une situation comparable à celle de cette dernière puisque celle-ci a été la première à fournir des preuves décisives de l'existence de l'entente, le grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement ne saurait être retenu.

80 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen tiré de l'illégalité de l'amende infligée.

Sur le troisième moyen, tiré d'une méconnaissance de la communication sur la coopération

Arguments des parties

81 La requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir octroyé une réduction d'au moins 10 % du montant de son amende, en vertu de la communication sur la coopération. Conformément au point D, paragraphe 2, second tiret, de ladite communication, elle aurait informé la Commission qu'elle ne contestait pas la matérialité des faits de l'infraction dans sa réponse à la communication des griefs et devait, à ce titre, comme les autres parties à l'entente, bénéficier d'une réduction de son amende.

82 Elle fait observer qu'il ressort du point 9 de sa réponse à la communication des griefs qu'elle ne contestait pas les faits exposés par la Commission dans ladite communication. Cette absence de contestation ne serait pas remise en cause par le fait qu'elle a indiqué, dans le même point 9, qu'elle se réservait la possibilité de retenir une appréciation juridique différente de celle de la Commission quant aux faits matériellement reconnus.

83 Quant à l'argument selon lequel elle n'aurait pas reconnu les faits puisqu'elle prétendrait ne pas en avoir connaissance, elle rétorque que le défaut de connaissance propre des faits ne saurait remettre en cause leur reconnaissance.

84 Elle fait valoir, en outre, que ni les termes de la communication sur la coopération, ni la pratique décisionnelle de la Commission ou la jurisprudence n'exigeraient que l'octroi d'une réduction d'amende pour la non-contestation de faits dépende de la présentation d'une demande séparée. Dès lors, elle pouvait s'attendre légitimement à une réduction de son amende en vertu de la communication sur la coopération.

85 De surcroît, la Commission n'aurait pas expliqué pourquoi elle n'avait pas pris en compte la non-contestation des faits aux fins de la détermination de l'amende et n'aurait pas précisé comment elle avait procédé. À cet égard, elle fait valoir que le Tribunal a considéré que l'appréciation de la non-contestation des faits devait figurer dans les considérants relatifs à la coopération de l'entreprise (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, points 414 et suivants).

86 La Commission rétorque que si la requérante souhaitait bénéficier de la communication sur la coopération, elle se devait d'introduire une demande formelle, en vertu du point E de ladite communication. Or, durant toute la procédure administrative, elle se serait défendue en arguant qu'elle n'avait appris l'existence des infractions qui lui étaient reprochées qu'en 2003 et qu'elle n'avait dès lors pas pu déposer de demande en son nom propre.

87 De surcroît, elle considère que la requérante n'a pas explicitement déclaré qu'elle ne contestait pas la matérialité des faits au sens de la communication sur la coopération. À cet égard, elle fait observer qu'au point 9 de sa réponse à la communication des griefs Hoechst, tout en affirmant qu'elle ne contestait pas les faits, a précisé que ces faits n'étaient pas suffisants pour étayer certaines des conclusions en droit retenues par la Commission. En outre, au point précédent de sa réponse à la communication des griefs, la requérante aurait déclaré qu'elle était tout à fait incapable de se prononcer sur les détails de la prétendue infraction, sauf sur les informations qu'elle pouvait déduire de la communication des griefs elle-même, puisqu'elle avait vendu la branche de l'activité de l'AMCA à Clariant en 1997, avec tout son personnel et toutes ses valeurs patrimoniales. Selon la Commission, la requérante ne reconnaîtrait pas non plus expressément devant le Tribunal qu'elle avait participé à l'entente.

88 La Commission rappelle que, selon la jurisprudence, une réduction du montant de l'amende, en vertu de la communication sur la coopération, ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l'entreprise concernée peuvent être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part. Or, la requérante ne fournirait ni détail, ni preuve de sa coopération avec la Commission et se contredirait même en déclarant qu'elle ne disposait ni de documents ni de contacts auxquels elle pouvait recourir pour éclaircir la situation.

89 Enfin, la Commission rétorque que la décision attaquée n'est pas entachée d'un défaut de motivation. En effet, aux considérants 324 à 326 de la décision attaquée, la Commission ferait part des principales objections de la requérante, notamment de celles qui ont effectivement été avancées au cours de la procédure administrative concernant l'application de la communication sur la coopération. Comme la requérante n'avait pas contesté les faits explicitement et sans équivoque, elle considère qu'il n'était pas nécessaire de fournir une motivation plus approfondie que celle figurant déjà dans la décision attaquée. De surcroît, le renvoi à l'arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, serait dépourvu de pertinence.

Appréciation du Tribunal

90 Le point D de la communication sur la coopération, intitulé " Réduction significative du montant de l'amende ", prévoit :

" 1. Lorsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 % à 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise ;

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. "

91 Il convient de rappeler que pour bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre de la non-contestation des faits, conformément au point D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, une entreprise doit explicitement informer la Commission qu'elle n'entend pas contester la matérialité des faits, après avoir pris connaissance de la communication des griefs (arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44-00, Rec. p. II-2223, point 303).

92 En l'espèce, la déclaration suivante ressort des observations de la requérante en réponse à la communication des griefs :

" Hoechst souhaite souligner qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits établis par la Commission dans la communication des griefs. Hoechst démontrera toutefois que ces faits ne sont pas juridiquement suffisants pour étayer certaines des conclusions en droit de la Commission. Les points que Hoechst soulèvera par la suite, concernent, par conséquent, seulement l'évaluation juridique des faits de la présente affaire. "

93 Il y a également lieu de relever que la requérante a affirmé, dans sa réponse à la communication des griefs :

" Hoechst est tout à fait incapable de se prononcer sur les détails factuels de la prétendue infraction autrement qu'au vu des informations qu'elle peut déduire de la communication des griefs elle-même, puisqu'elle a vendu la branche d'activité de l'AMCA à Clariant en 1997, y compris son personnel et ses valeurs patrimoniales. Hoechst n'a donc aucune source d'information sur la prétendue participation à l'entente autre que certaines données comptables de base telles que le chiffre d'affaires, etc. "

94 La Commission considère toutefois qu'une telle déclaration de non-contestation des faits établis dans la communication des griefs ne saurait être considérée comme expresse, claire, non équivoque et susceptible de constituer une véritable coopération de la part de la requérante.

95 Force est cependant de constater que la requérante a, dans sa réponse à la communication des griefs, expressément déclaré qu'elle ne contestait pas les faits établis dans ladite communication. Les circonstances selon lesquelles la requérante n'était pas en mesure de commenter d'autres faits que ceux qui lui étaient reprochés dans la communication des griefs ni d'apporter d'autres preuves de l'infraction ne sauraient remettre en cause le fait que la requérante ne contestait pas la matérialité des faits retenus dans la communication des griefs. Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle les faits retenus par la Commission étaient insuffisants pour fonder certaines de ses conclusions juridiques, il importe de relever qu'elle visait, en substance, non à réfuter la matérialité des faits reprochés, mais à contredire l'interprétation qu'en faisait la Commission et les conclusions juridiques auxquelles elle avait abouti quant à son rôle de meneur dans l'entente, le haut niveau hiérarchique des participants à l'entente ou encore la qualification de récidive retenue s'agissant du comportement infractionnel de Hoechst. En effet, il y a lieu de souligner que la contestation de l'appréciation juridique effectuée par la Commission de certains faits ne saurait être assimilée à une contestation de l'existence même de ces faits. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante n'a pas contesté sa participation à l'entente sur le marché de l'AMCA dans son recours devant le Tribunal.

96 Comme le soutient la Commission, il ne suffit pas, toutefois, qu'une entreprise affirme de manière générale qu'elle ne conteste pas les faits allégués, conformément à la communication sur la coopération, si, dans les circonstances du cas d'espèce, cette affirmation ne présente pas la moindre utilité pour la Commission (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T-48-00, Rec. p. II-2325, point 193). En effet, pour qu'une entreprise puisse bénéficier d'une réduction d'amende au titre de sa coopération durant la procédure administrative, son comportement doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 505, et la jurisprudence citée).

97 En l'espèce, s'il y a lieu d'admettre que la requérante n'a pas aidé la Commission à clarifier sa participation à l'entente en lui apportant des éléments de preuve dont elle ne disposait pas, force est de constater que la déclaration de non contestation des faits établis dans la communication des griefs, formulée de manière expresse et non équivoque dans le cadre de la réponse à la communication des griefs, ne pouvait que faciliter la tâche de la Commission. En effet, afin d'établir les faits sur lesquels elle entendait fonder ses accusations à l'encontre de la requérante, la Commission pouvait se référer, dans sa décision finale, à tous les faits tels qu'ils avaient été établis dans la communication des griefs, grâce à leur reconnaissance expresse et non équivoque, et cela sans être obligée de démontrer davantage leur existence. De surcroît, il y a lieu de relever que la Commission n'a pas précisé en quoi la contribution de la requérante ne pouvait être considérée comme facilitant sa mission consistant à constater l'existence d'une infraction et à y mettre fin.

98 Ainsi, les motifs pour lesquels la Commission a écarté l'application du point D, paragraphe 2, de la communication sur la coopération ne ressortent pas de la décision attaquée et en particulier du point 4, intitulé " Application de la communication sur la clémence ". Or, contrairement à ce que soutient la Commission, l'appréciation relative à la non-contestation des faits de la part de la requérante aurait dû figurer dans les considérants relatifs à la coopération (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 415).

99 Il convient d'ajouter que, s'il est vrai que la Commission dispose d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 88), elle ne pouvait toutefois s'écarter des règles de conduite indicatives de la pratique à suivre qu'elle s'est imposée elle-même sans en donner les raisons (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91).

100 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, la requérante s'est vu refuser à tort une réduction du montant de l'amende pour non contestation des faits, conformément au point D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération.

101 Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de fixer un taux de réduction approprié. En effet, en vertu de l'article 17 du règlement n° 17 et de l'article 31 du règlement n° 1-2003, le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction au sens de l'article 229 CE sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende et il peut supprimer, réduire ou majorer l'amende infligée. En application de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal estime opportun de réduire le montant de l'amende de 10 %.

102 Les conséquences concrètes de cette réformation seront examinées ultérieurement (voir points 196 à 198 ci-après).

Sur le quatrième moyen, tiré d'une erreur d'appréciation dans le calcul du montant de base de l'amende

103 Dans le cadre de ce moyen, la requérante soulève deux griefs, le premier tiré du caractère disproportionné du montant de base de l'amende au regard de la taille du marché et le second du caractère disproportionné dudit montant au regard de la répartition par catégories des entreprises impliquées.

Sur le premier grief, tiré du caractère disproportionné du montant de base de l'amende au regard de la taille du marché

- Arguments des parties

104 La requérante considère que le montant de base de l'amende est totalement disproportionné et inadéquat, compte tenu du volume du marché relativement faible. En effet, étant donné que ce dernier s'élève à 106 millions d'euro, il lui apparaît peu compréhensible que, dans la décision attaquée, la Commission ait fixé le montant de base de l'amende infligée à la première catégorie d'entreprises à 30 millions d'euro et celui de l'amende imposée à la deuxième à 21 millions d'euro. En outre, elle fait observer que ce montant est sans rapport avec la pratique décisionnelle de la Commission et se réfère à cet égard à la décision C (2004) 4221 final de la Commission, du 26 octobre 2004, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (affaire COMP/F-1/38.338 - PO/Aiguilles) (ci-après la " décision Aiguilles ").

105 Selon elle, la comparaison effectuée par la Commission dans ses écritures n'est pas convaincante, puisque cette dernière utilise comme critère de comparaison les seuls montants de base retenus pour les entreprises de première catégorie. Or, en analysant les montants de base des mêmes décisions citées par la Commission pour les entreprises de deuxième catégorie, il apparaîtrait que le montant appliqué à la requérante est disproportionné.

106 La Commission rétorque en substance que les montants de base ne sont pas disproportionnés par rapport au volume du marché et que la comparaison avancée par la requérante avec la décision Aiguilles n'est pas recevable et, en tout état de cause, n'est pas fondée. En effet, la requérante invoquerait la décision sans l'annexer à sa requête, alors même qu'elle n'a pas encore été publiée au Journal officiel et qu'elle commettrait des erreurs en la citant. De surcroît, la Commission rappelle que ni le règlement n° 1/2003, ni la jurisprudence, ni les lignes directrices ne prévoient que les amendes doivent être fixées directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n'étant qu'un élément parmi d'autres. Ainsi, dans sa décision Aiguilles, la Commission aurait tenu compte, pour la fixation des montants de départ, non seulement des effets des infractions sur le marché des aiguilles, mais également, au moins temporairement, sur le marché des autres articles de mercerie.

- Appréciation du Tribunal

107 À titre liminaire, il convient de relever que la requérante conteste le montant de base de l'amende, qui correspond, conformément au point 1 B, quatrième alinéa, des lignes directrices, à l'addition des montants établis en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction. Toutefois, il ressort de son argumentation que le montant de l'amende contesté est celui déterminé en fonction de la gravité de l'infraction, de sorte que le montant dont il s'agit dans le cadre de ce moyen est le montant de départ de l'amende.

108 Il convient de rappeler que, en vertu l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 et de l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003, il y a lieu de prendre en considération pour déterminer le montant de l'amende, outre la durée de l'infraction, la gravité de celle-ci. En outre, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, l'évaluation du caractère de gravité de l'infraction doit tenir compte de la nature même de l'infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et de l'étendue du marché géographique concerné.

109 Ce cadre juridique n'impose pas à la Commission de tenir compte de la taille du marché aux fins de la fixation du montant de départ de l'amende. En effet, la méthode de la Commission, qui repose essentiellement sur une tarification des amendes, quoique relative et souple, n'impose nullement, pas plus d'ailleurs qu'elle n'interdit, la prise en compte, aux fins de la détermination du montant de départ général, de la taille du marché affecté et elle impose donc d'autant moins à la Commission de fixer ce montant selon un pourcentage fixe du chiffre d'affaires agrégé du marché (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 134).

110 Il en résulte que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation dans la fixation du montant des amendes, la Commission pouvait choisir de ne pas tenir compte de la taille du marché affecté, en l'espèce celui de l'AMCA.

111 Dans la mesure où les participants à l'entente ne contestent pas avoir commis une infraction très grave, la Commission pouvait, eu égard au point 1 A, troisième tiret, des lignes directrices, lui infliger une amende d'un montant de départ supérieur à 20 millions d'euro.

112 Quant à l'argument pris du caractère disproportionné du montant de départ à la lumière de la pratique décisionnelle de la Commission, il y a lieu de rappeler que celle-ci ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans les règlements n° 17 et n° 1-2003 ainsi que dans les lignes directrices (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 292, et la jurisprudence citée).

113 Il s'ensuit que le grief tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l'amende infligée à la requérante au regard de la taille du marché doit être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième grief, relatif au caractère disproportionné du montant de base de l'amende au regard du classement par catégories des entreprises impliquées

- Arguments des parties

114 La requérante reproche à la Commission d'avoir commis une erreur d'appréciation dans le classement par catégories des entreprises ayant participé à l'entente. Eu égard à la jurisprudence, la fixation d'un montant de base plus faible pour la première catégorie, en raison du faible volume du marché, aurait également dû se répercuter sur les entreprises des catégories inférieures.

115 Elle estime également qu'en la classant dans la deuxième catégorie et en partant ainsi d'un montant de base inapproprié, car trop élevé, la Commission n'a pas respecté la méthode qu'elle a pourtant définie elle-même pour déterminer le poids relatif des parties à l'entente. Or, elle aurait dû appliquer sa propre méthode de manière correcte, cohérente et en particulier de manière non discriminatoire. Un tel classement violerait également le principe de proportionnalité.

116 Ainsi, si le montant de départ de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel avait été fixé à 20 millions d'euro, eu égard au faible volume du marché, le montant de départ de l'amende infligée à la requérante aurait dû également être réduit à 12,6 millions d'euro, de sorte à garantir la proportionnalité des montants de départ par rapport aux parts de marché des entreprises impliquées dans l'entente.

117 Enfin, la requérante considère que la Commission a violé l'obligation de motivation prévue par l'article 253 CE, puisqu'elle n'a pas précisément indiqué dans la décision attaquée les critères permettant à la requérante d'apprécier si le classement par catégories des entreprises impliquées était disproportionné compte tenu de leurs parts de marché.

118 S'agissant de l'argument tiré par la requérante de l'écart des parts de marché, la Commission rétorque en substance que la Cour a jugé que le Tribunal n'avait pas commis d'erreur de droit en classant dans la même catégorie des entreprises détenant des parts de marché dont l'écart pouvait aller jusqu'à sept points (arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, Acerinox/Commission, C-57-02 P, Rec. p. I-6689, points 76 à 78). Dès lors, la Commission considère que le critère employé en l'espèce pour constituer les trois catégories, à savoir les parts de marché des membres de l'entente sur le marché de l'AMCA au cours de la dernière année calendaire pleine de l'infraction (considérant 292 de la décision attaquée), est adéquat, de sorte que le classement de la requérante dans la deuxième catégorie est justifié.

119 S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel le montant de départ plus faible de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel devrait entraîner une diminution du montant de l'amende qui lui a été infligée, la Commission considère qu'il est injustifié, puisque le montant de départ retenu pour la requérante, relatif à une infraction très grave, s'élève à 20 millions, et le montant de base à 21 millions d'euro. Or, les lignes directrices préciseraient que le montant de base pour les infractions très graves dépasse en général les 20 millions d'euro.

120 La Commission considère également qu'elle a rempli son obligation de motivation, puisque, conformément à la jurisprudence, elle a indiqué, dans la décision attaquée, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité de l'infraction commise, sans être tenue d'y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l'amende.

- Appréciation du Tribunal

121 À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour les raisons mentionnées précédemment (voir point 107 ci-dessus), lorsque la requérante fait référence au montant de base, il faut comprendre qu'elle vise le montant de départ de l'amende.

122 Selon les lignes directrices, dans le cas d'infractions impliquant plusieurs entreprises, la Commission peut, comme elle l'a fait en l'espèce, pondérer les montants de départ pour tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise en répartissant les membres de l'entente en groupes, " notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature " (point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices). Il y est, par ailleurs, précisé que " le principe d'égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l'exigent, à l'application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique " (point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices).

123 Conformément à une jurisprudence constante du Tribunal, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, la Commission n'est pas tenue de veiller, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différentiation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global. En revanche, elle peut procéder à des répartitions en groupes (arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 385, et du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T-330-01, Rec. p. II-3389, point 57). La méthode consistant à répartir les membres d'une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes, dont le principe a été approuvé par la jurisprudence du Tribunal, bien qu'elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d'une même catégorie (arrêts du Tribunal CMA CGM, précité, point 385, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 217), entraîne une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie.

124 Il n'en reste pas moins qu'une telle répartition par catégories doit respecter le principe d'égalité de traitement, selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction (arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 219).

125 En l'espèce, afin de définir les catégories devant permettre de regrouper les entreprises concernées, il y a lieu de relever que la Commission a choisi de prendre en considération leur importance sur le marché en cause en se fondant sur un critère unique, à savoir les parts de marché détenues sur le marché mondial de l'AMCA au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction, 1998, sauf pour Hoechst, à l'égard de laquelle l'année prise en considération a été 1996.

126 Sur cette base, la Commission a établi trois catégories au vu des parts de marché de 44 % pour le groupe Akzo Nobel, de 34 % pour Clariant, de 28 % pour Hoechst et de 17 % pour Atofina/Elf Aquitaine. Elle a fixé les montants de départ suivants :

- première catégorie (groupe Akzo Nobel) : 30 millions d'euro ;

- deuxième catégorie (Hoechst, Clariant) : 21 millions d'euro ;

- troisième catégorie (Atofina/Elf Aquitaine) : 12 millions d'euro (considérants 293 à 296).

127 Il convient de constater qu'il existait une différence de 16 points entre la part de marché du groupe Akzo Nobel et celle de Hoechst, et de 11 points entre la part de marché de cette dernière et celle d'Atofina/Elf Aquitaine. Aussi la Commission pouvait-elle, à juste titre, créer une catégorie intermédiaire comprenant des entreprises disposant de parts de marché très proches, à savoir 28 % et 34 % respectivement pour Hoechst et Clariant, venant s'intercaler entre la première catégorie, comprenant Akzo Nobel avec la plus grande part de marché, et la troisième catégorie, comprenant l'entreprise Atofina/Elf Aquitaine, qui disposait de la plus faible part de marché.

128 Dès lors, en procédant de la sorte, la Commission a choisi une méthode cohérente de répartition des membres de l'entente en trois catégories qui est objectivement justifiée par la différence entre les parts de marché détenues par chacune des entreprises appartenant à ces trois catégories (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 220). De surcroît, force est de constater que, ce faisant, la Commission ne s'est pas départie de sa méthode habituelle fixée dans les lignes directrices, contrairement à ce que soutient la requérante. Dès lors, la méthode employée n'était pas discriminatoire.

129 En outre, il découle de l'analyse des lignes directrices opérée par le Tribunal qu'il ne s'agit pas d'une méthode de calcul arithmétique ne permettant pas une modulation individuelle des amendes pour chaque entreprise concernée en fonction de la gravité relative de sa participation à l'infraction. En effet, les lignes directrices contiennent différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d'exercer son pouvoir d'appréciation discrétionnaire en conformité avec les dispositions de l'article 15 du règlement n° 17 et l'article 23 du règlement n° 1-2003 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, points 266 et 267).

130 S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la fixation du montant de départ de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel à un niveau inférieur, eu égard au faible volume du marché, devait entraîner également une diminution du montant de départ de sa propre amende, il convient de rappeler, comme il est mentionné au point 110 ci-dessus, que la Commission n'était pas tenue, en vertu du point 1 A des lignes directrices, de prendre en considération la taille réduite du marché au moment de la fixation du montant de départ de l'amende. Il y a dès lors lieu de considérer que, pour une infraction qualifiée de très grave, telle que définie au point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices, la Commission pouvait fixer un montant de départ de 30 millions d'euro pour la première catégorie, de 21 millions d'euro pour la deuxième et de 12 millions d'euro pour la troisième.

131 Quant au grief selon lequel la Commission n'aurait pas motivé la répartition par catégories des entreprises, force est de constater que, aux considérants 290 à 296 de la décision attaquée, la Commission a précisé qu'il convenait, en l'espèce, de tenir compte des parts de marché dans l'EEE des entreprises ayant participé à l'infraction comme base de comparaison pour déterminer leurs poids respectifs, puis, au vu des différences entre ces parts de marché, a procédé à la répartition des entreprises participantes à l'entente en trois catégories. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s'agissant du calcul du montant des amendes infligées par la Commission pour infraction au droit communautaire de la concurrence, les exigences de la formalité substantielle que constitue une obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, point 73, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, ci-après l'" arrêt LVM ", point 463). Or, contrairement à ce que soutient la requérante, ces exigences n'imposent pas à la Commission d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation (arrêt LVM, point 464 ; voir également, en ce sens, arrêt Sarrió/Commission, précité, points 76 et 80).

132 Il en résulte que c'est à tort que la requérante conclut à une violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne le montant de départ de son amende, étant donné que le montant de départ de l'amende retenu est justifié à la lumière du critère appliqué par la Commission pour l'appréciation de l'importance de chacune des entreprises sur le marché pertinent. En outre, la motivation relative au classement des entreprises par catégories fournie dans la décision attaquée est suffisante.

133 Dès lors, le grief tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l'amende au regard du classement par catégories des entreprises impliquées doit être rejeté.

134 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen tiré d'une erreur d'appréciation dans le calcul du montant de départ de l'amende.

Sur le cinquième moyen, tiré d'une majoration injustifiée de l'amende pour récidive

Arguments des parties

135 La requérante considère que la majoration de 50 % du montant de base de l'amende sur le fondement d'une prétendue récidive est injustifiée. En effet, la récidive aurait déjà été retenue à son égard, pour les mêmes motifs, dans la décision 2005-493-CE de la Commission, du 1er octobre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE à l'encontre de Chisso Corporation, Daicel Chemical Industries Ltd, Hoechst, The Nippon Synthetic Chemical Industry Co. Ltd et Ueno Fine Chemicals Industry Ltd (Affaire COMP/E-1/37.370 - Sorbates), dont un résumé est publié au Journal officiel du 13 juillet 2005 (JO L 182, p. 20, ci-après la " décision Sorbates "), de sorte que la Commission violerait le principe non bis in idem en appliquant une seconde majoration au cas d'espèce.

136 De surcroît, le fondement de la majoration pour récidive serait peu plausible, étant donné que les décisions retenues au soutien de la majoration concerneraient d'autres activités du groupe Hoechst et n'auraient pas eu force de chose jugée à l'époque de la cessation constatée de l'infraction, ou remonteraient à si loin qu'elles ne constitueraient plus un motif d'aggravation de la peine.

137 La majoration de l'amende pour récidive dépendrait du rapport matériel et temporel entre les infractions antérieures et l'infraction à l'origine de l'amende. Ainsi, lorsqu'une entreprise commettrait une nouvelle infraction plusieurs décennies après la première infraction et longtemps après l'expiration du délai légal de prescription, alors que la personne ayant agi lors de la première infraction a quitté l'entreprise, il ne serait pas possible de la condamner pour récidive. En conséquence, l'amende qui lui a été infligée pour l'entente dans la décision matières colorantes serait trop ancienne et prescrite, de sorte qu'elle ne saurait justifier une aggravation de la peine. La décision PVC II ne saurait davantage entraîner une augmentation de l'amende pour récidive, d'une part, parce que cette décision se contenterait de reprendre une décision antérieure déclarée inexistante par le Tribunal et annulée par la Cour et, d'autre part, parce que les infractions qui étaient l'objet de ces deux décisions n'auraient été constatées définitivement qu'avec l'arrêt LVM.

138 La requérante fait valoir également qu'aucune des décisions invoquées à titre d'infraction initiale ne présente de lien matériel avec le cas d'espèce. Il n'existerait aucune raison justifiant que des infractions qui ont été commises au sein d'une partie autonome d'un groupe ayant un objet différent et impliquant des personnes différentes soient considérées comme des infractions initiales au titre de la récidive. En effet, l'unité commerciale AMCA aurait violé l'article 81 CE et ladite unité n'était aucunement impliquée dans les décisions antérieures citées par la Commission. En faisant ainsi référence aux agissements antérieurs des autres filiales du groupe et en les imputant de nouveau à la requérante en aggravant la peine, la Commission favoriserait un traitement discriminatoire à l'égard des groupes qui possèdent plusieurs domaines d'activité indépendants sous le contrôle d'une seule personne juridique.

139 La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

140 Il ressort de la jurisprudence que le fait de prendre en compte des circonstances aggravantes, lors de la fixation du montant de l'amende, est conforme à la mission de la Commission d'assurer la conformité aux règles de concurrence (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C-308-04 P, Rec. p. I-5977, point 71). Ainsi, une éventuelle récidive figure-t-elle parmi les éléments à prendre en considération lors de l'analyse de la gravité de l'infraction en cause (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 91).

141 S'agissant du grief selon lequel un lien temporel entre l'infraction initiale et la récidive est indispensable et la décision matières colorantes infligeant une amende pour violation de l'article 81 CE concernerait une infraction prescrite ou trop ancienne pour justifier une aggravation de la peine en l'espèce, il y a lieu de rappeler que le constat et l'appréciation des caractéristiques spécifiques d'une récidive font partie du pouvoir d'appréciation de la Commission et que cette dernière ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un tel constat. En effet, la récidive constitue un élément important que la Commission est appelée à apprécier, étant donné que sa prise en compte vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s'affranchir des règles de concurrence à modifier leur comportement (arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3-06 P, Rec. p. I-1331, points 38 et 39).

142 Il s'ensuit que la Commission peut, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension. À cet égard, la Commission s'est appuyée, en l'espèce, sur deux décisions antérieures, à savoir les décisions matières colorantes et PVC II (voir point 21 ci-dessus). À l'instar de la Commission, le Tribunal considère que l'existence desdites décisions et l'infraction de la requérante constatée dans la présente affaire témoignent de sa propension à ne pas tirer les conséquences appropriées d'un constat à son égard d'une infraction aux règles de concurrence prévues à l'article 81 CE, et ce, indépendamment du temps écoulé s'agissant de la décision matières colorantes.

143 Concernant le grief selon lequel la décision PVC II ne pourrait justifier la constatation d'une récidive, en raison du fait qu'elle n'aurait acquis un caractère définitif qu'après la fin de l'infraction en cause dans la présente affaire, il y a lieu de souligner qu'il suffit que l'entreprise ait été considérée préalablement comme auteur d'une infraction du même type, et cela, même si la décision est encore soumise à un contrôle juridictionnel. En effet, l'appréciation des caractéristiques spécifiques d'une récidive dépend d'une évaluation des circonstances du cas d'espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation. Par ailleurs, les décisions de la Commission bénéficient d'une présomption de validité aussi longtemps qu'elles n'ont pas été annulées ou retirées (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C-137-92 P, Rec. p. I-2555, point 48).

144 Si la décision PVC II, adoptée par la Commission après que sa décision 89-190-CEE, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (IV/31.865, PVC) (JO 1989, L 174, p. 1) eut été annulée (arrêt Commission/BASF e.a., précité), a fait l'objet de procédures juridictionnelles qui ont abouti, après la fin de l'infraction en cause, à savoir, pour la requérante, le 30 juin 1997, à l'arrêt LVM, cela ne saurait remettre en cause sa présomption de validité jusqu'au prononcé dudit arrêt. En effet, il convient de souligner que les arrêts du Tribunal et de la Cour sont intervenus avant l'adoption de la décision attaquée. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission pouvait se fonder sur la décision PVC II.

145 En conséquence, la Commission pouvait se fonder à bon droit sur les décisions matières colorantes et PVC II pour constater la récidive de la requérante.

146 Il convient également de rejeter l'argument selon lequel les décisions matières colorantes et PVC II ne présentent pas de lien matériel avec le cas d'espèce. En effet, les lignes directrices visent la récidive de la même entreprise pour une infraction de même type. En outre, la notion de récidive, telle qu'elle est comprise dans un certain nombre d'ordres juridiques nationaux, implique qu'une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires (arrêt Michelin/Commission, précité, point 284).

147 Or, Hoechst ayant été sanctionnée dans les décisions matières colorantes et PVC II pour violation de l'article 81 CE, il s'agit bien de la même entreprise qui, dans la décision attaquée, a été condamnée pour le même type d'infraction pour avoir participé à l'entente sur le marché de l'AMCA, en dépit du fait que les infractions en cause concernent des filiales (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, précité, point 290) ou des marchés différents (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF/Commission, T-101-05 et T-111-05, Rec. p. II-4949, point 64). En effet, en dépit du constat d'une infraction au droit communautaire de la concurrence, l'entreprise, au sens de l'article 81 CE (voir point 58 ci-dessus), a continué à violer ladite disposition.

148 Eu égard à ce qui précède, la Commission était en droit d'augmenter le montant de base de l'amende de 50 % afin d'inciter la requérante au respect des règles de concurrence du traité.

149 Quant à la prétendue violation du principe non bis in idem, il convient de rappeler que l'application de ce principe est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé. Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 338).

150 En l'espèce, il y a lieu de relever que l'identité factuelle fait défaut. En effet, la décision Sorbates, sur laquelle se fonde la requérante pour considérer qu'il y a eu violation du principe non bis in idem, concerne une entente ayant un objet différent, à savoir une infraction portant sur un marché de produits distincts, le marché des sorbates et non celui de l'AMCA en cause en l'espèce (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 339, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T-329-01, Rec. p. II-3255, point 292).

151 Partant, la décision attaquée n'a pas été adoptée en violation du principe non bis in idem.

152 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, le moyen tiré d'une majoration injustifiée du montant de l'amende pour récidive doit être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré de vices procéduraux entachant la procédure administrative

153 La requérante subdivise son moyen relatif à la violation de ses droits procéduraux en deux branches. La première est tirée d'un accès insuffisant à son dossier au cours de la procédure administrative et la seconde de l'illégalité du rapport du conseiller-auditeur.

Sur la première branche, tirée d'un accès insuffisant au dossier

- Arguments des parties

154 La requérante soutient, tout d'abord, ne pas avoir été autorisée à accéder aux observations de Clariant relatives aux infractions de la branche d'activité de l'AMCA et, en particulier, à la réponse du groupe Clariant à la communication des griefs. Elle fait observer qu'elle a fait une demande de consultation des réponses de Clariant AG et de Clariant GmbH à la communication des griefs, le 22 mai 2004, qui a été rejetée par la Commission par lettre du 9 juillet 2004.

155 Selon elle, un tel refus l'aurait empêchée de pouvoir coopérer avec la Commission et d'exercer ses droits de la défense. En effet, eu égard à sa situation particulière du fait de la vente de ses activités de l'AMCA à Clariant AG, elle ne pouvait plus consulter les documents commerciaux pertinents. Elle aurait également demandé à Clariant AG, à plusieurs reprises, de consulter les pièces et informations relatives à la période antérieure à la vente de son activité de l'AMCA, ce que cette dernière aurait refusé.

156 Selon la requérante, le destinataire d'une communication des griefs qui apprend que la Commission possède, en dehors de son dossier d'enquête, des documents qui pourraient être utiles à sa défense, peut également demander l'accès à ces documents. Il serait en effet reconnu par la jurisprudence que les réponses des tiers à la communication des griefs, mais aussi des écrits provenant de dossiers de la Commission concernant d'autres procédures relatives à des ententes ou même d'autres domaines de l'activité de la Commission, font partie des documents auxquels elle pourrait avoir accès.

157 Elle précise que l'accès aux documents ne concerne pas uniquement la consultation des pièces sur lesquelles se fonde la communication des griefs, mais doit permettre à l'entreprise de rechercher dans les dossiers de la Commission des documents à décharge afin d'établir sa propre défense. Elle soutient qu'elle avait besoin, en l'espèce, d'avoir accès aux réponses à la communication des griefs de Clariant AG et de Clariant GmbH, afin de déterminer si, en l'absence de dossiers propres sur le secteur de l'AMCA, une coopération renforcée avec la Commission aurait été possible. De surcroît, après la vente en 1997 de son activité de l'AMCA à Clariant AG, elle n'aurait plus été en mesure de consulter les documents commerciaux et n'aurait plus eu aucune possibilité de poursuivre ses recherches sur les faits en cause.

158 Quant à l'argument selon lequel les observations de Clariant AG et de Clariant GmbH n'auraient pu être que des documents à charge, la requérante rétorque que la Commission, dans la mesure où elle ne connaissait pas la stratégie de défense de la requérante, ne pouvait décider par elle-même ce qui constituait des documents à charge ou à décharge. En effet, selon la jurisprudence et la pratique décisionnelle de la Commission, il ne saurait appartenir à la Commission de décider quelle pertinence revêt un document particulier pour une entreprise et sa stratégie de défense.

159 La Commission rétorque que, dans la mesure où la requérante, après réception de la communication des griefs, a eu accès au dossier d'instruction, son droit à l'accès au dossier au cours de la procédure administrative a été respecté. Elle précise que la requérante n'aurait jamais eu le droit d'accéder à d'autres pièces écrites et, notamment, aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs. En effet, selon la jurisprudence, l'accès au dossier serait limité aux documents contenus dans le dossier, à savoir les documents susceptibles d'être à charge ou à décharge par rapport aux griefs soulevés.

- Appréciation du Tribunal

160 Tout d'abord, il convient de rappeler que l'accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa communication des griefs, sur la base de ces éléments. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191-98, T-212-98 à T-214-98, Rec. p. II-3275, point 334, et la jurisprudence citée).

161 Le droit d'accès au dossier implique que la Commission doit donner à l'entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d'instruction qui sont susceptibles d'être pertinents pour sa défense (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C-199-99 P, Rec. p. I-11177, point 125, et arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30-91, Rec. p. II-1775, point 81). Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461, points 9 et 11, et Aalborg Portland e.a/Commission, précité, point 68).

162 En l'espèce, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas avoir eu accès au dossier, y compris aux documents et déclarations qui ont été soumis à la Commission et aux documents sur lesquels la Commission s'est appuyée. La requérante se borne à affirmer qu'elle n'a pas eu accès aux observations de Clariant et, en particulier, à sa réponse à la communication des griefs, alors qu'elle aurait eu besoin d'y accéder afin de déterminer si, en l'absence de dossier propre concernant l'activité de l'AMCA qu'elle avait cédée à Clariant AG, une coopération renforcée avec la Commission aurait été possible. En effet, la requérante prétend qu'en tant qu'ancienne propriétaire de l'activité de l'AMCA elle avait, par rapport aux autres entreprises qui se sont vu imposer une amende en vertu de l'article 81 CE, un intérêt supérieur à avoir accès à ces documents.

163 À cet égard, il y a lieu de rappeler que ce n'est qu'au début de la phase contradictoire administrative que l'entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d'un droit d'accès au dossier afin de garantir l'exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, la réponse des autres parties à la communication des griefs n'est pas, en principe, comprise dans l'ensemble des documents du dossier d'instruction que peuvent consulter les parties.

164 Toutefois, si la Commission entend se fonder sur un passage d'une réponse à une communication des griefs ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l'existence d'une infraction dans une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, les autres parties impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve. Dans de telles circonstances, le passage en question d'une réponse à la communication des griefs ou le document annexé à cette réponse constitue, en effet, un élément à charge à l'encontre des différentes parties qui auraient participé à l'infraction (voir arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, point 386, et Avebe/Commission, précité, point 50, et la jurisprudence citée).

165 Ainsi, il incomberait à l'entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait pu être différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s'est fondée pour incriminer cette entreprise (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 73).

166 S'agissant de l'absence de communication d'un document à décharge, il est de jurisprudence constante que l'entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, au détriment de cette dernière, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C-51-92 P, Rec. p. I-4235, point 81, et LVM, point 318).

167 Toutefois, la jurisprudence précitée est sans pertinence en l'espèce, dès lors qu'au stade de l'envoi de la communication des griefs la requérante avait eu accès à tous les éléments du dossier tel qu'il était constitué à ce moment-là, y compris ceux qui étaient susceptibles de lui permettre de coopérer avec la Commission, comme il en a été fait mention au point 163 ci-dessus. Eu égard à la portée de l'accès du dossier tel que décrite ci-dessus, il y a lieu de considérer que les droits de la défense de la requérante ont été pleinement respectés en l'espèce.

168 En tout état de cause, la requérante ne démontre pas, ni ne prétend, dans ses écritures, que la Commission se serait fondée dans la décision attaquée sur un élément de la réponse de Clariant à la communication des griefs pour étayer les éléments de preuve concernant son propre comportement infractionnel, ni que, si elle avait eu accès aux documents non communiqués, la décision de la Commission aurait eu un contenu différent.

169 La non-communication de la réponse en question ne saurait donc, d'une part, avoir empêché la requérante de se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs au vu des éléments de preuve figurant dans le dossier d'instruction et auquel elle ne conteste pas avoir eu accès ni, d'autre part, avoir influencé le déroulement de la procédure et le contenu de la décision attaquée.

170 Dès lors, il ne saurait être considéré que la Commission a violé les droits de la défense de la requérante en ne lui communiquant pas la réponse de Clariant à la communication des griefs.

171 Cette conclusion n'est pas infirmée par les circonstances invoquées par la requérante, à savoir le fait qu'elle ne disposait plus des documents commerciaux pertinents depuis la vente de ses activités dans le secteur de l'AMCA et que Clariant avait refusé de les lui communiquer. En effet, en vertu du devoir général de prudence qui incombe à toute entreprise, la requérante était tenue de veiller, même dans les circonstances de la vente de ses activités dans le secteur de l'AMCA à Clariant AG, à la bonne conservation en ses livres et archives des éléments permettant de retracer son activité, afin, notamment, de disposer des preuves nécessaires dans l'hypothèse d'actions judiciaires ou administratives (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, T-5-00 et T-6-00, Rec. p. II-5761, point 87).

172 Partant, il y a lieu de rejeter la branche tirée de la violation des droits de la défense pour défaut d'accès au dossier comme non fondé.

Sur la seconde branche, tirée de l'illégalité du rapport du conseiller-auditeur

- Arguments des parties

173 La requérante soutient que le rapport final du conseiller-auditeur est incomplet et manifestement illégal dans la mesure où il ne reprend pas les griefs de la requérante concernant les violations procédurales et ne donne aucun motif en ce qui concerne les arguments qu'elle a soulevés.

174 De surcroît, la conclusion du rapport du conseiller-auditeur indiquant que " le droit d'être entendu des entreprises ayant participé à la fusion a été respecté " serait erronée, puisqu'il s'agirait, en l'espèce, d'une procédure relative à l'article 81 CE. Si le rapport du conseiller-auditeur avait été correctement établi, la Commission aurait pu prendre une décision différente. En tout état de cause, le collège des commissaires n'aurait pas dû prendre de décision avant que l'erreur de droit du conseiller-auditeur ne soit rectifiée. Dès lors, il conviendrait d'annuler la décision attaquée pour manquement grave aux règles de procédure.

175 La Commission conclut au rejet de cette branche.

- Appréciation du Tribunal

176 À titre liminaire, il convient de rappeler que le rapport du conseiller-auditeur constitue un document purement interne à la Commission, qui n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises et qui ne présente donc aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (arrêts du Tribunal Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 375, et HFB e.a./Commission, précité, point 40).

177 Quant au grief tiré de ce que le rapport du conseiller-auditeur serait incomplet, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 15 de la décision 2001-462-CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), le conseiller-auditeur établit par écrit un rapport final sur le respect du droit d'être entendu, à savoir, notamment, sur la divulgation des documents et sur l'accès au dossier, sur les délais de réponse aux communications des griefs et sur le déroulement de l'audition. Il y est également prévu qu'il examine dans ledit rapport si le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels les parties ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue et si les enquêtes avaient un caractère objectif.

178 Il est en outre précisé à l'article 16 de la décision 2001-462 que le rapport final du conseiller-auditeur est joint au projet de décision soumis à la Commission, de manière à ce que celle-ci, lorsqu'elle prend une décision dans un cas déterminé, soit pleinement informée de tous les éléments pertinents en ce qui concerne le déroulement de la procédure et le respect du droit d'être entendu.

179 Il ressort des dispositions susmentionnées que le conseiller-auditeur n'a pas la tâche de rassembler tous les griefs d'ordre procédural qui ont été avancés par les intéressés au cours de la procédure administrative. Il n'est tenu de communiquer au collège des membres de la Commission que les griefs pertinents pour l'appréciation de la légalité du déroulement de la procédure administrative (arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 53).

180 En l'espèce, il ressort du rapport du conseiller-auditeur que les parties ont pu avoir accès au dossier par CD-ROM, que, si la requérante avait tout d'abord reçu une version incomplète de la communication des griefs, une version corrigée lui a été envoyée et qu'elle a bénéficié d'une prorogation de délai pour y répondre. Il est explicitement spécifié que, par lettres des 22 juin et 28 juillet 2004, la requérante a demandé à pouvoir accéder à la réponse de Clariant AG à la communication des griefs et qu'elle a été informée que les réponses des autres parties à la communication des griefs ne faisaient pas partie intégrante du dossier d'enquête auquel un accès général était accordé. Il y est également indiqué que les parties ont participé à l'audition, à l'exception d'Elf Aquitaine et de la requérante, et qu'un projet de décision soumis à la Commission ne contient que les griefs à propos desquels les parties ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue.

181 Dès lors, force est de constater que les questions d'ordre procédural soulevées par cette affaire ont été mentionnées par le conseiller-auditeur, qui, en tout état de cause, n'était pas tenu, eu égard à la jurisprudence citée (voir point 179 ci-dessus), de rassembler tous les griefs de cette nature qui ont été avancés au cours de la procédure administrative.

182 Il s'ensuit que le grief tiré du caractère incomplet et illégal du rapport du fait qu'il ne reprendrait pas le contenu des allégations de violation des règles de procédure et ne contiendrait aucune réponse aux arguments soulevés ne saurait être accueilli.

183 Ensuite, s'agissant du grief relatif à l'erreur affectant le rapport du conseiller-auditeur, qui fait mention d'une " Zusammenschluss " (concentration), il convient de constater, comme le souligne la Commission, qu'une telle erreur n'apparaît que dans la version allemande. En effet, comme l'a démontré la Commission, il existait d'autres versions linguistiques, à savoir une version française et une version anglaise, qui ont également été communiquées au collège des membres de la Commission et ne comportaient pas d'erreur.

184 En tout état de cause, il y a lieu de relever que le rapport fait mention dans toutes les versions linguistiques, au deuxième paragraphe, " d'une infraction éventuelle à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, EEE dans le secteur de l'AMCA ".

185 Il s'ensuit que, eu égard au contenu dudit rapport, précisant le cadre juridique dans lequel se situe l'affaire en cause, et étant donné que l'erreur alléguée ne figure que dans sa version allemande, le présent grief doit être rejeté.

186 Partant, il y a lieu de rejeter le sixième moyen, tiré de vices procéduraux entachant la procédure administrative.

Sur le septième moyen, tiré de l'illégalité de l'injonction de ne plus faire

Arguments des parties

187 La requérante estime que l'injonction de ne plus faire qui lui a été adressée à l'article 3 de la décision attaquée viole l'article 3 du règlement n° 17, puisqu'elle vise une action impossible. En effet, compte tenu de la cession complète en 1997 de ses activités sur le marché de l'AMCA, l'injonction de ne plus faire ne saurait être légale. Outre le fait que l'injonction donnerait aux tiers la fausse impression que subsistent d'autres indices non examinés au moment de l'adoption de la décision attaquée, la requérante considère que ladite injonction est susceptible de nuire aux droits civils des destinataires de la décision attaquée.

188 Selon elle, lorsque, comme en l'espèce, une entreprise n'est plus active sur le marché et qu'il n'y a pas, même théoriquement, de possibilités que cette entreprise participe de nouveau à des ententes sur le marché pertinent, il ne serait plus possible de lui adresser une injonction.

189 La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

190 En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1-2003, il est prévu que, si la Commission constate, sur demande ou d'office, une infraction aux dispositions de l'article [81 CE] ou de l'article [82 CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.

191 Il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations dont l'illégalité a été constatée, mais aussi d'adopter un comportement futur similaire. De surcroît, dans la mesure où l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 doit se faire en fonction de l'infraction constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu'il soit mis fin à cette infraction (voir arrêt du Tribunal Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, points 1249 et 1250, et la jurisprudence citée).

192 En l'espèce, aux termes de l'article 3 de la décision attaquée :

" Les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions mentionnées dans cet article, si elles ne l'ont déjà fait.

Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire. "

193 De semblables injonctions relèvent manifestement du pouvoir de la Commission au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et dorénavant de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1-2003. En effet, en obligeant les entreprises ayant participé à l'entente à ne pas répéter et à mettre fin à tout acte ou comportement visé à l'article 1er de la décision attaquée, à savoir l'attribution de quotas de production et de clients, l'augmentation des prix de façon concertée, la mise au point d'un mécanisme de compensation, l'échange d'informations sur les volumes de vente et le prix, la participation à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de mettre en œuvre les restrictions susmentionnées, ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire, la Commission n'a fait qu'énoncer les conséquences qui découlent, en ce qui concerne leur comportement futur, du constat d'illégalité figurant à l'article 1er de la décision attaquée.

194 De surcroît, il importe de relever que l'article 3, premier alinéa, de la décision attaquée précise que ce n'est que dans l'hypothèse où les entreprises n'auraient pas encore mis fin à l'infraction qu'elles seraient tenues de le faire. Dès lors, si la requérante a vendu ses activités de l'AMCA et qu'elle a mis fin à l'infraction à la date de la décision attaquée, elle n'est pas visée par ledit alinéa de l'article 3 de la décision attaquée.

195 Partant, le moyen tiré de l'illégalité de l'article 3 de la décision attaquée ne saurait être accueilli.

Sur le montant final de l'amende infligée à la requérante

196 Eu égard à la conclusion figurant au point 101 ci-dessus, il convient de réformer la décision attaquée en ce que la Commission n'a pas pris en compte, au titre du point D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, la non-contestation des faits par la requérante. Il convient à ce titre de réduire l'amende infligée à la requérante de 10 %.

197 Pour le reste, les considérations de la Commission dans la décision attaquée ainsi que le mode de calcul appliqué restent inchangés.

198 Le montant final de l'amende infligée à la requérante est donc calculé comme suit : le montant de départ de l'amende de 21 millions d'euro est augmenté de 135 % pour tenir compte de la durée de l'infraction. Le montant de base de l'amende est donc fixé à 49,35 millions d'euro. À ce montant de base, s'ajoute l'augmentation de 50 % au titre de la qualité de récidiviste de la requérante, soit un montant de 74,03 millions d'euro. Ce montant total doit être enfin réduit de 10 % au titre du point D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, soit une diminution de 7,403 millions d'euro. Par conséquent, le montant final de l'amende s'élève à 66,627 millions d'euro.

Sur les dépens

199 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende infligée à Hoechst AG à l'article 2, sous b), de la décision C (2004) 4876 final de la Commission, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/E-1/37.773 - AMCA), est fixé à 66,627 millions d'euro.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chaque partie supportera ses propres dépens.