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Décisions

TPICE, 7e ch., 30 septembre 2009, n° T-168/05

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arkema SA

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forwood

Juges :

MM. Šváby (rapporteur), Truchot

Avocat :

Me Debroux

TPICE n° T-168/05

30 septembre 2009

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

Antécédents du litige et décision attaquée

1 Par la décision C (2004) 4876 final, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/E-1/37.773 - AMCA) (ci-après la " décision attaquée "), la Commission des Communautés européennes a constaté que la société-mère Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, Eka Chemicals AB et Akzo Nobel AB (ci-après, prises ensemble, le " groupe Akzo Nobel "), Elf Aquitaine SA et la requérante, sa filiale Arkema SA (anciennement Elf Atochem SA, puis Atofina SA) (ci-après, prises ensemble, le " groupe Elf Aquitaine "), Clariant AG et sa filiale Clariant GmbH, ainsi que Hoechst AG, avaient enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), en participant à une entente concernant le marché de l'acide monochloracétique (article 1er de la décision attaquée).

2 L'acide monochloracétique (ci-après l'" AMCA ") est un acide organique fort, utilisé comme un intermédiaire chimique notamment dans la fabrication de détergents, d'adhésifs, de produits auxiliaires textiles et d'épaississants dans les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques (considérants 3 à 6 de la décision attaquée).

3 La Commission a commencé son enquête relative au marché de l'AMCA après que Clariant GmbH l'a informée, par lettre du 6 décembre 1999, de l'existence d'une entente concernant ce marché et l'a saisie d'une demande de traitement favorable au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ") (considérant 43 de la décision attaquée).

4 Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux d'Elf Atochem et dans ceux d'Akzo Nobel Chemicals et d'Akzo Nobel Functional Chemicals (considérant 46 de la décision attaquée).

5 Le 19 avril 2000, Elf Atochem a fait part de son intention de collaborer pleinement à l'enquête de la Commission. Par lettre du 11 mai 2000, Atofina a confirmé que sa coopération à l'enquête de la Commission se situait dans le cadre de sa demande de traitement favorable en vertu de la communication sur la coopération. Le 26 mai 2000, Atofina a remis une deuxième déclaration précisant le fonctionnement de l'entente (considérants 47 et 48 de la décision attaquée).

6 Le 15 décembre 2000, Akzo Nobel Chemicals a déposé une demande en vertu de la communication sur la coopération. Le 25 juillet 2001, Akzo Nobel Chemicals et Akzo Nobel Functional Chemicals ont remis un projet de note donnant des renseignements détaillés sur le fonctionnement des accords, qu'elles ont remplacé et complété ultérieurement (considérants 49 à 51 de la décision attaquée).

7 Les 7 et 8 avril 2004, la Commission a adressé une communication des griefs aux douze destinataires suivants : sept sociétés du groupe Akzo Nobel, à savoir la société-mère, Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel AB, Eka Chemicals et Akzo Nobel Base Chemicals, ainsi qu'à Clariant GmbH et à Clariant AG (ci-après, prises ensemble, " Clariant "), à Hoechst, à Elf Aquitaine et à sa filiale Atofina. Chacun des destinataires y a répondu.

8 Au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les entreprises précitées s'étaient entendues afin de maintenir les parts de marché au moyen d'un système de répartition des volumes et des clients, qu'elles avaient échangé des informations sur les prix et avaient examiné, au cours de réunions multilatérales régulières, les volumes de ventes réels ainsi que des informations sur les prix afin de surveiller la mise en œuvre des accords (considérants 84 à 90 de la décision attaquée).

9 La Commission a imputé à Elf Aquitaine et à sa filiale Arkema la responsabilité de l'infraction pour la période s'étendant du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999. Elle a considéré que le fait qu'Elf Aquitaine détenait 98 % des actions dans Atofina était suffisant en lui-même pour lui imputer la responsabilité des actions de sa filiale. Elle n'a pas retenu les arguments avancés par Elf Aquitaine visant à renverser cette présomption, estimant qu'ils n'étaient que de simples affirmations et que des documents ne donnant qu'un aperçu général de la gestion commerciale ne constituent pas des preuves suffisantes (considérant 258 de la décision attaquée).

10 La Commission a précisé que le fait qu'Elf Aquitaine n'avait pas subi de vérification sur place et n'avait pas reçu de demande de renseignements était sans rapport avec la question de la responsabilité des sociétés-mères pour les actes de leurs filiales, de tels actes constituant de simples mesures d'enquête qu'elle n'était pas tenue d'envoyer aux entreprises avant la communication des griefs (considérant 259 de la décision attaquée).

11 Elle a ajouté que le fait que, dans une affaire antérieure, elle avait adressé sa décision uniquement à Atofina ne l'empêchait pas de l'adresser à la fois à Atofina et à Elf Aquitaine dans la présente affaire. La Commission jouirait d'une marge discrétionnaire concernant l'imputation de la responsabilité à la société-mère dans de telles circonstances et le fait qu'elle n'a pas procédé à une telle imputation dans des décisions antérieures ne l'empêcherait pas de le faire dans le cas d'espèce (considérant 260 de la décision attaquée).

12 La Commission a considéré en outre, que le fait qu'Elf Aquitaine n'avait pas elle-même participé à la production et à la vente de l'AMCA n'était pas déterminant pour savoir si elle devait être considérée comme formant une unité économique avec les unités opérationnelles du groupe Elf Aquitaine ayant directement participé à la production et à la vente de l'AMCA, la division des tâches constituant un phénomène normal au sein des groupes de sociétés (considérant 261 de la décision attaquée).

13 Le montant des amendes a été fixé par la Commission, en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") et de la communication sur la coopération.

14 Aux considérants 276 à 277 de la décision attaquée, la Commission a énoncé les critères généraux au vu desquels elle a procédé à la détermination du montant des amendes. Elle a précisé devoir prendre en considération toutes les circonstances pertinentes et, notamment, la gravité et la durée de l'infraction, critères explicitement visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et apprécier sur une base individuelle le rôle joué par chacune des entreprises parties à l'infraction. Pour ce faire, elle a souligné qu'elle tenait compte, dans le cadre de la fixation du montant des amendes, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et, le cas échéant, de la communication sur la coopération.

15 S'agissant de la gravité de l'infraction, la Commission a considéré, au vu de la nature de celle-ci, qui a consisté en un partage des marchés et en une fixation des prix, de son caractère délibéré, de son impact réel sur le marché de l'AMCA et du fait qu'elle s'est étendue à l'ensemble du marché commun et, à partir de sa constitution, à l'ensemble de l'EEE, que les entreprises destinataires de la décision attaquée avaient commis des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (considérants 280, 281 et 288 de la décision attaquée).

16 En vue de déterminer le montant de départ des amendes, la Commission a précisé que, dans les circonstances de la présente affaire où plusieurs entreprises étaient impliquées, il était nécessaire de tenir compte du poids particulier et donc de l'impact réel sur la concurrence du comportement infractionnel de chaque entreprise (considérant 290 de la décision attaquée).

17 À cet effet, la Commission a estimé qu'il convenait, en l'espèce, d'utiliser les parts de marché dans l'EEE des entreprises ayant participé à l'infraction comme base de comparaison pour déterminer leurs poids respectifs. La comparaison a été faite sur la base des parts détenues sur le marché de l'EEE pour le produit en cause au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction (1998). Pour Hoechst, l'année prise en considération a toutefois été 1996 (considérants 291 et 292 de la décision attaquée).

18 Le groupe Akzo Nobel, avec une part de marché dans l'EEE estimée à 44 %, a été considéré par la Commission comme le plus important producteur et a été placé en conséquence dans la première catégorie des entreprises concernées. Hoechst et Clariant, considérées comme les deuxièmes plus importantes productrices d'AMCA, avec respectivement des parts de marchés de 28 % et de 34 %, ont été placées dans une deuxième catégorie. Atofina, dont la part de marché a été estimée à 17 %, a été placée dans la troisième catégorie (considérants 293 à 295 de la décision attaquée).

19 Le montant de départ des amendes a ainsi été déterminé comme suit : 30 millions d'euro pour le groupe Akzo Nobel, 21 millions pour Hoechst et Clariant, 12 millions pour Atofina/Elf Aquitaine et 1,33 million pour Eka Nobel (il y est mentionné par erreur qu'il s'agit " du montant de base " ; considérants 296 et 297 de la décision attaquée).

20 Pour assurer un caractère suffisamment dissuasif aux amendes, la Commission a multiplié par 2,5 le montant de départ de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, qui est passé ainsi à 30 millions d'euro, et par 1,5 celui de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel, qui est passé à 45 millions d'euro, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises (considérants 298 à 300 de la décision attaquée).

21 La Commission a en outre majoré le montant de départ des amendes pour chacune des entreprises, en fonction de la durée de leur participation à l'infraction, considérant que les montants de départ des amendes qui leur avaient été infligées devaient être augmentés de 10 % pour chaque année pleine d'infraction et d'un montant supplémentaire de 5 % pour toute période supérieure ou égale à six mois, mais inférieure à un an. Ainsi, a t'elle majoré de 150 % le montant de départ de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel ainsi que celui de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, de 135 % celui de l'amende infligée à Hoechst et de 15 % celui de l'amende infligée à Clariant (considérant 302 de la décision attaquée).

22 Hoechst et Atofina se sont vu appliquer, au titre de la prise en compte des circonstances aggravantes, une augmentation de 50 % du montant de base de l'amende qui devait leur être infligée pour cause de récidive, ces deux entreprises ayant fait l'objet de décisions antérieures de la Commission établissant leur participation à des ententes (considérants 308 et 314 de la décision attaquée).

23 La Commission a relevé, à cet effet, qu'Elf Atochem et Hoechst avaient été destinataires de la décision 94-599-CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (JO L 239, p. 14, ci-après la " décision PVC II "), Hoechst ayant également été destinataire de la décision 69-243-CEE de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article [81 CE] (IV/26.267 - Matières colorantes) (JO L 195, p. 11).

24 La Commission a considéré qu'il convenait d'appliquer l'augmentation pour récidive seulement à Atofina et non à la société-mère Elf Aquitaine, puisque cette dernière ne contrôlait pas Atofina à l'époque de la première infraction. Elle a par conséquent infligé une amende séparée à Atofina seule pour prendre en compte son comportement récidiviste (note en bas de page n° 222 de la décision attaquée).

25 S'agissant de l'application de la communication sur la coopération, la Commission a accordé, au titre du point B, une réduction de 100 % du montant de l'amende infligée à Clariant, cette dernière ayant été le premier membre de l'entente à fournir des preuves de son existence, de son fonctionnement, de sa durée et de sa mise en œuvre. La Commission a estimé que Clariant l'avait informée à propos d'une entente secrète à une époque où elle n'avait pas engagé d'enquête et ne disposait pas non plus de renseignements suffisants pour établir la preuve de ladite entente (considérants 328 à 332 de la décision attaquée).

26 En outre, la Commission a constaté que ni Atofina ni le groupe Akzo Nobel n'avaient été les premiers à fournir à la Commission des éléments déterminants sur l'entente dans le secteur de l'AMCA et qu'ils ne satisfaisaient pas, dès lors, à la condition posée par le point B, sous b), de la communication sur la coopération pour bénéficier d'une réduction importante du montant de l'amende au titre du point C de ladite communication (considérant 334 de la décision attaquée).

27 Cependant, la Commission a considéré qu'Atofina pouvait bénéficier d'une réduction significative du montant de son amende dans la mesure où elle avait été la deuxième entreprise à lui fournir, avant la communication des griefs, des informations et des éléments de preuve qui ont contribué à établir l'existence de l'entente et qu'elle n'avait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission s'était appuyée pour établir l'existence de l'entente dans sa communication des griefs (considérants 337, 338 et 340 de la décision attaquée).

28 La Commission en a déduit qu'Atofina remplissait les conditions énoncées au point D 2, premier et deuxième tirets, de la communication sur la coopération et, en conséquence, lui a accordé une réduction de 40 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la elle. Elle a précisé que, dans la mesure où Atofina était détenue à 98 % par Elf Aquitaine et qu'il existait ainsi un lien économique manifeste entre les deux personnes morales, Elf Aquitaine bénéficiait de la demande introduite par Atofina au titre de la communication sur la coopération (considérants 339 à 341 de la décision attaquée).

29 La Commission conclut, à l'article 1er de la décision attaquée :

" Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81 [CE], en s'attribuant des quotas de production et des clients, en augmentant les prix de façon concertée, en mettant au point un mécanisme de compensation, en échangeant des informations sur les volumes de vente et les prix, et, en participant à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de convenir et de mettre en œuvre les restrictions susmentionnées. Le comportement des entreprises suivantes a constitué une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à partir du 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord EEE :

[...] ;

b) Elf Aquitaine et Arkema [...] (anciennement Atofina [...]) : du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999 ;

[...] "

30 À l'article 2 de la décision attaquée, les montants des amendes ont été fixés comme suit :

" a) Akzo Nobel Chemicals [...], Akzo Nobel Nederland [...], Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Functional Chemicals [...], Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB :

84,38 millions d'euro ;

b) Hoechst [...] :

74,03 millions d'euro ;

c) Elf Aquitaine [...] et Arkema [...] (anciennement Atofina [...]), responsabilité conjointe et solidaire :

45,00 millions d'euro ;

d) Arkema (anciennement Atofina [...]) :

13,50 millions d'euro ;

e) Clariant AG et Clariant GmbH, responsabilité conjointe et solidaire :

0 euro.

[...] "

31 Aux termes de l'article 3 de la décision attaquée, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions mentionnées dans cet article si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire.

Procédure et conclusions des parties

32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2005, Arkema a introduit le présent recours.

33 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

34 Le 15 avril 2008, la Commission a été invitée à répondre à une question posée par le Tribunal, relative à la note en bas de page n° 222 de la décision attaquée concernant le calcul du montant de l'amende imputée à Arkema seule pour son comportement récidiviste. La Commission a répondu à cette demande dans les délais impartis.

35 Par ordonnance du 23 mai 2008, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé, les parties entendues, de joindre l'affaire T-174-05 ainsi que la présente affaire aux fins de la procédure orale, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

36 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

37 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 19 juin 2008.

38 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- à titre principal, annuler l'article 1er, sous d), l'article 2, sous c), et l'article 4, paragraphe 9, de la décision attaquée en ce qu'ils visent Elf Aquitaine et par conséquent, réformer l'article 2, sous c) et d), de la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, réformer l'article 2, sous c) et d), de la décision attaquée en vue de réduire le montant de l'amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

39 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

40 La requérante soulève, à titre principal, huit moyens à l'appui de son recours.

41 Au soutien de sa demande d'annulation, la requérante invoque un premier moyen tiré de la méconnaissance des règles gouvernant l'imputabilité à une société-mère des pratiques de sa filiale et du traitement discriminatoire du groupe Elf Aquitaine, un deuxième moyen tiré de la violation du principe d'autonomie juridique et commerciale de la filiale résultant de la présomption d'exercice d'une influence déterminante par la société-mère, un troisième moyen tiré de la violation du principe de responsabilité personnelle, un quatrième moyen tiré de la discrimination entre entreprises en fonction de leur organisation juridique et de leur taille et un cinquième moyen tiré de la violation des formes substantielles.

42 Au soutien de sa demande de réformation de la décision attaquée, la requérante invoque un sixième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de départ de l'amende, qui se subdivise en cinq branches. La première est tirée de la prise en compte erronée de la taille du groupe Elf Aquitaine, la deuxième de la violation du principe de proportionnalité dans la prise en compte de la taille du marché, la troisième de la méconnaissance du rôle suiviste d'Arkema, la quatrième d'une appréciation erronée des effets concrets des pratiques en cause sur le marché et la cinquième d'une violation de l'obligation de motivation s'agissant de l'appréciation des effets concrets des pratiques en cause sur le marché. Par un septième moyen, subdivisé en deux branches, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion. La première branche est tirée de la prise en compte erronée de la taille du groupe Elf Aquitaine et la deuxième de la non-considération d'une précédente amende infligée dans une autre affaire. Par un huitième moyen, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de l'amende au regard de la durée de l'infraction.

43 La requérante soulève également, à titre subsidiaire, un neuvième moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion en ce que la Commission aurait pris deux fois en compte le chiffre d'affaires d'Arkema.

1. Sur les moyens d'annulation

Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance des règles gouvernant l'imputabilité à la société-mère des pratiques de sa filiale et du traitement discriminatoire du groupe Elf Aquitaine

Sur la première branche, tirée d'une méconnaissance des règles gouvernant l'imputabilité à la société-mère des pratiques de sa filiale

- Arguments des parties

44 La requérante subdivise ce moyen en deux branches. Dans le cadre de la première branche, elle soutient que la Commission a méconnu les règles gouvernant l'imputabilité des pratiques d'une filiale à sa société-mère. Dans le cadre de la seconde branche, elle prétend que la Commission aurait discriminé le groupe Elf Aquitaine par rapport aux autres entreprises destinataires de la décision attaquée.

45 La requérante fait observer que la Commission, dans la décision attaquée, n'a pris en compte que la qualité d'actionnaire d'Elf Aquitaine, détenteur à 98 % de son capital, pour imputer à celle-ci la responsabilité des pratiques qui lui sont reprochées, à l'exclusion de toute autre considération ou élément concret démontrant son implication effective dans l'infraction (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48-69, Rec. p. 619, et du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151).

46 Sans contester la notion d'entreprise au sens de l'article 81 CE, ni le fait que, au sein d'un grand groupe, une ou plusieurs sociétés ou groupes de sociétés puissent éventuellement se voir imputer les pratiques d'une ou de plusieurs autres sociétés, la requérante fait valoir que c'est à la condition, constamment rappelée par la jurisprudence, qu'il soit établi que la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché et applique les instructions qui lui sont adressées par sa société-mère.

47 Si la requérante admet que la détention par une société de 100 % du capital d'une autre société puisse donner lieu à une présomption d'absence d'autonomie commerciale de la filiale, elle relève que la condition pour retenir une telle présomption n'est pas remplie, en l'espèce, puisque Arkema n'est détenue qu'à 98 % par Elf Aquitaine, et que, de surcroît, eu égard à la jurisprudence, la détention par une société de 100 % du capital d'une autre société ne donne lieu qu'à une présomption réfragable.

48 Selon la jurisprudence communautaire, la charge de la preuve incomberait à la Commission, qui devrait ainsi établir que la société-mère avait effectivement exercé une influence déterminante sur sa filiale. Selon la requérante, si cette charge se trouve allégée dans le cas d'un contrôle à 100 %, un élément supplémentaire par rapport au taux de participation reste nécessaire, mais il peut être constitué par des indices (conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags /Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, ci-après l'" arrêt Stora ", points 40 à 52 ; arrêts de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 133, et du 24 octobre 1996, Viho/Commission, C-73-95 P, Rec. p. I-5457, points 15 et 16).

49 La requérante fait valoir que la Commission ne peut invoquer en l'espèce l'arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité, au soutien d'une présomption irréfragable. Selon elle, les conditions restrictives qui ont conduit la Cour dans l'arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité, à dispenser la Commission de la démonstration effective de l'influence de la société-mère sur sa filiale, alors même que la première n'avait pas contesté disposer de la possibilité d'influencer la politique commerciale de la seconde, ne sont, à l'évidence, pas remplies en l'espèce. La requérante constate en effet qu'Elf Aquitaine a vigoureusement contesté avoir effectivement influencé la politique commerciale d'Arkema, que cette dernière n'est pas une filiale à 100 % d'Elf Aquitaine, mais à 98 %, et que, en participant à l'entente, Arkema n'a pas suivi la politique tracée par les organes statutaires qui fixent la politique d'Elf Aquitaine, pour la simple raison qu'Elf Aquitaine n'a jamais élaboré ou mis en œuvre une telle politique.

50 Selon la requérante, la Commission pratiquerait un amalgame entre, d'une part, la jurisprudence relative à la notion d'entreprise en droit de la concurrence et, d'autre part, celle portant sur l'imputabilité à une société-mère du comportement de sa filiale. Si la requérante ne conteste pas que, sous certaines conditions, une filiale puisse être considérée comme faisant partie, avec sa société-mère, d'une même entreprise, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, elle considère que c'est à tort que la Commission en déduit que cette seule appartenance est un élément suffisant pour imputer à la société-mère les agissements de la filiale. Pour aboutir à une telle conclusion, il faudrait démontrer que la société-mère dirigeait effectivement l'entreprise ayant commis l'infraction, c'est-à-dire qu'elle exerçait effectivement son pouvoir de direction (arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T-325-01, Rec. p. II-3319). Le pouvoir de direction ne pourrait être confondu avec la simple capacité de fixer les grandes orientations stratégiques ou financières de la filiale, inhérentes aux relations entre société-mère et filiale, mais devrait se comprendre comme une intervention effective dans le comportement de la filiale sur le marché.

51 La requérante considère également que la transformation d'une présomption simple en présomption de facto irréfragable s'expliquerait par les objectifs de dissuasion clairement exprimés par un fonctionnaire de la Commission pendant l'audition du 10 septembre 2004 devant le conseiller-auditeur.

52 La requérante fait observer que, sans justification ni motivation suffisante, la Commission aurait également écarté le faisceau d'indices et d'éléments de preuves apportés pour renverser la présomption. Or, dans sa réponse à la communication des griefs, elle aurait fait valoir qu'Elf Aquitaine n'avait pas directement ou indirectement participé à l'entente sur le marché de l'AMCA. En outre, la Commission n'aurait adressé aucune demande de renseignements à cette entreprise au cours de l'enquête administrative et celle-ci n'aurait jamais été citée dans les contributions des autres entreprises.

53 La requérante fait observer que, à l'époque des faits, Elf Aquitaine opérait en tant que holding non opérationnelle. Elle n'intervenait que très peu dans la gestion de ses filiales, et pas au niveau de leurs pratiques commerciales. En tout état de cause, Elf Aquitaine ne serait pas intervenue sur le marché de l'AMCA, qui ne représenterait que 0,02 % du chiffre d'affaires du groupe Elf Aquitaine. De surcroît, la requérante soutient qu'elle déterminait ses orientations stratégiques de façon autonome, a fortiori pour la " microactivité " du marché de l'AMCA, que les deux entreprises ne disposaient pas de clients communs et ne se trouvaient pas dans une relation de client à fournisseur, qu'elle bénéficiait d'une autonomie sur le plan financier et n'avait jamais mis en œuvre au profit d'Elf Aquitaine une politique d'information spécifique sur le marché de l'AMCA.

54 En rejetant de la sorte, sans motivation, les éléments fournis, la Commission exigerait implicitement des parties la fourniture d'une probatio diabolica. En effet, il ne serait pas possible pour une filiale d'apporter une preuve directe, positive et irréfutable de l'autonomie de son comportement sur un marché par rapport à celui de sa société-mère. Cela justifierait d'ailleurs l'absence, dans la jurisprudence, d'identification d'éléments probatoires précis, prédéterminés et susceptibles par eux-mêmes de démontrer l'autonomie, mais expliquerait au contraire le recours à une liste non exhaustive d'éléments concrets et propres à chaque cas d'espèce. Il ressortirait en outre de la jurisprudence que la preuve impossible ne doit jamais être mise à la charge des parties dès qu'elle conditionne l'application d'une règle de droit.

55 La Commission rétorque que la détention de 100 % du capital d'une société donne lieu à une présomption simple d'absence d'autonomie commerciale de cette dernière. À cet égard, elle rappelle que la présomption peut être renversée, mais qu'il incombe à la partie concernée de fournir des éléments de preuve suffisants à cette fin (arrêt Stora, point 29).

56 Elle précise qu'il ne ressort pas de la décision attaquée, contrairement à ce que soutient la requérante, que la présomption de responsabilité d'une société-mère pour les infractions commises par sa filiale, dont elle détient entièrement ou presque entièrement le capital, est irréfragable. En effet, dans la mesure où, au considérant 258 de ladite décision, la Commission a considéré que la présomption ne devait pas être écartée, puisque les documents fournis par la requérante ne constituaient pas des preuves suffisantes, ladite présomption devrait être comprise comme une présomption simple.

57 Selon la Commission, l'argument selon lequel il faudrait, en plus de la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de la filiale, démontrer que cette dernière respecte la politique déterminée par les organes statutaires qui fixent la politique de la société-mère n'est pas fondé, puisque la présomption n'aurait alors plus de raison d'être. En effet, le fait que les organes statutaires de la société-mère décident de la politique de la filiale serait exactement l'objet de la présomption.

58 Se référant à l'arrêt Stora, précité, la Commission souligne qu'Elf Aquitaine n'a pas contesté être en mesure d'influencer de façon déterminante la politique commerciale d'Arkema et n'a pas apporté d'éléments de preuve au soutien de l'affirmation de l'autonomie de celle-ci. Par ailleurs, le fait que, lors de la procédure administrative et devant le Tribunal, Elf Aquitaine et la requérante se soient présentées séparément ne constituerait pas un indice capable de renverser ou d'infirmer cette présomption (arrêt Stora, point 29).

59 La Commission fait valoir que, en l'espèce, elle a effectivement pris en considération l'ensemble des arguments présentés dans la réponse de la requérante à la communication des griefs et que, en tout état de cause, aucun desdits arguments n'était capable de renverser la " présomption de coresponsabilité " d'Elf Aquitaine pour l'infraction commise par Arkema. Ainsi souligne-t-elle qu'Elf Aquitaine a été destinataire de la décision attaquée et de la communication des griefs non parce qu'elle a participé directement à l'infraction, mais en raison de la présomption de responsabilité découlant de son contrôle quasi total du capital d'Arkema.

60 Elle relève que les documents joints en annexe à la réponse de la requérante à la communication des griefs ne constituent pas des preuves capables de renverser la présomption, puisque ces documents concernent des brochures présentant les activités de la requérante qui ne comportent aucune indication utile sur ses rapports avec sa société-mère, des organigrammes internes d'Arkema sans indication du lien avec la société-mère, et un accord entre la requérante et le ministère de la Justice des Etats-Unis qui indique seulement que celle-ci est une personne juridique capable de conclure des accords, mais non qu'elle est indépendante de sa société-mère.

61 La Commission ajoute que les raisons pour lesquelles les arguments apportés par la requérante ne suffisaient pas à renverser la présomption ressortent effectivement des considérants 258 à 261 de la décision attaquée. Si la requérante est en désaccord avec ces explications, cela ne signifierait pas pour autant que la Commission n'a pas démontré l'insuffisance de ses arguments pour renverser la présomption.

62 Elle soutient également que les déclarations du fonctionnaire de la Commission lors de l'audition du 10 septembre 2004 ne contredisent pas la décision attaquée ni le mémoire en défense et que, au demeurant, elles ne pourraient constituer un motif d'annulation de la décision.

- Appréciation du Tribunal

63 Il ressort du considérant 258 de la décision attaquée que la Commission a considéré que le fait qu'Elf Aquitaine détienne 98 % du capital d'Atofina était suffisant en lui-même pour imputer la responsabilité des actions d'Atofina à Elf Aquitaine. Elle a estimé que les arguments apportés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs ne constituaient pas des preuves suffisantes pour que la présomption fondée sur la détention du capital soit écartée.

64 La requérante conteste, en substance, l'imputation de la responsabilité pour son infraction à Elf Aquitaine, sa société-mère à l'époque de l'infraction, et considère que la présomption d'absence d'autonomie commerciale d'une filiale ne peut être appliquée que dans le cas particulier où la totalité du capital de la filiale est détenue par la société-mère. Elle prétend également ne pas avoir suivi de politique tracée par les organes statutaires qui fixent celle d'Elf Aquitaine. Elle ajoute que, dans le cas d'un contrôle à 100 % de la filiale par la société-mère, un élément supplémentaire par rapport au taux de participation reste nécessaire, mais qu'il peut être constitué par des indices.

65 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d'entreprise, au sens de l'article 81 CE, inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 54, et la jurisprudence citée).

66 Ce n'est donc pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et la filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. En effet, le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens de l'article 81 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290).

67 Dans le cas particulier où une société-mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société-mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité, point 50, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit " PVC II ", T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, points 961 et 984) et qu'elles constituent donc une seule entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et 91-03, non publié au Recueil, point 59). Il incombe, dès lors, à la société-mère contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuves susceptibles de démontrer l'autonomie de cette dernière (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt Stora, précité, point 29). Si la présomption n'est pas renversée, la Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société-mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale.

68 À cet égard, il y a lieu de souligner que, s'il est vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de l'arrêt Stora, précité, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que l'absence de contestation, par la société-mère, de l'influence exercée par celle-ci sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n'en demeure pas moins que lesdites circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement pour conclure que celui-ci n'était pas fondé uniquement sur la détention de la totalité du capital de la filiale par sa société-mère. Partant, le fait que la Cour a confirmé l'appréciation du Tribunal dans cette affaire ne saurait avoir pour conséquence de modifier le principe consacré au point 50 de l'arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité.

69 Il ressort en outre de la jurisprudence que, si une société-mère détient la quasi-totalité du capital de sa filiale, il peut raisonnablement en être conclu que ladite filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché et qu'elle forme par conséquent, avec sa société-mère, une entreprise au sens de l'article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, précité, point 290).

70 Dans ces conditions, dès lors que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société-mère et que, par conséquent, cette dernière est en mesure d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale, il incombe à la société-mère de renverser la présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, la Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société-mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale.

71 Il s'ensuit que le grief de la requérante selon lequel la Commission a méconnu les règles gouvernant l'imputabilité des pratiques d'une filiale à sa société-mère ne saurait être accueilli. En effet, dans la mesure où la quasi-totalité du capital de la requérante était détenue, à l'époque de l'infraction, par Elf Aquitaine, c'est à bon droit que la Commission pouvait présumer l'absence d'autonomie de la requérante par rapport à sa société-mère et considérer qu'il appartenait à cette dernière d'apporter des éléments de preuve démontrant que sa filiale déterminait de façon autonome sa ligne d'action sur le marché.

72 La requérante soutient, toutefois, avoir produit un faisceau d'indices et d'éléments de preuve visant à démontrer son autonomie.

73 À cet égard, il convient de constater que la Commission reprend, au considérant 257 de la décision attaquée, les arguments avancés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs, notamment que celle-ci n'aurait jamais participé, ni directement ni indirectement, à l'entente sur l'AMCA et serait une " holding pure ", sans fonctions opérationnelles, qu'Atofina jouirait d'une autonomie complète pour ce qui est de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché, que les documents figurant dans le dossier de la Commission se référeraient exclusivement à Atofina, et que les tiers considéreraient également que seule Atofina opérait sur le marché. Elle en conclut au considérant suivant que ces arguments sont de simples affirmations qui n'écartent pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale, et relève que des documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale sont insuffisants pour écarter cette présomption.

74 Or, force est de constater que les arguments de la requérante visant à démontrer son autonomie ont également été avancés par sa société-mère, dans sa réponse à la communication des griefs, pour prouver l'absence d'exercice par celle-ci d'une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale.

75 Il s'ensuit que, en réfutant les arguments présentés par la société-mère, la Commission a répondu globalement aux deux sociétés et a examiné, conformément à la jurisprudence (voir point 67 ci-dessus), si la société-mère avait apporté, aux fins de renverser la présomption, des éléments de preuve démontrant que sa filiale déterminait de façon autonome sa ligne d'action sur le marché.

76 S'agissant du bien-fondé des éléments de preuve apportés par la requérante afin de démontrer son autonomie, il y a lieu de relever que le fait qu'Elf Aquitaine ne soit qu'une holding non opérationnelle, intervenant très peu dans la gestion de ses filiales, ne saurait suffire pour exclure qu'elle exerce une influence déterminante sur le comportement de la requérante en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe Elf Aquitaine. En effet, dans le contexte d'un groupe de sociétés, une société holding qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d'en assurer l'unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire.

77 À cet égard, il convient de rappeler que ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens susmentionné qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés.

78 Quant au fait que la requérante n'a jamais mis en œuvre, au profit d'Elf Aquitaine, une politique d'information spécifique sur le marché de l'AMCA, l'absence d'une telle information, à supposer qu'elle soit établie, ne saurait suffire à démontrer que la requérante était autonome vis-à-vis de sa société-mère.

79 Il en est de même s'agissant de l'argument selon lequel l'activité de l'AMCA est mineure au sein du groupe Elf Aquitaine, puisqu'il n'est pas de nature à prouver l'autonomie de cette dernière à l'égard de sa société-mère.

80 Aucune conclusion ne saurait davantage être tirée du fait que les deux sociétés opéraient sur des marchés distincts, n'avaient pas de liens de fournisseurs à clients. En effet, comme la Commission l'a relevé à juste titre, au considérant 261 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que, dans un groupe tel qu'Elf Aquitaine, la division des tâches constitue un phénomène normal qui ne renverse pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine et Atofina constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81 CE.

81 La requérante prétend également qu'il est impossible de rapporter une preuve directe et irréfutable de son autonomie de comportement sur le marché et qu'une telle preuve devrait dès lors être qualifiée de probatio diabolica.

82 À cet égard, il suffit de relever qu'il n'est pas exigé des parties concernées qu'elles rapportent une preuve directe et irréfutable de l'autonomie de comportement de la filiale sur le marché mais uniquement qu'elles produisent des éléments de preuve susceptibles de démontrer cette autonomie (voir point 67 ci-dessus). En outre, la circonstance que la requérante n'a pas en l'espèce produit des éléments de preuve de nature à renverser la présomption d'absence d'autonomie ne signifie pas que ladite présomption ne peut en aucun cas être renversée. Par conséquent, l'argument de la requérante n'est pas fondé.

83 Il convient également de rejeter comme inopérant l'argument selon lequel la Commission, en se fondant sur la détention du capital pour présumer l'exercice par la société-mère d'une influence déterminante sur la politique commerciale de la requérante, poursuivait un objectif de dissuasion explicitement exprimé par un de ses fonctionnaires lors de l'audition auprès du conseiller-auditeur. En effet, l'éventuelle poursuite par la Commission d'un objectif de dissuasion n'est en aucun cas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle celle-ci a pu à bon droit considérer que la détention du capital de la filiale donnait lieu à une présomption de responsabilité de la société-mère.

84 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'est pas parvenue à démontrer que la Commission a méconnu les règles gouvernant l'imputabilité à la société-mère des pratiques de sa filiale.

85 En conséquence, la Commission était en droit de considérer qu'Elf Aquitaine et Arkema constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE et qu'elles pouvaient dès lors être tenues pour solidairement responsables du comportement qui leur a été reproché, les actes commis par Arkema étant dès lors imputables à Elf Aquitaine, et, dès lors, censés avoir été commis par elle (voir, en ce sens, arrêts HFB e.a./Commission, précité, points 524 et 525, et Tokai Carbon e.a./Commission, précité, point 62, du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C-294-98 P, Rec. p. I-10065, points 26 à 28).

86 Partant, il convient de rejeter la première branche du présent moyen.

Sur la seconde branche, tirée du traitement discriminatoire du groupe Elf Aquitaine

- Arguments des parties

87 La requérante considère également avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire de la part de la Commission, quant à l'imputabilité de ses pratiques à Elf Aquitaine, par rapport aux autres entreprises destinataires de la décision. En effet, la Commission aurait justifié l'imputabilité des comportements des filiales du groupe Akzo Nobel et de Clariant GmbH à leurs sociétés-mères respectives en s'appuyant sur des éléments additionnels à la détention du capital.

88 La Commission rétorque que si elle s'est fondée, dans le cas d'Akzo Nobel NV, sur l'existence d'éléments additionnels corroborant la présomption de responsabilité découlant de la détention du capital, elle s'est toutefois bien fondée sur cette même présomption.

- Appréciation du Tribunal

89 Il ressort des considérants 226 à 228 et 231 à 233 de la décision attaquée que la Commission a souligné que des éléments de preuve additionnels confirmaient l'influence déterminante d'Akzo Nobel NV sur ses filiales, indépendamment de la présomption tirée de la détention par celle-ci de la totalité du capital de ses filiales et de la constatation par la Commission d'une implication directe d'Akzo Nobel NV dans l'infraction. Cela ne saurait néanmoins remettre en cause le fait que la détention de la quasi-totalité du capital de la requérante suffisait pour présumer que sa société-mère exerçait sur elle une influence déterminante et qu'il incombait à la société-mère de renverser cette présomption.

90 Dès lors, si la Commission pouvait se fonder sur la seule détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital d'une filiale pour présumer que la société-mère exerce une influence déterminante sur celle-ci, rien ne l'empêchait de se prévaloir, selon les cas, d'éléments supplémentaires confirmant la détention de cette influence.

91 Il en est de même quant au traitement de la requérante en comparaison avec celui de Clariant. En effet, il ressort des considérants 251 et 252 de la décision attaquée que, du fait qu'à l'époque de l'infraction Clariant GmbH était détenue à 100 % par Clariant AG, la Commission pouvait présumer que cette dernière exerçait une influence déterminante sur sa filiale.

92 Loin d'entraîner une discrimination à l'encontre du groupe Elf Aquitaine, cette imputation de la responsabilité est conforme au principe d'égalité de traitement qui, selon une jurisprudence constante, requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, C-303-05, Rec. p. I-3633, point 56, et la jurisprudence citée). La présomption d'absence d'autonomie des filiales dont la totalité ou la quasi-totalité du capital est détenue par une société-mère a en effet été appliquée tant au groupe Akzo Nobel et à Clariant qu'au groupe Elf Aquitaine. Ces entreprises ont dès lors été traitées de manière égale, et ce conformément au principe d'égalité de traitement au vu du caractère comparable de leurs situations.

93 Il s'ensuit que le grief selon lequel le groupe Elf Aquitaine a fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport au groupe Akzo et à Clariant doit être rejeté.

94 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d'autonomie juridique et commerciale de la filiale résultant de la présomption de l'exercice d'une influence déterminante de la société-mère sur sa filiale

Arguments des parties

95 Selon la requérante, le raisonnement de la Commission conduit à une interprétation extrêmement extensive de la notion d'entreprise et procède à tort à une assimilation de la détention du capital à l'exercice effectif d'une influence déterminante du détenteur du capital sur la politique commerciale de sa filiale. Elle considère que, si la Commission n'est pas tenue de calquer la notion d'entreprise sur celle de personne morale, elle ne pouvait néanmoins ignorer les arguments présentés par elle-même ou par Elf Aquitaine, quand bien même ceux-ci trouveraient leur source dans une branche du droit distincte du droit de la concurrence.

96 La Commission rétorque que le principe invoqué par la requérante n'a jamais été considéré comme constituant un principe général de droit communautaire.

Appréciation du Tribunal

97 Il ressort d'une jurisprudence constante que la notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170-83, Rec. p. 2999, point 11, et du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T-234-95, Rec. p. II-2603, point 124).

98 En particulier, la circonstance qu'une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société-mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société-mère (arrêts AEG-Telefunken/Commission, précité, point 49, et Stora, point 26).

99 En l'espèce, il a été établi au point 85 ci-dessus qu'Elf Aquitaine et Atofina constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, en dépit de leurs personnalités juridiques distinctes. Il s'ensuit que la Commission pouvait leur imputer la responsabilité conjointe et solidaire pour le paiement du montant de l'amende infligée à l'article 2, sous c), de la décision attaquée.

100 Quant au grief relatif à la violation du principe d'autonomie commerciale de la filiale, force est de constater qu'il doit être rejeté. En effet, il importe de rappeler que, si la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital permet de présumer qu'une société-mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et, par conséquent, qu'elles font partie d'une même entreprise, cette présomption d'absence d'autonomie de la filiale est susceptible d'être renversée par la partie concernée, à qui il incombe de fournir des éléments de preuve suffisants (voir points 67 et 68 ci-dessus). Ladite présomption, telle qu'appliquée en l'espèce, ne remet donc aucunement en cause l'autonomie commerciale de la filiale.

101 Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe de la responsabilité personnelle en matière d'infraction au droit de la concurrence

Arguments des parties

102 La requérante considère que, en ne démontrant pas l'implication personnelle d'Elf Aquitaine dans la commission des infractions en cause, la Commission a également violé le principe de responsabilité personnelle en matière d'infraction au droit de la concurrence, telle que définie par la jurisprudence de la Cour.

103 En effet, il ressortirait des considérants 258 à 261 de la décision attaquée, mais aussi de l'audition du 10 septembre 2004, que la Commission n'a pas démontré l'implication personnelle d'Elf Aquitaine dans la commission des infractions et a considéré qu'elle ne devait être mise en cause qu'en sa seule qualité d'actionnaire. Selon la requérante, même s'il fallait comprendre que l'analyse ne serait menée que sur le terrain de la notion d'entreprise, la Commission aurait dû démontrer, pour constater l'unicité d'une entreprise auteur de l'infraction, que les différentes entités juridiques qui, par hypothèse composaient cette dernière, faisaient l'objet d'un pouvoir de direction.

104 La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

105 En vertu du principe d'individualité des peines et des sanctions, une personne, physique ou morale, ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 63), principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 118).

106 Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d'entreprise, au sens de l'article 81 CE, telle qu'interprétée par la jurisprudence (voir point 65 ci-dessus).

107 En effet, comme rappelé au point 66 ci-dessus, ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. Dès lors, Elf Aquitaine a été personnellement condamnée pour une infraction qu'elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques et juridiques qui l'unissaient à Arkema et qui lui permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (voir, en ce sens, arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, précité, point 34).

108 Il s'ensuit que, en l'espèce, l'imputation à la société-mère des infractions commises par sa filiale ne va pas à l'encontre du principe d'individualité des peines et des sanctions.

109 Partant, il convient de rejeter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré de la discrimination entre entreprises selon leur organisation juridique et leur taille

Arguments des parties

110 La requérante prétend que l'application par la Commission de la présomption selon laquelle une société détenant la totalité ou la quasi-totalité du capital d'une autre société exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette dernière constitue une discrimination entre entreprises en fonction de leur organisation juridique et de leur taille.

111 Selon elle, une telle présomption pénalise à l'évidence les groupes diversifiés présents dans de très nombreux secteurs d'activités, tels qu'Elf Aquitaine. En effet, s'il est concevable qu'au sein de groupes de petite taille, centrés sur une activité unique, la société-mère exerce une forme de contrôle sur la politique commerciale de ses filiales, cette probabilité serait faible pour de grands groupes. En tout état de cause, un tel contrôle ne pourrait être présumé, sauf à opérer, comme en l'espèce, une discrimination entre entreprises en fonction de leur taille, de leur mode d'organisation et de leurs secteurs d'activités.

112 La Commission rétorque que cet argument n'est pas fondé, puisque ladite présomption s'applique de manière générale, indépendamment de la dimension du groupe auquel appartient la filiale qui a commis une infraction à l'article 81 CE.

Appréciation du Tribunal

113 Il convient tout d'abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d'égalité de traitement requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir point 92 ci-dessus).

114 En l'espèce, la requérante reproche à la Commission d'appliquer la présomption tirée de la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital à des situations non comparables, eu égard à la différence de taille et d'organisation entre les entreprises.

115 Or, force est de constater que la présomption de responsabilité de la société-mère pour les infractions commises par les filiales dont elle détient la totalité ou la quasi-totalité du capital repose sur un critère objectif qui s'applique quelle que soit la taille ou l'organisation juridique de l'entreprise. Comme le souligne la Commission, si l'application de ce critère a des répercussions différentes selon la taille du groupe et son organisation juridique, cela ne constitue qu'une conséquence de la diversité des entreprises et qui, de surcroît, se justifie objectivement.

116 Il s'ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation des formes substantielles résultant d'un défaut de motivation

Arguments des parties

117 La requérante considère que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation, puisque la Commission s'est limitée à écarter les éléments factuels et les arguments avancés en ne précisant pas les raisons pour lesquelles ils seraient insuffisants pour renverser la présomption de responsabilité d'Elf Aquitaine. La Commission procéderait par affirmations non démontrées ni motivées.

118 Elle soutient également que la décision est contradictoire, puisque, après avoir affirmé que la détention de 98 % du capital est un élément suffisant, la Commission précise que les éléments fournis par la requérante ne lui paraissent pas suffisants pour écarter la présomption de responsabilité de la société-mère.

119 La décision attaquée serait également entachée d'une contradiction de motifs en ce que la Commission indiquerait que les représentants des entreprises ayant participé à l'entente litigieuse occupaient un poste hiérarchique peu élevé, mais imputerait néanmoins la responsabilité de l'infraction à Elf Aquitaine. La requérante fait observer à cet égard que la Commission a abandonné l'affirmation contenue dans la communication des griefs selon laquelle l'entente avait été mise en œuvre au plus haut niveau par Arkema, mais qu'elle a toutefois imputé à Elf Aquitaine des pratiques dont la Commission avait admis que la mise en œuvre était restée confinée à des niveaux hiérarchiques modestes au sein d'Arkema.

120 La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

121 Il y a lieu de rappeler, que selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée, et arrêt Hoek Loos/Commission, précité, point 58).

122 En l'espèce, il ressort du considérant 258 de la décision attaquée que " la Commission considère que le fait qu'Elf Aquitaine détienne 98 % des actions dans Atofina est suffisant en lui-même pour imputer la responsabilité des actions d'Atofina à Elf Aquitaine. La Commission estime que les arguments mentionnés [par Elf Aquitaine] ne constituent pas des preuves suffisantes pour que la présomption, basée sur la détention de 98 % des actions, soit écartée ". Elle précise, dans le même considérant, que " ces arguments sont des affirmations qui n'écartent pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale Atofina " et qu'elle ne considère pas que des " documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale soient suffisants pour écarter la présomption ".

123 Il y a lieu de constater que, bien que la Commission ait explicitement affirmé, au considérant 258 de la décision attaquée, que la détention de 98 % du capital était suffisante pour imputer la responsabilité des agissements d'Atofina à Elf Aquitaine, elle a néanmoins précisé, dans la suite dudit considérant, que les preuves apportées par la requérante ne permettaient pas de renverser la présomption. Or, de telles considérations s'inscrivent dans la jurisprudence communautaire relative à l'imputation à la société-mère des comportements infractionnels de sa filiale (voir points 65 à 70 ci-dessus). Il en résulte que le raisonnement de la Commission est suffisamment explicite et n'est pas entaché de contradiction.

124 Quant au prétendu défaut de motivation concernant les raisons pour lesquelles les arguments de la requérante ont été écartés, force est de constater que la Commission a mentionné, au considérant 257 de la décision attaquée, lesdits arguments tels qu'ils avaient été exposés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs. Elle y a répondu aux considérants 258 à 261 de la décision attaquée.

125 Il y a en particulier lieu de relever que la Commission a considéré qu'Elf Aquitaine s'était limitée à formuler des affirmations et que les documents qu'elle avait fournis ne donnaient qu'un aperçu général de la gestion commerciale de la société.

126 Une telle réponse aux arguments avancés par Elf Aquitaine, quoique succincte, permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a rejeté ceux-ci. En effet, la Commission a répondu aux points essentiels des arguments d'Elf Aquitaine, en considérant l'ensemble des éléments de preuves apportés par celle-ci.

127 En tout état de cause, il n'incombait pas à la Commission de répondre à toutes les objections de la requérante. En effet, d'une part, dans la mesure où la réponse de la Commission donnée aux points essentiels des arguments d'Elf Aquitaine (voir considérants 257 et 258 de la décision attaquée) ne saurait différer selon qu'est en cause la société-mère ou sa filiale, celle-ci n'avait pas à répondre séparément aux arguments avancés par la requérante (voir point 75 ci-dessus). D'autre part, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T-349-03, Rec. p. II-2197, point 64, et la jurisprudence citée).

128 En procédant de la sorte, la Commission a, par conséquent, motivé la décision attaquée conformément aux exigences de l'article 253 CE.

129 Il convient également de rejeter l'argument selon lequel la décision attaquée est entachée d'une contradiction de motifs en ce que la Commission impute à Elf Aquitaine des pratiques dont elle admet que la mise en œuvre a été le fait de représentants de la requérante ayant un niveau de responsabilité peu élevé. En effet, il importe peu de savoir quel était le niveau de responsabilité du personnel de la requérante ayant participé à l'entente, puisque ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81 CE, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés (voir point 66 ci-dessus).

130 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen comme non fondé.

2. Sur les moyens de réformation

Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de départ de l'amende

Sur la première branche, tirée de la prise en compte erronée de la taille du groupe Elf Aquitaine

131 La requérante n'a présenté cette branche que dans l'hypothèse où Elf Aquitaine serait mise hors de cause. Au vu du point 85 ci-dessus, aux termes duquel Elf Aquitaine et Arkema constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81 CE, et peuvent par conséquent être tenues pour solidairement responsables du comportement qui leur a été reproché. Dans cette circonstance, le Tribunal considère qu'il n'y a aucun élément soulevé qui justifie l'examen de cette branche et qu'il y a donc lieu de la rejeter.

Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité dans la prise en compte de la taille du marché

- Arguments des parties

132 La requérante fait valoir que la Commission a retenu un montant de départ de l'amende excessif et disproportionné eu égard à la taille du marché. En effet, le marché de l'AMCA serait extrêmement modeste en valeur et en volume, puisque le total des ventes d'AMCA aurait été, au cours des dernières années de l'entente, entre 106 et 120 millions d'euro.

133 La requérante fait observer que, dans la décision C (2003) 4570 de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 - Peroxydes organiques) (résumé au JO 2005, L 110, p. 44), dans laquelle la taille du marché s'établissait à environ 250 millions d'euro et la part du marché était du même ordre qu'en l'espèce, à savoir de 20 à 25 %, le montant de départ de l'amende infligée à Arkema avait été fixé à 17,5 millions d'euro. Selon elle, dans la mesure où la taille du marché de l'AMCA est huit fois inférieure à celle du marché des peroxydes organiques, le montant de départ retenu serait en l'espèce disproportionné.

134 La Commission conclut au rejet de la présente branche.

- Appréciation du Tribunal

135 Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 et de l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci. De surcroît, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, l'évaluation du caractère de gravité de l'infraction doit tenir compte de la nature même de l'infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et de l'étendue du marché géographique concerné.

136 Ce cadre juridique n'impose pas à la Commission de tenir compte de la taille du marché aux fins de la fixation du montant de départ de l'amende. En effet, la méthode de la Commission, qui repose essentiellement sur une tarification des amendes, quoique relative et souple, n'exige nullement, pas plus qu'elle n'interdit, la prise en compte, aux fins de la détermination du montant de départ général, de la taille du marché affecté et elle impose donc d'autant moins à la Commission de fixer ce montant selon un pourcentage fixe du chiffre d'affaires agrégé du marché (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 134).

137 Il en résulte que, dans l'exercice de son pouvoir de fixation du montant des amendes, la Commission pouvait choisir de ne pas tenir compte de la taille du marché affecté, en l'espèce celui de l'AMCA.

138 Dans la mesure où les participants à l'entente ne contestent pas avoir commis une infraction très grave, la Commission pouvait, en vertu du point 1 A, troisième tiret, des lignes directrices, leur infliger une amende d'un montant de départ supérieur à 20 millions d'euro.

139 En outre, afin de tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants à nuire de façon sensible à la concurrence, la Commission a classé les participants à l'entente en prenant en considération leurs parts de marché respectives dans l'EEE pour aboutir à une répartition en trois catégories (considérants 289 à 297 de la décision attaquée). Il convient de constater que, bien que la Commission ait considéré l'infraction comme très grave, elle n'a retenu pour la requérante qu'un montant de départ de 12 millions d'euro.

140 Eu égard à la gravité de l'infraction et compte tenu du fait que la méthode de répartition en catégories selon laquelle ont été prises en considération les parts de marchés dans l'EEE a été explicitement exposée par la Commission aux considérants 289 à 292 de la décision attaquée, il convient d'en conclure que la Commission n'a pas commis d'erreur, lors de la détermination du montant de départ de l'amende, et a utilisé une méthode cohérente et objectivement justifiée.

141 Quant à l'argument pris du caractère disproportionné du montant de départ de l'amende à la lumière de la pratique décisionnelle de la Commission, il y a lieu de rappeler que celle-ci ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans les règlements n°s 17 et 1-2003 (voir arrêt Michelin/Commission, précité, point 292, et la jurisprudence citée). Dès lors, les opérateurs ne peuvent placer une confiance légitime dans le maintien d'une pratique décisionnelle.

142 Il s'ensuit que le grief tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l'amende infligée à la requérante au regard de la taille du marché doit être rejeté comme non fondé.

Sur la troisième branche, tirée de la méconnaissance du rôle suiviste

- Arguments des parties

143 La requérante, sans contester avoir pris part à l'entente, fait valoir qu'elle n'a eu qu'un rôle suiviste, puisqu'elle a été le dernier venu à l'entente et le détenteur des plus faibles parts du marché de l'AMCA. Ainsi soutient elle que la Commission aurait dû prendre ces circonstances atténuantes en compte pour diminuer le montant de son amende.

144 Elle fait observer que Hoechst, qui aurait organisé l'entente et provoqué sa restructuration en 1993, avait développé une relation particulière avec Akzo, le deuxième producteur d'AMCA. Akzo et Hoechst auraient eu l'habitude de discuter de manière bilatérale, préalablement aux réunions avec Atofina, des nouvelles orientations qu'il convenait d'adopter dans le cadre de l'entente. La requérante prétend, dès lors, que, dans la mesure où elle ne participait pas à l'ensemble de ces échanges d'informations, elle était moins impliquée dans le fonctionnement de l'entente.

145 Atofina aurait également joué un rôle moins actif que Hoechst et Akzo dans le fonctionnement de l'entente et dans la définition des axes de coopération. Elle aurait même constitué un facteur de déstabilisation au cours de la période allant de 1990 à 1993 en procédant à une baisse des prix de l'AMCA.

146 De surcroît, la requérante rappelle que l'entente n'a pas été conçue, animée et encouragée au plus haut niveau d'Atofina, comme le relèverait la Commission au considérant 67 de la décision attaquée, en précisant que la participation aux réunions se faisait généralement au niveau des chefs de vente.

147 La Commission conclut au rejet de la branche.

- Appréciation du Tribunal

148 Le " rôle exclusivement passif ou suiviste " d'une entreprise dans la réalisation de l'infraction constitue, s'il est établi, une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 167).

149 Il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 343) de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831, point 100), ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T-317-94, Rec. p. II-1235, point 264).

150 S'agissant de sa prétendue non-participation à l'ensemble des réunions et des échanges d'informations et du fait qu'elle aurait été moins impliquée que ses concurrents, il suffit de relever que la Commission a établi, à suffisance de droit, qu'Atochem, puis Atofina, ont participé à des réunions régulières et ont noué d'autres contacts afin de s'entendre sur les prix et de s'attribuer des quotas de production et des clients.

151 Sans remettre en cause l'importance des réunions ou des contacts bilatéraux qui ont existé entre Hoechst et le groupe Akzo Nobel (voir, notamment, considérants 130 et 133 de la décision attaquée) qui pourraient laisser supposer que ces deux entreprises avaient développé une coopération renforcée, il ressort toutefois de la décision attaquée que le chef de produit d'Atochem a déclaré que, pour la période allant de 1984 à 1990-1991, les participants de l'entente se rencontraient " trois ou quatre fois par an, par rotation ", et que lui-même avait participé à la quasi-totalité des réunions entre 1984 et 1992 (considérant 64 de la décision attaquée). Lors des réunions trimestrielles, les parties, dont Atochem, remplissaient des tableaux avec leurs chiffres de vente qui étaient recueillis par un " secrétariat tournant " (considérant 85 de la décision attaquée). Il y a lieu également de relever qu'Atochem a participé à la majeure partie des réunions organisées pour la mise en œuvre de l'entente (considérants 93 à 165 de la décision attaquée).

152 Il s'ensuit que, eu égard à ces éléments de preuve, qui n'ont pas fait l'objet de contestations de la part de la requérante, la qualification de " rôle exclusivement passif ou suiviste ", ne saurait être retenue en ce qui concerne la requérante. Est également sans pertinence l'argument selon lequel la requérante a été le dernier participant à l'entente et le détenteur des plus faibles parts de marché de l'AMCA.

153 Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle son comportement aurait constitué un facteur de déstabilisation de l'entente au cours de la période allant de 1990 à 1993, étant donné qu'elle aurait procédé à une baisse des prix de l'AMCA, il convient de considérer qu'une telle affirmation ne saurait remettre en cause la décision attaquée en ce qu'elle constate, d'une part, que des raisons externes, à savoir la création d'une nouvelle unité de production en Suède, sont la cause des fluctuations de prix au cours de la période s'étendant de 1991 à 1994 (voir considérant 38 de la décision attaquée) et, d'autre part, que les caractéristiques essentielles de l'entente sont restées inchangées pendant toute la durée de l'infraction (voir considérant 76 de la décision attaquée). En tout état de cause, il ressort de ce qui précède que l'affirmation de la requérante relative à son éventuel " profil bas ", au sens de la jurisprudence citée au point 148 ci-dessus, ne concerne qu'une certaine période de l'entente. Or, il ne suffit pas que l'entreprise concernée ait adopté un " profil bas " pendant certaines périodes de l'entente pour qu'elle soit considérée comme ayant adopté un rôle " exclusivement passif ou suiviste " au sens des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 254).

154 Quant au fait que l'entente n'a été conçue et animée qu'au niveau des chefs de vente, il ne saurait toutefois remettre en cause la participation effective d'Atofina à l'entente.

155 Il en résulte que la branche, tirée de la méconnaissance du rôle suiviste de la requérante, doit être rejetée.

Sur les quatrième et cinquième branches, tirées, respectivement, de l'appréciation erronée de l'impact concret des pratiques en cause sur le marché et du défaut de motivation de l'appréciation desdits effets

- Arguments des parties

156 La requérante conteste l'affirmation, figurant au considérant 282 de la décision attaquée, selon laquelle l'entente a fonctionné au détriment du grand public. Selon elle, le coût de l'AMCA est négligeable en proportion du coût de revient des produits finis, puisque l'AMCA n'intervient environ qu'à hauteur de 7 % du prix de revient du produit intermédiaire qui constitue son principal débouché, lequel n'est lui-même qu'une composante mineure du produit fini. Elle estime que le prix de l'AMCA, produit doublement intermédiaire, ne représente qu'une composante infime (de l'ordre de moins de 0,5 %) du coût de revient des produits finis, qui seul serait susceptible d'affecter le grand public. Or, seules les variations de prix de l'AMCA résultant de l'entente auraient pu affecter le grand public, et non le prix lui-même. Dès lors, en surestimant, sans aucune preuve ou démonstration, l'effet de l'entente sur le marché, la Commission aurait fixé un montant de départ de l'amende excessif.

157 La requérante ajoute que, même si la Commission n'est pas tenue de démontrer de façon détaillée et chiffrée l'effet concret des pratiques sur le marché, elle n'a néanmoins pas fourni en l'espèce le moindre élément de preuve à l'appui de son affirmation relative à l'effet des pratiques en cause sur le marché concerné, de sorte que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation.

158 La Commission fait observer que la requérante semble admettre que des variations de prix ont été provoquées par l'entente et que, en tout état de cause, la requérante n'étaye par aucun chiffre son calcul visant à minimiser l'effet de l'entente sur les consommateurs.

- Appréciation du Tribunal

159 Il y a lieu de relever que, au considérant 283 de la décision attaquée, sous l'intitulé " Impact réel de l'infraction sur le marché de l'AMCA dans l'EEE ", la Commission a constaté que l'infraction avait été commise par des entreprises qui détenaient ensemble la quasi-totalité du marché de l'AMCA dans l'EEE au cours de la période litigieuse et que les accords étaient spécifiquement destinés à garantir le maintien des parts de marché respectives et à fixer les prix à des niveaux supérieurs à ce qu'ils auraient été en l'absence d'accord. La Commission a ajouté que, dès lors que ces accords avaient été mis en œuvre, ils avaient eu un impact réel sur le marché.

160 Elle a précisé, au considérant 284 de la décision attaquée, qu'il n'était pas nécessaire de quantifier de façon détaillée l'étendue de cet impact, en relevant qu'il n'était pas toujours possible de procéder à ce genre de calcul de façon fiable.

161 Aux considérants 285 et 286 de la décision attaquée, la Commission conclut que, compte tenu du système de répartition des volumes et des clients et de la mise en œuvre de l'accord anticoncurrentiel tout au long de la période infractionnelle, l'entente devait avoir eu un impact réel sur le marché de l'AMCA.

162 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour apprécier l'impact concret d'une infraction sur le marché, il appartient à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l'absence d'infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. II-1163, points 619 et 620 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347-94, Rec. p. II-1751, point 235, et du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224-00, Rec. p. II-2597, point 150).

163 Il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d'une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d'atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l'absence d'entente. À cet égard, la thèse selon laquelle seul le fait que le niveau des prix de transaction aurait été différent en l'absence de collusion peut être pris en considération afin de déterminer la gravité de l'infraction ne saurait être retenue. Par ailleurs, il serait disproportionné d'exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables, étant donné qu'elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, basés sur des modèles économiques dont l'exactitude n'est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n'est nullement prouvé (conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C-283-98 P, Rec. p. I-9855, I-9858, point 109).

164 En effet, pour apprécier la gravité de l'infraction, il est décisif de savoir que les membres de l'entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s'est passé ensuite, au niveau des prix de marché effectivement réalisés, était susceptible d'être influencé par d'autres facteurs, hors du contrôle des membres de l'entente. Les membres de l'entente ne sauraient porter à leur propre crédit, en faisant des éléments justifiant une réduction de l'amende, des facteurs externes qui ont contrecarré leurs efforts.

165 Partant, la Commission pouvait légitimement se fonder sur la mise en œuvre de l'entente pour conclure à l'existence d'un impact sur le marché, après avoir relevé que l'entente avait duré plus de quinze ans et que les membres de ladite entente contrôlaient la quasi-totalité du marché de l'EEE.

166 Par ailleurs, dans la mesure où la Commission n'était pas tenue d'apporter des éléments chiffrés sur l'étendue de l'impact réel de l'infraction sur le marché de l'AMCA et que, en tout état de cause, elle a précisé dans sa décision attaquée que l'entente avait duré plus de quinze ans et que les membres de l'entente contrôlaient la quasi-totalité du marché de l'EEE, la Commission a indiqué les motifs qui lui ont permis de déduire que l'infraction a eu un impact réel sur le marché de l'AMCA. Il s'ensuit que la Commission n'a pas violé son obligation de motivation.

167 Partant, les branches tirées, respectivement, de l'appréciation erronée des effets concrets de l'entente sur le marché de l'AMCA et du défaut de motivation concernant l'appréciation desdits effets doivent être rejetées comme non fondées.

168 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.

Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion

Sur la première branche, tirée de la prise en compte erronée de la taille du groupe Elf Aquitaine

169 La requérante n'a présenté cette branche que dans l'hypothèse où Elf Aquitaine serait mise hors de cause. Au vu du point 85 ci-dessus, aux termes duquel Elf Aquitaine et Arkema constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81 CE, et peuvent, par conséquent, être tenues pour solidairement responsables du comportement qui leur a été reproché, il n'y a pas lieu d'examiner cette branche.

Sur la seconde branche, tirée de l'absence de prise en compte d'une amende précédemment infligée

- Arguments des parties

170 La requérante fait valoir que la Commission méconnaît l'objectif de dissuasion en appliquant de façon systématique et répétée le coefficient multiplicateur à des affaires successives, mais visant la même période infractionnelle.

171 Elle fait observer qu'elle a mis en place une politique très stricte d'encadrement des comportements de son personnel en matière de droit de la concurrence à la suite de la découverte de comportements répréhensibles passés et que, en conséquence, la dissuasion aurait eu les effets escomptés. Le durcissement, au titre de la dissuasion, des sanctions encourues pour le passé, pourrait au contraire inciter l'entreprise à mettre en place des comportements de dissimulation. Dès lors, le Tribunal devrait réduire le coefficient multiplicateur lié à l'effet dissuasif, qui devrait en toute hypothèse ne pas dépasser 50 %.

172 La Commission conclut au rejet du moyen.

- Appréciation du Tribunal

173 Il y a lieu de rappeler que les sanctions prévues à l'article 15 du règlement n° 17 et à l'article 23 du règlement n° 1-2003 ont pour but de réprimer des comportements illicites aussi bien que d'en prévenir le renouvellement (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 173 ; arrêt du Tribunal PVC II, précité, point 1166).

174 La dissuasion constituant ainsi une finalité de l'amende, l'exigence de l'assurer constitue une exigence générale devant guider la Commission tout au long du calcul de l'amende et n'appelle pas nécessairement que ce calcul soit caractérisé par une étape spécifique destinée à une évaluation globale de toutes circonstances pertinentes aux fins de la réalisation de cette finalité (arrêt BASF/Commission, précité, point 226).

175 En outre, la portée dissuasive des amendes constitue un des éléments en fonction desquels doit être établie la gravité des infractions (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219-95 P, Rec. p. I-4411, point 33). Les lignes directrices se réfèrent à cette finalité en leur point 1 A, quatrième alinéa, selon lequel il " sera nécessaire [...] de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ".

176 En l'espèce, la Commission a expressément souligné la nécessité de réajuster le montant de départ des amendes infligées afin de garantir leur effet dissuasif et de tenir compte du fait que les grandes entreprises disposent de connaissances et d'infrastructures juridiques et économiques qui leur permettent de reconnaître plus facilement que leur comportement constitue une infraction au droit de la concurrence (considérant 298 de la décision attaquée).

177 Ainsi, eu égard au chiffre d'affaires mondial de 84,5 millions d'euro d'Atofina et d'Elf Aquitaine, elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 2,5 au montant de départ de l'amende infligée (considérant 300 de la décision attaquée).

178 L'argument de la requérante selon lequel la Commission méconnaît l'objectif de dissuasion ne permet pas de remettre en cause l'augmentation du montant de départ de l'amende à laquelle la Commission a procédé en l'espèce. À cet égard, il convient de relever que la jurisprudence a reconnu à plusieurs reprises la pertinence de la taille et de la puissance économique de l'entreprise en tant qu'éléments d'appréciation dans le cadre de la fixation du montant de l'amende à infliger au titre de l'article 15 du règlement n° 17 et de l'article 23 du règlement n° 1-2003. Il a été jugé, par exemple, que ces éléments peuvent être utilisés en tant qu'indicateurs de l'influence de l'entreprise concernée sur le marché ou, conformément au point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices, en tant qu'indicateurs de la connaissance des exigences et des conséquences du droit de la concurrence dont peut disposer l'entreprise (voir arrêt BASF/Commission, précité, point 233, et la jurisprudence citée).

179 Le fait que la Commission ait appliqué dans des affaires antérieures impliquant la requérante un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives ne saurait remettre en cause l'application dudit coefficient dans des affaires ultérieures dans lesquelles la requérante est sanctionnée pour sa participation à une entente relevant de la même période infractionnelle. Chaque infraction étant différente et faisant l'objet d'une décision différente, la Commission était en mesure de prendre en considération la taille des entreprises concernées et de multiplier par le coefficient multiplicateur le montant de départ de l'amende.

180 Il convient d'ajouter que doit être rejeté comme inopérant l'argument de la requérante selon lequel le durcissement, au titre de la dissuasion, des sanctions encourues pourrait inciter l'entreprise à mettre en place des comportements de dissimulation. Une telle circonstance n'est en effet pas de nature à remettre en cause l'application, dans la décision attaquée, d'un coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion de la requérante.

181 Quant à l'argument selon lequel la requérante aurait mis en place une politique très stricte d'encadrement des comportements de son personnel en matière de droit de la concurrence, il y a lieu de relever que cet argument n'est pertinent que s'il est compris comme ayant trait à la réduction de l'amende au titre des circonstances atténuantes, puisque le coefficient multiplicateur appliqué à des fins dissuasives est déterminé en fonction de la taille de l'entreprise et non de son comportement (voir point 179 ci-dessus).

182 En tout état de cause, si la mise en œuvre d'un programme d'alignement démontre la volonté de l'entreprise en cause de prévenir les infractions futures et constitue donc un élément permettant à la Commission de mieux accomplir sa mission consistant, notamment, à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens les entreprises, le seul fait que, dans certains cas, la Commission a pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un programme d'alignement en tant que circonstance atténuante n'impliquait pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans le cas présent (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352-94, Rec. p. II-1989, points 417 et 418).

183 Il s'ensuit que la présente branche doit être rejetée et que, par conséquent, le moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion doit être rejeté comme non fondé.

Sur le huitième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de l'amende au regard de la durée de l'infraction

Arguments des parties

184 La requérante fait observer que la Commission a reconnu dans la décision attaquée que la période allant de 1990 à 1994 avait été marquée par des tensions entre les participants à l'entente et par une baisse des prix. Elle considère que la Commission aurait dû prendre en considération ces circonstances et considérer que l'entente avait été moins efficace et moins intense au cours de ces trois années de sorte à réduire l'augmentation de 10 %, appliquée pour chaque année pleine d'infraction aux participants à l'entente.

185 La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

186 Il convient de rappeler que le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices prévoit que, pour les " infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans) ", le montant peut être fixé " pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l'infraction ".

187 L'augmentation du montant de l'amende au titre de la durée se fait par application d'un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l'ensemble de l'infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l'infraction. Ainsi, il n'est pas logique de prendre en compte pour l'augmentation de ce montant au titre de la durée de l'infraction une variation dans l'intensité de celle-ci pendant la période concernée.

188 De surcroît, une augmentation de l'amende en fonction de la durée n'est pas limitée à l'hypothèse où il existerait une relation directe entre la durée et un préjudice accru causé aux objectifs communautaires visés par les règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202-98, T-204-98 et T-207-98, Rec. p. II-2035, point 106).

189 Ainsi, même lorsqu'un accord ayant un objet anticoncurrentiel n'est pas mis en œuvre, il convient néanmoins de tenir compte de la durée pendant laquelle cet accord a existé, c'est-à-dire de la période s'étant écoulée entre la date de sa conclusion et la date à laquelle il y a été mis fin (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 280).

190 En l'espèce, il ressort effectivement du considérant 38 de la décision attaquée que, au cours de la période comprise entre 1991 et 1994, des pressions se sont exercées sur les prix. Toutefois, force est de constater que les caractéristiques essentielles de l'entente sont restées inchangées pendant toute la durée de l'infraction (voir considérant 76 de la décision attaquée). De surcroît, la requérante ne conteste pas l'affirmation de la Commission, au considérant 197 de la décision attaquée, selon laquelle la période allant de 1990 à 1993 " peut être considérée comme une période de crise caractérisée par une méfiance et des tensions accrues entre les participants à l'entente auxquelles ceux-ci ont réagi en prenant les mesures nécessaires pour assurer la poursuite de l'accord ".

191 Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 189 et 190 ci-dessus, la Commission a pu appliquer une majoration de 150 % au montant de départ de l'amende infligée, eu égard à la participation de quinze années du groupe Elf Aquitaine à l'entente.

192 Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité du fait de la majoration de 150 % du montant de départ de l'amende au titre de la durée de l'infraction doit être rejeté.

Sur le neuvième moyen, soulevé à titre subsidiaire et tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion en ce que la Commission aurait pris deux fois en compte le chiffre d'affaires d'Arkema

Arguments des parties

193 La requérante soutient que, en infligeant une amende à Arkema et à Elf Aquitaine conjointement et solidairement, puis une seconde à Arkema seule, la Commission a sanctionné deux fois Arkema et Elf Aquitaine pour les mêmes faits.

194 Elle fait observer que la Commission, en voulant " isoler " la récidive d'Arkema, et non celle du groupe Elf Aquitaine, a calculé le montant total de l'amende infligée à Arkema en appliquant un coefficient multiplicateur de 1,5 au titre de la dissuasion et, de la sorte, a comptabilisé deux fois le chiffre d'affaires d'Arkema aux fins d'augmenter au titre de la dissuasion le montant des amendes. En effet, l'effet dissuasif, que la Commission avait pris soin d'évaluer de façon distincte pour Elf Aquitaine et Arkema en fonction de leurs chiffres d'affaires, en appliquant des coefficients multiplicateurs respectifs de 2,5 et de 1,5 aux montants de départ des amendes, inclurait dans chacune des amendes le chiffre d'affaires d'Arkema.

195 À ce titre, la requérante demande au Tribunal de réformer la décision attaquée afin que le coefficient multiplicateur soit ramené au maximum à 100 %.

196 La Commission rétorque qu'un tel moyen est dénué de tout fondement, dans la mesure où le chiffre d'affaires pris en compte est celui du groupe Elf Aquitaine, à savoir 84,5 milliards d'euro, dans lequel celui de la requérante est inclus et qui est la base retenue pour le coefficient de 2,5 appliqué pour fixer le montant de l'amende infligée conjointement et solidairement à l'entreprise, au sens de l'article 81 CE. Ce ne serait que dans le cas de cumul des multiplicateurs que l'on pourrait considérer qu'il y a eu double comptabilisation.

197 La Commission précise, dans sa réponse du 30 avril 2008 à une question écrite posée par le Tribunal, que seule l'augmentation de 50 % au titre de la circonstance aggravante pour la récidive avait été prise en considération dans le calcul de l'amende et que celle-ci avait été calculée sur le fondement d'un montant de base hypothétique comprenant un coefficient multiplicateur de 1,5.

Appréciation du Tribunal

198 Il résulte des considérants 308 et 310 de la décision attaquée qu'Atochem avait été destinataire de la décision PVC II, par laquelle la Commission avait constaté qu'elle avait enfreint l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) à une époque où elle n'était pas contrôlée par Elf Aquitaine.

199 Il convient également de relever que, pour expliquer la majoration pour récidive de l'amende infligée à Arkema, la Commission a précisé, dans la note en bas de page n° 222 de la décision attaquée, que :

" L'augmentation pour récidive s'applique seulement à Atofina (Atochem) et non à la société-mère, Elf Aquitaine, car cette dernière ne contrôlait pas Atofina à l'époque de l'infraction. Le facteur multiplicateur appliqué à Elf, 2,5, n'est pas inclus dans le calcul. Au lieu de cela, un facteur multiplicateur 1,5, qui aurait été appliqué si Atofina avait été le seul destinataire de la décision (étant donné son chiffre d'affaires mondial de 17,8 milliards d'euro) sera utilisé aux fins [du] calcul de la récidive. Une amende séparée sera en conséquence adressée à Atofina seule pour ce montant. "

200 En vertu de l'article 2, sous d), de la décision attaquée, une amende distincte de 13,50 millions d'euro a été infligée à Arkema.

201 Dans ce contexte, il importe de rappeler que, aux termes des points 2 et 3 des lignes directrices, la Commission, après avoir déterminé le montant de base de l'amende en considération de la gravité et de la durée de l'infraction, procède, le cas échéant, à une augmentation et à une diminution dudit montant au titre des circonstances aggravantes et atténuantes.

202 Si la méthode de calcul du montant des amendes contenue dans les lignes directrices n'est certes pas la seule méthode envisageable, elle est de nature à assurer une pratique décisionnelle cohérente en matière d'imposition des amendes, laquelle permet, à son tour, de garantir l'égalité de traitement des entreprises qui sont sanctionnées pour infractions aux règles du droit de la concurrence (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 523).

203 En l'espèce, il convient de constater que la Commission a effectivement appliqué la majoration de 50 %, au titre de la récidive d'Atofina, à un montant de base hypothétique déterminé comme suit :

12 millions (montant de départ) × 1,5 (coefficient multiplicateur au titre de la dissuasion déterminé au regard du chiffre d'affaires d'Arkema) = 18 millions + (18 millions × 150 %) (augmentation au titre de la durée de l'infraction) = 45 millions d'euro

204 Dès lors, la Commission, en calculant un montant de base hypothétique qu'elle a ensuite majoré de 50 % au titre de la récidive d'Arkema, a suivi la méthode de calcul décrite dans les lignes directrices.

205 L'argument selon lequel la Commission aurait procédé à une double comptabilisation du chiffre d'affaires d'Arkema aux fins de majorer les amendes au titre de la dissuasion doit être rejeté. En effet, il y a lieu de rappeler que le montant de l'amende infligée à Arkema en vertu de l'article 2, sous d), de la décision attaquée correspond uniquement à la majoration au titre de la récidive appliquée au montant de base hypothétique diminuée de la réduction de 40 % accordée par la Commission au titre de la coopération. Pour ce faire, la Commission n'avait d'autre choix, si elle ne souhaitait pas s'écarter de la méthode de calcul des lignes directrices, que de calculer à nouveau un montant de base hypothétique si elle-seule avait été considérée responsable de l'infraction.

206 Quant au choix du coefficient multiplicateur pour garantir l'effet dissuasif de l'amende, il y a lieu de rappeler que le montant de l'amende doit être modulé afin de tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle l'amende est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité. Le Tribunal a ainsi relevé, dans son arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181), point 241, que, en raison de son chiffre d'affaires global nettement supérieur à celui des autres membres de l'entente, l'une des entreprises concernées dans cette affaire mobiliserait plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, ce qui justifierait, en vue d'un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l'application d'un multiplicateur. Dans ce cadre, les ressources financières de l'entreprise doivent être évaluées, afin d'atteindre correctement l'objectif de dissuasion, et ce dans le respect du principe de proportionnalité, au jour où l'amende est infligée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410-03, Rec. p. II-881, point 379).

207 Toutefois, la Commission n'étant pas tenue d'appliquer une formule mathématique précise et disposant d'un pouvoir d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende (voir arrêt Hoek Loos/Commission, précité, point 68, et la jurisprudence citée), elle a pu prendre en considération la différence de capacité économique en appliquant un coefficient multiplicateur de 1,5 pour Arkema et de 2,5 pour l'ensemble du groupe Elf Aquitaine, sans violer pour autant le principe de proportionnalité.

208 Partant, il convient de rejeter le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion.

209 Compte tenu de tout ce qui précède, le présent recours doit être rejeté.

Sur les dépens

210 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Arkema SA est condamnée aux dépens.