TPICE, 7e ch., 30 septembre 2009, n° T-174/05
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Elf Aquitaine SA
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Forwood
Juges :
MM. váby (rapporteur), Truchot
Avocats :
Mes Morgan de Rivery, Friedel
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),
Antécédents du litige et décision attaquée
1 Par la décision C (2004) 4876 final, du 19 janvier 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/E-1/37.773 - AMCA) (ci-après la " décision attaquée "), la Commission des Communautés européennes a constaté que la société-mère Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals BV, Akzo Nobel Functional Chemicals BV, Akzo Nobel Base Chemicals AB, Eka Chemicals AB et Akzo Nobel AB (ci-après, prises ensemble, le " groupe Akzo Nobel "), la requérante, Elf Aquitaine SA, et sa filiale Arkema SA (anciennement Elf Atochem SA, puis Atofina SA) (ci-après, prises ensemble, le " groupe Elf Aquitaine "), Clariant AG et sa filiale Clariant GmbH, ainsi que Hoechst AG, avaient enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), en participant à une entente concernant le marché de l'acide monochloracétique (article 1er de la décision attaquée).
2 L'acide monochloracétique (ci-après l'" AMCA ") est un acide organique fort, utilisé comme un intermédiaire chimique notamment dans la fabrication de détergents, d'adhésifs, de produits auxiliaires textiles et d'épaississants dans les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques (considérants 3 à 6 de la décision attaquée).
3 La Commission a commencé son enquête relative au marché de l'AMCA après que Clariant GmbH l'a informée, par lettre du 6 décembre 1999, de l'existence d'une entente concernant ce marché et l'a saisie d'une demande de traitement favorable au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ") (considérant 43 de la décision attaquée).
4 Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux d'Elf Atochem et dans ceux d'Akzo Nobel Chemicals et d'Akzo Nobel Functional Chemicals (considérant 46 de la décision attaquée).
5 Le 19 avril 2000, Elf Atochem a fait part de son intention de collaborer pleinement à l'enquête de la Commission. Par lettre du 11 mai 2000, Atofina a confirmé que sa coopération à l'enquête de la Commission se situait dans le cadre de sa demande de traitement favorable en vertu de la communication sur la coopération. Le 26 mai 2000, Atofina a remis une deuxième déclaration précisant le fonctionnement de l'entente (considérants 47 et 48 de la décision attaquée).
6 Le 15 décembre 2000, Akzo Nobel Chemicals a déposé une demande en vertu de la communication sur la coopération. Le 25 juillet 2001, Akzo Nobel Chemicals et Akzo Nobel Functional Chemicals ont remis un projet de note donnant des renseignements détaillés sur le fonctionnement des accords, qu'elles ont remplacé et complété ultérieurement (considérants 49 à 51 de la décision attaquée).
7 Les 7 et 8 avril 2004, la Commission a adressé une communication des griefs aux douze destinataires suivants : sept sociétés du groupe Akzo Nobel, à savoir la société-mère, Akzo Nobel NV et ses filiales Akzo Nobel Nederland, Akzo Nobel Functional Chemicals, Akzo Nobel Chemicals, Akzo Nobel AB, Eka Chemicals et Akzo Nobel Base Chemicals, ainsi qu'à Clariant GmbH et à Clariant AG (ci-après, prises ensemble, " Clariant "), à Hoechst, à Elf Aquitaine et à sa filiale Atofina. Chacun des destinataires y a répondu.
8 Au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les entreprises précitées s'étaient entendues afin de maintenir les parts de marché au moyen d'un système de répartition des volumes et des clients, qu'elles avaient échangé des informations sur les prix et avaient examiné, au cours de réunions multilatérales régulières, les volumes de ventes réels ainsi que des informations sur les prix afin de surveiller la mise en œuvre des accords (considérants 84 à 90 de la décision attaquée).
9 La Commission a imputé à la requérante et à sa filiale Arkema la responsabilité de l'infraction pour la période s'étendant du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999. Elle a considéré que le fait qu'Elf Aquitaine détenait 98 % des actions dans Atofina était suffisant en lui-même pour lui imputer la responsabilité des actions de sa filiale. Elle n'a pas retenu les arguments avancés par la requérante visant à renverser cette présomption, estimant qu'ils n'étaient que de simples affirmations et que des documents ne donnant qu'un aperçu général de la gestion commerciale ne constituent pas des preuves suffisantes (considérant 258 de la décision attaquée).
10 La Commission a précisé que le fait qu'Elf Aquitaine n'avait pas subi de vérifications sur place et n'avait pas reçu de demande de renseignements était sans rapport avec la question de la responsabilité des sociétés-mères pour les actes de leurs filiales, de tels actes constituant de simples mesures d'enquête qu'elle n'était pas tenue d'envoyer aux entreprises avant la communication des griefs (considérant 259 de la décision attaquée).
11 Elle a ajouté que le fait que, dans une affaire antérieure, elle avait adressé sa décision uniquement à Atofina ne l'empêchait pas de l'adresser à la fois à Atofina et à Elf Aquitaine dans la présente affaire. La Commission jouirait d'une marge discrétionnaire concernant l'imputation de la responsabilité à la société-mère dans de telles circonstances et le fait qu'elle n'a pas procédé à une telle imputation dans des décisions antérieures ne l'empêcherait pas de le faire dans le cas d'espèce (considérant 260 de la décision attaquée).
12 La Commission a considéré, en outre, que le fait qu'Elf Aquitaine n'avait pas elle-même participé à la production et à la vente de l'AMCA n'était pas déterminant pour savoir si elle devait être considérée comme formant une unité économique avec les unités opérationnelles du groupe ayant directement participé à la production et à la vente de l'AMCA, la division des tâches constituant un phénomène normal au sein des groupes de sociétés (considérant 261 de la décision attaquée).
13 Le montant des amendes a été fixé par la Commission en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") et de la communication sur la coopération.
14 Aux considérants 276 à 277 de la décision attaquée, la Commission a énoncé les critères généraux au vu desquels elle a procédé à la détermination du montant des amendes. Elle a précisé devoir prendre en considération toutes les circonstances pertinentes et, notamment, la gravité et la durée de l'infraction, critères explicitement visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et apprécier sur une base individuelle le rôle joué par chacune des entreprises partie à l'infraction. Pour ce faire, elle a souligné qu'elle tenait compte, dans le cadre de la fixation du montant des amendes, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes et, le cas échéant, de la communication sur la coopération.
15 S'agissant de la gravité de l'infraction, la Commission a considéré, au vu de la nature de celle-ci, qui a consisté en un partage des marchés et en une fixation des prix, de son caractère délibéré, de son impact réel sur le marché de l'AMCA et du fait qu'elle s'est étendue à l'ensemble du marché commun et, à partir de sa constitution, à l'ensemble de l'EEE, que les entreprises destinataires de la décision attaquée avaient commis des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE (considérants 280, 281 et 288 de la décision attaquée).
16 En vue de déterminer le montant de départ des amendes, la Commission a précisé que, dans les circonstances de la présente affaire où plusieurs entreprises étaient impliquées, il était nécessaire de tenir compte du poids particulier et donc de l'impact réel sur la concurrence du comportement infractionnel de chaque entreprise (considérant 290 de la décision attaquée).
17 À cet effet, la Commission a estimé qu'il convenait, en l'espèce, d'utiliser les parts de marché dans l'EEE des entreprises ayant participé à l'infraction comme base de comparaison pour déterminer leurs poids respectifs. La comparaison a été faite sur la base des parts détenues sur le marché de l'EEE pour le produit en cause au cours de la dernière année civile pleine de l'infraction (1998). Pour Hoechst, l'année prise en considération a toutefois été 1996 (considérants 291 et 292 de la décision attaquée).
18 Le groupe Akzo Nobel, avec une part de marché dans l'EEE estimée à 44 %, a été considéré par la Commission comme le plus important producteur et a été placé en conséquence dans la première catégorie des entreprises concernées. Hoechst et Clariant, considérées comme les deuxièmes plus importantes productrices d'AMCA, avec respectivement des parts de marchés de 28 % et de 34 %, ont été placées dans une deuxième catégorie. Atofina, dont la part de marché a été estimée à 17 %, a été placée dans la troisième catégorie (considérants 293 à 295 de la décision attaquée).
19 Le montant de départ des amendes a ainsi été déterminé comme suit : 30 millions d'euro pour le groupe Akzo Nobel, 21 millions pour Hoechst et Clariant, 12 millions pour Atofina/Elf Aquitaine et 1,33 million pour Eka Nobel (il y est mentionné par erreur qu'il s'agit du " montant de base ", considérants 296 et 297 de la décision attaquée).
20 Pour assurer un caractère suffisamment dissuasif aux amendes, la Commission a multiplié par 2,5 le montant de départ de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, qui est passé ainsi à 30 millions d'euro, et par 1,5 celui de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel, qui est passé à 45 millions d'euro, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises (considérants 298 à 300 de la décision attaquée).
21 La Commission a en outre majoré le montant de départ des amendes pour chacune des entreprises, en fonction de la durée de leur participation à l'infraction, considérant que les montants de départ des amendes qui leur avaient été infligées devaient être augmentés de 10 % pour chaque année pleine d'infraction et d'un montant supplémentaire de 5 % pour toute période supérieure ou égale à six mois, mais inférieure à un an. Ainsi, a-t-elle majoré de 150 % le montant de départ de l'amende infligée au groupe Akzo Nobel ainsi que celui de l'amende infligée à Atofina/Elf Aquitaine, de 135 % celui de l'amende infligée à Hoechst et de 15 % celui de l'amende infligée à Clariant (considérant 302 de la décision attaquée).
22 Hoechst et Atofina se sont vu appliquer, au titre de la prise en compte des circonstances aggravantes, une augmentation de 50 % du montant de base de l'amende qui devait leur être infligée pour cause de récidive, ces deux entreprises ayant fait l'objet de décisions antérieures de la Commission établissant leur participation à des ententes (considérants 308 et 314 de la décision attaquée).
23 La Commission a relevé, à cet effet, qu'Elf Atochem et Hoechst avaient été destinataires de la décision 94-599-CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (JO L 239, p. 14, ci-après la " décision PVC II "), Hoechst ayant également été destinataire de la décision 69-243-CEE de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article [81 CE] (JO L 195, p. 11, ci-après la " décision matières colorantes ").
24 La Commission a considéré qu'il convenait d'appliquer l'augmentation pour récidive seulement à Atofina et non à la société-mère Elf Aquitaine, puisque cette dernière ne contrôlait pas Atofina à l'époque de la première infraction. Elle a par conséquent infligé une amende séparée à Atofina seule pour prendre en compte son comportement récidiviste (note en bas de page n° 222 de la décision attaquée).
25 S'agissant de l'application de la communication sur la coopération, la Commission a accordé, au titre du point B, une réduction de 100 % du montant de l'amende infligée à Clariant, cette dernière ayant été le premier membre de l'entente à fournir des preuves de son existence, de son fonctionnement, de sa durée et de sa mise en œuvre. La Commission a estimé que Clariant l'avait informée à propos d'une entente secrète à une époque où elle n'avait pas engagé d'enquête et ne disposait pas non plus de renseignements suffisants pour établir la preuve de ladite entente (considérants 328 à 332 de la décision attaquée).
26 En outre, la Commission a constaté que ni Atofina ni le groupe Akzo Nobel n'avaient été les premiers à fournir à la Commission des éléments déterminants sur l'entente dans le secteur de l'AMCA et qu'ils ne satisfaisaient pas, dès lors, à la condition posée par le point B, sous b), de la communication sur la coopération pour bénéficier d'une réduction importante du montant de l'amende au titre du point C de ladite communication (considérant 334 de la décision attaquée).
27 Cependant, la Commission a considéré qu'Atofina pouvait bénéficier d'une réduction significative du montant de son amende, dans la mesure où elle avait été la deuxième entreprise à lui fournir, avant la communication des griefs, des informations et des éléments de preuve qui ont contribué à établir l'existence de l'entente et où elle n'avait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission s'était appuyée pour établir l'existence de l'entente dans sa communication des griefs (considérants 337, 338 et 340 de la décision attaquée).
28 La Commission en a déduit qu'Atofina remplissait les conditions énoncées au point D 2, premier et deuxième tirets, de la communication sur la coopération et, en conséquence, lui a accordé une réduction de 40 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec elle. Elle a précisé que, dans la mesure où Atofina était détenue à 98 % par Elf Aquitaine et où il existait ainsi un lien économique manifeste entre les deux personnes morales, Elf Aquitaine bénéficiait de la demande introduite par Atofina au titre de la communication sur la coopération (considérants 339 à 341 de la décision attaquée).
29 La Commission conclut à l'article 1er de la décision attaquée :
" Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81 [CE], en s'attribuant des quotas de production et des clients, en augmentant les prix de façon concertée, en mettant au point un mécanisme de compensation, en échangeant des informations sur les volumes de vente et les prix et en participant à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de convenir et de mettre en œuvre les restrictions susmentionnées. Le comportement des entreprises suivantes a constitué une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à partir du 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord EEE :
[...]
d) Elf Aquitaine et Arkema [...] (anciennement Atofina [...]) : du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999 ;
[...] "
30 À l'article 2 de la décision attaquée, les montants des amendes ont été fixés comme suit :
" a) Akzo Nobel Chemicals [...], Akzo Nobel Nederland [...], Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Functional Chemicals [...], Akzo Nobel Base Chemicals [...], Eka Chemicals [...] et Akzo Nobel AB :
84,38 millions d'euro ;
b) Hoechst [...] :
74,03 millions d'euro ;
c) Elf Aquitaine [...] et Arkema [...] (anciennement Atofina [...]), responsabilité conjointe et solidaire :
45,00 millions d'euro ;
d) Arkema (anciennement Atofina [...]) :
13,50 millions d'euro ;
e) Clariant AG et Clariant GmbH, responsabilité conjointe et solidaire :
0 euro.
[...] "
31 Aux termes de l'article 3 de la décision attaquée, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions mentionnées dans cet article, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire.
Procédure et conclusions des parties
32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 avril 2005, Elf Aquitaine a introduit le présent recours.
33 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
34 Le 15 avril 2008, la Commission a été invitée à fournir les observations formulées par Elf Aquitaine en réponse à la communication des griefs, ce qu'elle a fait dans les délais impartis.
35 Par ordonnance du 23 mai 2008, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé, les parties entendues, de joindre l'affaire T-168-05 ainsi que la présente affaire aux fins de la procédure orale, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.
36 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.
37 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 19 juin 2008.
38 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- à titre principal, annuler l'article 1er, sous d), de la décision attaquée en ce qu'il y est décidé qu'elle a enfreint l'article 81 CE et l'article 53 de l'accord EEE et, en conséquence, annuler l'article 2, sous c), de la décision attaquée en ce qu'Elf Aquitaine et Arkema sont condamnées conjointement et solidairement à une amende de 45 millions d'euro, l'article 3 de la décision attaquée en ce qu'il est enjoint à Elf Aquitaine de mettre fin à l'infraction litigieuse et l'article 4, paragraphe 9, de la décision attaquée en ce qu'il y est indiqué qu'Elf Aquitaine est destinataire de ladite décision ;
- à titre subsidiaire, annuler l'article 2, sous c), de la décision attaquée en ce qu'Elf Aquitaine et Arkema sont condamnées conjointement et solidairement à une amende de 45 millions d'euro ;
- à titre plus subsidiaire, réformer l'article 2, sous c), de la décision attaquée et réduire le montant de l'amende à un niveau approprié ;
- condamner la Commission aux dépens.
39 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
40 La requérante soulève, à titre principal, neuf moyens d'annulation de la décision attaquée. Le premier est tiré de la violation de ses droits de la défense, le deuxième de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, le troisième d'une contradiction des motifs, le quatrième de la violation des règles gouvernant l'imputabilité à une société-mère des infractions commises par sa filiale, le cinquième de la violation de plusieurs principes essentiels faisant partie intégrante de l'ordre juridique communautaire, le sixième de la violation du principe de bonne administration, le septième de la violation du principe de sécurité juridique, le huitième de la dénaturation par la Commission des preuves documentaires apportées par Elf Aquitaine et le neuvième d'un détournement de pouvoir.
41 À titre subsidiaire, la requérante invoque un dixième moyen, tiré de l'absence de cohérence du raisonnement de la Commission en ce qu'elle se réfère alternativement à Atofina seule et à Atofina/Elf Aquitaine pour le calcul de l'amende qui a été solidairement infligée à la requérante et à sa filiale.
42 À titre plus subsidiaire et dans le cadre d'un onzième moyen, la requérante demande, dans l'hypothèse où les moyens d'annulation soulevés à titre principal et à titre subsidiaire ne prospéreraient pas, la réduction à un niveau approprié de l'amende à laquelle elle a été solidairement condamnée avec Arkema.
Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense
Arguments des parties
43 La requérante considère que la décision attaquée viole doublement ses droits de la défense, puisque, d'une part, elle a été adoptée au terme d'une procédure dans le cadre de laquelle le principe de l'égalité des armes a été enfreint (première branche) et, d'autre part, elle a été prise par la Commission en méconnaissance de l'obligation de tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative (seconde branche).
- Sur la première branche, tirée de la violation du principe de l'égalité des armes
44 La requérante allègue que le principe de l'égalité des armes a été enfreint, puisque, d'une part, elle a été privée de la possibilité de se défendre contre les arguments exposés par la Commission dans la communication des griefs et, d'autre part, la décision a été adoptée sans que la Commission ait assumé la charge de la preuve qui lui incombait.
45 En effet, elle se serait vu priver de la possibilité de faire valoir utilement sa défense, puisque la Commission lui aurait imputé l'infraction commise par la filiale sans avancer aucun fait, aucune circonstance ni aucun document précis pouvant justifier sa culpabilité et sans lui permettre d'apporter des preuves contraires, ce qui irait à l'encontre de la jurisprudence constante relative au respect des droits de la défense. Dans de telles circonstances, toute possibilité de défense se réduirait alors à la simple affirmation contraire à la présomption retenue, sans possibilité de réfutation précise des faits concrets. Elle se trouverait ainsi dans une situation de net désavantage par rapport à la Commission, de sorte que le principe de l'égalité des armes ne serait pas respecté.
46 Dans son mémoire en réplique, la requérante précise qu'elle ne confond pas la question de fond relative à la présomption et les droits de la défense, puisque ce qu'elle entend dénoncer est l'asymétrie dans le dialogue intervenu entre elle et la Commission pendant la procédure administrative. En effet, elle n'aurait appris l'existence de l'infraction que lors des investigations menées par la Commission et n'aurait eu connaissance de sa mise en cause que lors de la réception de la communication des griefs. De surcroît, elle n'aurait pu répondre dans ses observations en réponse à la communication des griefs à l'accusation laconique portée contre elle et aurait été ainsi privée de la possibilité de cibler sa défense sur des éléments concrets qui auraient dû être rapportés par la Commission pour corroborer la présomption, mais qui ne l'ont pas été.
47 La requérante fait également observer qu'il ressort expressément de l'audition et des propos d'un fonctionnaire de la Commission que la politique menée par cette dernière vise à décourager et à prévenir la commission d'infractions futures et que, par principe, il ne lui serait pas possible de se défendre contre une infraction qui n'a pas encore eu lieu. Cette approche finaliste de la Commission aurait permis de sanctionner Atofina de façon beaucoup plus sévère que le droit positif ne l'autorisait à le faire et aurait causé une violation patente des droits de la défense en l'empêchant d'assurer une défense utile.
48 Elle allègue également qu'il ressort de la jurisprudence que, lorsque la Commission ne fournit aucune preuve documentaire à l'appui de sa thèse, cette dernière peut être combattue au moyen d'un faisceau d'indices et qu'il est suffisant pour la requérante de démontrer l'existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l'existence d'une violation des règles de la concurrence communautaire.
49 La Commission conteste les arguments de la requérante.
- Sur la seconde branche, tirée d'une violation de l'obligation de tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative
50 La requérante fait valoir que le respect des droits de la défense imposait également à la Commission de tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative avant d'adopter la décision attaquée et d'abandonner, au besoin, les griefs qui se révélaient mal fondés.
51 Elle reproche à la Commission de n'avoir respecté cette obligation que de façon formelle, sans avoir effectivement pris en compte ses arguments réfutant la présomption d'imputabilité telle qu'elle lui a été appliquée dans la communication des griefs. Une telle attitude de la part de la Commission réduirait à néant l'intérêt de la procédure administrative et conduirait à une violation des droits de la défense. Selon elle, l'intérêt de la procédure administrative est de permettre un dialogue qui donne une chance à l'entreprise mise en cause de défendre ses droits en répondant aux griefs et d'amener ainsi la Commission soit à changer sa position, soit au moins à expliquer sa position finale en motivant sa décision par rapport aux éléments invoqués en défense dans la réponse à la communication des griefs.
52 Le refus de la Commission de discuter les éléments factuels avancés par la requérante pour renverser la présomption aboutirait à supprimer de facto le principe du contradictoire pendant la procédure administrative.
53 La Commission rétorque qu'elle a effectivement analysé les arguments avancés par la requérante en réponse à la communication des griefs et a conclu que, dans la mesure où ils ne reposaient pas sur des preuves, ils ne suffisaient pas à renverser la présomption.
Appréciation du Tribunal
54 Il convient d'examiner ensemble les deux branches du présent moyen.
55 Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l'entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction au traité (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 10, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310-93 P, Rec. p. I-865, point 21).
56 L'article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1-2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l'envoi aux parties d'une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 67), pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n'adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 109, et la jurisprudence citée).
57 Toutefois, cette indication peut être donnée de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 14), car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487, point 70). Pour cette raison, la Commission peut, et même doit, tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative, pour, notamment, abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 67, et la jurisprudence citée).
58 En l'espèce, en premier lieu, il convient de constater qu'il ressort des points 215 à 221 de la communication des griefs que la Commission a rappelé les principes relatifs à l'imputation de la responsabilité pour la violation de l'article 81 CE. Ainsi énonce-t-elle que, pour déterminer si une société-mère doit être considérée comme responsable du comportement illégal d'une filiale, il convient d'établir que la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par sa société-mère. Elle indique également qu'il peut être présumé que, en principe, une filiale à 100 % applique nécessairement la politique tracée par la société-mère.
59 En second lieu, il convient de relever qu'Atofina et Elf Aquitaine ont été destinataires de la communication des griefs et qu'il ressort explicitement du point 239 de ladite communication que, étant donné qu'au moment de l'infraction Elf Aquitaine détenait 98 % du capital d'Atofina, la Commission considérait qu'il convenait de lui imputer la responsabilité conjointe et solidaire de l'infraction.
60 Il s'ensuit que la requérante a effectivement eu connaissance du grief retenu contre elle et était en mesure d'y répondre tant dans le cadre de ses observations en réponse à la communication des griefs que lors de l'audition auprès du conseiller-auditeur. En particulier, elle aurait pu démontrer, au cours de la procédure administrative, que sa filiale Atofina déterminait sa politique commerciale de façon autonome de sorte qu'elle ne constituait pas, avec celle-ci, une entité économique et, par conséquent, une seule entreprise au sens de l'article 81 CE. Elle était donc en mesure de répondre à tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission s'est fondée dans la décision attaquée.
61 Il résulte de ce constat que la requérante reste en défaut d'établir dans quelle mesure la procédure administrative a pu violer ses droits de la défense et que le présent moyen n'est donc pas fondé. Cette conclusion n'est remise en cause par aucune des allégations de la requérante relatives à la prétendue violation, d'une part, du principe de l'égalité des armes et, d'autre part, de l'obligation de tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative.
62 S'agissant des allégations invoquées dans le cadre de la première branche, il convient de rappeler que le principe de l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir Cour eur. D. H., arrêts Dombo Beheer BV c. Pays-Bas du 27 octobre 1993, série A n° 274, § 33 ; Ernst e.a. c. Belgique du 15 juillet 2003, § 60, et Vezon c. France du 18 avril 2006, § 31).
63 Indépendamment de la portée devant être attribuée en l'espèce à ce principe, qui constitue l'un des éléments de la notion plus large du procès équitable et qui exige un " juste équilibre " entre les parties, il convient de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, elle ne se trouvait pas dans une situation de net désavantage par rapport à la Commission en raison du fait que cette dernière lui a opposé la présomption simple de responsabilité fondée sur l'existence de liens capitalistiques avec Arkema. Il lui était loisible, dans le cadre de ses observations en réponse à la communication des griefs et lors de l'audition auprès du conseiller-auditeur, de présenter tous les éléments de droit et de fait en vue de renverser cette présomption (voir point 60 ci-dessus) et, dès lors, d'influencer ainsi la décision finale de la Commission. En effet, la Commission devait tenir compte de tels éléments, conformément à la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, pour, le cas échéant, abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés.
64 Il convient également de rejeter le grief selon lequel l'imputation à la requérante de la responsabilité de l'infraction commise par Arkema serait insuffisamment étayée, dans la décision attaquée, pour justifier sa responsabilité. En effet, il ressort explicitement des considérants 217 à 220 de la décision attaquée que la Commission a rappelé les principes applicables à l'imputation aux sociétés-mères des infractions commises par leurs filiales. Le fait que la Commission n'a diligenté aucune enquête à son égard, ne lui a pas adressé de demande de renseignements et ne l'a pas contactée avant l'envoi de la communication des griefs ne saurait remettre en cause le fait que la Commission pouvait l'informer des griefs retenus à son égard, pour la première fois, dans la communication des griefs. En effet, la requérante a été en mesure de faire utilement connaître son point de vue au cours de la procédure administrative sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués par la Commission dans sa communication des griefs, tant dans ses observations en réponse à la communication des griefs que lors de l'audition auprès du conseiller-auditeur.
65 Cette considération ne saurait être remise en cause par la prétendue approche finaliste suivie par la Commission, consistant à sanctionner plus sévèrement que le droit positif ne l'autorisait à le faire les entreprises ayant enfreint le droit de la concurrence. En effet, la requérante avait été informée au stade de la communication des griefs que la responsabilité de l'infraction lui serait imputée si elle ne renversait pas la présomption selon laquelle elle exerçait une influence déterminante sur sa filiale ayant commis l'infraction.
66 Quant à l'argument selon lequel la Commission n'aurait pas assumé la charge de la preuve qui lui incombait concernant l'imputation de l'infraction alléguée, il convient de considérer que cet argument est relatif au fond du litige et fera l'objet d'un examen dans le cadre du quatrième moyen soulevé par la requérante et tiré de la violation des règles gouvernant l'imputabilité à une société-mère des infractions commises par sa filiale.
67 Il résulte de ce qui précède que le principe de l'égalité des armes n'a pas été violé au cours de la procédure administrative ayant précédé la décision attaquée.
68 S'agissant de la seconde branche du présent moyen, tirée de la violation par la Commission de l'obligation de tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative, le grief de la requérante consiste, en substance, à considérer que la Commission n'a pas pris en compte ses arguments visant à renverser la présomption de responsabilité tels qu'ils ressortent de ses observations en réponse à la communication des griefs.
69 Or, force est de constater que ce grief n'est pas fondé. En effet, il ressort des considérants 257 et 261 de la décision attaquée que la Commission a explicitement pris en considération les arguments invoqués par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs. Elle a estimé que ces arguments ne constituaient pas des preuves suffisantes pour que la présomption, reposant sur la détention de 98 % des actions d'Arkema, soit écartée. Elle a précisé que les arguments de la requérante étaient de simples affirmations qui n'écartaient pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine était responsable des actes de sa filiale (considérant 258 de la décision attaquée).
70 De surcroît, étant donné que la requérante a été en mesure de répondre au grief explicitement exposé dans la communication des griefs qui lui a été adressée et d'exposer sa défense lors de l'audition auprès du conseiller-auditeur, le principe du contradictoire a été respecté au cours de la procédure administrative.
71 Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le principe du contradictoire ne saurait être violé parce que la Commission n'a pas engagé un dialogue avec elle sur les éléments de sa réponse à la communication des griefs. En effet, il ne ressort pas du règlement n° 1-2003 et du règlement (CE) n° 773-2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), que la Commission a l'obligation de répondre à chacun des arguments de la requérante avant d'adopter sa décision finale, celle-ci pouvant se limiter à examiner si la société-mère avait apporté, aux fins de renverser la présomption de responsabilité, des éléments de preuve démontrant que sa filiale déterminait de façon autonome son comportement sur le marché.
72 Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen, tiré d'une insuffisance de motivation
Arguments des parties
73 En premier lieu, la requérante fait observer que la Commission, en décidant de lui imputer la responsabilité de l'entente à laquelle a participé Atofina sur le seul fondement du niveau de détention du capital, sans aucune autre explication, s'écarte de manière substantielle de sa pratique décisionnelle et interprète la jurisprudence de façon nouvelle. Compte tenu de cette nouvelle approche, reconnue par la Commission au considérant 260 de la décision attaquée, celle-ci se devait de motiver très substantiellement l'imputation de l'infraction à Elf Aquitaine.
74 En effet, la Commission se serait contentée d'imputer à la société-mère, en vertu d'une présomption, des infractions commises par sa filiale, dès lors que la première détient 100 % du capital de la seconde, et cela en dehors de toute circonstance, de tout comportement ou fait spécifique qui viendrait démontrer l'absence effective d'indépendance de la filiale et, partant, conforter la présomption.
75 La nouvelle approche de la Commission serait encore attestée par les interrogations d'un fonctionnaire de la Commission, lors de l'audition, relatives à l'opportunité et au bien-fondé de la présomption.
76 En second lieu, la requérante considère que la Commission a également méconnu l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l'article 253 CE, dans la mesure où elle a rejeté ses arguments en n'invoquant aucune preuve documentaire précise et en répondant par de simples affirmations. Elle relève à cet égard que la Commission s'est contentée de répondre, au considérant 258 de la décision attaquée, que des documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale ne sont pas suffisants pour écarter la présomption, sans expliquer pour quelle raison. À propos de la question de l'autonomie de la filiale d'Elf Aquitaine, la Commission aurait simplement énoncé que la division des tâches constitue un phénomène normal au sein d'un groupe de sociétés sans fournir d'indications plus précises permettant à la requérante de répondre par d'autres preuves documentaires. De surcroît, la Commission ne ferait aucune analyse du faisceau de preuves apporté par Elf Aquitaine pour combattre le nouveau critère d'imputabilité aux sociétés-mères des infractions commises par leurs filiales.
77 La requérante précise que la Commission ne peut justifier l'absence de motivation par la distinction artificielle et inopérante entre les exigences de preuve de l'infraction et celles de l'imputabilité, ou par la jurisprudence.
78 La Commission conclut au rejet du moyen.
Appréciation du Tribunal
79 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 58). Ainsi incombe-t-il à la Commission de développer son raisonnement d'une manière explicite lorsqu'elle prend dans le cadre de sa pratique décisionnelle une décision qui va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (voir arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213-95 et T-18-96, Rec. p. II-1739, point 226, et la jurisprudence citée).
80 Il ressort également de la jurisprudence que, lorsqu'une décision d'application de l'article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d'imputabilité de l'infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l'égard de chacun des destinataires, particulièrement de ceux d'entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction (arrêts du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38-92, Rec. p. II-211, point 26, et du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T-330-01, Rec. p. II-3389, point 93).
81 En premier lieu, s'agissant du grief selon lequel la Commission devait davantage motiver l'imputation de la responsabilité à Elf Aquitaine, il ressort des considérants 217 à 220 de la décision attaquée que la Commission a résumé, en référence à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les principes qu'elle entendait appliquer pour définir les destinataires de la décision attaquée. Ainsi a-t-elle rappelé que, pour déterminer si une société-mère doit être considérée comme responsable du comportement illégal d'une filiale, il convient d'établir que la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société-mère (considérant 218 de la décision attaquée). Elle a précisé qu'il pouvait être présumé que, en principe, une filiale à 100 % applique nécessairement la politique tracée par la société-mère (considérant 219 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué qu'elle avait adressé la communication des griefs à Elf Aquitaine compte tenu du fait que, à l'époque de l'infraction, Elf Aquitaine détenait 98 % du capital d'Atofina et a donné les raisons pour lesquelles elle considérait que les arguments avancés par la requérante en réponse à la communication des griefs ne permettaient pas de renverser la présomption selon laquelle cette dernière exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale (considérants 258 à 261 de la décision attaquée).
82 Il convient également de relever qu'il ressort du considérant 257 de la décision attaquée qu'Elf Aquitaine a indiqué dans ses observations en réponse à la communication des griefs, notamment, qu'elle était une " holding pure ", sans fonction opérationnelle, et qu'Atofina jouissait d'une autonomie complète pour ce qui est de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché. Dès lors, dans la mesure où la requérante s'est défendue en essayant de démontrer dans sa réponse à la communication des griefs l'autonomie du comportement de sa filiale sur le marché, elle avait effectivement compris qu'il lui incombait de renverser la présomption de responsabilité que la Commission envisageait de retenir à son égard.
83 Il résulte de ce qui précède que la Commission a fourni une motivation suffisante des raisons pour lesquelles elle avait décidé d'imputer à la requérante le comportement d'Arkema.
84 En second lieu, Elf Aquitaine soutient que la Commission n'a pas suffisamment exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les arguments avancés afin de renverser la présomption de responsabilité de la société-mère devaient être écartés et n'a fait aucune analyse du faisceau de preuves apporté.
85 À cet égard, il ressort du considérant 258 de la décision attaquée que " [l]a Commission considère que le fait qu'Elf Aquitaine détienne 98 % des actions dans Atofina est suffisant en lui-même pour imputer la responsabilité des actions d'Atofina à Elf Aquitaine. La Commission estime que les arguments mentionnés [par Elf Aquitaine] ne constituent pas des preuves suffisantes pour que la présomption, basée sur la détention de 98 % des actions, soit écartée ". Elle précise, dans le même considérant, que " ces arguments sont des affirmations qui n'écartent pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale Atofina " et qu'elle ne considère pas que des " documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale soient suffisants pour écarter la présomption ".
86 Il y a lieu de constater que, bien que la Commission ait explicitement affirmé, au considérant 258 de la décision attaquée, que la détention de 98 % du capital était suffisante pour imputer la responsabilité des actions d'Atofina à Elf Aquitaine, elle a néanmoins précisé, dans la suite dudit considérant, que les preuves apportées par la requérante ne permettaient pas de renverser la présomption. Or, de telles considérations s'inscrivent dans la jurisprudence communautaire relative à l'imputation à la société-mère des comportements infractionnels de sa filiale. Il en résulte que le raisonnement de la Commission est suffisamment explicite et permet de comprendre les raisons pour lesquelles elle a écarté les arguments avancés par Elf Aquitaine.
87 Quant au prétendu défaut de motivation concernant les raisons pour lesquelles les arguments d'Elf Aquitaine ont été écartés, force est de constater que la Commission a mentionné, au considérant 257 de la décision attaquée, lesdits arguments tels qu'ils avaient été exposés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs. Elle y a répondu aux considérants 258 à 261 de la décision attaquée.
88 En particulier, il y a lieu de relever que la Commission a considéré qu'Elf Aquitaine s'était limitée à formuler des affirmations et que les documents qu'elle avait fournis ne donnaient qu'un aperçu général de la gestion commerciale de la société.
89 Une telle réponse aux arguments avancés par Elf Aquitaine, quoique succincte, permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a rejeté ceux-ci. En effet, la Commission a répondu aux points essentiels des arguments d'Elf Aquitaine, en considérant l'ensemble des éléments de preuves apportés par celle-ci.
90 En tout état de cause, il n'incombait pas à la Commission de répondre à toutes les objections de la requérante. En effet, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T-349-03, Rec. p. II-2197, point 64, et la jurisprudence citée).
91 En procédant de la sorte, la Commission a, par conséquent, donné à la décision attaquée une motivation suffisante conforme aux exigences de l'article 253 CE.
92 Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de la contradiction des motifs entre l'imputation de l'infraction à Elf Aquitaine et la reconnaissance de la participation à un niveau de responsabilité peu élevé d'Atofina à l'infraction
Arguments des parties
93 La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d'une contradiction de motifs en ce qu'elle met en évidence que les représentants des entreprises ayant participé à l'entente litigieuse occupaient un poste hiérarchique peu élevé tout en imputant la responsabilité de leur comportement à la société-mère.
94 Elle souligne que la décision attaquée atteste que, chez les protagonistes de l'entente, et notamment chez Atofina, ce sont principalement les chefs de vente chargés de l'AMCA qui participaient aux réunions litigieuses. Selon elle, la position hiérarchique très peu élevée des participants aurait dû conduire la Commission à conclure que la requérante était demeurée étrangère à l'infraction.
95 La requérante précise que la Commission fait une erreur concernant la charge de la preuve. Elle ne prétend pas qu'il incombait à la Commission d'apporter la preuve positive qu'Elf Aquitaine avait eu conscience de participer à l'infraction, mais qu'elle devait prendre en considération le fait que la société-mère ne savait rien de l'infraction pour écarter sa propre responsabilité.
96 La Commission rétorque qu'elle n'a pas à démontrer que la société-mère avait conscience de participer à une entente ou sa participation directe et que, dès lors, il n'y aurait aucune contradiction à constater le niveau hiérarchique relativement faible des participants aux réunions anticoncurrentielles et à imputer cette infraction à la société-mère formant avec sa filiale l'entreprise qui a commis l'infraction.
Appréciation du Tribunal
97 Il convient de considérer que le niveau de responsabilité du personnel ayant participé à l'entente importe peu, puisque ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81 CE, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. Dès lors, le fait que la société-mère n'avait pas connaissance de l'infraction commise par sa filiale ne saurait suffire pour écarter sa responsabilité.
98 Il s'ensuit que la Commission ne s'est pas contredite en affirmant, d'une part, que l'infraction avait été réalisée au niveau des chefs de vente et, d'autre part, en imputant à la société-mère les infractions commises par sa filiale.
99 Partant, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des règles gouvernant l'imputabilité à une société-mère des infractions commises par sa filiale
100 La requérante subdivise son moyen en trois branches. Selon la première branche, la Commission aurait méconnu l'encadrement par le juge communautaire de son pouvoir d'imputer à une société-mère les infractions commises par sa filiale. Selon la deuxième branche, la Commission aurait enfreint le principe d'autonomie des filiales en imputant à Elf Aquitaine l'infraction commise par sa filiale sur le fondement d'une présomption non étayée par des éléments concrets. Selon la troisième branche, la Commission aurait violé le régime probatoire gouvernant l'imputabilité des infractions au sein des groupes de sociétés.
Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de l'encadrement du pouvoir de la Commission quant à l'imputation à la société-mère des infractions commises par sa filiale
- Arguments des parties
101 Selon la requérante, la Commission ne jouit pas d'une marge discrétionnaire pour déterminer le critère pertinent de l'imputabilité des infractions, contrairement à ce qu'elle affirme au considérant 260 de la décision attaquée, mais est soumise à un contrôle juridictionnel qui ne cesse de se renforcer.
102 Le " périmètre " de l'entreprise à condamner et l'imputation de la responsabilité dépendraient toujours des circonstances de l'espèce, ce qui obligerait la Commission à prendre en compte les indices spécifiques de nature, dans chaque cas, à conforter ou à renverser la présomption. L'existence et l'impact des indices ne sauraient en conséquence dépendre du bon vouloir de la Commission, mais uniquement des circonstances de chaque affaire.
103 La Commission rétorque qu'elle n'a jamais affirmé jouir d'une marge discrétionnaire pour déterminer le critère pertinent de l'imputabilité des infractions. Elle fait observer qu'elle s'est limitée à affirmer au considérant 260 de la décision attaquée que, même si elle n'a pas imputé la responsabilité à la société-mère dans sa décision C (2003) 4570, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (affaire COMP/E-2/37.857 - Peroxydes organiques) (résumé publié au JO 2005, L 110, p. 44, ci-après la " décision peroxydes organiques "), cela ne l'empêche pas de faire valoir cette responsabilité en l'espèce.
104 La Commission rappelle, à cet égard, le principe selon lequel elle n'est pas tenue d'appliquer systématiquement la présomption dans toutes ses décisions, y compris si la même entreprise est en cause (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290).
- Appréciation du Tribunal
105 Il convient de constater que la Commission ne prétend pas disposer d'un pouvoir discrétionnaire pour imputer à une société la responsabilité des infractions commises par une autre société. En effet, si la Commission a affirmé au considérant 260 de la décision attaquée qu'elle disposait d'" une marge discrétionnaire concernant l'imputation de responsabilité à la société-mère dans de telles circonstances ", ce n'est qu'après avoir souligné, au considérant 258 de la décision attaquée, que la requérante n'avait pas réussi à renverser la présomption d'autonomie de sa filiale. En outre, il ressort clairement de la décision attaquée que l'observation formulée au considérant 260 visait uniquement à écarter l'argument tiré de l'absence d'imputation, dans des décisions antérieures adressées à Atofina, du comportement de cette dernière à la société-mère. De surcroît, au cours de l'audience et dans ses écritures, la Commission a indiqué qu'elle considérait effectivement que sa marge d'appréciation intervient au stade où, lorsqu'elle est en mesure d'imputer la responsabilité d'une infraction à plusieurs sociétés d'un groupe, elle choisit de l'imputer à toutes les sociétés du groupe ou seulement à celles qui ont directement participé à l'infraction.
106 Il est par ailleurs bien établi que la notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170-83, Rec. p. 2999, point 11, et du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T-234-95, Rec. p. II-2603, point 124).
107 Ainsi, le comportement anticoncurrentiel d'une entreprise peut il être imputé à une autre lorsqu'elle n'a pas déterminé son comportement sur le marché de façon autonome, mais a appliqué pour l'essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard, en particulier, aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C-294-98 P, Rec. p. I-10065, point 27, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 117).
108 Il résulte aussi de ce qui précède que le pouvoir d'imputer à la société-mère la responsabilité des infractions commises par ses filiales ne peut être qualifié de discrétionnaire, mais est encadré par la jurisprudence communautaire.
109 Partant, la Commission n'a pas méconnu l'encadrement par le juge communautaire de son pouvoir d'imputer à une société-mère des infractions commises par sa filiale.
Sur la deuxième branche, tirée du fait que l'application de la présomption d'imputabilité, non étayée par des éléments de preuve concrets, enfreint le principe d'autonomie de la filiale
- Arguments des parties
110 La requérante considère que le renversement de la charge de la preuve opéré par la Commission viole le principe unanimement reconnu de l'autonomie de la personne morale, en particulier de la filiale d'un groupe de sociétés. Ce principe général d'autonomie de la personne morale comprendrait à la fois le principe d'autonomie juridique et le principe d'autonomie économique. De surcroît, elle fait valoir que le principe d'autonomie de la filiale se trouve enfreint par le fondement finaliste de l'imputation de l'infraction litigieuse à Elf Aquitaine, à savoir maximiser l'amende infligée pour la participation d'Atofina à l'entente.
111 Concernant le principe d'autonomie juridique de la filiale, la requérante fait valoir qu'il a été consacré par le droit des sociétés, même pour les filiales contrôlées à 100 % par leur société-mère. Il découlerait des attributs de la personnalité morale, qui confère notamment une pleine capacité juridique et un patrimoine propre à chaque société. Ce principe serait un principe général de droit français des sociétés consacré par le code de commerce et le code civil français, que la doctrine française rattacherait au principe libéral de valeur constitutionnelle énoncé par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
112 La Commission aurait reconnu elle-même, aux considérants 216 et 221 de la décision attaquée, le principe d'autonomie juridique de la personne morale et, en particulier, des filiales, en affirmant que, " pour identifier les destinataires de la décision, il convient de déterminer les personnes morales auxquelles doit être imputée la responsabilité de l'infraction ". Selon la requérante, c'est effectivement l'autonomie juridique qui permettrait de déterminer le " périmètre " de l'imputabilité des infractions au droit de la concurrence, notamment au sein des groupes de sociétés. La personne morale serait en effet la seule entité juridique, en tant que telle, dotée d'un patrimoine propre et capable de répondre d'agissements anticoncurrentiels et, notamment, d'en assumer les conséquences pécuniaires.
113 Selon la requérante, la Commission limite erronément le champ d'application dudit principe en en excluant la filiale contrôlée à 100 % par sa société-mère. En effet, le " périmètre " de la responsabilité pour les pratiques anticoncurrentielles d'une filiale détenue à 100 % recouvrirait deux personnes morales, la filiale et sa société-mère. La présomption telle qu'appliquée par la Commission, non accompagnée d'éléments de preuve concrets propres à l'espèce de nature à la conforter, anéantirait l'autonomie juridique de la filiale détenue à 100 %. Le groupe et a fortiori le sous-groupe composé d'une filiale et de sa société-mère ne bénéficieraient pas d'une pleine autonomie juridique, faute d'être dotés de la personnalité morale.
114 Concernant le principe d'autonomie économique, la requérante soutient qu'il constitue le prolongement logique et nécessaire du principe d'autonomie juridique. Dans la mesure où elle dispose de tous les attributs juridiques que lui confère la personnalité morale pour répondre seule de ses agissements sur le marché, la filiale serait réputée exercer, en principe, son activité économique de manière autonome par rapport à sa société-mère.
115 La requérante fait observer qu'il ressort de la jurisprudence française que l'autonomie économique des filiales est de principe et ne peut être remise en cause que de manière exceptionnelle, de telle sorte que toute présomption d'immixtion de la société-mère dans la politique commerciale de la filiale ne peut être confortée que par des indices concrets apportés par la partie qui l'invoque. Selon la jurisprudence française, le contrôle de la société-mère sur ses filiales serait avant tout celui que la loi confère à tout associé ou actionnaire et qui vise à permettre de s'assurer de la bonne marche des affaires de la filiale et de la rentabilité de l'investissement que la société-mère a effectué dans sa filiale. Il ne saurait être confondu avec l'immixtion dans la gestion de la filiale. Cette conception de l'autonomie économique de la filiale serait également celle retenue par les autorités de la concurrence françaises ainsi que par les juridictions américaines.
116 L'autonomie économique de principe de la filiale, même contrôlée à 100 % par sa société-mère, aurait également été reconnue par le juge communautaire et par la Commission elle-même.
117 Selon la requérante, la Commission se serait toujours attachée à démontrer la réalité de la dépendance économique des filiales dont le capital était intégralement détenu par la société-mère par des éléments spécifiques attestant de l'influence effective de cette dernière sur les décisions de sa filiale. Dans des cas où elle ne possédait aucun élément démontrant que la société-mère avait influencé la politique commerciale de la filiale, la Commission se serait toujours gardée d'imputer à la société-mère l'infraction commise par sa filiale.
118 La requérante fait valoir que, en affirmant que le fait qu'elle détienne 98 % des actions d'Atofina est suffisant en lui-même pour lui imputer la responsabilité des actions de cette dernière, la Commission enfreint clairement la jurisprudence communautaire et l'autonomie économique de principe dont Atofina doit bénéficier.
119 La Commission ne conteste pas que le principe d'autonomie de la personne morale soit consacré en droit des sociétés ni qu'il soit nécessaire de déterminer la personne morale ou physique qui doit répondre d'une infraction, mais fait valoir que ce principe n'est pas incompatible avec la présomption selon laquelle une filiale détenue à 100 % applique nécessairement la politique tracée par sa société-mère.
120 En effet, conformément à la jurisprudence communautaire, la détention par une société-mère de la totalité ou de la quasi-totalité du capital d'une filiale permettrait seulement de présumer que ces sociétés font partie d'une même entreprise au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, cette présomption étant susceptible d'être renversée. Cependant, il incomberait à la partie concernée de fournir des éléments de preuve suffisants à cette fin (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, ci-après l'" arrêt Stora ", point 29). Il s'agirait ainsi d'une présomption simple, pouvant être renversée par toute preuve contraire apportée par l'entreprise.
- Appréciation du Tribunal
121 Il ressort d'une jurisprudence constante que la notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts Hydrotherm Gerätebau, précité, point 11, et DSG/Commission, précité, point 124).
122 La circonstance qu'une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société-mère, notamment lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société-mère (arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T-66-99, Rec. p. II-5515, point 122).
123 Dès lors, c'est à bon droit que, lorsqu'un groupe de sociétés constitue une seule et même entreprise, la Commission impute la responsabilité d'une infraction commise par ladite entreprise et inflige une amende à la société responsable de l'action du groupe dans le cadre de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt Minoan Lines/Commission, précité, point 122).
124 En l'espèce, force est de constater que ce n'est pas le groupe Elf Aquitaine, qui n'est pas doté de la personnalité morale, qui a enfreint l'article 81 CE, mais, d'une part, la société-mère Elf Aquitaine, qui a été tenue responsable des agissements de sa filiale détenue à 98 % au motif qu'elle exerçait une influence déterminante sur le comportement de celle-ci, et, d'autre part, Atofina, qui a matériellement commis l'infraction. Eu égard au fait qu'Elf Aquitaine et Arkema constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE (voir point 174 ci-après) en dépit de leurs personnalités juridiques distinctes, c'est à bon droit que la Commission pouvait imputer la responsabilité conjointe et solidaire pour le paiement du montant de l'amende infligée à l'article 2, sous c), de la décision attaquée.
125 Quant au grief relatif à la violation du principe d'autonomie économique de la filiale, force est de constater qu'il doit être rejeté. En effet, il importe de rappeler que, si la détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital permet de présumer qu'une société-mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, et, par conséquent, qu'elles font partie d'une même entreprise, cette présomption d'absence d'autonomie de la filiale est susceptible d'être renversée par la partie concernée, à qui il incombe de fournir des éléments de preuve suffisants (voir, en ce sens, arrêt Stora, point 29). Ladite présomption, telle qu'appliquée en l'espèce, ne remet donc pas en cause l'autonomie commerciale de la filiale.
126 Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche comme non fondée.
Sur la troisième branche, tirée de la violation du régime probatoire gouvernant l'imputabilité des infractions au sein des groupes de sociétés
- Arguments des parties
127 En premier lieu, la requérante considère qu'il appartenait à la Commission d'établir que sa filiale ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais appliquait pour l'essentiel les instructions qui lui étaient imparties par la société-mère et que, en l'espèce, la Commission s'est limitée à relever le lien capitalistique l'unissant à Atofina.
128 Elle fait observer la différence de traitement résultant, d'une part, de la motivation succincte de sa mise en cause, fondée sur la seule détention du capital d'Atofina et, d'autre part, de la motivation plus développée de la mise en cause d'Akzo Nobel NV pour la participation de deux de ses filiales à l'entente et de celle de Clariant AG pour la participation de sa filiale Clariant GmbH. Ainsi relève-t-elle, concernant Akzo Nobel NV, que la Commission a retenu différents éléments établissant de manière concrète la centralisation du pouvoir de décision concernant les activités de l'ensemble des filiales du groupe au niveau de la société-mère et l'implication directe du conseil d'administration d'Akzo Nobel NV dans l'infraction.
129 En second lieu, la requérante considère que la Commission a violé l'obligation de tenir compte du faisceau d'indices apporté par Elf Aquitaine attestant de l'autonomie d'Atofina sur le marché. Selon elle, l'interprétation erronée par la Commission de la jurisprudence invoquée ne peut justifier l'absence de prise en compte dudit faisceau d'indices.
130 Elf Aquitaine relève ainsi, tout d'abord, qu'Atofina disposait d'une véritable autonomie décisionnelle sur le marché.
131 Premièrement, elle fait valoir qu'elle n'était qu'une holding non opérationnelle au sein d'un groupe caractérisé par une gestion décentralisée de ses filiales. Elle était ainsi essentiellement une " direction financière " placée au sommet du groupe Elf Aquitaine.
132 Deuxièmement, la requérante fait observer qu'Atofina définissait de manière autonome ses orientations stratégiques, qui étaient consolidées dans des plans d'activités (business plans). Elle a précisé, au cours de l'audience, que ces plans, eu égard aux obligations pour les filiales de transmettre un rapport de gestion à leur société-mère en vertu du droit des sociétés français, lui ont été transmis.
133 Troisièmement, la requérante souligne que la gestion de l'activité d'Atofina sur le marché n'était pas subordonnée à ses instructions. Elle rappelle que le juge communautaire, suivi en cela par la Commission au considérant 218 de la décision attaquée, conditionne l'imputation du comportement anticoncurrentiel de la filiale à sa société-mère au fait que la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société-mère. A contrario, selon elle, une filiale qui interviendrait sur le marché hors de toute instruction ou directive précise donnée par la société-mère et de tout contrôle exercé par cette dernière peut être considérée comme une entité économique autonome.
134 La requérante fait ainsi valoir qu'elle n'intervenait ni dans la fabrication des produits du secteur de la chimie, ni dans leur phase de commercialisation et que l'autonomie d'Atofina dans la conduite de son activité de l'AMCA tenait au fait que ladite activité était très modeste pour Atofina, donc a fortiori pour Elf Aquitaine, et dénuée de toute portée stratégique. En effet, le chiffre d'affaires pour l'AMCA aurait représenté moins de 0,12 % du chiffre d'affaires global d'Atofina. De plus, la différence de niveau de chiffre d'affaires entre les deux sociétés justifierait l'absence d'intérêt spécifique d'Elf Aquitaine pour un produit tel que l'AMCA. Enfin, l'activité de l'AMCA ne représenterait qu'une source de profit très modeste dans l'ensemble des activités d'Atofina.
135 Selon la requérante, le fait pour une filiale de pouvoir librement définir la gamme des produits et/ou des services qu'elle commercialise ainsi que les objectifs de vente et les marges brutes sur le marché, comme en l'espèce, constituent des indices de son autonomie commerciale par rapport à sa société-mère. À cet égard, la requérante précise qu'elle n'avait pas de clients communs avec Atofina à l'époque des faits litigieux, que les deux sociétés n'intervenaient pas sur les mêmes marchés et qu'Atofina n'intervenait sur le marché qu'en son nom et pour son propre compte, et non en représentant de la société-mère.
136 Quatrièmement, la requérante fait observer qu'Atofina ne l'informait pas de son action sur le marché. Or, le Tribunal aurait retenu comme critère de l'absence d'autonomie économique d'une filiale par rapport à sa société-mère le fait que le comité exécutif de cette dernière se tenait régulièrement informé des pratiques de ses filiales sur le marché. Elle fait valoir que, en l'espèce, Atofina n'a jamais mis en œuvre de politique d'information systématique et régulière envers elle quant à son action ou à celle de ses concurrents sur le marché, ni quant à sa clientèle. Ainsi, selon elle, à l'époque des faits litigieux, Atofina ne lui fournissait qu'une information générale sur l'ensemble de ses activités à travers notamment les plans d'activités qui n'entraient pas en détail dans la stratégie de chacune des activités de la branche chimie. En outre, elle soutient n'avoir pris connaissance de l'existence de l'entente qu'au moment des investigations menées par la Commission dans les locaux d'Atofina les 14 et 15 mars 2000.
137 Cinquièmement, la requérante fait valoir qu'Atofina disposait du pouvoir de contracter sans son autorisation préalable, ce qui constituerait un indice de l'autonomie sur le marché selon le conseil de la concurrence français.
138 Sixièmement, la requérante souligne qu'Atofina disposait d'une autonomie financière par rapport à elle dans la mesure où elle ne contrôlait pas l'activité de l'AMCA ni n'intervenait dans les engagements pris par sa filiale, à l'exception d'un examen des engagements très importants ayant des effets sur le haut de bilan de celle-ci, qui n'ont toutefois jamais concerné l'activité de l'AMCA.
139 Septièmement, la requérante relève qu'Atofina a toujours défini sa stratégie juridique de manière autonome dans l'affaire en cause, et cela dès le stade de l'enquête, où elle a décidé de coopérer sans lui en référer préalablement, puis a défini de façon autonome sa stratégie de défense.
140 Ensuite, la requérante soutient que l'autonomie d'Atofina est confortée par la perception que les tiers, à savoir ses clients et fournisseurs, ont de cet opérateur comme étant un acteur indépendant sur le marché. Étant donné qu'il n'existe pas de marque commune entre Atofina et Elf Aquitaine, les deux sociétés ne se confondraient pas dans l'esprit des consommateurs. De surcroît, les transactions sur l'AMCA se concluraient entre professionnels et Elf Aquitaine en serait totalement absente.
141 La requérante considère également que la Commission ne peut écarter l'indice relatif à la perception des tiers de l'autonomie économique d'Atofina, puisqu'une telle position va à l'encontre de la jurisprudence communautaire.
142 Enfin, l'autonomie commerciale d'Atofina sur le marché serait confirmée par la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, et notamment par la décision peroxydes organiques. Dans cette affaire, Elf Aquitaine ne se serait vu adresser aucun grief pour le comportement collusif de sa filiale. Or, en raison des nombreuses similitudes qui caractérisent les deux affaires - même marché géographique affecté, identité de certains participants, recoupement des périodes respectives au cours desquelles les ententes ont fonctionné, gestion identique d'Atofina par Elf Aquitaine dans ses deux secteurs d'activités -, Elf Aquitaine considère que l'imputation qui lui est faite de la participation d'Atofina à l'entente sur l'AMCA est injustifiée. Elle ajoute que le caractère fonctionnel de la notion d'entreprise ne permet pas de faire varier le " périmètre " de l'entreprise entre ces deux affaires, dont les similitudes sont apparentes.
143 La requérante précise que la Commission ne saurait lui reprocher de n'avoir pas rapporté de preuves documentaires pour conforter les indices relatifs à l'absence d'immixtion de sa part dans le comportement d'Atofina sur le marché et, plus globalement, à sa position en retrait à l'égard de sa filiale. En effet, cela reviendrait à exiger des preuves impossibles, dans la mesure où il s'agirait de rapporter la preuve d'un fait indéfini, à savoir l'autonomie de la filiale, voire négatif, à savoir l'absence d'immixtion de sa part dans la gestion par Atofina de ses activités sur le marché. La force probante de ces indices devait être appréciée par la Commission non de façon isolée, mais en lien avec les autres indices et les preuves documentaires produites, puisque c'est l'ensemble des indices qui révélerait l'image du groupe décentralisée qu'était le groupe Elf Aquitaine au moment des faits litigieux. Or, la Commission procéderait à une énumération simplifiée et tronquée des indices en appliquant à certains d'entre eux la présomption de responsabilité et la notion d'entreprise de façon distributive.
144 Dans le mémoire en réplique, contrairement à ce que présume la Commission, les membres du comité de direction générale d'Atofina en charge d'approuver les plans d'activités ne seraient pas nommés par Elf Aquitaine, mais par le président-directeur général d'Atofina. De surcroît, la requérante relève que la qualification opérée par la Commission des indices rapportés, et notamment celle selon laquelle la division des tâches est constitutive d'un phénomène normal au sein d'une telle entreprise, ne ferait pas l'objet d'un quelconque début de motivation. Il serait également contradictoire et donc erroné en droit de tenir pour normal qu'une société-mère et sa filiale ont des clientèles distinctes, opèrent sur des marchés distincts et non connexes, jouissent d'une pleine liberté contractuelle, et dans le même temps de présumer que l'une et l'autre forment une seule entité économique au sein de laquelle la filiale prendrait ses instructions de la société-mère pour agir sur le marché.
145 En premier lieu, la Commission rétorque que le fait qu'elle a mentionné l'existence d'éléments additionnels qui corroborent l'application de la présomption de responsabilité à l'égard de certaines entreprises, à savoir, en l'espèce, pour établir la coresponsabilité d'Akzo Nobel NV et de Clariant AG, ne signifie pas que, en l'absence de tels éléments, la présomption ne serait pas applicable vis-à-vis d'autres entreprises.
146 En second lieu, elle soutient que le faisceau d'indices fourni par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs visant à démontrer l'autonomie décisionnelle d'Arkema sur le marché correspond à de simples assertions non étayées par des éléments de preuve. Il incomberait à la partie concernée de renverser la présomption par des éléments de preuve suffisants (arrêt Stora, points 28 et 29), de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve ne pouvant pas renverser la présomption.
147 Ainsi la Commission fait observer qu'Elf Aquitaine se borne à affirmer qu'elle intervenait très peu dans les décisions les plus importantes de sa filiale, sans apporter de précisions. Si la requérante a précisé, dans la réplique, qu'elle entendait par " décisions les plus importantes " notamment celles " qui pouvaient avoir un impact à l'échelle du groupe tout entier ", la Commission considère qu'une telle précision ne fait que confirmer qu'Elf Aquitaine est, comme la Cour l'a affirmé dans son arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C-196-99 P, Rec. p. I-11005, point 98), la personne morale qui, à la tête du groupe, était responsable de la coordination de l'action de celui-ci et à laquelle peut donc lui être imputé l'ensemble des agissements du groupe.
148 La Commission fait également observer que, dans la mesure où la requérante affirme que les preuves démontrant l'autonomie de sa filiale sont impossibles à rapporter, elle admet elle-même ne pas avoir rapporté lesdites preuves. À cet égard, la Commission ne nie pas que renverser la présomption soit difficile, mais estime que cela ne signifie pas pour autant que la présomption doive être considérée comme irréfragable.
149 S'agissant de la méthode utilisée pour l'examen des indices, la Commission considère que, si aucun des indices apportés ne démontre l'autonomie d'Atofina, leur combinaison ne change rien à cette conclusion.
- Appréciation du Tribunal
150 Il ressort du considérant 258 de la décision attaquée que la Commission a considéré que le fait qu'Elf Aquitaine détenait 98 % du capital d'Atofina était suffisant en lui-même pour lui imputer la responsabilité des actions d'Atofina. Elle a estimé que les arguments apportés par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs ne constituaient pas des preuves suffisantes pour que la présomption fondée sur la détention du capital soit écartée.
151 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion d'entreprise au sens de l'article 81 CE inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu'une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 54, et la jurisprudence citée).
152 Ce n'est donc pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et la filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. En effet, le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens de l'article 81 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt Michelin/Commission, précité, point 290).
153 Dans le cas particulier où une société-mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société-mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, point 50, et arrêt PVC II, points 961 et 984) et elles constituent donc une seule entreprise au sens de l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 59). Il incombe, dès lors, à la société-mère contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuves susceptibles de démontrer l'autonomie de cette dernière (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314-01, Rec. p. II-3085, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt Stora, point 29). Si la présomption n'est pas renversée, la Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société-mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale.
154 À cet égard, il y a lieu de souligner que, s'il est vrai que la Cour a évoqué, aux points 28 et 29 de l'arrêt Stora, hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d'autres circonstances, telles que l'absence de contestation, par la société-mère, de l'influence exercée par celle-ci sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n'en demeure pas moins que lesdites circonstances n'ont été relevées par la Cour que dans le but d'exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement pour conclure que celui-ci n'était pas fondé uniquement sur la détention de la totalité du capital de la filiale par sa société-mère. Partant, le fait que la Cour a confirmé l'appréciation du Tribunal dans cette affaire ne saurait avoir pour conséquence de modifier le principe consacré au point 50 de l'arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité.
155 Il ressort en outre de la jurisprudence que, si une société-mère détient la quasi-totalité du capital de sa filiale, il peut raisonnablement en être conclu que ladite filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché et qu'elle forme par conséquent, avec sa société-mère, une entreprise au sens de l'article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, précité, point 290).
156 Dans ces conditions, dès lors que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société-mère et que, par conséquent, cette dernière est en mesure d'exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale, il incombe à la société-mère de renverser la présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, la Commission sera en mesure, par la suite, de tenir la société-mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale.
157 Il s'ensuit que le grief de la requérante selon lequel la Commission a méconnu le régime probatoire gouvernant l'imputabilité des infractions au sein des groupes de sociétés ne saurait être accueilli. En effet, dans la mesure où la quasi-totalité du capital était détenue, à l'époque de l'infraction, par Elf Aquitaine, c'est à bon droit que la Commission pouvait présumer son absence d'autonomie et considérer qu'il appartenait à Elf Aquitaine d'apporter des éléments de preuve démontrant que sa filiale déterminait de façon autonome sa ligne d'action sur le marché.
158 C'est dans ces circonstances qu'il convient d'analyser, en l'espèce, les éléments de preuve apportés par Elf Aquitaine aux fins de renverser la présomption.
159 À cet égard, il convient de constater que la Commission reprend, au considérant 257 de la décision attaquée, les arguments avancés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs, notamment les arguments selon lesquels celle-ci n'aurait jamais participé, ni directement ni indirectement, à l'entente sur l'AMCA, elle serait une " holding pure ", sans fonctions opérationnelles, Atofina jouirait d'une autonomie complète pour ce qui est de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché, les documents figurant dans le dossier de la Commission se référeraient exclusivement à Atofina et les tiers considéreraient également que seule Atofina opérait sur le marché. Elle en conclut au considérant suivant que ces arguments sont de simples affirmations qui n'écartent pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine est responsable des actes de sa filiale, et relève que des documents fournissant un aperçu général de la gestion commerciale sont insuffisants pour écarter cette présomption.
160 En premier lieu, la requérante soutient qu'elle n'est qu'une holding non opérationnelle au sein d'un groupe caractérisé par une gestion décentralisée de ses filiales. Elle serait ainsi essentiellement une direction financière placée au sommet du groupe Elf Aquitaine. À cet égard, il convient de relever que, même à supposer qu'Elf Aquitaine ne soit qu'une direction financière, cela ne saurait suffire pour exclure qu'elle exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe Elf Aquitaine. En effet, dans le contexte d'un groupe de sociétés, une société holding a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d'en assurer l'unité de direction.
161 En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu'Atofina définissait de manière autonome ses orientations stratégiques, qui étaient consolidées dans des plans d'activités approuvés par le comité de direction générale d'Atofina avant de lui être transmis en vertu des dispositions légales applicables.
162 La requérante a effectivement transmis à la Commission, au cours de la procédure administrative, un ensemble de documents qui, toutefois, ne mettent en évidence que des plans commerciaux généraux relatifs à la chlorochimie et au PVC et à la description des activités de la filiale. Or, à supposer même que les plans d'activités soient approuvés par les organes de direction d'Atofina avant leur communication à la société-mère, comme l'affirme la requérante, ils ne permettent cependant pas d'établir qu'Elf Aquitaine ne pouvait pas les modifier, ni les rejeter, ni contrôler leur application. Dès lors, c'est à bon droit que la Commission conclut, au considérant 258 de la décision attaquée, que les documents apportés fournissent seulement un aperçu général de la gestion commerciale et sont insuffisants pour renverser la présomption de responsabilité de la requérante.
163 En troisième lieu, s'agissant des affirmations de la requérante selon lesquelles la gestion d'Atofina sur le marché n'était pas subordonnée à ses instructions et elle n'intervient pas dans la phase de fabrication ni dans celle de la commercialisation de l'AMCA, il convient de relever que de telles affirmations, par ailleurs non étayées par des éléments de preuve, ne suffisent pas à établir l'absence d'une influence déterminante de la requérante sur le comportement de sa filiale. En effet, comme le relève la Commission à juste titre, au considérant 261 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que, dans un groupe tel qu'Elf Aquitaine, la division des tâches constitue un phénomène normal qui ne renverse pas la présomption selon laquelle Elf Aquitaine et Atofina constituent une seule entreprise, au sens de l'article 81 CE.
164 Aucune conclusion ne saurait davantage être tirée du fait que l'activité de l'AMCA est une activité mineure au sein d'Atofina et a fortiori d'Elf Aquitaine, ni du fait que les deux sociétés opéraient sur des marchés distincts et n'avaient pas de liens de fournisseurs à clients. Par ailleurs, lesdits éléments ne constituent que de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve.
165 Il en est de même s'agissant de l'argument selon lequel l'autonomie d'Atofina serait confortée par la perception qu'ont les tiers, à savoir ses clients et fournisseurs, dans la mesure notamment où il n'existait pas de marques communes entre les deux sociétés. Un tel argument, qui n'est étayé par aucun élément de preuve, ne saurait à lui seul suffire à démontrer que la filiale était autonome vis-à-vis de sa société-mère.
166 En quatrième lieu, la requérante fait observer qu'Atofina ne l'informait pas de son action sur le marché et se limitait à lui fournir une information générale sur l'ensemble de ses activités à travers notamment les plans d'activités, qui n'entraient pas en détail dans la stratégie de chacune des activités de la branche chimie. En outre, elle soutient n'avoir pris connaissance de l'existence de l'entente qu'au moment de l'enquête menée par la Commission dans les locaux d'Atofina les 14 et 15 mars 2000.
167 Force est de constater que ces affirmations, comme les précédentes, ne sont ni précises ni étayées par des éléments de preuve quant aux rapports existant entre la société-mère et sa filiale. De surcroît, il importe de rappeler que ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et sa filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés (voir point 152 ci-dessus). La conclusion retenue par la Commission ne saurait dès lors être remise en cause par le fait que la requérante n'a pris connaissance de l'existence de l'entente qu'au moment de l'enquête dans les locaux d'Atofina.
168 En cinquième lieu, Elf Aquitaine fait valoir qu'Atofina disposait du pouvoir de contracter sans autorisation préalable et disposait d'une autonomie financière dans la mesure où elle ne contrôlait pas l'activité de l'AMCA et n'intervenait pas dans les engagements pris par sa filiale, à l'exception d'un examen des engagements particulièrement importants.
169 À cet égard, le Tribunal considère, à l'instar de la Commission au considérant 258 de la décision attaquée, que ces arguments ne permettent pas de renverser la présomption de responsabilité de la requérante. En effet, de tels arguments constituent, comme les précédents, de simples affirmations qui ne sont pas étayées par des éléments de preuve. De surcroît, si, ainsi que le soutient la requérante, celle-ci contrôlait les engagements les plus importants de sa filiale, cette circonstance ne fait que renforcer la conclusion de la Commission selon laquelle la filiale n'était pas autonome par rapport à sa société-mère.
170 En sixième lieu, il en est de même s'agissant du fait que, selon Elf Aquitaine, Atofina a toujours défini sa stratégie juridique de façon autonome dans l'affaire en cause, et cela dès le stade de l'enquête, à laquelle elle a décidé de collaborer sans en référer préalablement à Elf Aquitaine. À cet égard, il y a lieu d'ajouter que le fait de ne pas se présenter comme un seul interlocuteur, tant au cours de la procédure administrative qu'au stade contentieux, ne permet pas de conclure de ce fait que la filiale est autonome par rapport à sa société-mère.
171 Dès lors, les éléments apportés par la requérante, même pris dans leur ensemble, ne sauraient suffire aux fins de renverser la présomption selon laquelle la requérante exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.
172 Elf Aquitaine prétend également qu'il ne serait pas possible pour elle et sa filiale de rapporter la preuve directe, positive et irréfutable de l'autonomie de comportement sur le marché par rapport à la société-mère, puisqu'une probatio diabolica serait exigée.
173 À cet égard, il suffit de relever qu'il n'est pas exigé des parties concernées qu'elles rapportent une preuve directe et irréfutable de l'autonomie de comportement de la filiale sur le marché, mais uniquement qu'elles produisent des éléments de preuve susceptibles de démontrer cette autonomie (voir point 153 ci-dessus). En outre, la circonstance que la requérante n'a pas en l'espèce produit des éléments de preuve de nature à renverser la présomption d'absence d'autonomie ne signifie pas que ladite présomption ne peut en aucun cas être renversée. Par conséquent, l'argument de la requérante n'est pas fondé.
174 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission a considéré qu'Elf Aquitaine n'était pas parvenue à renverser la présomption selon laquelle elle exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale et que, dès lors, celles-ci formaient une entreprise, au sens de l'article 81 CE.
175 En outre, s'agissant de l'argument selon lequel la requérante aurait été traitée différemment du groupe Akzo Nobel et de Clariant du fait d'une motivation plus succincte de sa mise en cause pour la participation à l'infraction de sa filiale, il ne saurait prospérer. En effet, le raisonnement de la Commission concernant la requérante dans la décision attaquée ne diffère pas de celui concernant le groupe Akzo Nobel et Clariant (voir, respectivement, considérants 226 à 228, 231 à 233, puis 251 et 252 de la décision attaquée), dans le cadre duquel la Commission considère que la détention de la totalité du capital par les sociétés-mères suffit à présumer qu'elles exerçaient une influence déterminante sur leurs filiales.
176 Partant, eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son intégralité.
Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de plusieurs principes essentiels faisant partie intégrante de l'ordre juridique communautaire
177 Le cinquième moyen se subdivise en trois branches. La première est tirée de la méconnaissance du principe de la responsabilité du fait personnel et de son corollaire, le principe de la personnalité des peines, la deuxième de la violation du principe de légalité et la troisième de la violation du principe de la présomption d'innocence.
Sur la première branche, tirée de la violation du principe de responsabilité du fait personnel et de son corollaire, le principe de la personnalité des peines
- Arguments des parties
178 La requérante fait observer que le droit répressif, qui inclurait le droit de la concurrence, repose sur le principe fondamental de la responsabilité personnelle, en vertu duquel chacun est responsable de son propre fait, de sorte qu'aucune poursuite ne peut être exercée et aucune condamnation à une peine ne peut être prononcée contre une personne qui n'a été ni auteur, ni coauteur, ni complice d'une infraction.
179 La jurisprudence communautaire aurait également admis que la responsabilité pour la commission des infractions au droit de la concurrence a un caractère personnel (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, points 78 et 79). De surcroît, il ressortirait de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, ainsi que de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, que la Commission ne peut infliger des amendes qu'aux entreprises qui commettent une infraction aux articles 81 CE et 82 CE.
180 La requérante fait valoir que, en l'espèce, la Commission n'aurait pas établi sur la base de preuves documentaires qu'elle avait participé de manière directe ou indirecte à l'infraction. Au contraire, la Commission reconnaîtrait au considérant 261 de la décision attaquée qu'Elf Aquitaine n'a jamais pris part à celle-ci. Cette circonstance serait confortée par le fait que, durant l'enquête, la Commission n'aurait adressé aucune demande de renseignements à Elf Aquitaine ni a fortiori procédé à des investigations dans ses locaux.
181 La requérante soutient également que la Commission a enfreint le principe de la personnalité des peines, admis par la jurisprudence communautaire, qui lui impose de ne condamner au paiement d'une amende que les entreprises qui ont effectivement participé à une entente litigieuse, en vertu de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003.
182 Eu égard à la jurisprudence communautaire, elle fait valoir qu'elle ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende que si la Commission avait établi soit qu'elle avait directement ou indirectement participé à l'entente relative à l'AMCA, soit qu'elle pouvait être tenue pour responsable de la participation de sa filiale à ladite entente (arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, précité, points 34 et 38), ce qu'elle n'aurait pas fait en l'espèce. Dès lors, la Commission ne serait pas autorisée à lui infliger une amende pour une infraction qu'elle n'avait pas commise directement ou indirectement, ni à la condamner au paiement solidaire d'une amende pour une infraction qu'elle n'était pas censée avoir commise elle-même.
183 La Commission conclut au rejet du moyen.
- Appréciation du Tribunal
184 En vertu du principe d'individualité des peines et des sanctions, une personne physique ou morale ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 63), principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence (arrêt Hoek Loos/Commission, précité, point 118).
185 Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d'entreprise, au sens de l'article 81 CE, telle qu'interprétée par la jurisprudence (voir point 151 ci-dessus).
186 En effet, comme cela a été rappelé au point 152 ci-dessus, ce n'est pas une relation d'instigation relative à l'infraction entre la société-mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu'elles constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société-mère d'un groupe de sociétés. Dès lors, Elf Aquitaine a été personnellement condamnée pour une infraction qu'elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques et juridiques qui l'unissaient à Arkema et qui lui permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (voir, en ce sens, arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, précité, point 34).
187 Il s'ensuit que, en l'espèce, l'imputation à la société-mère des infractions commises par sa filiale ne va pas à l'encontre du principe d'individualité des peines et des sanctions.
188 En conséquence, il convient de rejeter cette branche tirée de la violation du principe de la responsabilité du fait personnel et de son corollaire, le principe de la personnalité des peines.
Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de légalité, et sur la troisième branche, tirée de la violation du principe de la présomption d'innocence
- Arguments des parties
189 La requérante considère que la Commission a enfreint le principe de légalité, reconnu par le juge communautaire, en ce que l'amende qui lui a été infligée ne correspondrait à aucune violation d'une quelconque disposition légale et, en particulier, de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE.
190 La requérante fait également observer que la jurisprudence communautaire impose à la Commission de respecter le principe de la présomption d'innocence lorsqu'elle applique le droit de la concurrence. En l'espèce, la Commission porterait atteinte audit principe en retenant la responsabilité d'Elf Aquitaine sur le fondement d'une présomption non étayée par des éléments factuels et sans démontrer que les conditions d'une telle responsabilité étaient réunies.
191 La Commission conclut au rejet des ces deux branches.
- Appréciation du Tribunal
192 Le principe de légalité des peines exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (arrêt de la Cour 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C-266-06 P, non publié au Recueil, point 39).
193 Il convient de relever que, en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises qui commettent notamment une infraction aux dispositions de l'article 81 CE.
194 En l'espèce, eu égard aux dispositions précitées et dans la mesure où il a été considéré qu'Elf Aquitaine et sa filiale Arkema forment une entreprise, au sens de l'article 81 CE, c'est sans violer le principe de légalité que la Commission a tenu la requérante solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée en vertu de l'article 2, sous c), de la décision attaquée.
195 Il convient également de rejeter le grief selon lequel la Commission aurait enfreint le principe de la présomption d'innocence.
196 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la présomption d'innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s'oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d'une personne accusée d'une infraction donnée dans une décision mettant fin à l'action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l'exercice des droits de la défense dans le cadre d'une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (arrêt du Tribunal du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T-474-04, Rec. p. II-4225, point 76).
197 En l'espèce, il convient tout d'abord de constater que l'infraction en cause a été reconnue par la filiale de la requérante. Ensuite, il y a lieu de relever que la Commission a présumé qu'Elf Aquitaine était responsable du comportement de sa filiale en raison du fait qu'elle détenait 98 % du capital de celle-ci. Elf Aquitaine n'ayant pas renversé la présomption de l'exercice d'une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale, la Commission lui a donc imputé la responsabilité du comportement infractionnel de celle-ci. Dès lors la requérante n'a pas été sanctionnée du fait de sa participation à l'infraction, mais parce qu'elle était responsable, en tant que société-mère, du comportement infractionnel de sa filiale.
198 Par ailleurs, comme le Tribunal l'a jugé dans le cadre de l'examen du premier moyen, relatif à la prétendue violation des droits de la défense, la requérante a été en mesure de faire utilement connaître son point de vue au cours de la procédure administrative sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués par la Commission dans sa communication des griefs, tant dans ses observations en réponse à la communication des griefs que lors de l'audition auprès du conseiller-auditeur, de sorte qu'elle a bénéficié de toutes les garanties inhérentes à l'exercice des droits de la défense dans le cadre d'une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (voir point 64 ci-dessus). Il s'ensuit que la Commission n'a pas enfreint la présomption d'innocence.
199 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme non fondé.
Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration
Arguments des parties
200 La requérante reproche à la Commission de n'avoir ni examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents, en particulier les informations qu'elle lui a fournies dans ses observations en réponse à la communication des griefs, qui établiraient de manière claire et précise l'autonomie d'Atofina sur le marché, ni procédé à un examen concret et individuel de sa situation, qui s'avérait d'autant plus nécessaire étant donné que la Commission avait adopté une position nouvelle allant au-delà de sa pratique antérieure. En effet, la Commission se limiterait à affirmer que le fait qu'Elf Aquitaine détienne 98 % du capital d'Atofina est suffisant en lui-même pour lui imputer la responsabilité des actions d'Atofina, sans apporter aucun autre élément factuel venant soit conforter sa présomption, soit anéantir la force probante des éléments factuels produits par la requérante dans le but de prouver l'indépendance des deux sociétés.
201 Or, selon une jurisprudence constante, la Commission aurait, en vertu du principe de bonne administration, l'obligation d'effectuer un examen concret et individuel des faits d'espèce avec soin et impartialité.
202 La Commission conclut au rejet du moyen.
Appréciation du Tribunal
203 Selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions de la Communauté disposent d'un pouvoir d'appréciation afin d'être en mesure de remplir leurs fonctions, le respect des garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d'autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure notamment l'obligation pour l'institution compétente d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269-90, Rec. p. I-5469, point 14, et du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. p. II-1, point 86).
204 En l'espèce, la requérante se borne à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné avec soin et impartialité les éléments de preuve qu'elle avait fournis pour démontrer l'autonomie d'Atofina et de n'avoir pas procédé à un examen concret et individuel de sa situation, mais ne s'appuie sur aucun fait ni sur aucune preuve pour étayer son grief. Au demeurant, il y a lieu de relever que la Commission a repris l'ensemble des arguments développés par Elf Aquitaine dans sa réponse à la communication des griefs au considérant 257 de la décision attaquée et y a répondu aux considérants 258 à 262, comme le Tribunal a pu le déterminer dans le cadre de l'examen du quatrième moyen (voir points 159 à 174 ci-dessus).
205 Dès lors, la requérante ne démontre pas que la Commission n'a pas examiné avec soin et impartialité les éléments pertinents du cas d'espèce.
206 Quant au grief selon lequel la Commission ne se serait pas appuyée sur des éléments additionnels pour conforter la présomption de responsabilité de la société-mère détenant 98 % du capital de sa filiale, il ne saurait davantage être retenu, eu égard à la conclusion tirée par le Tribunal de l'examen du quatrième moyen. En effet, c'est à bon droit que la Commission a considéré que, dans le cas d'espèce, la présomption de l'exercice d'une influence déterminante d'Elf Aquitaine sur sa filiale n'avait pas été renversée et qu'il convenait de lui imputer les comportements infractionnels de cette dernière.
207 Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter le sixième moyen comme non fondé.
Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique
Arguments des parties
208 La requérante soutient que la nouvelle approche de la Commission concernant le critère de l'imputabilité des infractions des filiales de groupes à leurs sociétés-mères, telle qu'appliquée dans la décision attaquée, crée une insécurité juridique, de sorte que le Tribunal devrait annuler l'article 1er, sous d), l'article 2, sous c), l'article 3 et l'article 4, paragraphe 9, de la décision attaquée. En effet, la Commission appliquerait des critères d'imputabilité différents de ceux retenus en l'espèce à l'encontre d'Akzo Nobel NV et de Clariant AG et de ceux appliqués dans la décision peroxydes organiques.
209 La Commission conclut au rejet du moyen.
Appréciation du Tribunal
210 Il y a lieu de rappeler que le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement n° 17 et le règlement n° 1-2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence. L'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige, au contraire, que la Commission puisse à tout moment adopter le niveau des amendes aux besoins de sa politique (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23-99, Rec. p. II-1705, point 237, et la jurisprudence citée).
211 Il convient de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 17 et le règlement n° 1-2003 (voir arrêt Michelin/Commission, précité, point 292, et la jurisprudence citée).
212 La Commission peut adapter à tout moment le niveau des amendes si l'application efficace des règles communautaires l'exige (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 109, et LR AF 1998/Commission, précité, point 237), une telle altération d'une pratique administrative pouvant alors être considérée comme objectivement justifiée par l'objectif de prévention générale des infractions aux règles de concurrence.
213 En l'espèce, si la Commission a décidé d'imputer la responsabilité de l'infraction constatée à l'entreprise composée de la société-mère et de sa filiale, alors que dans sa pratique antérieure elle se serait abstenue de le faire, sa décision ne saurait toutefois enfreindre le principe de sécurité juridique. La Commission n'est en effet pas tenue par sa pratique antérieure dans la fixation des amendes (voir point 211 ci-dessus). Dès lors, dans la mesure où, en l'espèce, la Commission a considéré à juste titre qu'Elf Aquitaine et sa filiale Arkema constituaient ensemble une entreprise, et a infligé l'amende aux deux sociétés conjointement et solidairement, elle n'a pas violé le principe de sécurité juridique.
214 De surcroît, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a effectivement utilisé la même notion d'unité économique, qui sous-tend toute la jurisprudence communautaire relative à l'imputabilité des infractions aux personnes morales constituant une même entreprise, que ce soit en l'espèce ou pour le groupe Akzo Nobel, en considérant que la société-mère Akzo Nobel NV et ses filiales néerlandaises et suédoises constituaient une unité économique responsable de l'infraction (considérants 224 à 245 de la décision attaquée).
215 Eu égard à ce qui précède, la Commission n'a pas violé le principe de sécurité juridique en imputant à Elf Aquitaine la responsabilité des infractions commises par sa filiale.
216 Partant, il y a lieu de rejeter le septième moyen.
Sur le huitième moyen, tiré de la dénaturation par la Commission des preuves apportées par la requérante
Arguments des parties
217 En premier lieu, la requérante prétend que la Commission a dénaturé à la fois le contenu et la portée des preuves apportées en estimant qu'elles ne donnaient qu'un aperçu général de la gestion commerciale d'Atofina et étaient insuffisantes pour renverser la présomption, en appréciant individuellement et non dans leur ensemble les documents et en omettant de tirer les conclusions logiques qui s'imposaient.
218 En second lieu, la Commission dénaturerait la portée des indices en estimant que l'absence de participation d'Elf Aquitaine à la production et à la vente d'AMCA ne démontrerait qu'une simple division des tâches au sein du groupe Elf Aquitaine, alors qu'elle mettrait en évidence, au contraire, un véritable cloisonnement des activités au sein du groupe.
219 La Commission conclut au rejet du moyen.
Appréciation du Tribunal
220 Dans la mesure où les preuves apportées par la requérante à l'appui de ses observations en réponse à la communication des griefs ont fait l'objet d'un examen dans le cadre du quatrième moyen, tiré d'une violation des règles gouvernant l'imputabilité à une société-mère des infractions commises par sa filiale (voir points 158 à 173 ci-dessus), et qu'il a été jugé que c'est à bon droit que la Commission a considéré qu'Elf Aquitaine n'était pas parvenue à renverser la présomption selon laquelle elle exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale (voir point 174 ci-dessus), il n'y a pas lieu d'analyser séparément le présent moyen. En effet, les griefs énoncés par la requérante au titre du quatrième moyen rejoignent ceux formulés dans le cadre du présent moyen et ne soulèvent, par conséquent, aucune question distincte.
221 Il s'ensuit qu'il convient de rejeter ce moyen comme non fondé.
Sur le neuvième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir
Arguments des parties
222 La requérante estime que, en lui imputant la responsabilité de l'entente dans le secteur de l'AMCA et en la condamnant solidairement avec Atofina au paiement d'une amende, la Commission a procédé à un usage détourné des pouvoirs conférés par le règlement n° 17. En effet, la sanction infligée à la requérante aurait manifestement été détournée de son objectif au regard du règlement n° 17, la Commission ayant voulu maximiser le montant de l'amende d'une autre société qu'Elf Aquitaine, à savoir sa filiale Atofina, qui a reconnu sa responsabilité dans l'entente litigieuse. Pour ce faire, la Commission aurait attrait Elf Aquitaine à la procédure sur le fondement d'un raisonnement erroné en droit, en lui imputant la responsabilité de l'infraction de sa filiale par une simple présomption non confortée par des éléments concrets, et cela dans le but d'étendre l'assiette de l'amende.
223 La requérante fait valoir que la position de la Commission était nouvelle et révélait clairement son intention d'utiliser les pouvoirs qu'elle détient du traité et du règlement n° 1-2003 non pour punir et dissuader à l'avenir une entreprise qui aurait reconnu sa culpabilité, mais plutôt dans le but de créer un précédent jurisprudentiel qui faciliterait sa tâche pour le futur. Or, la Commission ne saurait associer les sociétés-mères à la culpabilité et à la sanction de leurs filiales en vertu d'une simple détention de leur capital, sans qu'aucune preuve supplémentaire d'un rôle quelconque des sociétés-mères dans l'infraction reprochée soit rapportée.
224 La Commission conclut au rejet du moyen.
Appréciation du Tribunal
225 Selon une jurisprudence constante, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T-133-95 et T-204-95, Rec. p. II-3645, point 188, et la jurisprudence citée).
226 Il y a également lieu de rappeler que, conformément aux sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises qui commettent une infraction à l'article 81 CE. Il est établi que les sanctions prévues à l'article 15 du règlement n° 17 et à l'article 23 du règlement n° 1-2003 ont pour but de réprimer des comportements illicites aussi bien que d'en prévenir le renouvellement (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 218, et la jurisprudence citée).
227 Dès lors, dans la mesure où Elf Aquitaine et Arkema forment une entreprise au sens de l'article 81 CE, que ladite entreprise a participé à une entente sur le marché de l'AMCA et s'est vu infliger, à ce titre une amende de 45 millions d'euro en vertu de l'article 2, sous c), de la décision attaquée, ladite amende n'a en rien été détournée de sa finalité. En effet, le fait que la Commission décide d'imputer également à la société-mère les infractions commises par sa filiale à des fins de dissuasion des infractions à l'article 81 CE ne saurait constituer un détournement de pouvoir.
228 Partant, le neuvième moyen doit être rejeté.
Sur le dixième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de l'absence de cohérence du raisonnement suivi par la Commission pour le calcul du montant de l'amende
Arguments des parties
229 La requérante considère que le montant de l'amende de 45 millions d'euro qui lui a été infligée ainsi qu'à Atofina solidairement, a été fixé sur le fondement d'un raisonnement dépourvu de toute cohérence, de sorte que l'article 2, sous c), de la décision attaquée devrait être annulé.
230 En effet, la Commission se référerait, au considérant 295 de la décision attaquée, à Atofina seule et à sa part de marché dans l'EEE pour l'AMCA afin de déterminer le montant de départ de l'amende, alors que, au considérant suivant, au lieu de tirer les conséquences chiffrées de classement d'Atofina dans la troisième catégorie, elle incorporerait Elf Aquitaine, qui n'aurait pas eu de comportement infractionnel.
231 La requérante ajoute dans la réplique que, s'il était avéré que la société-mère n'a pas donné d'instructions à sa filiale, le raisonnement de la Commission n'aurait plus aucun fondement.
232 La Commission rétorque que, étant donné qu'il n'est pas contesté que la requérante n'a pas d'autre part de marché dans le secteur de l'AMCA que celle de sa filiale, c'est donc automatiquement toute la part de marché de la requérante qui est prise en compte en renvoyant à la filiale. De surcroît, elle constate que ni la requérante ni sa filiale ne contestent leur inclusion dans la troisième catégorie des entreprises.
Appréciation du Tribunal
233 Le moyen développé par Elf Aquitaine est lié aux moyens relatifs à l'imputation à la société-mère des infractions commises par sa filiale. Dans la mesure où il a été jugé qu'Elf Aquitaine et Atofina constituent une entreprise, au sens de l'article 81 CE, la Commission a pu à bon droit prendre en compte la part de marché de cette entreprise lors de la détermination du montant de départ de l'amende.
234 En outre, comme le souligne la Commission, il n'est pas contesté que la requérante n'a pas d'autres parts de marché dans le secteur de l'AMCA que celle détenue par sa filiale.
235 Il s'ensuit que la Commission n'a commis aucune erreur en relevant, au considérant 295 de la décision attaquée, qu'Atofina détenait une part de 17 % sur le marché de l'AMCA, pour en déduire, au considérant 296, qu'Elf Aquitaine et Atofina devaient être classées dans la troisième catégorie aux fins de la détermination du montant de départ de l'amende.
236 Partant, le dixième moyen doit être rejeté.
Sur le onzième moyen, soulevé à titre plus subsidiaire, visant la réduction de l'amende de 45 millions d'euro à un niveau approprié
Arguments des parties
237 La requérante demande, dans l'hypothèse où le Tribunal ne la suivrait sur aucun des dix moyens d'annulation développés à titre principal ou subsidiaire, de bénéficier d'une réduction du montant de l'amende à laquelle elle a été solidairement condamnée avec Atofina. Cette réduction pourrait être décidée par le Tribunal en application de sa compétence de pleine juridiction.
238 Elle soutient que, si elle-même et sa filiale Atofina devaient être considérées comme formant une même entreprise au sens de l'article 81 CE, la Commission devrait logiquement faire bénéficier la société-mère de toute réduction d'amende accordée à sa filiale. À cet égard, elle reproche à la Commission d'organiser une solidarité avec " cliquet " qui ne fonctionnerait que pour maximiser le montant de l'amende, mais pas pour la réduire. En refusant de traiter les deux entreprises pari passu, la Commission reconnaîtrait ainsi qu'il s'agissait bien de deux entreprises distinctes.
239 La Commission considère que ce moyen est manifestement irrecevable, car non étayé par des arguments.
Appréciation du Tribunal
240 Conformément à l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués.
241 En vertu de la jurisprudence, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d'autres informations (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84-96, Rec. p. II-2081, point 31, et ordonnance du Tribunal du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154-98, Rec. p. II-1703, point 49).
242 En l'espèce, la requérante tend à contester la décision attaquée en soutenant en substance que, dans l'hypothèse où elle et sa filiale devraient être considérées comme formant une même entreprise au sens de l'article 81 CE, la réduction du montant de l'amende infligée à sa filiale aurait pour conséquence que l'amende qui lui est infligée conjointement et solidairement en tant que société-mère serait également réduite. Or, force est de constater que sa demande de bénéficier d'une telle réduction ne s'appuie sur aucun moyen propre, ni sur aucun élément de fait susceptible de justifier l'exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction.
243 Il y a donc lieu de rejeter ce moyen comme irrecevable.
244 Compte tenu de tout ce qui précède, l'ensemble des demandes présentées dans le cadre du présent recours doivent être rejetées.
Sur les dépens
245 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Elf Aquitaine SA est condamnée aux dépens.