ADLC, 30 septembre 2009, n° 09-D-31
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion et de la commercialisation des droits sportifs de la Fédération française de football
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Pierre Avignon, , l'intervention de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, par Madame Elisabeth Flüry-Hérard, vice- présidente, présidente de séance, Mme Pierrette Pinot, MM. Emmanuel Combe, Noël Diricq, Jean-Bertrand Drummen, Pierre Godé, membres.
L'Autorité de la concurrence (Section IV),
Vu les décisions des 28 août 2001 et 1er juin 2004, enregistrées sous les numéros F 1341 et 04-0047F, par lesquelles le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la gestion des droits dans le football professionnel ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence et notamment son article 5 ; Vu la décision du rapporteur général du 2 janvier 2008 procédant à la disjonction de l'instruction de la présente affaire de celle relative à la gestion des droits de la Ligue de football professionnel et au club Europe enregistrée sous le numéro 08/001 F ; Vu les décisions de secret des affaires 08-DSA-53 du 18 avril 2008, 08-DSA-60 du 28 avril 2008, 08-DSA-70 du 29 mai 2008, 08-DSA-153 du 1er octobre 2008, 08DSA DEC-25 du 5 mai 2008 et 08-DSA DEC-09 du 9 juin 2008 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par la Fédération Française de Football (ci-après FFF), les sociétés Sportfive et Football France Promotion et par le commissaire du Gouvernement ; Le rapporteur, la rapporteure générale, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la Fédération Française de Football et des sociétés Sportfive et Football France Promotion entendus lors de la séance du 20 mai 2009 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Par décisions des 28 août 2001 et 1er juin 2004, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la gestion des droits dans le football professionnel et de la publicité dans les stades. Le 21 septembre 2004, une enquête a été demandée à la DGCCRF qui a effectué le 17 février 2005 une série d'opérations de visite et saisie auprès des sociétés et organismes intervenant dans ce secteur. Après avoir reçu le 7 septembre 2006 le rapport administratif d'enquête, le rapporteur général du Conseil a décidé, par décision en date du 2 janvier 2008, de disjoindre ce dossier en deux affaires. La première, qui fait l'objet de la présente procédure, est relative à la gestion des droits sportifs de la Fédération Française de Football dénommée FFF dans la présente décision. La seconde, relative à la gestion des droits de la Ligue de football professionnel, a été enregistrée sous le numéro 08/0001F.
A. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES EN CAUSE
1. LE DEVELOPPEMENT DU MARKETING SPORTIF
2. Les organismes sportifs (fédérations ou clubs sportifs), qui organisent les compétitions auxquelles participent les équipes dont ils ont la charge, sont propriétaires des droits commerciaux attachés à ces compétitions. En dehors des recettes relatives à la billetterie, ces droits sont pour l'essentiel constitués par les droits télévisuels et les droits marketing. Les premiers proviennent de la vente des droits de retransmission de leurs compétitions, tandis que les seconds résultent de la valorisation auprès des sponsors de l'image et des performances de leurs équipes.
3. Mais l'encaissement par les fédérations ou les clubs sportifs des recettes commerciales générées par l'exploitation de ces droits nécessite la réalisation d'opérations souvent complexes dans lesquelles interviennent des professionnels du marketing sportif.
a) Le secteur du marketing sportif
4. Le marketing en général recouvre toutes les techniques utilisées par une entreprise pour connaître les besoins des consommateurs et valoriser auprès d'eux ses produits ou services afin d'en faire des clients. Le sponsoring est un des éléments du marketing indirect qui consiste à utiliser un événement extérieur à l'activité proprement commerciale pour créer un lien entre cet événement et l'entreprise.
5. Le terme de marketing sportif avancé dans le présent dossier se confond avec la notion de sponsoring sportif qui est une technique de communication visant à persuader les spectateurs ou les téléspectateurs d'un événement sportif du lien existant entre cet événement, ses organisateurs, ses acteurs et l'entreprise communicante afin de faire connaître son nom, ses produits ou ses marques et de bénéficier de ses retombées valorisantes en terme de notoriété ou d'image (cotes 27354-27427).
La communication sportive des entreprises
6. L'image du sport est très employée par les marques en quête de notoriété. Présentant sur son site l'étude de la société Eurostaf, réalisée en 2005, le groupe Les Échos a mis en évidence la spécificité pour les entreprises du marketing sportif en écrivant : " Des PME aux multinationales, les annonceurs sont désormais nombreux à trouver des solutions adaptées à leurs besoins de communication en recourant au sponsoring sportif... Le sponsoring citoyen notamment, mais aussi le sponsoring marchand, accélérateur commercial de retour direct sur investissement, constituent par exemple d'intéressantes alternatives au marketing puissance qui privilégie la visibilité des supports. L'intérêt du sponsoring réside dans la puissance de son impact sur l'image de marque des sponsors auprès des passionnés de sport grâce à un effet de levier unique : l'émotion qu'il suscite et les valeurs qu'il véhicule ". Le sport media devient en lui-même porteur des valeurs recherchées par la marque.
7. La montée en puissance du sponsoring sportif s'explique également par la capacité des événements sportifs à générer de fortes audiences télévisuelles. Le marketing sportif peut ainsi bénéficier de l'effet démultiplicateur de la télévision. Évoquant le fait que le record d'audience observé dans 64 pays différents avait été dans 19 cas celui d'un programme sportif - dont 13 pour le seul football - l'étude de la société Eurostaf souligne : " La capacité de certains sports à drainer de telles audiences constitue un enjeu majeur pour les opérateurs de télévision, mais aussi pour les sponsors bénéficiant ainsi d'une visibilité inenvisageable par le biais de la seule audience directe ". Elle suggère même que le sport constitue en lui-même un média : " Le segment le plus visible du sport professionnel, celui des grandes compétitions internationales et nationales, peut donc d'une certaine façon être considéré comme un média ( un véhicule, un support ) susceptible d'impulser pour différents acteurs, et notamment des sponsors, des retombées induites bien supérieures à son propre poids économique " (pages 46 à 48).
Données chiffrées sur les contrats de marketing sportif
Les dépenses des entreprises françaises en matière de sponsoring sportif
8. Selon les organismes spécialisés dans ce domaine, le montant de ces dépenses varie d'une fourchette basse autour de 800 millions d'euro à une fourchette haute de 3,5 milliards d'euro si on y ajoute toutes les dépenses des entreprises destinées à valoriser leur marketing à l'occasion des compétitions sportives.
9. Un tableau du ministère des sports donne leur évolution entre 1999 et 2002.
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10. En dehors du sport automobile qui représente un cas spécifique en raison du soutien direct des constructeurs aux écuries de course (Renault dépense 393 millions d'euro par an pour la F1), le football est le sport qui attire le plus les investissements des annonceurs, ainsi que le montre le tableau suivant : (ces chiffres incluent non seulement le marketing des fédérations sportives mais aussi les partenariats commerciaux des clubs qui en sont membres ainsi que les recettes des propriétaires privés de manifestations sportives).
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11. Le tableau suivant, tiré d'études réalisées par la société Sport Marketing Surveys, présente les contrats marketing d'un montant supérieur à 75 000 dollars signés en France en 2004 (cote 26987).
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12. Au niveau mondial, la puissance du football est encore plus écrasante. Celui-ci concentre les plus gros partenariats, comme l'indiquent les éléments suivants sur le sponsoring des 10 disciplines sportives les plus prisées:
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13. Selon la même étude, les prix d'entrée affichés en 2006 pour devenir sponsor du football sont les plus élevés après la F1.
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L'importance des retransmissions sportives
14. La valorisation des droits sportifs est intimement liée à l'audience des compétitions. De celle- ci dépendent en effet, pour le diffuseur, le prix des publicités télévisées qui constituent en général la principale de ses ressources et, pour l'entreprise désireuse de promouvoir sa marque auprès d'un large public, l'importance de son investissement.
15. Le calcul de l'audience indirecte de quelques grandes compétitions sportives réalisé par la société Eurostaf et présenté ci-après fait apparaître que le football possède le ratio audience indirecte (nombre de téléspectateurs)/audience directe (nombre de spectateurs dans les stades) le plus élevé de tous les sports, ce qui explique pourquoi il est prisé tant par les diffuseurs que par les sponsors :
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Le calcul de la rentabilité des investissements en sponsoring sportif
16. Cette rentabilité prend essentiellement en compte la puissance media des divers sports. Des études officielles, notamment de la société Médiamétrie et du CSA, permettent de calculer le nombre de contacts annuels qu'ils génèrent. La typologie des sports dégagée dans le Guide de la Communication par le Sport (1) montre qu'avec près de 700 millions de contacts par an en France, le football se situe loin devant les autres sports, comme le tennis, le rugby, la Formule 1 ou le cyclisme, qui produisent chacun entre 100 et 250 millions de contacts annuels.
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17. En rapprochant ces données des dépenses de sponsoring sportif des entreprises d'une part et des dépenses payées par les diffuseurs d'autre part, il est possible de déterminer le coût pour mille contacts de ces dépenses marketing et audiovisuelles. Il apparaît que le prix payé par les sponsors et les diffuseurs pour toucher 1 000 contacts ou 1 000 téléspectateurs est très supérieur dans le football à ce qu'il est dans les autres sports, ainsi que le montrent les tableaux présentés ci-après.
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18. Au terme de son analyse, le Guide de la Communication par le Sport peut conclure : " Le Sport-Star reste sans conteste le football. Sport avec l'audience la plus forte en valeur absolue, le football continue à croître de plus de 50 % (notamment grâce à l'effet Coupe du Monde). Les cinq sports suivants (rugby / tennis / F1 / hippisme / cyclisme) ont à peu près le même profil de challenger (i.e. avec une audience solide de fans réguliers et souvent très ciblée) mais avec des tendances différentes : en crise pour le cyclisme ; relativement stable pour la F1 et l'hippisme ; en croissance pour le rugby (le seul rival du foot) et le tennis (profitant d'un tableau final favorable pour Roland Garros " (cotes 27286 à 27353). Les budgets sponsoring des différents sports
19. Selon les rapports du ministère des sports, les recettes commerciales totales (droits marketing et droits TV) que les fédérations sportives olympiques et non olympiques tirent de leurs contrats de partenariat passent de 216 M en 2004 à 219 M en 2005.
20. La FFF est la fédération sportive qui dispose, et de loin, des plus importantes ressources issues du sponsoring. Sur un budget total de 140 M en 2004, les recettes de sponsoring, qui se rapportent pour l'essentiel à l'Équipe de France, sont de 42 M, soit une part de 30 % des recettes totales. La Fédération française de rugby, la seconde dans la liste, ne dispose que d'un budget total de 63 millions d'euro, les recettes de sponsoring ne s'élevant pour leur part qu'à 25 millions d'euro.
21. La part des recettes marketing du football représente bien plus de la moitié de l'ensemble des recettes commerciales des autres disciplines sportives si l'on y ajoute les recettes marketing de la Ligue de football professionnel d'un montant d'environ 10 millions d'euro et de l'ensemble des clubs qui, sur la base d'un montant moyen de recettes marketing de 7 millions d'euro pour les 20 premiers clubs professionnels, peuvent être évaluées au minimum à 140 millions d'euro. Selon une étude du cabinet Deloitte et Touche réalisée en novembre 2001, les revenus commerciaux des clubs français de ligue 1 représentent 160 millions d'euro en 2000.
b) Le métier d'intermédiaire en marketing sportif
La nécessité de l'intermédiation
22. La naissance et l'essor du marché du marketing sportif ont entrainé le développement du métier d'intermédiaire spécialisé dans ce marché. La complexité croissante de la mise en œuvre de ces droits - tant aux plans techniques, juridique, économique que commercial - a conduit les organisateurs d'évènements sportifs propriétaires de ces droits à passer par des agences spécialisées pour assurer tout ou partie de leur gestion. Ces services de commercialisation et de communication en matière de droits marketing ne peuvent pas être gérés directement par la plupart des fédérations sportives et des clubs sportifs qui, à l'époque des faits, ne sont pas encore organisés pour en assumer la complexité.
23. En matière de droits audiovisuels, l'activité de l'intermédiaire va consister à assurer l'organisateur de la compétition sportive de la meilleure exploitation audiovisuelle possible de cette compétition. Lorsque ce dernier est propriétaire des droits télévisuels, le rôle de l'intermédiaire va être en outre d'en assurer la commercialisation en recherchant les diffuseurs intéressés pour obtenir d'eux le meilleur prix possible. Lorsque tel n'est pas le cas, l'intermédiaire sera chargé d'acquérir les droits auprès du titulaire et d'en assurer la commercialisation.
24. En matière de commercialisation des droits marketing, la palette des prestations fournies par l'intermédiaire au détenteur de droits est encore plus large. Les agences ont développé par leur savoir-faire un panel de prestations ainsi décrites dans l'étude sur le sponsoring sportif de la société Eurostaf :
" la visibilité sur les sites de compétition (équipement des acteurs, panneaux publicitaires, marquage des stades, visibilité) qui peut s'étendre au plan de communication media et hors media lié à l'événement sportif ;
les droits de communication (utilisation des appellations partenaire officiel, fournisseur officiel, des logos...) qui peuvent également être exploités dans un cadre commercial via des accords de licensing (produits dérivés) ;
le naming consistant pour un sponsor titre à donner son nom à un événement (l'ex-Trophée Lancôme) une équipe (l'Adecco Asvel en basket), une compétition (la Ligue 1 Orange), un bateau (Fleury Michon), un stade (Allianz Arena à Munich...) ;
les relations publiques (hospitalité sportive) permettant d'inviter clients, fournisseurs, salariés... à assister à des spectacles sportifs dans des conditions privilégiées ;
les opérations commerciales sur site (couponing, échantillonnage...) ou en marketing direct (exploitation des fichiers de licenciés, d'abonnés...) " (étude Eurostaf, page 17 et 20-22).
L'intermédiaire assure le suivi juridique, financier et opérationnel des contrats sur l'ensemble de ces prestations.
25. L'activité de l'intermédiaire vis-à-vis des entreprises est tout aussi importante. La commercialisation des droits marketing par package facilite l'entrée sur le marché des nouveaux sponsors qui disposent d'un interlocuteur unique. Par ailleurs, les agences de marketing proposent aux sponsors et aux annonceurs une stratégie de communication par le sport en proposant des analyses sur la qualité des supports sportifs et sur les résultats des actions menées en terme notamment de retour sur investissement.
26. Dans la préface de l'ouvrage de M. Tribou relatif au sponsoring sportif, le directeur marketing de la société Sportfive a lui-même analysé ce rôle essentiel des agences de marketing sportif en écrivant : " Les agences qui commercialisent environ un quart des droits - le reste étant le fait des détenteurs de droits (organisateurs des évènements, fédérations, club...) - jouent un rôle dynamisant sur le marché. En effet, pour un titulaire de droits média ou marketing, il est difficile d'en apprécier la commercialisation dans un environnement particulièrement complexe et changeant, étant donné la multiplicité des données à traiter. D'où l'intermédiation des agences qui, en maîtrisant l'intégralité de l'information, à la fois sur le plan national et international, peuvent aisément se rendre indispensables ".
27. Il poursuit en indiquant les difficultés à pénétrer ce marché des droits du sport : " En théorie, toute personne possédant un téléphone et quelques contacts peut participer à l'offre en tant qu'intermédiaire. En réalité, la nécessité de connaître finement le marché - les ayants droit, les sponsors, les diffuseurs - et de maîtriser les compétences techniques spécifiques (il existe un grand nombre d'outils et notamment de logiciels), constitue une réelle barrière à l'entrée du marché. N'oublions pas que, pour travailler dans ce secteur, il convient de disposer d'un réseau fiable et opérationnel de contacts (nationaux et internationaux) et d'une crédibilité auprès des clients et fournisseurs. Par conséquent, seules quelques rares agences sont parvenues à pénétrer avec succès le marché de la commercialisation des droits du sport au niveau mondial ".
28. Il évoque enfin les avantages qu'en tirent les détenteurs de droits : " De nombreux titulaires de droits mandatent les agences pour mener les négociations avec les diffuseurs ou les sponsors. Les détenteurs des droits en tirent trois types d'avantages ; l'externalisation réduit leurs coûts fixes (notamment les coûts de personnel) ; les agences ayant l'expérience des marchés de la diffusion et du parrainage sont plus performantes dans la négociation ; le risque financier est généralement assumé par l'agence (le détenteur a la garantie d'un droit minimum). Cependant, de plus en plus de propriétaires de grands évènements (le CIO, la FIFA, la FAPL,...) choisissent de mener la négociation en interne (on parle alors de désintermédiation). Mais ils le font souvent partiellement et il demeure des opportunités réelles pour les agences dont les prestations vont vers une sophistication croissante ". (cotes 27354 à 27427).
29. La FFF a fait pour sa part le choix de confier à une agence un mandat exclusif, d'une part pour commercialiser ses droits marketing, d'autre part pour acquérir et commercialiser les droits audiovisuels des matchs joués à l'étranger.
30. Le rôle de M. Jean-Claude X..., jusqu'en 1994 directeur en titre de la communication au sein de la FFF, dans l'apparition de cette nouvelle activité dans les années 1980 est évoqué page 105 de l'étude Eurostaf précitée: " En France, le rôle précurseur de Jean-Claude X... est souligné par de nombreux observateurs. Sur un terrain alors quasiment vierge, il a introduit en France, il y a 35 ans, un nouveau métier d'intermédiaire, en structurant et en commercialisant la régie publicitaire de la plupart des clubs de football français ".
Les deux métiers des agences
31. On peut distinguer deux types de prestations différentes : la prestation de conseil d'une part, la prestation du négoce de droits d'autre part.
Le conseil
32. Les diverses actions composant cette activité, notamment les missions d'aide au ciblage des partenariats des fédérations en fonction des habitudes de consommation de leurs licenciés, des spectateurs ou des téléspectateurs, ont été précisées par le directeur général de Carat Sport :
" Notre parti pris est de considérer le sport comme un média. Nous proposons une prestation de conseil, surtout à destination des annonceurs. Nous nous efforçons de rassurer les entreprises sur le monde du sport, notamment en leur fournissant des outils d'analyse précis sur la place du sport dans les modes de vie et les habitudes de consommation des Français. Il s'agit également de mesurer l'impact des actions marketing des marques ...
Notre but est de convaincre les fédérations et les ligues, notamment dans le football et le rugby, de leur intérêt à mieux cibler les comportements de consommation de leurs pratiquants et de leurs spectateurs ou téléspectateurs ".
Le négoce des droits
33. La régie, qui selon l'agence Sportlab " consiste dans le fait pour un prestataire de services d'être mandaté par le détenteur de droits pour trouver des sponsors " (cote 17685), est à l'époque des faits le mode privilégié de gestion des droits marketing.
34. La régie de droits est l'activité la plus rémunératrice. Le directeur général de l'agence Carat Sport établit une différence de valorisation entre le conseil et la régie de droits :
" De manière générale, il est difficile de faire prendre conscience à des clients que le conseil a un coût, en dépit de son caractère immatériel. Il faut également reconnaître que l'activité de conseil est bien moins rémunératrice que celle de régie de droits, par exemple " (cote 18945).
35. Le président directeur général de l'agence Derby a confirmé cet écart de valorisation entre le conseil et la régie de droits :
" Ainsi, le conseil en sponsoring n'est pas très rémunérateur. La régie de droits d'image et de sponsoring rapporte bien plus. Par conséquent, en dépit d'un discours de Havas indiquant leur tendance à se désengager de la régie, ils ne peuvent totalement lâcher cette activité. En effet, si l'activité de conseil de Havas en matière de voile a pu être rentable, c'est parce qu'elle était couplée avec la régie de droits" (cote 17695).
36. Évoquant l'activité de Sportfive, Havas Sport a décrit le fort retour sur investissement généré par l'activité de régie :
" II faut noter que si le groupe Darmon a de bons résultats financiers, c'est principalement grâce à son activité de régie de droits télévisuels. Dans ce secteur, les effets de levier sont considérables : une négociation mobilise peu de moyens humains et matériels, génère donc un coût faible, surtout si on le met en regard des sommes gagnées par l'agence régie " (cote 16102).
37. L'agence Sportlab confirme cette appréciation :
" Il faut préciser que JC X..., avant et après la création de Sportfive, concentre son activité sur le marché du négoce des droits, qui procure les plus gros revenus, sous la forme de commissions sur des gros montants, que sur celui du conseil, qui procure une prestation intellectuelle, donc un bien plus difficilement mesurable et valorisable " (cote 17688).
38. La gestion du minimum garanti par les agences présente cependant un caractère risqué, du fait de l'existence, dans les contrats de régie des droits liés au football, de clauses fixant un montant minimum de recettes commerciales devant être atteint par le mandataire. Ce minimum apparaît souvent comme un élément déterminant du choix de l'intermédiaire par un club ou par une fédération car il est censé protéger le mandant d'éventuelles mauvaises performances du mandataire dans sa recherche de sponsors. Havas Sport a expliqué les sujétions induites par le mécanisme particulier de l'engagement minimum de recettes qui pèse sur l'exploitant des droits à la ligue : " Par ailleurs, la problématique de la régie résidait et réside toujours dans la présence des minimum garantis. Le principe du minimum garanti me semble pervers dans son fonctionnement. Le football représente à cet égard une exception
dans le sport. En effet, le minimum garanti est fortement présent dans le seul football. C'est sans doute une extension de la pratique des prix dans le négoce des droits télévisuels. (...) L'exigence par le détenteur de droits, lorsqu'il met en concurrence l'exploitation commerciale de ses droits, de ce minimum est incontestablement une barrière à l'entrée d'acteurs nouveaux et/ou de taille modeste sur le marché de la régie de droits. Le système favorise les agences dont la trésorerie et la taille leur permettent de verser ce minimum en dépit de leur capacité à trouver des sponsors, des partenaires, ou à se faire payer d'eux. L'agence assume donc tous les risques ". (Cotes 1602 et 1605)
39. L'agence Sportlab confirme cette analyse :
" Le minimum garanti a l'avantage de la clarté, en désignant le plus offrant. Dans cette logique, le détenteur de droits a intérêt à ce qui il y ait lutte entre les candidats ". Mais : " Le principe même du minimum garanti constitue un frein à l'entrée sur le marché de nouveaux offreurs, notamment des entreprises qui ne peuvent s'aligner sur les sommes offertes par les gros offreurs qui en ont les moyens et la volonté. Le groupe ISL Worldwide a par ailleurs été victime de minima garantis trop élevés, dans le tennis essentiellement ".
L'omniprésence de clauses prévoyant et garantissant un minimum de recettes commerciales tend à favoriser des opérateurs disposant de moyens financiers conséquents, eu égard par exemple aux exigences de la DNCG quant à la pérennité des recettes d'un club professionnel " (cotes 17699-17690).
2. LES OPERATEURS EN MATIERE DE MARKETING SPORTIF
a) La Fédération Française de Football
Mission et organisation
40. La FFF est une association de la loi de 1901 fondée en 1919 et reconnue d'utilité publique par décret du 4 décembre 1922. Elle regroupe l'ensemble des clubs de football évoluant en France.
41. L'article 1 des statuts de la FFF présente ainsi ses missions :
" La Fédération Française de Football (FFF) a pour objet :
- d'organiser, de développer et de contrôler l'enseignement et la pratique du football, sous toutes ses formes, par des Joueurs de statuts différents, en France, sur le territoire métropolitain et dans les départements et territoires d'outre-mer ;
- de créer et de maintenir un lien entre ses membres individuels, les Clubs affiliés, ses Districts, ses Ligues régionales, le Conseil d'Administration de la Ligue du Football Amateur et la Ligue de Football Professionnel ;
- de défendre les intérêts moraux et matériels du football français ;
- d'entretenir toutes relations utiles avec les associations étrangères affiliées à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), les organismes sportifs nationaux et les Pouvoirs Publics ".
42. L'État contrôle l'activité des fédérations sportives en délivrant des agréments qui permettent à celles-ci de recevoir délégation, conformément à l'article 17 de la loi précitée, pour organiser la pratique sportive du sport amateur et pour percevoir des subventions.
Les droits gérés par la FFF
43. L'article 18 de la loi du 16 juillet 1984 dispose :
" Les fédérations visées aux articles 16 et 17, ainsi que les organisateurs tels que définis à l'article 18, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'ils organisent ".
44. La FFF détient tout d'abord les droits marketing et audiovisuels des équipes de France ( France A, A', Espoir, Féminine) ou " sélections nationales ", pour les matchs de ces équipes qui sont disputés lors des phases qualificatives pour le championnat d'Europe et pour le championnat du monde, ou dans le cadre de matchs amicaux qu'elle organise. Les phases qualificatives de ces compétitions, qui ont lieu tous les quatre ans, en décalage l'une par rapport à l'autre, durent chacune deux ans. La FFF possède les droits audiovisuels de ces matchs pour les matchs se déroulant sur le territoire national ; pour ceux joués à l'extérieur, il lui faut acquérir les droits pour le marché domestique français auprès de la Fédération étrangère sur le territoire de laquelle le match s'est déroulé.
45. En revanche, les droits audiovisuels des matchs de l'Équipe de France se déroulant pendant les phases finales de la Coupe du Monde et de l'Euro, c'est-à-dire pour chacune tous les quatre ans, en décalage de deux ans l'une par rapport à l'autre, appartiennent respectivement à la FIFA et à l'UEFA. Ces phases finales se disputent sur une durée de trois semaines.
46. La FFF détient également les droits marketing et audiovisuels relatifs à la coupe de France, compétition par élimination directe jouée chaque année à laquelle participent tous les clubs de football français, professionnels comme amateurs, de septembre à mai, d'une valeur moindre que les précédents.
Le budget de la FFF
Évolution des recettes de la FFF entre 1996 et 2008
47. D'après le rapport d'enquête, entre 1996 et 2001, la part de la subvention de l'État versée à la FFF diminue en valeur absolue et en valeur relative et représente une part très faible, inférieure à 3 %, de ses recettes. Les autres produits connaissent en revanche une progression sensible sur la période, passant de 57,5 millions à 123,7 millions d'euro, soit une augmentation de 23 % par an en moyenne. Les recettes ont ensuite stagné pour croitre ensuite à nouveau, passant à 143 millions d'euro en 2006, 162 millions d'euro en 2007 et 185 millions d'euro en 2008.
48. Lors de ses assemblées générales, la FFF présente ses comptes par grands secteurs d'activité : sélections nationales, coupe de France, football amateur, vie fédérale, centre technique national. Le tableau suivant relatif à l'exercice 2004/2005 soumis à l'approbation de l'assemblée générale du 14 janvier 2006 montre que la part des produits provenant des sélections nationales et de la coupe de France, soit les activités financées par le marketing sportif et les droits télévisuels, représente près de 70 % des recettes de la FFF.
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49. Les comptes de la FFF consultables sur son site montrent que la totalité de ses recettes marketing ont évolué de la manière suivante : 38,8 millions d'euro pour la saison 2002/2003, 43,2 millions d'euro pour la saison 2003/2004, 38,4 millions d'euro pour la saison 2004/2005 et 42,7 millions d'euro pour la saison 2006/2007.
50. En matière de droits audiovisuels, la FFF n'encaisse que les droits de retransmission des matchs de l'Équipe de France joués dans le cadre des phases qualificatives de l'Euro et du championnat du monde, des matchs des clubs dans le cadre de la coupe de France, et plus généralement des matchs officiels et amicaux des équipes de France. Le tableau suivant montre qu'avec un montant de droits audiovisuels de 38 millions d'euro correspondant aux droits de l'Équipe de France et de la coupe de France, les recettes audiovisuelles de la FFF représentent moins de 6% du total des recettes provenant de la commercialisation des matchs de football des équipes françaises.
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51. Dans un courrier au rapporteur général du Conseil de la concurrence en date du 19 septembre 2008, la FFF a donné le détail du montant des droits marketing et audiovisuels négociés par Sportfive entre 2002 et 2008 ainsi que des commissions correspondantes qui lui ont été versées par la FFF (cote 27430) :
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b) La société Sportfive et ses transformations
Les sociétés du groupe Darmon
52. Le groupe Darmon, crée en 1983, réunit plusieurs sociétés contrôlées par M. Jean-Claude X..., dont les sociétés SEP Médiafoot et Girosport. Médiafoot, lancée en 1968, a été la première société créée par M. X.... Girosport est une ancienne filiale de l'afficheur Giraudy, rachetée ensuite par le groupe Darmon : elle est spécialisée dans la mise en place de panneaux publicitaires autour des terrains de sport et dans les stades. Elle détient notamment l'exclusivité de l'installation des panneaux publicitaires au Parc des princes.
53. A l'époque des faits, le groupe Darmon était le leader européen de la communication sportive avec un chiffre d'affaires consolidé de 835 MF en 1998. Les principaux actionnaires de ce groupe coté en bourse sont M. Jean-Claude X... et Audiomédia (filiale de la holding luxembourgeoise Audiofina détenue par Albert Y..., qui possède par ailleurs 45 % du groupe audiovisuel CLT-UFA, concurrent du groupe Darmon). Le groupe Darmon compte parmi ses principales filiales les sociétés France football promotion (FFP), France rugby promotion (FRP), SEP Médiafoot et Girosport.
54. Immatriculée au RCS Nanterre sous le numéro B 324 592 674, la société France Football Promotion, qui a son siège à Issy-les-Moulineaux, a plus particulièrement en charge le sponsoring de l'Équipe de France. L'ancien président de l'Union nationale des footballeurs professionnels a expliqué sa création comme une initiative de la FFF en vue de concilier ses propres intérêts financiers avec ceux du mandataire, le Groupe Darmon et ceux des joueurs et en particulier ceux de l'Équipe de France : " Football France Promotion a été créé en 1982, à l'instigation de la FFF(...). La FFF a été donc à l'origine de la création de Football France Promotion, laquelle avait aussi pour but de récupérer la gestion des recettes de l'exploitation de l'image de l'Équipe de France, laquelle était entre les mains des seuls représentants des joueurs... "
La société Sportfive
55. La société Sportfive, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro B 873 803 456, a été créée en mai 2001. Son siège est situé à Issy-les-Moulineaux à la même adresse que la société France Football Promotion. Sa création a été autorisée le 13 novembre 2001 par la Commission européenne après la notification de l'acquisition, par le groupe français de télévision à péage Canal + SA et le groupe RTL, du contrôle conjoint de l'agence française de droits sportifs Jean-Claude Darmon SA ou Groupe Jean-Claude Darmon. Dans le cadre de cette opération, Canal + et RTL ont fusionné leurs propres agences de droits sportifs, à savoir respectivement Sport + (France) et UFA Sports GmbH (Allemagne).
56. En 2004, le fonds d'investissements Advent-International a pris une participation majoritaire au capital de Sportfive, concomitamment au retrait de Canal + et de M. X... du poste de président directeur général. Fin 2006, Sportfive a été rachetée pour un prix de 865 millions d'euro par le groupe Lagardère.
Le portefeuille de droits
57. Dans sa présentation à l'appel d'offre de la FFF lancé en 2001 pour l'exploitation des droits marketing, le Groupe Jean-Claude Darmon écrit : " Le Groupe Jean-Claude Darmon, leader incontesté en ce domaine, a l'honneur d'assurer le sponsoring des équipes de France des sports les plus populaires en France :
- Équipe de France de football, championne du monde 98, championne d'Europe 2000 et vainqueur de la coupe des confédérations 2001 ;
- Équipe de France de rugby, vice championne du monde 99 ".
58. Il indique aussi plus loin : " Le Groupe Jean-Claude Darmon intervient sur les sports les plus populaires - football, rugby, tennis -, soit 30 compétitions dont 14 internationales et 800 évènements (matchs, tournois, galas). Sa dimension multisports et sa présence au plan international font du Groupe Darmon un acteur prédominant et incontournable de l'économie mondiale du sport ainsi qu'un partenaire indispensable des marques pour leur communication sportive, nationalement et internationalement ".
59. Après avoir cité les 21 clubs de football français dont il commercialise les droits lorsqu'ils sont qualifiés pour la coupe de l'UEFA, ce rapport ajoute : " Groupe Jean-Claude Darmon commercialise également les droits marketing, en partie ou totalement, de 19 clubs de première et seconde division ( Auxerre, Bastia, Bordeaux, Caen, Cannes, Créteil, Gueugnon, Guingamp, Le Havre, Lens, Lille, Lyon, Monaco, Montpellier, Nancy, Nantes, Paris Saint Germain, Saint Etienne, Strasbourg et Troyes) " et plus loin " Au sein des sports autres que le football, le Groupe Jean-Claude Darmon exploite notamment les droits télévisés hors France et les droits marketing de la Fédération Française de Rugby ainsi que les droits marketing de clubs de rugby (Béziers et Stade Français) et est co-régisseur pour les droits marketings et de relations publiques du tournoi de tennis de Monte-Carlo et propriétaire du tournoi de Toulouse ".
60. Le directeur de Havas Sport a ainsi résumé le rôle de Jean-Claude X... dans le développement des droits du football : " Le leadership de M. X... réside dans trente ans d'énergie et de contact commercial, d'entregent avec les dirigeants du monde sportif. Il a apporté des innovations mais a surtout amené des annonceurs aux détenteurs de droits tels que les clubs et la FFF. Ce sport reste marqué par un esprit "familial", le terme "famille du football" y est souvent employé et M. X... y est devenu incontournable " (cote 16106).
Le chiffre d'affaires
61. Au titre de l'exercice clos en juin 2001, le chiffre d'affaires du groupe Jean-Claude Darmon s'est élevé à 165 millions d'euro, dont 86 % réalisé sur le marché français. Dans ce chiffre global, le football représente 90 %, suivi du rugby avec 9 % et du tennis avec 1 %. Avec la création de Sportfive, une part importante du chiffre d'affaires réalisé à partir de 2002, entre 25 et 30 %, provient des contrats passés avec les ligues sportives étrangères. Le chiffre d'affaires total réalisé à partir du territoire national atteint 331 millions d'euro pour l'exercice 2003 (cotes 2219 et 22294), alors que son chiffre d'affaires consolidé est de 591 millions d'euro pour cet exercice, 540 millions d'euro pour l'exercice 2004, 525 millions d'euro en 2005 et 500 millions d'euro en 2006.
62. Par ailleurs, Sportfive a communiqué à la brigade financière une analyse de son chiffre d'affaires entre 1999 et 2004 pour ses opérations réalisées en France (cote 22293). Pour l'exercice 2002, le marketing des clubs représente 78,4 millions d'euro ; le chiffre d'affaires relatif aux fédérations et ligues représente 150,3 millions d'euro et les droits du rugby se montent à 15,8 millions d'euro, ceux du handball à 1,5 millions d'euro alors que la rubrique autres représente 8,6 millions d'euro. Le total de ces recettes, qui ne comprennent pas les droits TV clubs/UEFA d'un montant de 60,8 millions d'euro qui constituent l'essentiel des droits audiovisuels possédés en France par Sportfive, est égal à 254,6 millions d'euro. Ce chiffre de recettes correspond en réalité à un montant de droits gérés par Sporfive bien supérieur dans la mesure où les contrats de partenariat négociés par elle pour le compte de la FFF par exemple sont facturés et comptabilisés par cette dernière, la FFF ne reversant à Sportfive que la commission prévue au contrat de mandat.
63. Évoquant les poids lourds du marché dominé par Sportfive et Havas Sport, l'étude d'Eurostaf affirme : " Le chiffre d'affaires international de Sportfive, fusion des groupes Jean-Claude Darmon, UFA Sport et RTL, dépasse quant à lui 600 millions d'euro, dont 93 % liés au seul football...En France comme dans beaucoup d'autres pays, le groupe Sportfive reste en position dominante en matière de régie publicitaire, avec une part de marché certainement supérieure à 50 % (la part de marché d'Havas sur le conseil étant comparable) " (cote 27004).
c) Les entreprises concurrentes
Les grandes entreprises
Havas Sports
64. Havas Sports, créée en 1987, est une agence de communication et de marketing, implantée dans 9 pays (Royaume-Uni, France, Espagne, Italie, Inde, Chine, Mexique). Selon la déclaration de M. X... en date du 10 mars 2006 " le vrai concurrent à l'époque était ISL devenu Havas Sports, à l'exception des droits télévisés (...) notre concurrent n° 1 Havas Sports (...) est adossé à un groupe de communication de taille mondiale et donc qui peut bénéficier d'un portefeuille de clients conséquent ".
65. L'étude Eurostat précise :
" Héritier d'ISL Woldwide, Havas Sport compte 160 collaborateurs pour un chiffre d'affaires d'environ 120 millions d'euro, lié à 70 % à l'activité de conseil (chiffres antérieurs à la création de son pôle régie Sportys) en 2005 ". La société Sportys est une filiale d'Havas chargée de l'activité de régie de droits sportifs. Son directeur général a certes déclaré :
" Sportys se pose clairement en alternative sur ce marché. La concurrence avec Sportfive devrait créer une saine émulation pour l'ensemble des intervenants du sport marketing et de la gestion des droits TV " (cote 27004). Dans les faits, cette ambition ne s'est pas réalisée. Entre 2000 et 2004, l'activité de Sportys est nulle. Elle prend un peu de volume en 2006 et 2007 générant un chiffre d'affaires de 12,2 et 12,9 millions d'euro sans commune mesure avec celui de Sportfive. Elle a réussi à prendre la gestion du marketing des clubs de football du Havre et de Saint Etienne (cote 27007).
Octagon
66. Octagon est une agence de marketing et sponsoring sportif exerçant également une activité de consultant. Elle se présente comme " l'un des premiers acteurs en matière de marketing sportif au monde " (communiqué de presse publié par Octagon le 2 novembre 2004). Octagon décrit son activité comme suit : " Outre la représentation de détenteurs de droits marketing, la production et la vente de droits TV, la représentation d'athlètes, l'organisation d'événements, Octagon s'est particulièrement illustré depuis de nombreuses années dans l'accompagnement stratégique et opérationnel de marques reconnues en matière de sponsorship marketing (Zurich, Vodafone, HSBS, IBM, MasterCard, etc....) ".
IMG
67. Créée en 1960, IMG est le leader mondial en management et marketing sportif et le plus important producteur indépendant et distributeur d'images sportives dans le monde avec plus de 9 000 heures de programmes originaux par an.
Team Marketing
68. Team Marketing AG, agence internationale de marketing créée en 1991, est chargée de la commercialisation des droits marketing de l'UEFA, et notamment ceux concernant la Ligue des Champions, la Coupe de l'UEFA et la Super Cup (match unique opposant le vainqueur de la Ligue des Champions au vainqueur de la Coupe de l'UEFA). L'UEFA détient une participation importante au sein du capital de Team Marketing (de l'ordre de 20 %, selon la presse spécialisée).
Les structures spécialisées
69. L'étude Eurostat précise: " Signe d'arrivée à maturité du marché, un secteur intermédiaire s'est développé autour des activités de conseil et d'études, avec la montée en puissance de structures de taille moyenne (TNS Sport, Sportlab, Carat Sport...) plus fondées sur une expertise diversifiée en sponsoring que sur l'intermédiation commerciale ". Sur les petites structures, elle poursuit : " Les petites structures (moins de 10 salariés) constituent le gros du bataillon, avec là encore de très grandes disparités dans cette catégorie, mais fort logiquement avec un seul métier ou un seul univers pour beaucoup d'entre elles " (cotes 27004 et 27005).
La société Consortium Stade de France
70. SA au capital de 29 727 558 euro réparti entre les groupes Vivendi et Bouygues, cette société a pour spécialité la gestion d'installations sportives. Elle a en particulier l'exclusivité de la gestion des droits marketing et publicité des manifestations se déroulant dans l'enceinte du stade de France à Saint-Denis.
La société Carat Sport
71. Petite entreprise qui a son siège à Courbevoie, la société Carat Sport développe essentiellement une activité de conseil ainsi présentée par ses dirigeants :
" Dans un marché déjà occupé par des gros négociants de droits bien installés, comme Sportfive et Havas Sports en France, IMG (droits des joueurs) et Octagon à l'international, notre choix était de nous positionner sur des segments de marché non explorés et non exploités, dans le cadre de nos missions de conseil. Par exemple, le football amateur et le football féminin sont des pistes que nous mettons en valeur " (cote 18943).
La société Sportlab
72. Spécialisée dans le conseil et les études en marketing sportif, cette petite Sarl qui avait son siège à Paris a été mise en liquidation judiciaire en septembre 2003. Le témoignage qui suit de son gérant permet cependant de mieux mesurer la particularité de ce secteur :
" Le coeur de métier de Sportlab est la réalisation d'études marketing dédiées au sport [ayant] pour objectif de comprendre les motivations, attitudes et comportements des Français à l'égard du sport et d'analyser les impacts des actions de sponsoring sportif.
Nos clients sont à 80 % les grands sponsors (Coca Cola, Orange Caisse d'Épargne, AGF, etc.) et les institutionnels du sport (CNOSF, fédérations, clubs).
Notre métier principal nous a amené à proposer des instruments qui permettent de mesurer le retour sur investissement, c'est-à-dire des éléments de transparence dans un système qui a été fondé sur l'opacité tarifaire.
J'ai fait le pari que le sponsoring devait parvenir à la rationalisation et à la transparence des prix, ce qui nous place aujourd'hui dans une position favorable aux yeux des sponsors. Mais aux yeux des détenteurs de droits et des régies qui les négocient, j'apparais comme un empêcheur de tourner en rond " (cote 17681).
73. En conclusion, à l'observation de la liste des agences publiée tant dans le guide de la communication par le sport que dans l'étude de la société Eurostat, on constate que, sur le marché de l'intermédiation des droits sportifs, il existe d'importantes différences entre les quelques grandes entreprises du secteur, dont on voit au demeurant qu'elles ne sont pas toujours sur les mêmes segments d'activité, et une multitude de petites structures souvent de création récente.
B. LES FAITS RELEVES
1. LES CONTRATS DE COMMERCIALISATION DES DROITS MARKETING DE LA FFF SIGNES ENTRE 1985 ET 2002
Jusqu'en 2002, les contrats entre la FFF et les sociétés du groupe Jean Claude Darmon ont été systématiquement renouvelés sans faire l'objet au préalable d'appels d'offres.
a) Les contrats
Le contrat de mandat marketing de l'Équipe de France
74. Par ce contrat signé le 23 septembre 1992, la FFF a donné à la société France Football Promotion l'exclusivité de négocier et conclure tous contrats ayant pour objet l'utilisation, l'exploitation ou la reproduction du sigle FFF et de l'image collective de l'Équipe de France. Le rôle du mandataire est donc de rechercher des partenaires et de signer des contrats de sponsoring après accord de la FFF. En contrepartie, celui-ci reçoit un pourcentage des recettes encaissées qui varie de [...] % à [...] %. (cotes 651à 653, 3583 à 3595, 3598 à 3601).
75. Le contrat a été conclu pour une durée de 6 ans renouvelable pour 2 ans supplémentaires par tacite reconduction. Cependant, par convention du 22 novembre 1994, soit deux ans après la signature du contrat, il a été décidé entre la FFF et le groupe Jean-Claude Darmon de reconduire ce contrat pour une durée supplémentaire de 2 ans sans attendre la date de son échéance normale. Le texte de ce document indique les raisons de ce choix :
" Le contrat de mandat liant la Fédération Française de Football à Football France Promotion prévoit son terme normal au 31.07.1998.
Compte tenu des discussions menées par Jean-Claude X... avec les sponsors Canal+ et Adidas (fournisseur officiel des équipements) ayant abouti à une prolongation jusqu'en l'an 2000 pour l'un et à un relèvement substantiel des redevances payées pour l'autre, il est convenu de modifier le terme du contrat initial pour le porter au 31 juillet 2002.
Par ailleurs, à compter du 1er août 1998, date de prise d'effet de la prolongation ci-dessus, la facturation des clients sera réalisée par la Fédération Française de Football.
En conséquence, un contrat nouveau sera mis au point, dès que possible, et signé avec les parties tenant compte de la modification intervenue ". Ce nouveau contrat est daté du 28 mars 1995 (cotes 655 à 656, 3600 à 3604).
76. Il convient de noter que le contrat signé en 1992 et prolongé jusqu'en 2002 perpétue une situation dans laquelle France Football Promotion a déjà reçu mandat au moins depuis 1982 pour gérer le sponsoring et les contrats commerciaux de la FFF.
Le contrat de panneaux publicitaires
77. Par contrat du 1er février 1985, la FFF a concédé à la société Médiafoot les droits exclusifs correspondant à la mise en place de panneaux publicitaires lors des rencontres de l'Équipe de France retransmises par la télévision, en dehors de celles se déroulant au Parc des Princes (cotes 630 à 634). En contrepartie, Médiafoot s'engage à reverser à la FFF [....] % de la recette brute pour une rencontre en France et [...] % de la recette brute pour une rencontre à l'étranger. Le contrat expirait au 30 juin 1989, mais l'avenant l'a prolongé une première fois jusqu'au 30 juin 1994 et il se renouvelle depuis par tacite reconduction par période de quatre ans (cote 16912).
Le contrat de prestation de relations publiques
78. Un contrat de prestation de services a été signé le 23 septembre 1992 entre la société Football communication représentée par son gérant, le directeur général de la FFF, et la société France Football Promotion. Par ce contrat, Football communication concède à France Football Promotion, désignée aussi sous le sigle FFP, les droits exclusifs pour l'organisation et la commercialisation des opérations de relations publiques et du club VIP à l'occasion des matches de l'Équipe de France et de la coupe de France. Les opérations de relations publiques comprennent " l'organisation à l'intérieur des stades, ou de leurs dépendances, des réceptions à l'occasion des matches et donnant aux adhérents l'accès aux stades ".
79. Le club VIP regroupe 40 sociétés bénéficiant de relations privilégiées avec la FFF. Le contrat expire au 31 juillet 1994 et son renouvellement automatique par tacite reconduction et par période de 2 ans est prévu (cotes 621 à 629, 13244 à 13252 et 16908 à 16919).
Les contrats de sponsoring de la coupe de France
80. Le 8 juin 1985, la FFF a conclu un accord de sponsoring de la coupe de France avec les sociétés Calberson et RTL courant jusqu'au 30 juin 1988. Le 15 janvier 1988, la FFF et la société SEP Médiafoot ont conclu un contrat dénommé " accord de régularisation " par lequel la FFF accorde à SEP Médiafoot une commission fixée à [...] % " de la différence existant pour chaque saison entre les produits financiers indexés du contrat souscrit le 8 juin 1985 et ceux de l'ancien contrat " (cote 634).
81. Un nouvel accord a été signé le 21 décembre 1994 :
" Par contrat en date du 15 janvier 1988 prolongé par courrier du président de la FFF en date du 23 février 1989, il a été convenu entre les parties que la société Médiafoot percevrait en rémunération de l'apport de clients au titre du sponsoring de la coupe de France, une commission de [...] % sur la différence entre les contrats apportés par Médiafoot et le dernier contrat signé seule par la FFF avec les sociétés Calberson et la SCP/RTL portant sur les saisons 1985/86, 1986/87, 1987/88. Les dispositions de ce contrat se sont poursuivies jusqu'à ce jour. Les parties entendent par les présentes prolonger le droit de commercialisation exclusif du sponsoring de la compétition coupe de France consenti à Médiafoot selon les mêmes termes et conditions jusqu'au 30 juin 2002 " (cote 16912)
L'intégration des contrats Adidas dans les contrats marketing signés avec le groupe Jean Claude Darmon
82. Un contrat de 8 ans, prenant la suite de liens commerciaux anciens, a été signé le 23 janvier 1995 pour la période du 1er juillet 1994 au 30 juin 2002 entre Adidas, la FFF et M. X.... Il concède à la société Adidas l'exclusivité de l'exploitation de l'image des produits Adidas associés à la FFF notamment lors des matchs de l'Équipe de France (cotes 15009- 15017). La rémunération versée par Adidas à la FFF, de [...] F pour la saison 1994/1995, augmente progressivement pour atteindre [...] F en 2001/2002.
83. Le contrat a été modifié par un avenant du 30 juillet 1997 signé par le président de la FFF, par Adidas et par Jean-Claude X.... Le lendemain, soit le 31 juillet, la FFF et le groupe Jean-Claude Darmon signent un protocole d'accord applicable de 1996 à 2002 prévoyant une rémunération du groupe Darmon au titre de la valorisation du contrat de 1994 intervenue avec l'avenant du 30 juillet 1997. Cette rémunération est d'environ [....] % des recettes versées par Adidas. D'autre part, l'article 2 de cet accord prévoit que désormais le groupe Darmon va encaisser pour le compte de la FFF les versements d'Adidas (cotes 13220-13221).
84. Il peut être constaté que M. X... est partie prenante dans les relations de la FFF avec Adidas dès 1994 et que le groupe qu'il dirige vient totalement s'intégrer dans ces relations bilatérales à l'occasion de la négociation d'un simple avenant au contrat initial.
85. M. X... n'a pas donné d'explication précise sur sa signature du contrat prenant effet le 1er juillet 1994 et justifie son intervention par le rôle qu'il avait joué lors d'un conflit survenu début 1997 entre les joueurs de l'Équipe de France, d'une part, la FFF et Adidas, d'autre part. En résolvant ce conflit, il aurait, selon ses dires, " permis de sauver la FFF et l'Équipe de France. M. Z... était en effet coincé par les demandes des joueurs. J'ai ainsi négocié avec les dirigeants d'Adidas et Henri A... [intendant de l'Équipe de France]. A la fin des discussions (...). M. A... a pris le document, validé par Claude Z..., par Adidas et par moi-même. M. A... a ensuite communiqué les conditions financières aux joueurs pour approbation. J'avais tenu informé M. Z... tout au long des négociations " (cotes 14839 à 14845). Selon Adidas, l'intervention de M. X... aurait permis d'obtenir une substantielle augmentation des primes versées aux joueurs dans le cadre de l'avenant du 30 juillet 1997.
b) L'appréciation de la Cour des comptes sur ces contrats et les réactions en interne
86. Dans ses constatations définitives sur la gestion de la FFF pour les exercices 1989-1990 à 1998-1999, la Cour des comptes a relevé qu'en dépit de la promesse faite par le président de la FFF dans une lettre du 15 novembre 1989, comme d'une demande du conseil fédéral qui, réuni le 30 novembre 1990, a souhaité : " qu'un appel d'offre soit lancé lors du renouvellement des contrats en cours et qu'à l'avenir les sociétés que dirige M. X... soient mises en concurrence en application de la loi du marché avant la conclusion de nouveaux contrats " (cote 16914), aucun des contrats conclus dans la période n'a fait l'objet d'une mise en concurrence. Elle souligne aussi les conditions particulièrement opaques du renouvellement du contrat de mandat en 1995.
87. Les critiques de la Cour des comptes étaient d'ailleurs relayées en interne : le directeur général de la FFF entre 1992 et 2005 a éclairé d'un point de vue historique le cadre dans lequel les contrats de la FFF ont été négociés avec M. X... depuis les années 1980 :
" Les premiers contrats négociés avec Jean-Claude X... remontent du temps de la présidence de M. Fernand B..., ceci a été poursuivi par M. C... et M. Z... au début de sa présidence. Ce n'est qu'en 1999 que j'ai obtenu la création d'un département marketing interne. La mission de ce service était de gérer les marques de la FFF et de contrôler les projets de juriste spécialisé dans les droits du marketing à ce service.
C'est à partir de cette date que la procédure a été modifiée. (...)
Nous contrôlions en détail le contenu des contrats tant au plan juridique qu'au plan économique. Le contenu était discuté en amont entre M. Z... et M. X....
Je dois préciser qu'avant l'arrivée de M. Z..., les contrats étaient signés parfois sur un coin de table, à la fin d'un repas entre M. X... ET M. C.....
Lorsque M. Z... est arrivé à la présidence, le plus souvent, cela se passait en tête à tête entre M. X... et M. Z.... Rien ne filtrait hormis ce que M. X... voulait bien que l'on sache
Question : Quelles étaient les raisons de ce comportement ?
Réponse : Il faut savoir que j'étais un des ennemis connus de M. X... et ceci était connu de façon notoire. J'estimais que la FFF devait avoir un service intégré à la FFF au niveau marketing et droits télé. Je pensais que nous pouvions très bien nous passer des services du groupe Darmon et de ces commissions d'apporteur d'affaires que nous devions lui verser, soit entre 12 et 15 % des contrats.
Souvent lors des négociations entre M. Z... et M. X..., je n'étais pas présent. Je peux même dire que j'étais évincé pour des raisons évidentes.
Je pense qu'avec M. Z..., M. X... arrivait à discuter et à obtenir ce qu'il voulait en " l'embrouillant ". Avec moi, c'était plus difficile...
Je pense que tous deux, nous avions une incompatibilité d'objectifs. Il voulait à tout prix faire marcher et développer sa société et pour ma part, je souhaitais développer le marketing interne à la FFF et optimiser les recettes au travers des droits télé et sponsor. Il y avait une divergence de taille entre nous deux.
J'ai cependant gagné du terrain car en 1995, lors de la prise de fonction de M. Z..., ce dernier a retiré à M. X... le titre de directeur de la communication qu'il avait depuis très longtemps. Deuxièmement, les droits Télé, à partir de 1994 ont été gérés par la
Fédération et non plus attribués à Jean-Claude X.... Troisièmement, en 1999, on procède à la création du service marketing.
En 2001/2002, le groupe Darmon n'aurait dû avoir que le marketing de l'Équipe de France et le reste devait être géré par la Fédération. Mais cela ne s'est pas réalisé ".
De même, dans une note interne, non datée mais qui en fonction du contexte a été élaborée en 2000, la FFF, faisant le point des relations avec Sportfive, écrit : "(...) c) un problème de transparence. L'appel à la concurrence pour la recherche de partenaires outre qu'il constitue une obligation légale, permettrait aussi de bien connaître notre marché et notre valeur commerciale. En ne procédant pas ainsi, le Groupe J.C. Darmon met la FFF en porte à faux, mais de plus se réserve la possibilité d'arrangements qui peuvent se faire à notre détriment....Il faut donc que la FFF reprenne la main et procède à des appels à la concurrence " (cotes 21657 à 21659).
2. LES CONTRATS DE MARKETING SIGNES LE 11 DECEMBRE 2002
88. Devant les critiques formulées par la Cour des comptes à l'occasion du marché signé le 23 septembre 1992 (cotes 16908 à 16919), le président de la FFF a indiqué, dans une lettre adressée à la Cour le 19 septembre 2000, que le conseil fédéral de la Fédération avait adopté le 15 décembre 2000 une délibération prévoyant notamment que le choix en 2002 du futur mandataire pour les droits marketing de l'Équipe de France et de la Coupe de France serait précédé d'une consultation et qu'un cahier des charges serait élaboré à cet effet.
a) Présentation du déroulement des opérations
Procédure d'attribution des lots équipes de France et coupe de France
89. Les éléments du dossier montrent que la FFF n'a pas élaboré un règlement de consultation proprement dit mais une lettre d'accompagnement du cahier des charges qui a été adressée le 3 octobre 2001 par le président de la FFF à la société Havas Advertising Sports et au groupe Jean-Claude Darmon (cotes 16026-16031).
90. Après avoir indiqué que les droits marketing de la FFF étaient cédés pour une période de 4 ans commençant le 1er août 2002 et s'achevant à l'issue de la coupe du monde de football 2006, ce document explique tout d'abord que, ces droits étant très divers, la FFF a décidé de les commercialiser en trois lots décrits dans le cahier des charges joint à cet envoi. Ce dernier précise :
" Pour chacun des lots, le candidat dont l'offre sera retenue assurera l'exploitation des droits marketing auprès d'entreprises désireuses d'associer leur image à celle de la Fédération Française de Football et/ou de ses équipes et/ou des compétitions dont elle a la charge. Cette exploitation s'effectuera essentiellement dans le cadre de contrats de partenariat et de licence que le candidat retenu négociera avec ces entreprises, en accord avec la Fédération Française de Football, laquelle restera libre de conclure ou non les projets de contrats qui lui seront soumis " (cote 16027).
91. Après avoir donné quelques indications sur les informations que les candidats doivent donner sur leur société et la manière dont ils entendent exploiter les lots obtenus, la lettre du président de la FFF précise les modalités d'examen des candidatures.
92. Ainsi, il est indiqué qu'au vu des propositions reçues, la FFF pourra d'abord prendre contact avec tel ou tel candidat pour recueillir toute information ou précision utile. Il n'est pas précisé que cet échange aura lieu avec tous les candidats. En toute hypothèse, la FFF, au vu des propositions retenues dans un premier temps, proposera un projet de contrat pour chaque lot et demandera alors aux candidats de proposer une offre ferme.
93. La lettre cite ensuite un ensemble de critères qui pourront être retenus pour l'attribution des lots sans établir entre eux une hiérarchie et en précisant que la FFF n'est tenue ni de justifier son choix final, ni de motiver une quelconque interruption des discussions avec tel ou tel candidat. Figurent dans ces critères :
" L'ambition et la cohérence du plan marketing et du programme d'action, notamment au regard des précisions données quant à l'exploitation de ces lots dans le cahier des charges ; les moyens que le candidat s'engage à mobiliser pour son exécution ; les perspectives financières de la mise en œuvre de ce plan ; le niveau du minimum annuel garanti de recettes " (cotes 16029 et 16030).
94. Le cahier des charges de la consultation est extrêmement succinct (cotes 16032 à 16049). Il se borne pour l'essentiel à définir la composition du lot 1 relatif à l'Équipe de France masculine A de football, du lot 2 relatif à la coupe de France et du lot 3 relatif au marketing fédéral qui intègre les autres sélections nationales (A', Espoirs et équipe féminine) et le football amateur.
Calendrier des opérations
95. Le calendrier était le suivant :
- envoi de la lettre d'accompagnement et du cahier des charges : 3 octobre 2001 ;
- propositions à remettre par les candidats : le 29 octobre 2001 au plus tard ;
- examen des propositions : trois premières semaines de novembre ;
- projet de contrat envoyé aux candidats retenus : 22 novembre au plus tard ;
- envoi de l'offre ferme : 6 décembre au plus tard ;
- choix des titulaires des lots : 21 décembre 2001.
96. Ce calendrier prévoyait donc le choix des titulaires le 21 décembre 2001 au plus tard. Les sociétés Sportfive/FFP et le groupement Havas/Consortium Stade de France ont déposé leurs propositions le 6 novembre 2001 et ont été auditionnées par la FFF le 14 novembre. Mais les contrats ont été définitivement signés le 11 décembre 2002, soit un an après le choix de la FFF et plus de 4 mois après le commencement de l'exploitation des droits prévu dans la lettre du 3 octobre 2001 aux entreprises.
97. La chronologie détaillée des opérations est donnée dans un document de synthèse remis par la FFF avec des extraits des procès-verbaux des conseils fédéraux qui ont délibéré sur le dossier (cotes 13128 à 13133). Ce document confirme plusieurs points importants du déroulement de cette procédure :
- le dossier de consultation n'a été envoyé qu'au groupe Darmon, à Havas et à Media Pro, société qui a des relations d'affaires avec le groupe Darmon ;
- la commission des dépouillements des offres de la FFF a reçu le 6 novembre deux propositions, celles du groupe Darmon et du groupement Havas/Consortium Stade de France ;
- le 14 novembre, la commission a auditionné les deux candidats auxquels elle a envoyé les projets de contrats ;
- le 14 décembre, elle a ouvert les plis et décidé de recommander au conseil fédéral du 21 décembre le choix du groupe Darmon pour le lot 1, moyennant une rédaction du contrat définitif conforme aux recommandations exprimées par elle. Elle propose aussi de reporter en février 2002 la décision pour les lots 2, 3A, 3B et 3C ;
- le 21 décembre le conseil fédéral attribue le lot 1 au groupe Darmon ;
- le 29 janvier 2002 la FFF crée un groupe de travail pour élaborer avec M. X... la rédaction définitive du contrat sur le lot 1;
- le 8 février le conseil fédéral attribue le lot 2 à Sportfive ;
- les 11 février, 11 septembre et 21 octobre, des réunions se tiennent entre la FFF et Sportfive pour négocier des modifications au contrat initial. Elles sont suivies de demandes d'arbitrage aux présidents de la FFF et de Sportfive ;
- le 11 septembre 2002 la commission marketing de la FFF s'interroge sur la possibilité de déclarer la consultation infructueuse ;
- le 11 décembre 2002 sont signés les contrats de mandat pour les équipes de France et la coupe de France.
Le contenu des contrats marketing
Les équipes de France
98. L'objet du lot n° 1 est la commercialisation des droits attachés à l'Équipe de France masculine A. Mais le contrat finalement signé concerne aussi les équipes A' et Espoirs et plus généralement l'image de marque des équipes nationales. Pratiquement, la FFF concède trois types de droits : les droits de partenariat, les droits de licence et les droits de panneautique (cotes 3647-3648 et 5227 à 5251).
99. En contrepartie de ces services, une rémunération est fixée en pourcentage des recettes brutes encaissées au titre des contrats, diminuée des frais directs supportés par la FFF et par la société France Football Promotion pour ce qui concerne l'exécution des contrats d'affichage. Pour les droits relatifs aux contrats de partenariat et de licence, un taux de [...] % jusqu'à [...] euro de recettes brutes et de [.... ] % au-delà est fixé au profit de la société. Pour les droits relatifs à la panneautique, le taux de rémunération est de [...] % au profit de Sportfive.
100. Mais France Football Promotion garantit dans le contrat un minimum de rémunération à la FFF. Prévu à l'article 4.1, ce minimum est pour la période 2002/2004 de [...] euro en cas de qualification de l'Équipe de France A au championnat d'Europe des Nations de 2004 et de [...] euro dans le cas contraire. Pour la période 2005/2006, il est de [...] euro si l'équipe se qualifie pour la coupe du monde de football 2006 et de [...] euro dans le cas contraire.
101. Aucune clause de tacite reconduction n'est prévue. Cependant, une indemnité de fin de contrat égale à 6 mois de la rémunération moyenne mensuelle perçue par le mandataire au cours des deux dernières saisons est versée en toute hypothèse à Sportfive et à Football France Promotion. Mais cette indemnité n'est pas due si la FFF lui attribue le marché venu à expiration.
102. Les droits marketing dont la commercialisation est confiée à Sportfive et Football France Promotion sont d'un contenu très large. Ils sont définis aux annexes 1 des contrats de mandat de l'Équipe de France et de la coupe de France (cotes 3662 à 3667 et 3686 à 3690). Il s'agit des droits détenus par la FFF au titre des contrats de partenariat, des contrats de licence et des panneaux publicitaires dans les stades. Cependant, il est indiqué dans les deux contrats : " Il est en outre précisé que tout autre droit que ceux listés ci-après concernant l'Équipe de France (ou la coupe de France) et/ou l'image de marque de cette compétition, dont la FFF est ou deviendrait titulaire et/ou qu'elle est ou serait susceptible d'exercer pendant la durée du contrat, qu'il soit existant ou qu'il vienne à être crée ou encore autorisé pendant la durée du contrat, entre automatiquement dans le périmètre des droits ".
La coupe de France
103. Le contrat signé entre la FFF et la seule société Sportfive, qui s'applique aux droits de la coupe de France et à l'image de cette compétition, est rédigé dans les mêmes termes que pour l'Équipe de France. Les contrats apportés par le mandataire doivent être approuvés par la FFF.
104. Le système de rémunération prévu est de même nature. Le taux de cette rémunération est pour les droits des contrats de partenariat et de licence de [...] % jusqu'à un montant de recettes brutes de [...] euro, de [...] % au delà et de [...] % pour les contrats de panneautique.
105. Le contrat contient aussi une clause de rémunération garantie d'un montant de [...] euro. Si les recettes n'atteignent pas ce montant, la FFF perçoit une somme égale à la différence entre ce montant garanti et les recettes réalisées diminuée d'une part de la rémunération du mandataire sur cette différence et d'autre part d'un forfait de frais de [...] %.
b) Éléments recueillis à propos de la procédure d'attribution des droits
Les enquêteurs ont recueilli de nombreuses déclarations sur le déroulement de l'appel d'offres.
Les conditions d'élaboration du cahier des charges
106. Le responsable juridique de la direction marketing de la FFF a indiqué que l'élaboration du cahier des charges et des documents juridiques y afférents avait été réalisée avec le concours de deux cabinets de conseil : l'agence Carat Sport et le cabinet Franklin. Les propos suivants de la personne en charge à la FFF des questions juridiques relatives aux droits marketing sont révélateurs des questions que cet appel d'offre a posées en interne :
" Tout au long de la procédure, la question de l'éventuelle soumission de l'attribution des droits marketing aux règles européennes de la commande publique n'a jamais été sérieusement étudiée, bien que j'ai évoqué le sujet de la soumission d'une telle attribution au droit commun de la concurrence. Mais nos interlocuteurs chez Franklin n'ont pas paru rebondir sur la question ". (cotes 13119 à 13123).
107. Le directeur général de Carat Sport a insisté sur la marge de manœuvre que la FFF entendait se réserver : " Lors de l'appel d'offres de la FFF sur ses droits marketing à la fin 2001, nous sommes intervenus au titre de notre mission d'assistance mais dont l'objet a été modifié pour permettre de fournir nos services dans ce cas précis (...).
Mais nous n'avons pas été associés à la phase de négociation, sans doute parce que la FFF voulait laisser cette partie dans le flou et ainsi se donner une marge de marge de manœuvre nécessaire pour pouvoir négocier directement avec les candidats ". (cote 18944).
L'ouverture de la consultation
108. A propos de la publicité de l'appel d'offres, le directeur général de la FFF entre 1992 et 2005 a déclaré : " Nous avons contacté les entreprises Mediapro, Havas Sport et Sportfive pour leur demander de répondre à notre appel d'offres.
Il n'a pas été procédé à une publicité invitant les acteurs intéressés à se manifester et je certifie ne pas être à l'origine de cette liste de trois noms. A l'origine je souhaitais un appel d'offre ouvert, c'est M. Z... qui a imposé une procédure confidentielle limitée à trois noms d'acteurs et il m'a communiqué les trois noms des entreprises susmentionnées à contacter à cet effet...." (cotes 21595-21596 et 12977).
La directrice juridique confirme à ce propos : " Sur les entreprises consultées, il y eu un choix de ne pas faire de publicité sur la consultation... " (cotes 13119 à 13123).
L'intérêt des entreprises pour la consultation
109. Malgré cette publicité réduite, le directeur général délégué de la société Havas Sport, qui a déposé une proposition, a expliqué pourquoi Havas était intéressée par ce type de contrat ;
" les droits à valoriser et donc leur commercialisation nous intéressaient fortement. A cette époque, l'Équipe de France était porteuse de grands espoirs en terme de valorisation commerciale, après ses victoires en coupe du Monde et en Championnat d'Europe. (...)
Contrairement à la plupart des clubs de football français, pour lesquels il faut souvent aller démarcher les éventuels partenaires, l'impact de l'image de l'Équipe de France est tel que l'offre de gros sponsors est surabondante. Nombreux sont en effet les annonceurs qui souhaitent associer leur nom et leur marque aux performances de l'équipe. La gestion de la régie des droits qui y sont attachés s'en trouve grandement facilitée et nettement plus profitable.
L'appel d'offres nous intéressait donc à plus d'un titre et il me semblait que l'appel d'offres n'était pas joué d'avance. Je fus donc surpris et déçu par l'issue malheureuse de notre offre, particulièrement par le fait que nous n'ayons emporté aucun des lots proposés. Si le lot concernant l'Équipe de France paraissait acquis à JC X..., on pouvait envisager que la FFF n'attribue pas l'ensemble des lots à la même agence.
Nous étions fiers du contenu de notre dossier, notamment de nos idées à propos de la valorisation commerciale du football amateur et de la coupe de France. Nous considérons d'ailleurs toujours ces deux segments de marché comme une mine de ressources pour l'avenir (...)
Par ailleurs, l'obtention d'un lot au moins de cet appel d'offres aurait permis à Havas Sports de prendre pied sur le marché des régies de droits peu risquées et hautement profitables " (cotes 16104-16105).
110. Le directeur général adjoint de la société Consortium Stade de France a expliqué dans quelles conditions sa société s'est intéressée à l'appel d'offre : " Nous nous sommes d'abord estimés compétents pour répondre à une consultation qui aurait porté sur les droits marketing de l'Équipe de France et sur ceux de la Coupe de France. En effet quelques matchs de l'Equipe de France se jouent chez nous ainsi que la finale de la Coupe de France. Pour ces manifestations nous étions donc détenteurs des droits marketing y afférents.
A l'époque, conscients de nos compétences, nous avons senti qu'il y avait une place pour nous dans cette consultation.
Nous avons donc décidé de nous manifester auprès de la FFF en leur envoyant un courrier faisant état de notre intérêt. La FFF nous a alors envoyé le cahier des charges qui précisait le contenu des droits proposés.
Dès lors, nous nous sommes rendus compte que nous n'avions pas les compétences pour répondre sur les trois lots proposés et donc à l'ensemble de la consultation. A ce moment là, Havas Sport nous a contactés dans le but de nous associer à leur propre candidature " (cote 17765).
111. Une lettre du directeur général du Consortium Stade de France adressée à M. Z... le 26 octobre 2001 semble montrer également que cette société n'a pas été candidate à cause des délais trop brefs de la consultation : " Le calendrier de réponse, tel qu'il est précisé dans votre courrier, indique que notre proposition doit être remise à la Fédération au plus tard le 29 octobre 2001.
Notre souhait de vous soumettre une proposition de qualité, répondant à votre légitime attente, est très difficilement compatible avec ce calendrier, d'autant plus que nous avons de multiples questions à vous poser sur les différents lots proposés, dont les réponses nous apparaissent indispensables pour constituer un dossier complet et professionnel sur l'exploitation et la valorisation des droits marketing de ces lots. En conséquence, nous vous confirmons que nous ne nous portons pas candidat " (cote 17855). Cette société, qui ne faisait pas partie des entreprises consultées, n'a finalement disposé que d'une semaine pour préparer son offre.
112. Pour sa part, le directeur général de la société IMG n'a pas compris pourquoi sa société n'avait pas été consultée par la FFF :
" Concernant l'appel d'offres portant sur les droits marketing de la FFF, je suis persuadé que IMG n'a pas été consulté par la FFF ce qui est inconcevable si l'on connaît les compétences et les références du groupe dans l'organisation et la valorisation de grands évènements sportifs.
Inutile de vous dire que j'ai été déçu et choqué de ne même pas avoir été consulté par la FFF. IMG aurait eu à coeur d'entrer sur des marchés de cette importance. On m'a demandé à cette époque pourquoi IMG n'avait pas fait acte de candidature " spontanée ". Étant donné la manière dont s'est déroulée la consu1tation et compte tenu surtout de l'absence de publicité de l'appel d'offres, j'ai considéré que IMG perdrait son temps et ses moyens dans une candidature vouée à l'échec. Dans cet appel d'offres truqué, Havas Sports n'a fait que jouer le rôle de " lièvre " ou de faire-valoir pour le groupe de JC Darmon ". (cotes 17949-17950).
Les difficultés rencontrées par le groupe Havas pour élaborer une offre compétitive
113. Le directeur du développement chez Havas Sport a été chargé de répondre à l'appel d'offres. Compte tenu de la division du marché en 3 lots, la société Havas Sport, qui cherchait à prendre pied sur le marché de la régie de droits, a pensé qu'elle avait une chance de l'emporter au moins sur l'un des deux premiers lots.
114. L'intéressé a déclaré : " Notre dossier ne comportait pas d'engagement financier car nous n'avions pas d'informations assez précises pour formuler des propositions financières. J'ai argué du fait que je ne pouvais dès lors répondre précisément à l'appel d'offres et je n'ai donc pu produire une étude financière préalable.
Sur la base de mes observations, nous avons pourtant élaboré une série de questions qui me semblaient essentielles pour pouvoir estimer financièrement plus précisément notre offre.
M. D... a fait passer à la FFF ce questionnaire mais nous n'avons eu que des réponses partielles. De mémoire, nous n'avons pas reçu de réponse écrite. Nous ne pouvions donc toujours pas faire de proposition financière. Entre la remise de l'offre et la prestation orale il n'y a pas eu de contact de la part de la FFF à propos notamment de l'absence de proposition financière.
Il n'a jamais été question cependant de renoncer à l'appel d'offres. M. D... et M. E... ont décidé d'y aller quand même, ce qui fut fait le 29 octobre 2001 comme précisé dans l'appel d'offres. Nous avons par ailleurs décidé dans les derniers jours de répondre conjointement avec le Consortium du Stade de France (...) " (cotes 16146-16147).
115. Figure dans le dossier de consultation remis aux enquêteurs par la société Havas Sport un document contenant une liste de questions posées à la FFF, notamment sur l'évaluation des contrats en cours (cotes 16175-16176). Si le directeur général de la société Havas Sport au moment des faits indique qu'il n'a pas lui-même demandé ces informations à la FFF, il a cependant déclaré :
" Il est sûr que nous n'avons jamais obtenu de réponses écrites quant à cette demande et je pense que si Laurent D... avait pu obtenir des informations de la FFF il nous en aurait confié les éléments utiles pour notre dossier de réponse.
Le vrai problème, insurmontable, a été l'incapacité d'Havas Sport France à s'engager sur des objectifs de recettes garanties, ce minimum garanti était l'élément majeur mais Laurent D... qui souhaitait cet engagement n'a pas eu l'autorisation de ses patrons de l'époque MM. F... et Jacques G....
Lors des contacts avec les membres de la commission de dépouillement FFF, j'ai senti un intérêt sincère pour notre présentation mais ceux-ci nous ont expressément dit que l'absence de minimum garanti dans notre offre était rédhibitoire " (cote 14136).
116. Il ressort de cette déclaration que la société Havas Sport n'a jamais reçu de réponse écrite à sa demande d'information nécessaire à l'évaluation du minimum garanti alors que ce minimum garanti était un élément indispensable à la prise en compte de son offre.
117. Ce fait est par ailleurs confirmé par le directeur général de la FFF qui a déclaré :
" Je me souviens que les représentants d'Havas avaient demandé des informations sur les contrats en cours d'exécution et il leur a été répondu une fin de non recevoir " (cote 12977)..
118. Cette fin de non recevoir résulte de l'opposition de M. Jean Claude X... à la communication d'informations utiles à Havas Sport si l'on en croit les propos du directeur général de la FFF lui-même qui, amené à s'expliquer sur le questionnaire d'Havas Sport, évoque une réunion au cours de laquelle le président de la FFF M. Z... a évoqué en ces termes avec M. X... la réponse à ce questionnaire :
" La vue de ce document active ma mémoire et j'ai bien eu en main ce document que j'ai transmis au président Z... lequel s'est retourné auprès de X... qui a émis un veto quant à la communication de ces informations, veto exprimé dans ces termes en dehors de ma présence mais que je tiens de façon certaine car rapporté par Z... :
" je refuse de dilapider mon fonds de commerce ".
Le président Z... a obtempéré à cette directive." (cote 12977).
119. Cependant, le président de la FFF, interrogé sur ce document conteste cette version (cotes 12931 à 12937) :
(...) " Non, je n'ai jamais été saisi d'une telle demande soit directement par les intéressés soit indirectement par mes services. J'ajoute que je n'étais pas un familier de M. Laurent D..., qui était en revanche très proche de Gérard H... " (cote 13933).
120. Cette déclaration ne signifie pas pour autant que la FFF n'ait pas reçu cette demande, ainsi que le confirment précisément les propos des responsables de la société Havas rapportés aux paragraphes 113 et 114 ainsi que ceux de M. H... rapportés au paragraphe 117.
Le paiement d'un droit d'entrée non prévu par la consultation
121. Dans une version du contrat datée du 10 juillet, la société Sportfive a proposé en son article 3.2 une stipulation complètement nouvelle, à savoir le versement d'un droit forfaitaire exceptionnel de [...] euro au bénéfice de la FFF. Les protagonistes n'ont pas été en mesure de donner des explications précises sur l'introduction de cette clause. Ils s'accordent tous pour dire qu'il s'agissait de commissions dues par Sportfive sur des contrats passés. Le rédacteur de la clause, M. I..., a déclaré à ce sujet :
" Au sujet de l'article 3.2 qui fait obligation à Sportfive de verser un droit complémentaire forfaitaire exceptionnel de [...] euro hors taxes, c'est moi qui ai introduit cette disposition dans le contrat à la demande de M. G. H... bien qu'elle n'apparaisse pas dans le cahier des charges et les projets de contrat. Ce montant correspondrait à un arriéré de comptes dû par FFP ou Groupe JC Darmon à la FFF. Il est vrai que je n'ai pas vu les éléments comptables ou commerciaux justificatifs. Michel J..., directeur financier de la FFF, m'a appelé au téléphone pour m'en parler. J'avoue avoir été surpris par cette demande " (cote 13055).
122. D'après l'article 3.2 du contrat cependant, le droit d'entrée était payé dans le cadre de la réattribution du mandat de commercialisation confié à la société FFP : " Dans le cadre des négociations ayant conduit à la réattribution du mandat de commercialisation des droits à FFP, les parties se sont entendues pour fixer un droit complémentaire forfaitaire exceptionnel de [...] euro hors taxes, unique pour la durée des présentes. FFP s'engage à régler ladite somme en totalité à la signature des présentes après réception de la facture correspondante émise par la FFF " (cote 3654).
Les modifications substantielles apportées au projet de contrat marketing avant sa signature finale
123. Dans la lettre adressée le 3 octobre 2001 aux deux candidats intéressés par le contrat marketing, la FFF, précisant le calendrier de la procédure, fixait au 29 octobre la remise des propositions, au 22 novembre le choix de la proposition jugée la plus satisfaisante et au 6 décembre la remise de l'offre ferme du candidat retenu, la décision finale devant être communiquée au plus tard le 21 décembre 2001. Dans une proposition de rédaction de la lettre aux candidats, le cabinet Franklin a détaillé le processus de conclusion du contrat :
" Si votre proposition fait partie de celles qu'elle envisage de retenir, la Fédération française de football vous proposera un projet de contrat pour chacun des lots que votre société serait susceptible d'exploiter, en vous demandant alors de formuler une offre ferme. L'offre ferme prendre la forme du projet de contrat éventuellement modifié par le candidat, paraphé et signé en double exemplaire, de telle sorte que le contrat pourra être ensuite conclu sans autre formalité que sa signature par la Fédération française de football " (cote 13411).
124. Or cette proposition, qui consistait à ne pas ouvrir une nouvelle négociation à partir du moment où la FFF avait choisi l'offre qui lui paraissait la meilleure, n'a pas été mise en application. Cela résulte d'abord de la décision du comité fédéral du 21 décembre 2001 qui, en même temps qu'il attribuait le lot 1 à Sportfive, autorisait un délai d'études complémentaires courant jusqu'au 28 février 2002 pour l'attribution des lots 2 et 3.
125. De fait, une première version du contrat présentée par la FFF et conforme au processus prévu pour la rédaction du mandat final a été discutée au début de l'année 2002. Mais d'autres versions datées des 26 avril, 10 juillet, 4 novembre et 10 décembre, donc bien au-delà du délai initialement fixé, ont été proposées successivement par la société Sportfive (cotes 2321 à 2366 et 13064 à 13079) qui a, tout au long de ces négociations, augmenté ses exigences.
126. Des éléments de cette négociation montrent aussi combien, tout au long de l'année 2002, le groupe Darmon obtient satisfaction sur des points qui constituent en fait une véritable renégociation du contrat comme le remboursement à Sportfive d'impayés qui lui seraient imputables, la possibilité de résiliation en cas de minimum garanti non atteint, la possibilité pour Sportfive de négocier des contrats dont le terme excède juillet 2006, le calcul du minimum garanti sur le montant facturé ou encaissé et la prise en compte dans son assiette des contrats commercialisés par la FFF. Des notes internes saisies chez Sportfive attestent que ces questions ont été en définitive tranchées directement entre MM. X... et Z... (cotes 6144 à 6153).
127. M. K..., membre de cette commission, a déclaré : " L'équipe Sportfive, non seulement réintroduisait dans la négociation des points pourtant déjà tranchés, mais aussi s'abritait derrière les futurs arbitrages présidentiels, dont on pouvait légitimement craindre qu'ils seraient favorables à Sportfive, étant donné l'influence exercée par M. X... sur M. Z... " (cotes 13037 à 13045).
128. La commission d'examen des offres s'est émue de ces demandes et a estimé qu'elles n'étaient plus conformes au cahier des charges initial :
" Une fois l'audition passée, les Membres s'accordent sur le fait que la nouvelle version du contrat proposée par J.C. X... n'est pas acceptable en l'état. (...)
La Commission ne peut que constater que le contrat proposé n'est plus conforme au cahier des charges initial et ne saurait résister à un examen de la Cour des comptes " (cotes 2161- 2162).
129. La commission de dépouillement des offres a envisagé que le conseil fédéral mette un terme à la consultation et en organise une autre, comme en témoigne le compte rendu d'une de ses réunions, saisi dans le service marketing de la FFF : " A défaut pour le Groupe Jean-Claude Darmon d'accepter l'attribution du lot 1 dans les termes indiqués ci-dessus, le Conseil pourrait se réserver la possibilité d'ouvrir de nouvelles négociations relatives à ce lot avec d'autres candidats ou, éventuellement, prévoir que la commercialisation des droits marketing attachés à ce lot sera assurée directement par la FFF ". (cote 2593).
130. En conclusion, contrairement à la procédure prévue dès l'origine, la conclusion des contrats, dont la finalisation s'est déroulée sur une année, a été l'occasion de revenir sur des points essentiels de l'appel d'offres, qu'il s'agisse du déroulement de l'appel proprement dit, ou des modifications substantielles du projet de contrat, portant notamment sur l'extension du contenu du lot attribué à toutes les sélections nationales et à tous les nouveaux droits acquis ou crées par la FFF, sur les modalités du calcul du minimum garanti et sa remise en cause en cas de changement de l'économie du contrat, enfin sur l'ajout aux dispositions financières du contrat du paiement d'un droit d'entrée non prévu par le cahier des charges. L'ensemble de ces modifications n'a cependant pas incité la FFF à remettre en jeu la procédure d'appel d'offres.
3. LA PREMIERE MODIFICATION DU CONTRAT MARKETING APRES SA SIGNATURE : L'AVENANT DU 5 MAI 2003 SUR LA FUSION DES MINIMA GARANTIS ET L'INTEGRATION DU CONTRAT ADIDAS
131. Les contrats marketing de l'Équipe de France et de la coupe de France finalement signés le 11 décembre 2002 ont été profondément modifiés dès le 5 mai 2003, soit moins de cinq mois après leur signature, par l'avenant n°1 (cotes 3692 à 3696, 5256 à 5260 et 22129 à 22132). L'avenant avait une valeur rétroactive et s'appliquait aux dates d'effet des contrats initiaux des équipes de France et de la coupe de France.
a) La fusion des minima garantis
132. L'article 1 fusionne le minimum garanti de la coupe de France avec le minimum garanti de l'Équipe de France. Cette fusion a été demandée par la société Sportfive qui, sur le contrat coupe de France, n'avait pas atteint le seuil minimum sur lequel elle s'était engagée. Cette somme à verser à la FFF a fait l'objet d'une facture d'un montant de [...] euro correspondant à la différence entre ce minimum fixé dans le contrat à [...] euro et le produit des recettes déclarées par Sportfive qui s'élevait à [...] euro (cote 13796). La facture émise par la FFF n'a jamais été encaissée par elle, ainsi que l'a indiqué son vice-président (cote 13023).
133. Cette fusion, qui modifiait profondément les contrats initiaux, a été obtenue au détriment de la FFF, selon le directeur adjoint du marketing de la FFF : " L'avenant de mai 2003 prévoit la fusion des MG coupe de France et Équipe de France. (...) J'ai soulevé un point important : s'il y a fusion des MG et compte tenu du fait que les réalisations du chiffre d'affaires de la coupe de France n'atteindront pas le MG d'une part et que d'autre part, les recettes de l'Équipe de France devraient dépasser le MG, les recettes de l'Équipe de France sont donc censées compenser la faiblesse des résultats de la coupe de France. Si on utilise les recettes de l'Équipe de France, dont la plus grande partie est reversée à des tiers à la FFF, cela n'est pas favorable à la FFF. Cette demande ne peut venir que de JC X... car la coupe de France était déficitaire et que cette disposition est à son avantage. Pour moi, cette fusion n'était ni faite ni à faire " (cote 13057).
134. Cette fusion n'avait aucun caractère d'évidence sachant que les deux minima fonctionnaient sur des bases différentes et ne donnaient pas lieu à la même répartition des produits ainsi que l'explique M. J... de la FFF :
" L'Équipe de France fonctionne différemment car le MG doit être atteint seulement tous les deux ans. On additionne donc tous les deux ans les sommes réalisées et on compare avec le MG prévu. L'avenant ne permet pas de prendre en compte ce type de données. Il vient mélanger le contrat ADIDAS avec les MG, il globalise également les bénéficiaires. En effet l'Équipe de France fonctionne tout à fait indépendamment de la coupe de France, notamment car les modalités de reversement sont totalement différentes entre les deux contrats... " (Cote 13736).
b) L'intégration dans le minimum garanti des contrats Adidas
135. De plus, en ses articles 1-2 et 1-3, l'avenant intègre dans le montant des minima garantis les sommes reçues par la FFF des contrats Adidas (cotes 3695-3696). La société Sportfive a demandé cette intégration au motif que le contrat qui la liait à la FFF lui attribuait l'exclusivité de la négociation de ces contrats marketing et que l'existence de contrats séparés avec Adidas était contraire à cette exclusivité. Le groupe JCD, participant au contrat depuis 1997, était pourtant averti de son existence au moment de la signature du minimum garanti quelques mois plus tôt.
136. La responsable du service juridique a relaté les circonstances de signature de cet avenant :
" Lorsque P. I... et moi avons été consultés, l'affaire avait été pratiquement conclue. Le service marketing n'a pas été associé en amont à cette affaire pour réfléchir sur un tel avenant ou pour rédiger des clauses contractuelles (...) Il semblerait que ce soit la même chose pour M. J... [directeur financier]. En parallèle, j'ai dû recevoir un projet d'avenant rédigé par P. L... de Sportfive " (cote 13139).
137. En conclusion, l'avenant a donc permis à Sportfive, en accord avec le Président de la FFF,
d'une part, d'effacer la dette qu'elle avait à lui payer au titre du minimum garanti de la coupe de France, d'autre part, d'intégrer dans le calcul de ce minimum les contrats Adidas sur la conclusion desquels elle n'avait eu pourtant aucune part et alors même qu'elle avait déjà obtenu, dans les conditions retracées supra, une rémunération sur le contrats Adidas/FFF calculée à partir de la saison 1996-1997 jusqu'à la saison 2001-2002 (cotes 13220-13221).
4. LA DEUXIEME MODIFICATION INTRODUITE PAR L'AVENANT N°2 SUR DES STIPULATIONS ESSENTIELLES DU CONTRAT MARKETING ET SON EXTENSION AUX DROITS AUDIOVISUELS
138. Moins d'un an après la signature du premier avenant, un deuxième avenant a étendu le champ des droits concédés par la FFF à Sportfive, en liant le prolongement et l'extension des clauses du contrat marketing à celles d'un nouveau contrat sur les droits de diffusion audiovisuelle. Les deux négociations ayant été étroitement imbriquées, il importe donc en premier lieu de rappeler l'évolution des relations entre les deux parties en ce qui concerne les droits audiovisuels.
a) La commercialisation des droits audiovisuels de la FFF
139. La commercialisation des droits audiovisuels de la FFF est, sur la période étudiée, partagée entre TF1, pour les diffusions des matchs sur le sol national, et Sportfive (cotes 25466- 25467).
La commercialisation à l'étranger des droits audiovisuels de la FFF
140. En ce qui concerne les droits de commercialisation pour l'étranger, le 16 octobre 1992 a été conclu un contrat entre la FFF et la LNF, d'une part, et la société SEP Médiafoot, d'autre part. Par ce contrat, les instances du football (FFF et LNF) concèdent à SEP Médiafoot le droit exclusif de commercialiser dans le monde entier (sauf en France et dans la principauté de Monaco), les droits de retransmission des matchs de football se déroulant sur le territoire français (Équipe de France, coupe de France, championnat de 1ère et 2ème division, coupe de la Ligue). Le contrat est conclu jusqu'au 30 juin 1995, sans prévoir de tacite reconduction (cote 16911).
141. Pour sa rémunération, SEP Médiafoot conserve [...] % des recettes effectivement encaissées et reverse à la FFF ou à la LNF (selon le propriétaire des droits) les [...] % restants, déduction faite de tous les frais éventuels dûment justifiés.
142. Apparemment, ce contrat n'a pas fait l'objet de nouvelles négociations jusqu'en 2000. Au groupe Jean-Claude Darmon est par ailleurs reconnu le droit exclusif d'acquérir auprès des Fédérations étrangères pour le compte de la FFF les droits de diffusion des matchs de l'Equipe de France joués à l'extérieur.
Les contrats de commercialisation des droits audiovisuels passés entre la FFF et TF1
143. Depuis au moins 1990, les droits de diffusion en France des matchs de l'Équipe de France et de la coupe de France sont confiés à TF1 (cote 25466).
144. Un contrat conclu le 5 juillet 2000 cède à TF1 l'exclusivité de la diffusion télévisuelle de toutes les rencontres de l'Équipe de France jouées en France pour le monde entier à l'exception du territoire de l'équipe opposée à l'Équipe de France (cotes 3512 à 3522 et 4256 à 4267). Il autorise aussi TF1 à diffuser sur le territoire français les rencontres de l'Équipe de France se déroulant à l'étranger à la seule condition que la FFF ait pu préalablement en acquérir les droits auprès des fédérations concernées. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant le 5 juillet 2005 pour prolonger ces droits jusqu'au 30 juin 2006.
L'accord entre la FFF et Sportfive sur les droits de diffusion télévisuelle
145. Alors que les droits audiovisuels de la FFF sont confiés pour la diffusion en France à TF1 au moins jusqu'au 30 juin 2006, la société Sportfive a cherché dès 2003 à ajouter un accord audiovisuel dans les discussions sur les droits marketing qu'elle a eues en 2003 avec la FFF.
Les projets d'accord d'octobre 2003
146. Figurent ainsi au dossier deux projets de protocole d'accord datés du 9 octobre 2003 (cotes 13436-13445, 13446-13456 et 6164 à 6184). Ils prévoient de confier à Sportfive une exclusivité de mandat non seulement pour l'acquisition des droits audiovisuels des matchs des équipes de France joués à l'extérieur mais aussi pour la commercialisation de tous les droits des matchs joués à domicile et à l'extérieur (à l'exclusion des droits détenus par TF1 pour la durée de son contrat) et des matchs de la coupe de France (cotes 13436 à 13456 ; 1723 à 1730, 5660 à 5667 et 6181 à 6188). Le premier est le texte de la proposition de Sportfive adressée à M. Z..., le second porte les commentaires de la FFF.
147. Selon ces projets, pour les droits vendus en France au titre des matchs extérieurs, la rémunération de Sportfive est de [...] % de la différence entre son prix d'acquisition et le prix de vente encaissé auprès des diffuseurs. Pour tous les autres droits, la rémunération du régisseur est de [.. à...] % du chiffre d'affaires encaissé auprès des clients au titre de la commercialisation des droits. Sportfive se garantit en plus un minimum avec une clause ainsi rédigée :
" Il est convenu qu'eu égard aux prestations de conseil et prestations techniques fournies par Sportfive à la FFF en relation avec les mandats définis en 1.2 et 1.3 (négociations avec les fédérations étrangères et autres entités titulaires des droits, conseil en matière de production technique audiovisuelle et d'acheminement des signaux, maîtrise d'œuvre en matière technique ...) indépendamment des missions strictement commerciales y afférentes, Sportfive percevra au minimum en tout état de cause à titre de rémunération par saison pour les saisons concernées 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008 la somme de [...] euro hors taxes " (cote 13450).
148. Enfin, dans l'article 1.4 du contrat, Sportfive s'engage à rémunérer l'exclusivité qui lui est donnée en versant à la FFF à ce titre une somme de [...] euro, pour la quasi-totalité par compensation avec des factures, contestées, qu'elle estime dues par la FFF. Les modalités de règlement prévues dans l'annexe jointe au projet sont donc les suivantes : " Le droit d'exclusivité de [...] euro HT, soit [...] euro TTC, est payés par Sportfive à la FFF, selon les modalités suivantes :
à hauteur de [...] euro, par compensation intégrale et de plein droit avec la facture de ce montant n° 0654/9109 de Sportfive GmbH due par la FFF ;
à hauteur de [...] euro, par compensation intégrale et de plein droit avec la facture de ce montant n° 0654/50414 de Sportfive GmbH due par la FFF ;
à hauteur de [...] euro, par paiement par chèque de ce montant de Sportfive à la FFF " (cote 14456).
149. Les factures de Sportfive Gmbh dont il est ici question correspondent aux frais d'achat des droits de retransmission de certains matchs de qualification de l'Équipe de France joués à l'extérieur pour l'Euro 2004 que la FFF a demandé à Sportfive d'acquérir " compte tenu du fait que certaines de ces fédérations ont cédé leurs droits à des agences appartenant au groupe Sportfive " (cote 3708).
150. Ces projets de contrats ont été préparés et adressés à la FFF par les services juridiques et financiers de Sportfive. Le courriel suivant, en date du 14 octobre, montre que, dans l'esprit des dirigeants de Sportfive, la négociation est terminée et doit se conclure rapidement par la signature d'un accord :
" Monsieur le Directeur Général,
Vous trouverez, ci-joint, les versions finales de l'avenant et du protocole d'accord, soumises préalablement à Mme M... ET M. J... [directeur financier] conformément à vos instructions, que nous adressons parallèlement par courrier au Président Z... pour signature.
Nous vous rappelons que ces accords doivent être régularisés au plus tard le 15/10, pour des questions de calendrier comptable.
Cordialement " (cote 21632).
151. La réponse du président de la FFF n'est toutefois pas conforme à ces prévisions. Dans une lettre du 17 octobre à M. X..., celui-ci conteste les coûts d'acquisition de 3 matchs de l'Équipe de France que Sportfive veut déduire de la rémunération versée à la FFF (cote 21631).
152. D'autres difficultés notamment juridiques sont soulevées en interne dans les services de la FFF. A propos du mandat de commercialisation des droits de tous les matchs défini à l'article 1.3, le commentaire suivant a été écrit : " Cela signifie que demain Sportfive peut vendre match par match et surtout commercialiser les droits relatifs à une équipe globalement (type contrat TF1) sans mise en concurrence. Ne devrait-on pas lui demander si tel est le cas de respecter les règles en matière de concurrence s'il est amené à renégocier l'actuel contrat TF1, par exemple, il faudrait qu'il mette en place une mise en concurrence " (cotes 13446 et 13449). Ces interrogations n'ont pas été prises en compte dans le contrat final.
153. Dans ses déclarations à la brigade financière, M. J..., directeur financier de la FFF, a relaté le processus de la négociation qu'il a menée dans des conditions très difficiles : " Les négociations avaient lieu avec Philippe L... et Ph. N... principalement. Je pensais que la configuration n'était pas favorable à la FFF et je ne me sentais pas dans une position favorable lors de ces négociations. La mission qui m'était confiée par Z... était de limiter les dégâts " (cotes 13733 à 13747).
154. Il indique aussi que la pression exercée par M. X... par le jeu des factures des matchs Malte/France, Chypre/France et Eire/France présentées aux paragraphes 145 et 146 a été efficace : " II était évident dès la fin 2003 que la FFF ne contesterait plus les factures des matchs Équipe de France pour la qualification à l'Euro 2004, en dépit de la télécopie de Jean-Claude X... du 10 janvier 2003 confirmant que les factures étaient annulées et en dépit de la première réaction de M. Z..., exprimée dans son courrier du 17 octobre 2003, contestant le principe même de ces factures.
" M. Z... étant coincé devant les grosses sommes dues à Sportfive. Il cherchait à résoudre ses problèmes. Il a donc demandé à J C. X... de lui trouver une solution à ses difficultés financières. J.C X... avait déjà l'Équipe de France et la coupe de France, il ne lui manquait que les droits audiovisuels ". (cote 13741).
La signature de l'accord audiovisuel 2004
155. Tout comme l'avenant n° 2 au contrat marketing (cotes 6177 à 6188), l'accord sur les droits de diffusion audiovisuelle a été saisi chez Sportfive et remis aux enquêteurs par la FFF. Les documents recueillis et qui sont signés par M. Z... et M. X... ne sont pas datés mais les éléments du dossier montrent qu'ils ont été signés en avril 2004. Par lettres datées des 23 février et du 14 avril 2004, le président de la FFF et le président de Sportfive échangent leurs accords sur les droits marketing et les droits audio visuels. (cote 6176).
156. Cet accord reprend pour l'essentiel les dispositions financières analysées ci-dessus sur la rémunération versée à Sportfive au titre de l'acquisition des droits des matchs joués à l'extérieur et de la commercialisation de tous les matchs joués à domicile et à l'extérieur et des matchs de la coupe de France.
157. S'agissant de l'acquisition des droits des matchs extérieurs qui sont déjà commercialisés par TF1 dans le cadre du contrat du 5 juillet 2000, l'article 1-2c du protocole donne à Sportfive la possibilité d'acquérir ces droits auprès des titulaires concernées, en l'espèce les fédérations étrangères. En contrepartie lui est accordée une rémunération de [...] % de la différence entre le prix de vente aux diffuseurs et le coût d'acquisition en plus du remboursement du prix d'achat supporté par Sportfive.
158. L'article 1.3 lui accorde un avantage encore plus considérable avec une commission de 15 % au titre de la commercialisation en France des droits de tous les matchs de l'Équipe de France et de la coupe de France joués à partir de 2006. Ainsi, Sportfive s'introduit dans la commercialisation de ces droits TV, quel que soit le futur diffuseur français que pourra choisir la FFF.
159. Cette négociation a aussi ajouté deux années supplémentaires à la durée du contrat puisque l'échéance prévue en 2008 dans le projet d'octobre 2003 a été portée dans l'accord final à 2010 (cotes 6184-6185).
160. Au terme de ces négociations les deux partenaires ont trouvé un accord pour préempter avec deux ans d'avance le choix qu'aurait pu faire la FFF à l'échéance de son contrat avec TF1.
b) Les modifications au contrat marketing introduites par l'avenant n° 2
Les principales clauses de l'avenant
161. Figure au dossier un projet d'avenant n° 2 aux contrats du 11 décembre 2002 daté du 9 octobre 2003 qui propose de prolonger la durée des contrats marketing initialement fixée au 30 juin 2006 jusqu'au 30 juin 2008. Dans la version commentée de ce projet qui se trouvait au siège de la FFF, on peut lire en commentaire liminaire du texte : " Il aurait fallu une mise en concurrence et que le conseil fédéral valide ce projet " (cote 13446).
162. Par lettre du 14 avril 2004, M. X... transmet une version définitive de cet avenant, accompagnée, comme il a été vu supra, du protocole d'accord sur les droits TV. Cet avenant désormais prolonge la durée des contrats marketing non plus jusqu'au 30 juin 2008 mais jusqu'au 30 juin 2010 (cotes 5252 à 5255 et 6177 à 6180).
163. Par ailleurs, la société Sportfive, au motif qu'elle ne pouvait exploiter pleinement les droits marketing du fait que la FFF avait signé directement de tels contrats avec la société Adidas mais aussi avec les sociétés Lanson, Hertz et Air France, obtient dans cet avenant la suppression pure et simple de tout minimum garanti (cote 6178) ; les négociateurs de Sportfive ne pouvaient ignorer cependant, lors de la négociation des contrats signés le 11 décembre 2002, les contrats qui liaient déjà la FFF à Adidas ainsi que les interventions couronnées de succès de M. X... pour en être partie prenante.
164. En troisième lieu, et en plus de la suppression du minimum garanti, Sportfive a introduit deux nouvelles stipulations financières défavorables à la FFF au titre de ce qu'elle qualifie d'engagements unilatéraux pris par la FFF vis-à-vis d'Adidas. La première, contenue à l'article 2.2, est le versement d'une somme de [...] euro par saison jusqu'à la fin du contrat avec un effet rétroactif au 1er juillet 2002. La seconde consiste en l'application, prévue à l'article 2.3, d'un taux de rémunération de [....] % sur les contrats Adidas à hauteur d'un montant forfaitaire annuel de [...] euro pour le contrat coupe de France et de [...] euro pour le contrat Équipe de France.
165. Enfin, l'avenant contient des dispositions financières au titre de la prolongation du contrat jusqu'en juin 2010 qui profitent tant à la FFF qu'à Sportfive. La FFF reçoit une prime d'exclusivité de [...] euro ainsi définie à l'article 3.2 de l'avenant :
" A titre de droit d'exclusivité complémentaire, forfaitaire et exceptionnel pour la durée de ces prolongations, Sportfive s'engage en ses propres nom et compte, ainsi que pour le compte de FFP, à verser à la FFF une somme de [...] euro hors taxes, payable en totalité à réception de la facture correspondante de la FFF " (cotes 6178-6179).
166. De son côté, Sportfive bénéficie d'une augmentation de son taux de rémunération proportionnelle sur les contrats conclu sur la période de prolongation allant de 2006 à 2010. Ce taux est réévalué de deux points et passe de [... à ....] %.
167. Les éléments du dossier montrent qu'il n'y a pas eu de négociations sur les demandes de la FFF. Son directeur financier a déclaré :
" Le second avenant a été signé en juin 2004 (...) au sein de la FFF, c'était Mme M... et M. J... qui auraient pu le négocier et le rédiger mais ils ne l'ont pas fait. Dans ce contexte seuls les services de Sportfive pouvaient le rédiger. Je n'ai d'ailleurs même pas entendu parler de négociations à ce propos ...
Je suis d'autant plus furieux que, parallèlement, un contrat rétablit JC X... dans la négociation des droits TV de l'Équipe de France et la coupe de France, domaine dont il était exclu depuis 1996 du fait de mon travail. Sur cette matière comme pour la reconduction des droits marketing, les personnes de la FFF susceptibles de collaborer à ce projet sont celles nommées ci-dessus et ne semblent pas avoir participé à cette rédaction " (cote 12982).
Le directeur général a donné l'explication suivante :
" Je tiens a me dégager de toute responsabilité pour ces contrats qui ont été négociés et signés par MM. X... et Z... à un moment où j'étais en déplacement au Portugal (...) On peut tenter d'expliquer cette démarche du président de la FFF, qui a signé des contrats sans mise en concurrence, par son souci de présenter à l'assemblée fédérale élective de février 2005 des comptes en équilibre, dans un contexte électoral pesant. L'offre de M. X... lui permettait de remplir cet objectif (...) " (cotes 12969-12970).
Le couplage de l'avenant n°2 et du protocole audiovisuel 2004
168. La négociation de ces deux contrats a été parallèle. Le directeur financier de la FFF a déclaré : " Bien que l'avenant n°2 et le protocole TV étaient deux documents séparés mais dans la réalité c'était un tout. Il s'agissait en fait d'opérer une répartition des sommes dues sur deux contrats. Sportfive estimait que la FFF lui devait [...] millions d'euro, à charge pour la FFF de lui prolonger les contrats de marketing Équipe de France et coupe de France jusqu'en 2010 et de lui accorder les droits audiovisuels de l'Équipe de France et de la coupe de France. Or, s'agissant de ces droits audiovisuels, il n'y avait aucune justification économique à mettre en régie ces droits car historiquement la FFF les avaient toujours négociés en direct " (cote 13741).
169. La lettre adressée par M. Z... à M. X... le 23 février 2004 dans laquelle sont à la fois évoqués l'allongement des contrats marketing, la suppression des minima garantis et la gestion des droits TV confirme que tous ces éléments faisaient partie de la discussion globale entre les deux partenaires (cote 21671).
La renonciation à la possibilité de résiliation unilatérale des contrats
170. Une lettre de Sportfive adressée le 29 juillet 2004 au président de la FFF montre que la société a obtenu de son partenaire une interprétation de la clause de résiliation figurant à l'article 3.2 de l'avenant n°2 et à l'article 1.4 du protocole d'accord audiovisuel qui interdit à l'une quelconque des parties de résilier ces contrats avant leur terme sans l'accord de l'autre partie (cotes 21722-21723 et 22026-22027). Pourtant, les termes particulièrement clairs de cette clause, rappelés par les commissaires aux compte de la FFF, stipulent : " Dans l'hypothèse où, par extraordinaire, les présentes seraient résiliées avant leur terme, pour quelque raison que ce soit et quelle que soit la partie qui en prendrait l'initiative, la FFF devra rembourser immédiatement et de plein droit à Sportfive, à titre d'indemnité liminaire et sans préjudice de toute autre demande, une somme égale à la totalité du montant du droit d'exclusivité susvisé si la résiliation prenait effet avant le 1er juillet 2006... ". Sportfive justifie ainsi sa position : " Nous nous sommes entendus sur les conventions dont le caractère d'intérêt commun apparaît indiscutable ; il s'en déduit qu'aucune des parties n'a la possibilité de décider unilatéralement de la résiliation de telles conventions, cette situation ne pouvant résulter que d'un accord mutuel ".
5. LES MODIFICATIONS AUX CONTRATS IMPOSES PAR LA NOUVELLE EQUIPE DIRIGEANTE DE LA FFF
171. En 2005, la nouvelle équipe dirigeante de la FFF est désireuse de remettre en cause les conditions financières des contrats existant avec Sportfive. Le Conseil fédéral du 23 février 2006 exprime ainsi les préoccupations de la FFF :
" En effet, il est rapidement apparu à la nouvelle équipe dirigeante de la FFF, notamment à l'occasion du projet de match Chine-France, que la signature en 2003 et 2004 des avenants aux contrats marketing et du protocole d'accord droits TV avait profondément déséquilibré, au détriment de la FFF, la relation résultant des contrats initiaux du 11 décembre 2002 " (cotes 13883 à 13885).
172. Ces discussions vont déboucher sur la rédaction d'un protocole transactionnel, d'un nouveau protocole d'accord sur les droits audiovisuels et d'un avenant n° 3 aux contrats marketing du 11 décembre 2002, signés en même temps le 27 février 2006. Ces trois accords constituent un ensemble indivisible. L'article 7.2 du protocole d'accord stipule : " De convention expresse, la conclusion et l'exécution de présent protocole transactionnel sont indivisiblement liées à la signature ce même jour d'un nouveau protocole d'accord droits audiovisuels, d'une part, et d'un avenant n°3 aux contrats marketing, d'autre part " (cotes 13830-13841).
173. Le protocole transactionnel exprime l'intention de la FFF de récupérer la maîtrise de la consultation sur les droits télévisuels de l'Équipe de France et de la coupe de France et de ne plus confier à Sportfive qu'un rôle de conseil. Ce protocole traduit aussi la préoccupation de la FFF de revoir les conditions de rémunération de Sportfive à la fois pour les contrats marketing et pour les contrats audiovisuels.
174. S'agissant tout d'abord de l'acquisition des droits des matchs extérieurs officiels de l'Équipe de France, le protocole confirme la totale exclusivité conférée à Sportfive et porte à l'article 2.2a la rémunération de l'intermédiaire de [..] % telle que prévue dans l'accord audiovisuel de 2004 à [...] % de la différence entre le prix de vente au diffuseur et le coût d'acquisition supportée par lui. L'article 2.2b prévoit le cas dans lequel les deux parties seraient d'accord pour que la négociation commerciale avec telle ou telle fédération étrangère soit conduite directement par la FFF. Dans ce cas, la société Sportfive aura aussi droit à une rémunération ramenée à [....] % (cotes 13832 à 13837 et 13846-13847).
175. Ce nouveau protocole impose aussi à la FFF d'organiser au moins quatre matchs extérieurs amicaux sur l'ensemble des quatre saisons allant de 2006 à 2010. L'acquisition de ces droits est confiée à Sportfive qui bénéficie à ce titre d'une rémunération de [...] % avec une garantie d'une indemnité minimale forfaitaire de 750 000 euro par match non joué. Comme dans le protocole 2004, cette rémunération est calculée sur la différence entre le prix de vente au diffuseur et le coût d'achat supporté par Sportfive à laquelle s'ajoute le remboursement d'un prix forfaitaire d'acquisition qui ne peut être inférieur à [...] euro (cotes 13849-13850).
176. Cette extension de la commission sur marge, qui explique en grande partie que les commissions versées par la FFF à Sportfive ont augmenté de manière considérable à compter de 2006, a été présentée par la FFF comme une concession faite à Sportfive pour récupérer en contrepartie la totale maîtrise de la commercialisation de ses droits audiovisuels (cotes 26834- 26835).
177. L'article 2.3b de ce document permet à Sportfive de ne pas subir de perte dans le cas où la société n'a pas réussi à négocier un prix de vente supérieur à son coût d'acquisition et laisse agir la FFF. Il lui assure aussi, dans le cas où la FFF achète directement les droits, et compte tenu du caractère exclusif de son mandat qui est à nouveau affirmé, une rémunération au moins égale à [..] % de la valeur forfaitaire de [...] d'euro (cote 13850).
178. De plus, Sportive obtient l'exclusivité pour l'acquisition des droits des matchs extérieurs de l'Équipe de France Féminine et de l'Équipe de France Espoirs ainsi que pour la commercialisation des droits audiovisuels des matchs joués à l'extérieur et à domicile de ces équipes (cote 13837). Cette stipulation n'était pas dans le protocole de 2004. L'avenant n°3 étend également à ces équipes l'exclusivité des droits marketing pour la période 2006/2010 (cotes 13863 à 13880 et 13920 à 13936).
179. S'agissant ensuite de la commercialisation des droits télévisuels des matchs à domicile, des matchs extérieurs déjà possédés par Sportfive et des matchs de la coupe de France, le protocole de 2006 ne change rien aux dispositions de celui de 2004. Son article 3.1 confirme la pleine exclusivité de Sportfive pour une exploitation de ces droits dans le monde entier jusqu'en 2010. Pour cette commercialisation, Sportfive reçoit une rémunération forfaitaire de [...] euro par saison à laquelle s'ajoute une rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires net réalisé (cotes 13852-13853).
180. Conformément à l'intention exposée dans le protocole transactionnel, l'article 3.3 de l'accord audiovisuel introduit cependant une disposition nouvelle très importante : le principe de l'appel d'offres pour la cession aux diffuseurs des droits de retransmission des matchs acquis par Sportfive. Il précise la place de la FFF dans le lancement de ces procédures tout en maintenant à Sportfive les responsabilités inhérentes à son mandat de commercialisation. Ce difficile équilibre est formalisé de la manière suivante :
" Sportfive a toute latitude pour commercialiser et exploiter au mieux des possibilités du marché les droits audiovisuels objet du présent mandat, étant précisé que le lancement des appels d'offres pour lesdits droits sur la France sera effectué par la FFF en son nom et pour son compte avec l'assistance de, et en étroite concertation avec, la FFF " (cote 13851).
181. Dans ce cadre, il revient à Sportfive de rechercher et présélectionner les candidats potentiels mais aussi de négocier, conclure et suivre les contrats de cession des droits ainsi conclus.
C. LES GRIEFS NOTIFIES
182. Il a été reproché:
-" à la Fédération Française de Football d'une part et aux sociétés France Football Promotion et Sportfive d'autre part de s'être entendues, au moins à partir de l'année 1992, pour négocier et signer, sans mettre en place de véritables procédures d'appel d'offres, des contrats de commercialisations des droits de marketing et audiovisuels d'une durée initiale très longue, l'effet verrouillant de ces contrats étant aggravé par des avenants de reconduction avant le terme des contrats initiaux, également d'une très longue durée comportant de très larges champs d'exclusivité. Le caractère anticoncurrentiel de ces accords a été renforcé par la modification des dispositions financières des contrats après le choix du titulaire. Cette entente verticale a eu pour objet et pour effet de réserver ces marchés à la société Sportfive, liée à la FFF par des liens anciens et étroits, et de limiter le libre exercice de la concurrence par les autres opérateurs. Elle est prohibée par les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité (grief n° 1) ;
- à la société Sportfive d'avoir abusé, au moins depuis l'année 2001, de sa position dominante sur le marché de la commercialisation des droits marketing et audiovisuels de la FFF pour obtenir de la FFF dans le cadre de négociations déséquilibrées des avantages financiers injustifiés et pour étendre les contrats marketing aux droits audiovisuels de la FFF afin de s'en réserver l'exclusivité sans mise en concurrence. Ces pratiques qui ont eu pour effet de conforter le monopole de Sportfive sur le marché de la gestion des droits de la FFF sont prohibées par les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE (grief n° 2) ".
D. LA MISE EN OEUVRE DU III DE L'ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE
183. Selon les dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, " lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au 1 en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ".
184. Aux termes du procès-verbal établi le 25 juillet 2008, la Fédération Française de Football a décidé de ne pas contester le grief qui lui a été notifié. Conformément à l'article L. 464-2 du Code de commerce, elle a souscrit, pour l'avenir, les engagements suivants :
" 1) La FFF s'engage à mettre en place une procédure de mise en concurrence préalablement à la conclusion des contrats suivants :
- Contrats relatifs à l'acquisition des droits télévisuels des matches de l'Équipe de France A et/ou des matches de la Coupe de France de Football (ci-après dénommés "les contrats droits télévisuels ");
- Contrats relatifs au choix d'un équipementier sportif fournisseur officiel de la FFF pour l'Équipe de France A et/ou de la Coupe de France de Football ;
- Contrats par lesquels la FFF confie à un intermédiaire la mission de commercialiser (ou d'assister la FFF dans la commercialisation) les droits audiovisuels et marketing de l'Équipe de France A et/ou de la Coupe de France de football (ci-après dénommés "les contrats d'intermédiation ").
2) La FFF s'engage à ce que les contrats de droits télévisuels ne soient pas conclus pour une durée supérieure à quatre (4) ans, sans que le titulaire du contrat puisse bénéficier d'une quelconque option de renouvellement.
3) La FFF s'engage à ce que les contrats d'intermédiation ne soient pas conclus pour une durée supérieure à quatre (4) ans, sans que le titulaire du contrat puisse bénéficier d'une quelconque option de renouvellement : toutefois, pour l'acquisition des droits de retransmission des matches de l'Équipe de France à l'étranger, cette durée pourra être étendue à six (6) ans.
4) La FFF s'engage à ce que les procédures de mise en concurrence prévoient des mécanismes garantissant la plus grande égalité de traitement possible entre le titulaire du contrat et les autres candidats.
5) La FFF s'engage à transmettre dans les meilleurs délais au Conseil de la concurrence (ou à l'Autorité de concurrence), si ce dernier en fait la demande, les règlements de procédure de mise en concurrence.
6) La FFF s'engage à rédiger, après chaque procédure de mise en concurrence, un rapport décrivant précisément les diverses étapes de celle-ci. Ce rapport sera conservé pendant une durée de cinq (5) ans et sera transmis dans les meilleurs délais au Conseil de la concurrence (ou à l'Autorité de concurrence) si ce dernier en fait la demande ".
185. Prenant acte de la position de la FFF, le rapporteur général s'est engagé à demander au Conseil de la concurrence d'accorder à la FFF le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce et à proposer, pour tenir compte de l'absence de contestation du grief et des engagements présentés, que la sanction pécuniaire le cas échéant encourue soit réduite dans une proportion de 35 % à 50 % du montant qui aurait été normalement infligé.
II. Discussion
Seront successivement discutés, en réponse aux arguments de la société Sportfive qui conteste, seule, les griefs notifiés :
- la régularité de la procédure ;
- la définition des marchés et les positions sur ces marchés des organisme ou entreprise mis en cause ;
- le droit applicable en fonction de ces définitions ;
- l'objet et l'effet anticoncurrentiel des ententes notifiées ;
- l'abus de position dominante notifié à la société Sportfive.
La FFF, pour sa part, ne conteste pas la matérialité des faits d'entente qui lui ont été notifiés, ni leur qualification au regard du droit de la concurrence tant communautaire que national, ni leur imputation.
A. SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE
1. SUR LE CARACTERE PRETENDUMENT PARTIAL DE L'INSTRUCTION
186. Selon Sportfive, les services d'instruction auraient mené une instruction à charge et fait une utilisation systématiquement sélective et arbitraire des pièces du dossier, notamment s'agissant de l'appel d'offres pour les droits marketing. Il n'aurait pas été tenu compte, par exemple, des déclarations du directeur général de Havas Sports et du directeur général adjoint de la société Consortium Stade de France montrant que si Havas n'a pas obtenu le marché, c'est en raison du manque de motivation de ses dirigeants à respecter le cahier des charges notamment sur le minimum garanti, ni de celles de plusieurs dirigeants de la FFF montrant que l'offre groupée de la société Havas avec le Consortium Stade de France ne plaisait pas aux membres de la commission de dépouillement des offres en raison du conflit financier entre la FFF et le Consortium.
187. Par ailleurs, Sportfive considère que le rapporteur concentre ses critiques sur les pratiques de Sportfive alors que des éléments du dossier font apparaître que d'autres entreprises, qui ne sont pourtant pas mises en cause, ont conclu des contrats contenant des stipulations identiques.
188. Mais le rapporteur dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations (Cour de cassation, 15 juin 1999, Lilly France). Lorsque l'impartialité du rapporteur est mise en cause, il convient de vérifier que les règles de procédure garantissant le principe du contradictoire ont été respectées (faculté de consulter le dossier, de demander l'audition de témoins à l'Autorité, de présenter des observations sur les griefs notifiés et sur le rapport, de s'exprimer oralement en séance) (Cour d'appel de Paris, 12 avril 2005, France Télécom). Il n'est allégué aucun fait précis démontrant que ces garanties ont été méconnues, la critique portant en réalité sur la valeur des éléments de preuve soumis au débat contradictoire.
189. La cour d'appel s'est exprimée en ce sens dans un arrêt du 15 novembre 2005 (TPS) : "(...) sous couleur d'une violation du principe d'impartialité, la société Canal Plus se borne à critiquer les investigations du rapporteur, qu'elle estime insuffisantes, et l'appréciation émise par ce dernier sur les éléments collectés, selon elle entachée d'imprécisions et d'erreurs manifestes, sans même invoquer une recherche précise qui lui aurait été refusée, et alors au surplus qu'elle-même avait toute latitude pour produire, tant devant le rapporteur qu'en séance, les éléments qui lui semblaient pertinents".
190. En posant des questions sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'appel à candidature pour l'attribution des droits marketing de la FFF et notamment sur la réelle volonté des deux parties liées entre elles par des contrats très anciens d'ouvrir ce marché à la concurrence, l'instruction a cherché à éclairer les éléments recueillis dans les entreprises. Les nombreuses déclarations qui figurent au dossier ont permis à Sportfive de répondre aux interrogations qui pouvaient se poser à la lecture de certaines pièces du dossier et donc de permettre, dès la première phase de l'enquête, l'exercice des droits de la défense.
191. Sportfive n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle a fait l'objet d'un traitement inégalitaire par rapport à d'autres entreprises qui ont conclu avec la FFF des contrats de même type. Ces contrats, dont les conditions de négociation n'ont pas fait l'objet d'une analyse spécifique dans la présente procédure, ne contenaient pas à priori des indices suffisants, liés en particulier à leurs conditions de négociation, susceptibles de fonder des soupçons d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles.
192. Ce moyen sera donc écarté.
2. SUR LA LONGUEUR PRETENDUMENT EXCESSIVE DE LA PROCEDURE
193. La société Sportfive invoque la nullité de la procédure suivie devant l'Autorité en raison de la violation de l'article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme résultant de la durée déraisonnable de la procédure qui aurait fait obstacle à l'exercice normal des droits de la défense.
194. Elle fait valoir que l'instruction, d'une durée anormalement longue, a gravement compromis sa capacité à se défendre et à répondre de faits dont certains remontent à plus de 20 ans, les sociétés FFP et Sportfive ayant subi, durant la période d'enquête et d'instruction, de profondes transformations et réorganisations structurelles à la suite des rachats successifs, accompagnées de changements dans leur personnel de direction.
195. Mais le délai raisonnable prescrit par la Convention doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de la procédure. Et à supposer même " les délais de la procédure excessifs au regard de la complexité de l'affaire, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi " (Cour de cassation, 6 mars 2007, Demathieu et Bard), " sous réserve toutefois que la conduite de la procédure n'ait pas irrémédiablement privé les entreprises mises en cause des moyens de se défendre, de telles circonstances devant être appréciées concrètement " (Cour d'appel de Paris, 30 janvier 2007, Le Foll TP).
196. L'ampleur de la présente procédure, caractérisée par des opérations de visite et saisie de dimension inhabituelle, menées conjointement par la Direction Nationale des Enquêtes de Concurrence et les brigades interrégionales de Paris, Lyon et Marseille, ayant conduit à l'appréhension et à l'exploitation d'un nombre très important de documents auprès de 18 organismes nationaux, clubs et sociétés agissant dans le football, justifie la durée de son traitement.
197. Sportfive ne peut pas non plus ignorer que l'inaction reprochée à l'enquête et à l'instruction résulte pour l'essentiel du recours présenté par la SA Canal+ contre les opérations de visite et saisie. Ce recours a fait l'objet d'une première décision du 30 juin 2005 du juge des libertés de Nanterre, qui a ordonné la restitution d'un certain nombre de pièces, suivie par un arrêt de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 14 novembre 2007, a cassé cette décision et validé l'ensemble des saisies effectuées.
198. La requérante ne peut davantage invoquer la réorganisation des sociétés et le changement du personnel de direction pour démontrer en l'espèce une atteinte irrémédiable aux droits de la défense. En effet, M. Jean-Claude X... a quitté Sportfive en 2004, soit 3 ans après les faits qui pour l'essentiel sont reprochés aux entreprises. Il est toujours présent dans le milieu du football et intervient dans ce secteur avec sa société Jean-Claude Darmon Conseil. Il était d'ailleurs, en 2007 , toujours conseiller de Sportfive. Quant à ses collaborateurs ou ses successeurs, ils ont été entendus par les enquêteurs, pour la plupart d'entre eux plusieurs fois en 2005 et 2006, et ont pu faire part de leurs observations très précises sur nombre d'éléments du dossier sans qu'à aucun moment ne soit avancé par eux cet argument.
199. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.
3. SUR LA DECISION DE DISJONCTION DU 2 JANVIER 2008
200. La société Sportfive conteste cette décision, qui l'a privée d'accès aux pièces enregistrées dans le dossier relatif à la LFP et au Club Europe enregistré sous le numéro 08/0001 F, au motif que celui-ci pourrait contenir des éléments utiles dans le cadre de sa défense. Elle estime que la classification artificielle et arbitraire des pièces effectuée par le rapporteur entre deux instances distinctes, mais relatives à des faits connexes, ne donne pas à l'Autorité la possibilité d'apprécier clairement les pratiques en cause dans le dossier.
201. La décision de disjonction du 2 janvier 2008 a été prise pour faciliter le traitement d'un dossier particulièrement lourd et qui se prêtait à une séparation entre deux procédures distinctes, l'une afférente exclusivement aux droits de la FFF et l'autre afférente aux droits de la LFP et des clubs professionnels de football. Le rapporteur a donc pu opérer de manière naturelle une classification des pièces se rapportant à chacune des deux instances.
202. Les parties, qui ont toujours la faculté de soumettre à l'Autorité toute pièce utile à leur défense, ont du reste reconnu que le rapporteur n'avait pas utilisé, dans la notification de griefs des pièces relatives au deuxième dossier. La disjonction ainsi opérée entre deux dossiers, qui portent sur des droits appartenant à des organismes totalement distincts au plan juridique et ayant chacun leur propre politique commerciale n'est donc pas de nature à nuire aux droits de la défense de Sportfive/FFP dans le cadre de la présente procédure.
B. SUR LES MARCHES PERTINENTS AFFECTES PAR LES PRATIQUES
203. Seront successivement examinés le marché des droits audiovisuels du football, le marché du marketing sportif, et enfin le marché de la commercialisation des droits sportifs par des intermédiaires.
1. LE MARCHE DES DROITS AUDIOVISUELS DU FOOTBALL
204. La société Sportfive fait valoir qu'il convient de distinguer, comme le fait la Commission européenne, deux marchés : d'une part, un marché des droits audiovisuels des compétitions jouées de façon intermittente (championnat d'Europe, coupe du monde ainsi que les phases finales correspondantes) et, d'autre part, un marché des droits audiovisuels des compétitions se déroulant régulièrement tout au long de l'année (championnats professionnels nationaux, coupes nationales, coupe de l'UEFA, ligue des champions). Ces deux marchés sont de dimension nationale du fait que ces droits sont licenciés à des diffuseurs différents pour chacun des territoires.
205. Une définition plus précise de ces marchés n'apparaît pas utile pour la suite de la présente décision (voir paragraphes 348 et 349).
206. La FFF est présente sur ces deux marchés en tant que détenteur de droits, dans les conditions présentées aux paragraphes 41 à 44. Comme il est précisé au paragraphe 49, les recettes audiovisuelles de la FFF représentent moins de 6 % du total des recettes provenant de la commercialisation des droits audiovisuels des matchs de football des équipes françaises.
2. LE MARCHE DES DROITS MARKETING DU SPORT
a) Sur le marché de produits
207. D'après la société Sportfive, la Commission européenne, dans sa décision Group Canal+/RTL/GJCD/JV du 13 novembre 2001 déjà citée, a défini un marché général de la communication marketing qui comporte une large palette d'activités comme la publicité, l'information et le conseil, les relations publiques, le marketing direct et la gestion d'évènements. Cette approche a été confirmée dans sa décision du 18 janvier 2007 Lagardère/Sportfive. Selon la société mise en cause, la Commission ne s'est pas prononcée sur l'existence d'un marché de la communication marketing dans le domaine du sport.
208. La société Sportfive estime en effet que le marketing sportif est un outil de communication parmi d'autres, intégré à l'ensemble de la politique commerciale des entreprises et estime qu'il existe une substituabilité très large entre la demande d'investissement de communication dans le sport et la demande d'investissement en communication dans d'autres domaines. Elle conclut donc à un marché unique de la communication marketing.
209. A titre accessoire, la société Sportfive estime qu'à supposer qu'il existe un marché du marketing sportif, celui-ci doit inclure l'ensemble des disciplines sportives. Le football n'est, selon elle, qu'un sport parmi d'autres pour atteindre une audience élevée dans la mesure où il ne rassemble pas, même pour ses compétitions les plus suivies, un nombre de spectateurs plus élevé que le Tour de France, Roland Garros, ou le Grand Prix de France de F1, ni un taux d'audience télévisuelle plus élevé que d'autres compétitions comme la coupe du monde de rugby ou le tournoi des Six Nations.
210. Par ailleurs Sportfive observe que ses concurrents, comme par exemple IMG, ont adopté un positionnement qui recouvre plusieurs disciplines sportives. Elle en déduit que la substituabilité de l'offre se manifeste également sur le marché de l'achat de droits marketing et invite à considérer un unique marché de produits.
211. Contrairement à ce qu'affirme Sportfive, la Commission, dans ses deux décisions relatives aux concentrations " Group Canal+/RTL /GJCD/JV " du 13 novembre 2001 et " Lagardère/Sportfive " du 18 janvier 2007, tout en laissant la question ouverte, a pris en compte les conséquences de la fusion sur le marché du marketing sportif, estimant notamment, dans la première de ces décisions, que du point de vue de la demande l'événement sportif est particulièrement bien adapté pour attirer certains groupes de consommateurs.
212. Il a été précédemment montré, dans les paragraphes 2 à 19, que le sponsoring sportif est une composante essentielle de la stratégie marketing de nombreuses entreprises. Les études consacrées au marketing épousent spontanément cette définition. L'ESSEC, qui édite le Guide de la Communication par le Sport, s'adresse ainsi aux entreprises : " Le marché du marketing sportif est un marché en constante évolution. Les enjeux financiers sont de plus en plus importants, l'utilisation du sport comme support de communication ne s'improvise pas... ".
213. C'est pourquoi les entreprises qui ont décidé de se lancer dans cette activité ne la quittent pas, sauf exception, pour une autre. En revanche, ainsi que le montre la société Sportfive, il existe des exemples d'entreprises qui, soit cessent tout marketing de type évènementiel, soit changent de discipline sportive, soit en ajoutent d'autres à celles à travers lesquelles elles communiquent déjà.
214. Il existe bien une offre de droits marketing proposée par leurs détenteurs, propriétaires d'évènements sportifs attractifs pour les spectateurs et pour les téléspectateurs. A cette offre correspond une demande spécifique des entreprises. La rencontre de cette offre et de cette demande constitue bien un marché pertinent des droits marketing du sport.
215. En revanche, les exemples rappelés ci-dessus plaident plutôt en faveur d'une substitution possible, pour le marketing sportif des entreprises, d'un sport par un autre, compte tenu notamment des évolutions parfois rapides de la popularité des sports et, plus encore, des résultats des équipes nationales et des champions nationaux. L'existence d'un éventuel marché des droits marketing pour le seul football n'apparait donc pas démontrée.
b) Sur sa dimension géographique
216. La société Sportfive conteste la dimension nationale du marché retenue par l'instruction. Elle soutient que l'utilisation du test du monopoleur hypothétique, recommandée par la Commission dans sa communication 97-C372-03 du 9 décembre 1997, permet en l'espèce de mesurer l'impact d'une hausse durable des prix pratiquée par le détenteur de droits sur la demande de sponsoring des entreprises et particulièrement sur la substitution de cette demande vers d'autres produits, en l'occurrence vers des droits détenus par des détenteurs situés dans d'autres zones géographiques. Selon elle, l'analyse de la profitabilité d'une hausse de 5 à 10 % des prix conduit à la définition d'un marché de la commercialisation des droits marketing de dimension supranationale. Selon la société Sportfive, qui s'appuie sur des données relatives aux droits marketing des 5 plus importants clubs de football professionnels évalués à 79 millions d'euro par an, une hausse des prix de seulement 5 % provoquerait une augmentation de la marge nominale de 15 millions d'euro, soit 21 % du montant des droits.
217. La société Sportfive avance que, du fait de l'existence des compétitions européennes dans lesquelles tous les pays sont représentés, les demandeurs de prestations marketing sont aussi présents d'un pays européen à l'autre, investissant dans le sport sans considération de frontière nationale. Tel est le cas des équipementiers comme Adidas ou Nike, mais aussi d'entreprises comme Coca-Cola, parrain des Jeux Olympiques mais aussi sponsor dans le football et l'athlétisme ou comme Skoda dans le Tour de France. Ces annonceurs interviennent en dehors de leurs marchés domestiques et comparent en permanence les investissements réalisés dans les divers pays.
218. Elle considère en conséquence que les éléments exposés tant du point de vue de la demande que du point de vue de l'offre attestent l'existence d'une dimension du marché au moins européenne, voire mondiale.
219. Mais le test du monopoleur hypothétique tel qu'il est avancé par la société mise en cause doit être appliqué en tenant compte de la spécificité du marché des droits marketing et notamment de la demande de sponsoring provenant des entreprises. La demande des entreprises n'est pas essentiellement structurée par le niveau des prix ou leur évolution raisonnable mais par la recherche d'une communication associant l'image d'une entreprise ou d'une marque à l'émotion suscitée par le spectacle sportif.
220. La dimension géographique de ce marché dépend en réalité de l'aire de diffusion des évènements sportifs auprès des publics visés par les sponsors. Le premier public est celui des spectateurs qui viennent assister à la compétition : il s'agit avant tout d'une affluence locale. L'autre public, constitué par les téléspectateurs, a une dimension plus large correspondant à l'aire de diffusion de l'évènement. Or, il a été vu que la médiatisation des évènements sportifs est un marché national en raison des données linguistiques et culturelles qui, par définition, déterminent autant de marchés des droits audiovisuels qu'il y a de pays dans lesquels les compétitions sont diffusées. C'est pourquoi les investissements des grandes marques internationales dans le marketing sportif sont au service de plans de communication déclinés pays par pays. Tel est le cas du Crédit Lyonnais qui sponsorise le Tour de France, de SFR qui finance l'Équipe de France de football ou d'Orange qui a noué un partenariat avec le rugby.
221. En matière de marketing sportif, les responsables marketing cherchent plus à développer la proximité de la marque que la notoriété. Cette proximité génère des retombées commerciales directes sur les consommateurs nationaux, comme le reconnaît d'ailleurs Sportfive à propos de la coupe du monde de 2002 : " Dans le même temps, jamais les annonceurs n'ont autant insisté sur un positionnement de marque adapté aux différentes cibles locales " (cote 13963). Pour se rapprocher le plus possible des consommateurs et créer un lien affectif avec eux, il est nécessaire de connaître finement leurs réactions et leur culture.
222. Il est significatif à cet égard de constater que tous les tests et sondages d'opinion qui servent aux entreprises à évaluer la pertinence de leur stratégie marketing sont réalisés à l'échelon national, qu'il s'agisse des valeurs les plus représentatives et de l'image de chaque sport, de l'intérêt qu'il suscite ou du taux de notoriété qu'il procure à telle ou telle marque.
223. Dans ces conditions, une augmentation sensible des prix pourrait seulement faire migrer la demande vers d'autres sports qui offriraient au sponsor un vecteur comparable pour toucher le consommateur français. Dans le cas des 5 clubs de football professionnel mis en avant dans le test proposé par Sportfive, une hausse des prix du marketing des clubs français, encore peu développé à l'époque des faits et offrant en conséquence des tarifs vraisemblablement peu élevés, aurait eu peu de chance de provoquer une substitution vers d'autres clubs européens, mais plutôt le choix par les entreprises du sponsoring d'autres clubs français très proches des premiers par leur image dans le public et susceptibles d'offrir des droits moins coûteux.
224. Cette dimension nationale du marché peut également être retenue même si le vendeur de droits se situe à l'échelon européen ou mondial dès lors qu'en définitive les compétitions concernées intéressent un public essentiellement national.
c) Sur la part de marché de la FFF
225. La FFF est un offreur présent sur le marché ainsi défini et délimité. Elle commercialise les droits marketing des compétitions qu'elle organise et qui sont énumérées aux paragraphes 43 à 46 de la présente décision. Sa part de marché est cependant limitée : sur un investissement des entreprises en marketing sportif qui se monte à 638 millions (cf §10), si l'on exclut le sport automobile, en 2005, le FFF perçoit environ 40 millions d'euro, soit à peine plus de 6 % du total.
3. LE MARCHE DES PRESTATIONS DE COMMERCIALISATION DES DROITS SPORTIFS
a) Sur le marché de produits
226. Le marché des prestations de commercialisation des droits sportifs est un marché connexe du précédent, sur lequel des agences spécialisées proposent des prestations de gestion et de commercialisation aux détenteurs de droits sportifs. Sur ce marché, les agences spécialisées dans le sport achètent des droits audiovisuels et marketing ou, le plus souvent, obtiennent un mandat des propriétaires de droits pour les commercialiser auprès des diffuseurs ou des annonceurs.
227. Sportfive conteste l'existence d'un marché de l'intermédiation aussi bien pour les droits marketing que pour les droits audiovisuels. Elle avance, s'agissant des droits audiovisuels, que les intermédiaires sont en concurrence entre eux mais aussi avec les détenteurs de droits et dans certains cas avec les diffuseurs lorsque ceux-ci revendent leurs droits. Les diffuseurs concurrents pour la vente des droits sont, souligne-t'elle, les chaînes de télévision Canal +, TF1 et M6. De la même manière, s'agissant des droits marketing, elle fait valoir que ses concurrents ne sont pas seulement les autres agences, comme IMG, Havas Sport, Octagon ou Infront, mais aussi les détenteurs de droits qui peuvent choisir à tout moment de les commercialiser eux-mêmes et qui d'ailleurs le feraient pour 75 % d'entre eux.
228. Elle estime enfin qu'il n'est pas précisé si l'intermédiation des droits audiovisuels et marketing constitue un seul ou deux marchés.
229. Les caractéristiques, à partir de l'apparition sur le marché du groupe Jean Pierre Darmon, et la spécificité du métier de l'intermédiation ont cependant été précisément décrites aux paragraphes 22 à 30 de la présente décision. Le recours à une prestation de commercialisation externe ou la (commercialisation en interne) ne sont pas des alternatives substituables, du moins à court terme, pour le détenteur de droits, et relèvent de choix stratégiques différents de l'entreprise, comme il a été expliqué au paragraphe 28. Le choix de la seconde option commercialisation en interne rend nécessaire l'acquisition d'une compétence marketing interne génératrice de couts fixes, dont la rentabilité et la performance peuvent ne pas être adaptées au portefeuille de droits gérés par le détenteur. Dans le cas de la Fédération, il est reconnu par le directeur général que le service marketing n'avait guère la possibilité de gérer les droits de l'équipe de France (paragraphe 89). Par ailleurs le recours à l'intermédiation impliquait un risque financier supérieur, du fait de la renonciation à tout mécanisme de minimum garanti, dont il a été montré plus haut l'importance qu'y accordait la Fédération. Dans ces conditions, l'existence d'un marché de l'intermédiation différent de celui du marketing est établie.
230. Sur l'existence d'un ou de deux marchés de l'intermédiation, on peut relever, en faveur de l'existence d'un marché unifié, que les agences de communication sportive peuvent intervenir sur ces deux types de droits, ainsi qu'en atteste la composition du portefeuille des plus grandes agences, et que la valorisation des droits marketing est étroitement liée à la diffusion télévisuelle de l'événement sportif.
231. Il n'en demeure pas moins que le marché de la commercialisation et de la gestion des droits marketing sportifs se distingue du marché de la gestion des droits audiovisuels. Il en diffère par l'objet de la transaction : la cession des droits de retransmission audiovisuels à un diffuseur ne peut être assimilée à la commercialisation de droits marketing, dont la diversité (panneautique, hospitalité, naming, visibilité sur les sites de compétition, maillots de joueurs..) a été présentée supra. Il en diffère par l'importance des montants en jeu : le montant des droits marketing est très inférieur à celui des droits télévisuels. Il en diffère enfin par le nombre d'acteurs : les demandeurs se réduisent, dans un cas, un nombre très limité de diffuseurs et, dans l'autre cas, s'étendent à une grande quantité d'annonceurs. Pour ces raisons, les détenteurs de droits audiovisuels peuvent plus facilement céder leurs droits directement à des diffuseurs, dans la mesure où les prestations liées à l'opération sont moins élaborées que dans le cas du marketing sportif, comme en témoigne le cas de la FFF.
232. L'ensemble de ces éléments démontre l'existence d'un marché de l'intermédiation des droits marketing sportif, distinct de celui des droits audiovisuels du sport.
b) Sur sa dimension géographique
233. La société Sportfive avance que, s'il devait être retenu un marché de commercialisation du marketing sportif, l'application du test du monopoleur hypothétique à l'activité d'intermédiation conduirait également à envisager une délimitation plus large que le territoire national. En effet, une hausse durable du taux de commission de l'intermédiaire en monopole sur le marché français pourrait pousser les détenteurs de droits à faire appel à des agences situées dans d'autres zones géographiques. Cet intérêt des détenteurs de droits marketing à portée internationale à faire appel à des agences implantées à l'étranger ainsi que l'intérêt de ces agences à répondre à leurs besoins sont, selon elle, d'autant plus grands que ces contrats engendrent des revenus élevés pour des coûts relativement faibles. Elle cite la déclaration du directeur général de la société IMG, agence de dimension internationale, déplorant le fait de n'avoir pas été consultée par la FFF en 2001 alors que sa société avait les compétences et l'organisation nécessaires pour valoriser le marketing de l'Équipe de France.
234. Mais les observations présentées ci-dessus à propos de la dimension géographique du marché du marketing sportif valent également pour le marché connexe de l'intermédiation. Ce dernier marché est également structuré par la zone de diffusion des évènements et par le champ de communication souhaité par les entreprises. Pour bénéficier des recettes attendues, les organisateurs des spectacles sportifs, qui gèrent des compétitions suivies essentiellement par des spectateurs ou téléspectateurs français, s'adressent aux agences actives sur le marché national des droits sportifs, qui sont en mesure de garantir aux sponsors une communication adaptée à ces compétitions. C'est pourquoi l'activité d'intermédiaire suppose des relations de proximité tant avec les détenteurs de droits qu'avec les sponsors. Tout le succès de la société Sportfive, tant auprès des clubs ou fédérations sportives que des entreprises désireuses d'investir dans le marketing du sport, s'explique précisément par sa parfaite connaissance du cadre économique, juridique et sociologique dans lequel évoluent les fédérations sportives en France, et sa réputation de " faire partie de la famille du football ", comme il est indiqué au paragraphe 60.
235. Ceci n'exclut pas le fait que certaines entreprises internationales, comme IMG, puissent être candidates à des appels d'offres de détenteurs de droits français ; elles ne pourront cependant avoir de réelles chances dans la compétition si elles ne garantissent pas aux détenteurs de droits, par l'existence par exemple d'une filiale implantée de façon durable, leur connaissance du terrain, leur maitrise d'un réseau relationnel étendu dans différents milieux et en premier lieu parmi les annonceurs français, leur expertise juridique et économique du marché du marketing sportif dont il a été montré plus haut qu'il est lui-même un marché national. Le représentant de Sportfive a d'ailleurs confirmé en séance qu'à l'intérieur de l'entreprise elle- même, la commercialisation des droits était organisée par sport et par pays.
236. Dans ces conditions, il n'est pas possible d'admettre les résultats du test du monopoleur hypothétique avancé par Sportfive. En présence d'une augmentation des prix des prestations de l'intermédiaire, il est vraisemblable que le détenteur de droits chercherait à contracter avec une autre agence ayant déjà une expérience reconnue en France.
237. Il y a donc lieu de retenir un marché pertinent, de dimension nationale, des prestations de commercialisation et de gestion des droits marketing sportifs. Sur ce marché de l'intermédiation, la société Sportfive fournit des prestations de commercialisation à la FFF, qui les achète et les rémunère sous forme de commissions.
c) Sur la position de Sportfive
238. Sur le marché de la gestion des droits marketing sportifs, la société Sportfive estime qu'aucun élément n'établit une position dominante à l'époque des faits. Elle fait valoir que l'étude Eurostaf avancée dans le dossier concerne l'année 2005 et que les autres éléments tirés du " Guide de la Communication par le Sport " sur ses effectifs et le contenu de son portefeuille sont relatifs à l'année 2006.
239. Sportfive avance qu'elle ne commercialise pas les droits marketing les plus attractifs, tels les droits de la coupe du monde et de l'Euro de football, des Jeux Olympiques, des tournois de tennis du Grand Chelem ou de la F1. Elle écrit : " Les droits marketing commercialisés par Sportfive/FFP se limitent sur le continent européen aux fédérations et clubs qu'elle représente pour les seuls matchs à l'occasion desquels ces fédérations et clubs sont titulaires des droits afférents, ce qui exclut une nouvelle fois les grands rendez-vous internationaux ".
240. Du côté des concurrents sur le marché de la commercialisation des droits audiovisuels, Sportfive estime être confrontée à de nombreux opérateurs puissants, adossés à des groupes et propriétaires des droits de retransmission des compétitions les plus importantes qui disposent de larges gammes de produits couvrant plusieurs sports, ce qui leur permet de passer facilement d'une discipline à l'autre et leur donne un avantage concurrentiel certain. Elle cite le cas de la société Havas Sport, qui a acquis dans la période des faits le marketing de plusieurs grands clubs de football. Elle cite également les agences internationales de marketing comme IMG, Octagon, Infront. Elle souligne en ce sens que Sportfive, lors de sa création, a été présentée par la presse et par ses dirigeants comme un nouveau challenger susceptible d'animer la concurrence face à des groupes d'envergure internationale, comme Kirch ou IMG.
241. Par ailleurs, elle considère qu'elle est surtout concurrencée par les détenteurs de droits. En tant que mandataire, elle explique qu'elle n'est pas propriétaire des droits et court un risque permanent de ne pas obtenir le renouvellement des contrats. Cette situation ne lui permettrait pas, même si elle était en position dominante, de s'abstraire durablement de la pression concurrentielle des acteurs présents sur les marchés concernés, particulièrement celle des détenteurs de droits, qui ont toujours la possibilité de gérer en propre leurs droits.
242. Mais, ainsi qu'il a été montré plus haut, pour apprécier la position de Sportfive, les prestations de commercialisation internalisées ne peuvent être prises en compte dès lors que cette offre n'est pas mise sur le marché. Dans l'avis n° 05-A-03 du 31 janvier 2005 relatif à une demande de l'Arcep sur la définition des marchés du haut débit, s'agissant de l'intégration dans ces marchés des services offerts par Wanadoo, le Conseil de la concurrence a rappelé la jurisprudence constante des autorités tant nationales que communautaires selon laquelle : " l'autoconsommation n'est pas prise en compte pour mesurer le périmètre du marché dans la mesure où, n'étant pas offerte sur le marché, elle ne vient pas concurrencer les biens ou services fournis sur celui-ci ". C'est uniquement sur le marché de l'intermédiation, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte la gestion exercée en interne par les détenteurs de droits, qu'il importe d'établir la position de marché de Sportfive.
243. Compte tenu à la fois de sa taille, de son implantation en France et dans de nombreux pays, de son portefeuille varié de droits, de l'ancienneté de son expérience dans le sport, Sportfive détient une position forte sur le marché de la commercialisation des droits sportifs.
244. Cette position est démontrée par de multiples déclarations de l'entreprise elle-même et de ses concurrents. M. X... admet qu'à l'époque des faits, seules les sociétés Sportfive et Havas avaient la compétence pour intervenir sur tous les domaines du marketing dans le football français. Contrairement à ce qu'indique Sportfive, le groupe Darmon communique en se présentant comme l'acteur prédominant dans le marketing sportif (paragraphe 58). En 2001, le groupe Darmon valorise lui-même cet état de fait en disant que, s'il est le leader incontesté en ce domaine, c'est parce qu'il commercialise le marketing des plus grosses fédérations sportives qui, au moment des faits, sont à l'apogée de leur succès, celle de football mais aussi celle de rugby (paragraphe 57 et 59). Il commercialise aussi l'essentiel du marketing des 19 clubs professionnels de football de ligue 1 et de deux des clubs les plus réputé de rugby. M. N..., responsable du syndicat des joueurs et associé à Jean-Claude X... dans la direction de la société Football France Promotion reconnaît que, si les sociétés Havas et IMG pouvaient théoriquement concurrencer Sportfive, en réalité celle-ci n'avait pas de concurrent car aucune autre entreprise ne pouvait offrir un éventail aussi complet de prestations et un réseau commercial et relationnel aussi développé. Dans une déclaration du 24 mars 2006, M. X... a confirmé cette appréciation en disant qu'au moment des faits il était le président de la première société mondiale de marketing sportif.
245. La position de Sportfive sur ce marché découle également, comme il a été vu plus haut, de l'importance de la gamme de services qu'elle peut offrir à ses partenaires. En amont, vis-à-vis des propriétaires de droits, Sportfive peut faire valoir des atouts uniques : son expérience dans la gestion des droits du football, ses relations avec tous les dirigeants de clubs et les responsables fédéraux ainsi que son expertise de l'attente des annonceurs dans ce secteur. En aval, vis-à-vis des sponsors et des entreprises désireuses d'investir dans le sport, elle est la seule agence sur le territoire national à pouvoir présenter un panel complet de prestations de communication, allant de l'installation des panneaux dans les stades à l'élaboration de packages publicitaires en passant par le conseil sur la mise au point de la communication ou la gestion des contrats. Elle s'est donc créé une réputation de partenaire incontournable pour les organismes sportifs.
246. Ainsi, les sociétés comme Octagon, Infront ou IMG citées par Sportfive, n'apparaissent pas au moment des faits comme de réels concurrents, au moins sur le marché français. Quant à Havas, il a été établi que cette société n'a pas investi sur le marché de la régie des droits marketing précisément en raison de la trop forte position de Sportfive. A l'époque des faits, elle est surtout engagée dans l'activité de conseil et n'a décidé qu'en 2005 d'être à nouveau candidate à la fonction de régie avec sa filiale Sportys.
247. L'étude d'Eurostaf, la seule étude complète disponible en matière de marketing sportif, indique clairement, ainsi qu'il a été vu au paragraphe 62, qu'en France comme dans beaucoup d'autres pays, le groupe Sportfive reste en position dominante en matière de régie des droits avec une part de marché supérieure à 50 %. De même, les informations présentées dans le Guide de la Communication par le Sport sur les sociétés françaises et étrangères intervenant en France dans le secteur de la communication sportive montrent que Sportfive est la seule société significativement active en France sur le marché de la gestion des droits télévisuels et marketing.
248. Si les chiffres précis cités dans l'instruction ne datent que de 2005, il convient cependant de rappeler que le métier d'intermédiaire en droits sportifs a été créé et développé par M. Jean Claude X... et son groupe. Le groupe Darmon est considéré par tous les acteurs comme " l'opérateur historique " en quasi monopole sur son marché durant une très longue période. Il n'y a donc aucune raison de penser que sa part de marché ait été substantiellement inférieure durant les années antérieures à 2005 : bien au contraire, la société fait valoir qu'en fin de période, la société Havas gagne le marketing de plusieurs clubs de football. Par ailleurs la société ne donne aucun exemple de droits marketing d'importance gérés entre 1992 et 2004 par les sociétés qu'elle présente comme ses concurrentes.
249. Les éléments contenus au dossier, en ce qui concerne le marché plus vaste du marketing sportif, incluant donc la part de l'autoconsommation, confirment cette situation. Le tableau du paragraphe 10 montre qu'en dehors du sport automobile, (qui ne peut être inclus dans le marché précité, du fait de l'investissement massif de l'industrie automobile), le montant des investissements dans les disciplines sportives a été en 2005 de 638 millions d'euro. Ce montant inclut la totalité de l'investissement, y compris la part correspondant aux prestations internalisées. Les éléments chiffrés présentés aux paragraphes 19 à 21, ainsi que les données tirées des rapports financiers de Sportfive, permettent d'évaluer le montant des contrats marketing négociés par elle à environ 210 millions d'euro en moyenne par année. Il est en effet raisonnable de penser que, détenant la quasi totalité du marketing des clubs qui représente 160 millions d'euro annuels et la totalité du marketing de la FFF, Sportfive gère un montant de droits de 140 millions d'euro pour les clubs, chiffre auquel il faut ajouter 40 millions d'euro pour le marketing de la FFF, 25 millions pour le marketing de l'Équipe de France de rugby et 5 millions pour le marketing du basket et du handball, soit plus de 30 % du total des droits du sponsoring sportif. Cette donnée peut être considérée comme un minimum, en raison de la non prise en compte du marketing assuré par Sportfive dans d'autres disciplines ou évènements sportifs comme par exemple le tennis.
250. Sur le marché de l'intermédiation, sur lequel est géré un volume de droits par définition inférieur à celui de la totalité des droits détenus par les propriétaires d'événements sportifs, puisque l'auto consommation est exclue, la part de la société Sportfive est nécessairement plus élevée et donc très supérieure à 30%.
C. SUR L'APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE
251. Les griefs notifiés à la Fédération Française de Football et aux sociétés Football France Promotion et Sportfive sont fondés sur la violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que des articles 81 et 82 du traité.
Seront successivement examinés : l'affectation du commerce intra communautaire et l'application du règlement n° 2790/1999 de la Commission sur les restrictions verticales.
1. SUR L'AFFECTATION DU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE
252. Le droit communautaire s'applique si les pratiques sont susceptibles d'avoir affecté le commerce intracommunautaire de façon sensible. Ainsi que le Conseil l'a rappelé dans ses décisions n° 06-D-09 et n° 06-D-37, trois éléments doivent être démontrés pour l'établir : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits faisant l'objet de la pratique, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation.
253. Par ailleurs, comme l'énonce le paragraphe 86 de la communication de la Commission portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (2004/C101/07), les accords verticaux couvrant l'ensemble d'un État membre sont notamment susceptibles d'affecter les courants d'échanges entre États membres lorsqu'ils rendent plus difficile aux entreprises d'autres États membres la pénétration du marché national en cause, soit au moyen d'exportations, soit au moyen d'établissement (effet d'éviction).
254. Au cas d'espèce, s'agissant des échanges entre les États membres, ce sont des prestations d'intermédiaire en marketing sportif au bénéfice d'une fédération sportive nationale qui sont concernées : elles couvrent donc la totalité du territoire national. Interviennent sur ce marché des entreprises de taille internationale au premier rang desquelles la société Sportfive qui commercialise ces prestations dans plusieurs États membres. D'autres entreprises comme IMG ou Octagon sont des entreprises de dimension internationale qui ont pu être empêchées de proposer leurs services par les pratiques en cause décrites plus haut. Selon la jurisprudence communautaire, le champ des échanges entre États membres susceptibles d'être affectés n'est pas limité aux mouvements transfrontaliers de produits ou de services mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale.
255. Ainsi qu'il a été précisé par les lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, " l'application du critère de l'affectation du commerce est indépendante de la définition des marchés géographiques en cause car le commerce entre États membres peut également être affecté dans des cas où le marché en cause est national ".
256. Sur le troisième point, l'appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de l'identité des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause. Toutefois, s'écartant d'une appréciation au cas par cas, la Commission a posé le principe selon lequel les accords affectant plus de 5 % du marché communautaire en cause ou sur lequel les entreprises en cause réalisent au moins 40 millions d'euro de chiffre d'affaires sont présumés affecter sensiblement le commerce entre États membres, sauf preuve contraire à rapporter par les parties.
257. En l'espèce, le marché en cause couvre la totalité du territoire français, partie substantielle du marché communautaire. Le montant annuel des contrats marketing négociés par Sportfive s'élève à 210 millions d'euro, soit significativement plus de 5 % du marché en cause.
258. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d'avoir affecté de manière sensible le commerce intracommunautaire. Elles peuvent donc être également qualifiées au regard des articles 81 et 82 du traité.
2. SUR L'APPLICATION DU REGLEMENT (CE) N° 2790/1999 DE LA COMMISSION DU 22 DECEMBRE 1999
259. Les ententes verticales se rencontrent non seulement à l'intérieur des réseaux de distribution mais plus généralement dans le cadre des accords ou pratiques concertées qui sont conclus entre deux entreprises dont chacune opère, aux fins de l'accord, à un niveau différent de la chaine de production et de distribution.
260. En l'espèce, les accords de volonté sont matérialisés dans les relations contractuelles que la FFF et Sportfive ont nouées au moins depuis 1992. Ainsi que la jurisprudence communautaire l'a rappelé à de nombreuses reprises, la preuve de ces accords résulte directement de la signature des contrats. Peu importe par ailleurs que l'accord ait été conclu contre l'intérêt économique de l'une des parties, ainsi que l'a rappelé le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, dans un arrêt du 9 juillet 2009, Peugeot et Peugeot Nederland (T-450/05) : " l'existence d'un accord ne pourrait être exclue au motif que celui-ci semble aller à l'encontre de certains des intérêts d'une partie dès lors qu'existe comme en l'espèce la preuve de l'acquiescement de cette partie " (§185). Les parties ont abouti à un consensus sur un projet qui a limité ou a été de nature à limiter leur liberté commerciale en déterminant leur ligne d'action ou d'abstention mutuelle sur le marché.
261. Les accords en question relèvent, comme il a été démontré plus haut, de l'application du droit communautaire et doivent donc être examinés à la lumière du règlement précité. Il convient cependant d'examiner l'argument de la société Sportfive qui estime que ce règlement l'exonère de tout reproche d'entente verticale, en ce que les relations contractuelles qui la liait à la FFF revêtiraient le caractère de contrats d'agence. Bien que la société n'invoque pas explicitement ce point, il convient également d'examiner la question de l'exemption prévue par le règlement pour les accords conclus avec un fournisseur dont la part de marché est inférieure à 30 %.
a) Sur le moyen tiré de ce que les contrats revêtiraient le caractère de contrats d'agence
262. La société Sportfive considère qu'en vertu des lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales, l'article 81 du traité CE ne s'applique pas à elle dans la mesure où elle aurait été liée à la FFF par un contrat d'agence qui l'investissait du pouvoir de conclure des contrats pour le compte du commettant, mais sans la rendre propriétaire des droits marketing et audiovisuels achetés ou vendus et sans l'exposer à un quelconque risque commercial ou financier. Elle avance en particulier que l'existence des minima garantis, d'ailleurs mis en place en 2002 pour être supprimés peu après, ne peut s'analyser comme un élément de risque financier mais seulement comme la contrepartie de l'exclusivité consentie par la FFF. Elle estime enfin que le contrat de mandat de 2002 emportait un mécanisme d'approbation par le mandant de la politique de l'agent conforme aux critères retenus par la Commission.
263. Les relations organisées entre un agent ou un intermédiaire et son commettant peuvent échapper au droit des ententes lorsque ces personnes juridiques ne constituent pas des entreprises indépendantes, mais forment en réalité une seule entité économique. Il s'agit alors d'un contrat d'agence. Ainsi que l'a rappelé la Cour de justice dans un arrêt du 14 décembre 2006 (Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio ; C-217-05) : " (...) les intermédiaires ne sont susceptibles de perdre leur qualité d'opérateur économique indépendant que lorsqu'ils ne supportent aucun des risques résultant des contrats négociés ou conclus pour le compte du commettant et opèrent comme auxiliaires intégrés à l'entreprise de celui-ci " (paragraphe 43).
264. A l'inverse, s'ils supportent des risques financiers et commerciaux, ils bénéficient de la qualité d'entreprise indépendante : " À l'inverse, lorsque les conventions passées entre le commettant et ses intermédiaires confèrent ou laissent à ces derniers des fonctions se rapprochant économiquement de celles d'un opérateur économique indépendant du fait qu'elles prévoient la prise en charge, par ces intermédiaires, des risques financiers et commerciaux liés à la vente ou à l'exécution des contrats conclus avec des tiers, lesdits intermédiaires ne peuvent être considérés comme organes auxiliaires intégrés dans l'entreprise du commettant, de sorte qu'une clause restrictive de concurrence convenue entre ces parties peut constituer un accord entre entreprises au sens de l'article 81 du traité " (paragraphe 45). Les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales (2000-C 291-01) rappellent que l'appréciation des " risques financiers et commerciaux " doit être effectuée au cas par cas.
265. Au point 16 de ces lignes directrices, la Commission rappelle que l'article 81 n'est pas applicable aux obligations imposées à l'agent lorsque celui-ci n'est pas propriétaire des biens contractuels achetés ou vendus ou lorsqu'il ne fournit pas lui-même des services contractuels dont elle dresse, à titre d'exemple, une liste non exhaustive. Le point 18 précise qu'un contrat d'agence confère au commettant la capacité de déterminer lui-même le champ d'activité de l'agent et sa stratégie commerciale.
266. Or, dans les contrats marketing qui lient la FFF et Sportfive, cette dernière assume un risque financier important, car elle s'engage sur un montant minimum de recettes à verser à la fédération quel que soit le volume de chiffre d'affaires réalisé. Ce montant, qui se chiffre en dizaines de millions d'euro, est très élevé. Il représente un risque dissuasif pour les nouveaux entrants sur le marché, risque que Sportfive a jugé elle-même si important qu'elle a cherché à en atténuer le poids en obtenant, après la signature des contrats, la fusion des minima garantis de l'Équipe de France et de la coupe de France et enfin leur disparition pure et simple.
267. Contrairement à ce qui est soutenu, ces minima ne sont pas la contrepartie de l'exclusivité accordée par la FFF. Ils n'ont jamais été définis ainsi par les contractants. La suppression de ces minima n'a pas entraîné celle des clauses d'exclusivité qui ressortaient de stipulations très différentes des contrats.
268. Par ailleurs, l'entreprise n'avait pas pour seule mission de revendre les droits en l'état comme pour un produit non transformable mais de les commercialiser auprès des sponsors potentiels sous forme de plusieurs prestations spécifiques.
269. Les contrats portant sur les panneaux publicitaires illustrent bien la responsabilité propre qui était celle de l'intermédiaire. Celui signé entre Médiafoot et la FFF stipulait en son article 14 : " SEP Médiafoot prend à sa charge toutes les dépenses de personnel, fournitures, matériel assurance et tout autre frais afin de mener à bien son action sans qu'en aucun cas la Fédération Française de Football puisse être rendue responsable " (cote 631).
270. Il n'est pas utile dans ces conditions d'énumérer les nombreuses prestations contractuelles que Sportfive apportait à ses clients et revendiquait elle-même dans la définition de ses missions, ni d'insister sur le caractère autonome de la stratégie commerciale qu'elle mettait en œuvre pour répondre, d'une part, à la demande des détenteurs de droits en matière de valorisation et de commercialisation des évènements qu'ils organisaient et, d'autre part, à la demande des sponsors ou des diffuseurs en matière de gestion de leur communication, comme il a été précisé aux paragraphes 20 à 26 de la présente décision.
271. Les relations entre Sportfive et la FFF ne peuvent donc être regardées comme constituant un contrat d'agence qui échapperait à l'application des articles 81 du traité et L. 420-1 du Code de commerce.
b) Sur le bénéfice de l'exemption prévue par le règlement 2790-1999
272. Les articles 2 et 3 du règlement précité accordent, sous réserve des autres dispositions du règlement, une exemption aux accords dans lesquels la part de marché du fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché pertinent.
273. La société Sportfive, qui fournit des services de commercialisation de droits marketing à la FFF, n'invoque pas le bénéfice de cette exemption. Il a été par ailleurs démontré aux paragraphes 237 à 242 que la part de marché de la société sur le marché de l'intermédiation dépasse très nettement les 30 %.
D. SUR L'ENTENTE RELATIVE A LA COMMERCIALISATION DES DROITS MARKETING DE LA FFF
274. Ainsi que le précisent les lignes directrices sur les restrictions verticales, prises pour l'application du règlement précité, " les accords verticaux qui ne sont pas couverts par le règlement d'exemption par catégorie ne seront pas présumés illégaux, mais peuvent nécessiter un examen individuel ". S'il est établi que l'accord contrevient au paragraphe 1 de l'article 81 du traité, les entreprises peuvent démontrer qu'il procure des gains d'efficience permettant de bénéficier de l'exemption prévue par l'article 81, paragraphe 3. Elles peuvent faire de même sur le fondement de l'article L. 420.4 du Code de commerce.
275. En l'occurrence, l'objet et l'effet anticoncurrentiel de l'entente sont démontrés, d'une part, par les modalités de l'exclusivité qu'elle a organisée de 1992 à 2002, d'autre part, par le déroulement de l'appel d'offre de 2001 relatif aux droits marketing de la FFF et ses avenants successifs.
1. SUR L'EXCLUSIVITE
276. Il est reproché à la FFF et à Sportfive d'avoir noué des accords exclusifs de très longue durée sans appel à la concurrence, au moins entre 1992 et 2002, couvrant toute la palette des prestations marketing alors pratiquées. Le grief qui leur a été notifié retient que, par leur étendue, leur durée, le caractère fréquemment anticipé de leur renouvellement, les clauses de tacite reconduction et les clauses d'indemnité de fin de contrat qu'ils contiennent, ces contrats ont un caractère anticoncurrentiel dans la mesure où ils ont eu pour objet et pour effet de soustraire pendant une longue période la commercialisation de ces droits au libre jeu de la concurrence.
277. La société Sportfive estime cependant qu'aucune obligation légale de mise en concurrence ne pèse sur les fédérations sportives, au regard notamment de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
278. Si, effectivement, aucune disposition légale n'obligeait formellement la FFF à organiser un appel d'offres pour le renouvellement de ces contrats, le Conseil de la concurrence a rappelé, dans sa décision n° 01-D-16 du 24 avril 2001, le principe de l'application du droit de la concurrence à l'attribution d'un contrat de concession conclu de gré à gré.
279. Il a déjà estimé, dans ses décisions n° 97-D-71 et n° 98-D-31, qu'un accord exclusif de parrainage et de fourniture d'équipement pouvait être illicite en raison de sa trop longue durée ou de la nature des clauses qu'il contenait.
280. Dans la première affaire, il a conclu qu'un accord passé par la Ligue nationale de football peut enfreindre les règles de concurrence si les conditions dans lesquelles il a été négocié ou les clauses qu'il contient ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou de restreindre, directement ou indirectement, le jeu de la concurrence sur un marché d'équipements sportifs destinés à la pratique du football en plein air.
281. Dans la deuxième, il a considéré que la durée d'une convention de partenariat négociée par la Fédération française d'escrime devait être appréciée au regard de la nécessité de préserver la possibilité pour d'autres opérateurs d'entrer sur le marché de l'assistance technique des compétitions organisées par la fédération française d'escrime et qu'au regard de cette exigence, la durée de quatre ans prévue dans la convention était une durée anormalement longue, aucun élément du dossier n'établissant que la durée de l'amortissement du matériel utilisé était égale ou supérieure à quatre ans.
282. Plus récemment, dans sa décision n° 07-MC-01, le Conseil de la concurrence a rappelé que, si les pratiques d'exclusivité ne sont pas interdites per se, " il convient : de s'assurer que les clauses d'exclusivité n'instaurent pas, en droit ou en pratique, une barrière artificielle à l'entrée sur le marché en appréciant l'ensemble de leurs éléments constitutifs : le champ d'application, la durée, l'existence d'une justification technique à l'exclusivité et la contrepartie économique obtenue par le client ". Les contrats évoqués ci-dessus doivent donc être examinés au regard de l'ensemble de ces critères.
a) Sur la durée des accords d'exclusivité
283. Sportfive estime que les contrats mis en cause par l'instruction, à savoir le contrat de mandat marketing de septembre 1992, les contrats de prestations de relations publiques et panneaux publicitaires de la même époque, le contrat de sponsoring de la coupe de France de décembre 1994, les contrats de décembre 2002 relatifs au marketing des équipes de France et de la coupe de France n'ont pas été renouvelés automatiquement et que, lorsqu'ils l'ont été, leur signature est intervenue dans le cadre d'un processus de renégociations successives qui a permis à la FFF de confirmer la compétence et l'expertise de la société Football France Promotion en lui renouvelant sa confiance. Elle fait valoir qu'aucun de ces contrats, et notamment les contrats marketing de 2002, ne contient de clause de tacite reconduction.
284. Sportfive estime également que leur durée n'était pas excessive, ces exclusivités ne pouvant pas avoir des durées inférieures à 4 ou 8 ans pour se caler sur les usages du secteur, à savoir le calendrier des grandes compétitions de football, et qu'en conséquence elle respectait les prescriptions du Conseil qui, dans sa décision n° 07-MC-01, a indiqué : " la durée de l'exclusivité ne doit pas être inhabituelle et disproportionnée par rapport aux usages contractuels du secteur d'activité ".
285. Il apparaît cependant que tous les contrats d'exclusivité présentés aux paragraphes 74 à 83 ont pour point commun d'avoir été renouvelés souvent par tacite reconduction et, à de nombreuses reprises, bien avant terme, sur une période totale de 17 ans, excluant de ce fait toute possibilité qu'au terme de leur échéance théorique, de réelles discussions puissent être engagées pour en faire le bilan et envisager les conditions de leur renouvellement.
286. Ainsi, le contrat de sponsoring de l'Équipe de France, qui a été signé en 1992 pour une durée de 6 ans, prolongée tacitement de 2 ans supplémentaires, a fait l'objet d'un avenant signé en 1994, soit 6 ans avant la date ultime d'échéance, pour le prolonger encore de 2 ans jusqu'en 2002. La durée totale a donc été de dix ans, bien au-delà de la durée de quatre ans qui sépare deux compétitions.
287. De même, le contrat attribuant à la société Médiafoot la gestion et la commercialisation des panneaux publicitaires lors des matchs de l'Équipe de France en France et à l'étranger retransmis à la télévision a été signé en 1985 pour une période de 4 ans mais a été reconduit par un avenant signé dès 1986 pour une période allant jusqu'en 1992. Il a ensuite été systématiquement reconduit par période de 4 ans.
288. La même constatation peut être faite pour le contrat par lequel la société Football Communication, détenue à 100 % par la FFF, a confié à FFP l'exclusivité de la commercialisation des opérations de relations publiques des matchs de l'Équipe de France et de la coupe de France, qui fait l'objet de renouvellements par tacite reconduction, mais aussi pour le contrat relatif au sponsoring de la coupe de France qui a été signé en 1988 pour 4 ans mais prolongé une première fois dès l'année suivante, en 1989, pour 2 années supplémentaires et, une deuxième fois, par un accord signé en 1994 pour une période allant jusqu'en 2002, soit une durée totale de quatorze ans.
289. Il en est de même pour le nouveau mandat marketing attribué à Sportfive en décembre 2001 : initialement attribué dans le cadre de l'appel d'offre jusqu'en 2006, il a été prolongé jusqu'en 2008 par l'avenant de mai 2003 et jusqu'en 2010 par l'avenant n°2 d'avril 2004, avenants signés sans nouvelle mise en concurrence.
290. Contrairement à ce que prétend Sportfive, le contrat marketing de l'Équipe de France signé en mars 1995 n'a pas fait l'objet d'une quelconque négociation, comme le montrent les termes de l'avenant du 22 novembre 1994 qui a conduit les parties à prolonger sa durée initiale. Cet avenant précise : " Il est convenu de modifier le terme du contrat initial pour le porter au 31 juillet 2002. En conséquence, un nouveau contrat sera mis au point pour tenir compte de la modification intervenue ". Pour les parties, le changement de facturation des clients, qui était désormais à la charge de la FFF, n'était pas le motif essentiel de l'avenant, la modification concernant avant tout la durée du contrat. Aucun élément du dossier ne montre d'ailleurs une quelconque négociation sur la facturation.
291. La reconduction systématique de contrats exclusifs, sous forme d'avenants signés souvent plusieurs années avant leur échéance normale, interdisait à la FFF de dresser à terme un bilan du déroulement de ces contrats et, pour le cas où ce bilan ne lui aurait pas paru satisfaisant, de lancer pour les contrats arrivés à échéance un appel d'offres de nature à intéresser d'autres entreprises concurrentes. Cette pratique a eu pour objet et pour effet de dissuader les concurrents d'entrer sur le marché de la commercialisation des droits marketing, la prolongation des contrats par avenant, bien avant le terme prévu, faisant obstacle à la planification d'une démarche commerciale de leur part sur ce marché difficile, et envoyant aux concurrents potentiels un message clair et durable de fermeture du marché.
b) Sur le champ de ces accords
292. L'effet de ces contrats exclusifs et de longue durée a été au surplus amplifié par le choix systématique d'un partenaire unique pour l'ensemble des contrats et pour l'ensemble des droits marketing, y compris les plus modestes, interdisant de ce fait à un nouvel entrant de faire ses preuves sur ce nouveau marché et d'acquérir une expérience lui permettant de se mesurer au leader.
293. Par ailleurs, dans le cadre des contrats marketing signés en 2002, les droits marketing, déjà d'un contenu très large, sont encore élargis par une clause stipulant que " tout droit [nouveau] dont la FFF deviendrait titulaire, qu'il soit existant ou qu'il vienne à être crée, ou autorisé pendant la durée du contrat, entre automatiquement dans le périmètre des droits ".
294. La société Sportfive estime que la clause annexée aux contrats, qui étend l'exclusivité à des droits nouveaux ou non nommés, était justifiée, d'un point de vue économique, par le souci de protéger son exclusivité sur les équipes nationales et la coupe de France. Elle aurait également été justifiée par son désir d'éviter que des droits nouveaux, issus par exemple d'innovations techniques permettant de nouvelles formes publicitaires, ou des droits intellectuels complémentaires commercialisables, ou encore de nouveaux évènements organisés par la FFF non prévus dans le contrat, ne soient pris en charge par un concurrent.
295. Cette justification ne peut être admise. La préemption par la société Sportfive de droits encore inconnus, et donc nécessairement non évalués et non évaluables, en l'absence de toute indication permettant de s'assurer à l'avance de sa compétence dans ce nouveau domaine, et sans tenir compte de l'éventuelle valeur marchande supplémentaire qu'ils pouvaient apporter, ne pouvait avoir d'autre objet ou d'autre effet - au moins potentiel - que d'assurer par avance l'éviction d'un nouvel acteur par hypothèse mieux placé que Sportfive pour gérer ces nouveaux droits.
c) Sur les clauses de sortie
296. Dans une décision n° 07-MC-01 du 25 avril 2007 relative à une demande de mesures conservatoires de la société KalibraXE, le Conseil de la concurrence a indiqué qu'une clause d'exclusivité ne pouvait être examinée indépendamment des conditions de sortie des contrats dans lesquels elle était insérée, soulignant que plus la sortie anticipée du contrat était difficile et coûteuse, plus l'effet de cette exclusivité était renforcé.
297. Dans cette logique, les parties en l'espèce se sont entendues sur une longue période pour s'interdire toute sortie de leurs contrats. La réattribution du mandat exclusif en 2001 a été payée par le versement à la FFF d'un droit d'entrée non prévu dans le règlement de la consultation et le prolongement de mandat jusqu'en 2010 par le versement d'un nouveau droit d'exclusivité de plusieurs millions d'euro. Les stipulations relatives aux indemnités de fin de contrat, qui ne sont pas dues si le mandat est attribué à Sportfive, et celles qui obligent la FFF à reverser ces primes d'exclusivité en cas de résiliation anticipée du contrat, et ce quelle qu'en soit la cause, ont eu le même effet.
298. Par ailleurs, une lettre de Sportfive adressée le 29 juillet 2004 au président de la FFF montre (paragraphe 170) que la société a obtenu de son partenaire une interprétation de la clause de résiliation des contrats interdisant à l'une quelconque des parties de résilier ces contrats avant leur terme sans l'accord de l'autre partie, bien que le texte original ait clairement prévu la possibilité d'une telle résiliation. Ces pratiques, cumulées aux pratiques précédemment décrites, ont eu pour objet, et pour effet, au moins potentiel, de contribuer au verrouillage du marché et à l'éviction de concurrents potentiels, par l'augmentation des coûts d'accès et par l'impossibilité de toute résiliation avant terme sans l'accord du contractant, quel qu'en soit le motif.
d) Sur les justifications techniques ou économiques
299. La société Sporfive explique que les clauses d'exclusivité étaient économiquement justifiées car elles apportaient des avantages à toutes les parties concernées. Elle fait valoir que la FFF, souhaitant optimiser la commercialisation de ses droits marketing, avait tout intérêt à vendre aux annonceurs sous une forme de " package " unique l'ensemble des prestations marketing relatives non seulement à l'Équipe de France A mais aussi à toutes les équipes de France. Les annonceurs, qui recherchaient une association de leur marque ou de leurs produits avec l'événement sportif, avaient besoin quant à eux d'une exclusivité sectorielle donnée par exemple par le titre de " partenaire officiel " pour valoriser leurs investissements. L'existence d'un mandataire exclusif permettait, selon la partie mise en cause, la mise en œuvre d'une stratégie unitaire et homogène de gestion des droits, alors qu'une multiplication des mandataires aurait été source de conflits commerciaux importants. L'exclusivité permettait également - ajoute t'elle - de lutter efficacement contre les risques de contrefaçon et de parasitisme, très élevés dans le secteur du marketing sportif. Enfin, elle constituait, selon l'entreprise mise en cause, pour le mandant une forte incitation à concentrer ses équipes sur un support unique afin d'optimiser la gestion commerciale des droits, à l'exemple de ce qu'a d'ailleurs fait Sportfive pour refondre complètement l'offre fédérale de marketing et créer la charte graphique de la FFF et de ses compétitions.
300. Mais si le principe de l'exclusivité dans des contrats, peut répondre à une justification technique et économique, en l'espèce, ni la durée effective de ces contrats, ni leur renouvellement avant terme, ni l'effet de verrouillage des clauses de sortie, ni même le choix d'un contractant unique pour deux types de compétition différents (Équipe de France pour les compétitions intermittentes et coupe de France) ne s'expliquent pour des raisons d'efficacité technique ou économique. Bien au contraire, il était de l'intérêt évident de la FFF de susciter une concurrence, compte tenu de la prédominance de la société Sportfive sur le marché de l'intermédiation, et de favoriser l'apparition sur le marché de compétences nouvelles en octroyant certains droits de moindre ampleur à de nouveaux venus.
301. En conclusion, au cas d'espèce, le cumul de l'ensemble des exclusivités stipulées dans des contrats, de très longue durée, tous signés avec le même partenaire et tous renouvelés dans des conditions qui ont ôté aux parties en présence toute indépendance dans la gestion de leur stratégie commerciale et rendu impossible la rupture de leurs liens contractuels, ne pouvait avoir d'autre objet et d'autre effet au moins potentiel que de préserver leurs relations économiques de toute concurrence extérieure en verrouillant efficacement le marché. Dans ces conditions, l'entente reprochée est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
2. SUR L'APPEL D'OFFRES DE 2001 ET SES AVENANTS SUCESSIFS
302. La FFF et à Sportfive ont poursuivi les pratiques reprochées dans le cadre de l'appel d'offre lancé en 2001 sous la pression de la Cour des comptes :
- pendant le déroulement de l'appel d'offres, en limitant d'emblée la publicité de l'appel d'offres, et en se concertant pour empêcher un concurrent d'avoir les informations nécessaires au chiffrage de sa proposition,
- en négociant ensuite après l'attribution du marché à Sportfive et avant sa signature définitive en 2002 des modifications substantielles du contrat initial,
- en signant enfin en mai 2003 et avril 2004 les avenants qui ont, entre autres, supprimé définitivement le minimum garanti, élément essentiel du contrat.
a) Sur le déroulement de l'appel d'offres
303. Sportfive estime que les conditions nécessaires à la caractérisation d'une entente, qui reposent sur la notion de concordance des volontés, ne sont pas réunies, et que les pratiques citées relèvent tout au plus de comportements unilatéraux hasardeux de la FFF. Elle rappelle les décisions n° 96-D-64 et n° 99-D-18 du Conseil pour soutenir que des déclarations ou l'existence de contacts réguliers entre l'un des soumissionnaires et l'organisateur de l'appel d'offre ne peuvent à elles seules constituer la preuve d'une pratique anticoncurrentielle à moins que leur vraisemblance ne soit confortée par d'autres indices. Elle fait valoir que la FFF a pris toutes les précautions pour organiser une véritable mise en concurrence. Elle ajoute qu'aucune preuve de son implication dans la limitation supposée de la publicité de l'appel d'offres ou dans le refus de communiquer à des concurrents les éléments nécessaires au dépôt d'une offre n'est rapportée.
304. Mais il n'est pas exact de considérer que la FFF a pris toutes les dispositions qui s'imposaient pour organiser une véritable mise en concurrence à l'occasion du renouvellement des contrats relatifs au marketing de ses compétitions. Il a été au contraire montré, notamment aux paragraphes 89, 108, 110, 111 et 112, que la FFF a fait le choix de ne consulter que trois entreprises, dont l'une était liée à Sportfive, excluant en particulier l'entreprise IMG qui, surprise de cette élimination, a considéré qu'il était inutile de présenter ensuite sa candidature dans un appel d'offre qualifié par elle de " truqué ". Il apparaît au paragraphe 108 que la décision de limiter la publicité de l'appel d'offre a été une décision personnelle du président de la FFF.
305. L'absence de publicité suffisante, qui a empêché IMG et d'autres entreprises de répondre à l'appel d'offre, n'a pas été le fruit du hasard ou d'une ignorance du droit de la concurrence. En interne, le service juridique de la FFF a alerté les responsables des problèmes qui se posaient. En vain, puisque ce service a reconnu que tout au long de la procédure la question de la soumission de cette attribution des droits marketing aux règles de la concurrence n'a en fait jamais été sérieusement étudiée.
306. A l'absence de publicité suffisante s'est ajoutée la brièveté remarquable du délai accordé pour répondre à une consultation de cette importance et de cette complexité. Les entreprises contactées ont eu un délai de trois semaines, à compter de la réception d'une première télécopie, pour répondre ; quant à l'entreprise Consortium Stade de France, elle n'aurait pu disposer que d'une semaine à partir de la réception du cahier des charges si elle avait souhaité être directement candidate. La brièveté du délai imposé ne pouvait que favoriser fortement l'entreprise titulaire des droits, qui seule maitrisait la complexité du dossier et était donc seule à même d'en apprécier correctement la valeur.
307. Il n'est pas davantage possible de suivre la société Sportfive lorsqu'elle soutient qu'en réalité Havas Sport n'a pas voulu de ce marché et que de toute façon elle n'aurait pu l'obtenir du fait de sa proposition en groupement avec le Consortium Stade de France, qui était en mauvais termes avec la FFF.
308. L'offre présentée par Havas Sport, jugée novatrice et intéressante par la commission de dépouillement des offres, était au contraire offensive et s'engageait sur une progression des recettes de 20 à 30 % et un taux de commission de [...] globalement inférieur à celui proposé par Sportfive (cotes 16177 à 16389).
309. Il a été montré aussi que la société Havas Sport, pourtant très intéressée par la possibilité d'entrer sur un marché où l'offre des gros sponsors était surabondante, compte tenu des succès de l'Équipe de France, n'a pu présenter une offre acceptable par les instances fédérales du fait qu'elle n'avait pas été en mesure de chiffrer sa proposition sur le minimum garanti. Ses tentatives pour obtenir les données chiffrées nécessaires à cet exercice sont éclairées par la liste extrêmement détaillée de questions posées à la FFF figurant au dossier. Cette liste atteste de leur volonté de proposer une offre techniquement et financièrement complète (cotes 16175-16176).
310. Plusieurs déclarations montrent que la FFF n'a pas répondu de manière écrite à ces questions. Le document avancé par Sportfive et qui porte sous la rubrique " Réponse FFF " le 25 octobre la mention " réunion " laisse tout au plus entendre qu'il y a eu des rencontres entre la FFF et Havas Sport, sans qu'elles donnent pourtant lieu à des réponses écrites comme le prévoyait la procédure. Le responsable de cet appel d'offres chez Havas, M. O..., a confirmé cette appréciation au paragraphe 115. Ce point est également confirmé par le texte de la proposition de la société Havas Sport reçue à la FFF le 29 octobre, qui précise : " Le peu d'informations chiffrées dont nous disposons à ce jour sur chacun des lots et globalement ne nous permet pas à ce stade de la consultation d'avancer des objectifs précis de chiffre d'affaires " (cote 16205).
311. Si les dirigeants d'Havas ont en effet renoncé à proposer un minimum garanti, ce choix n'a pu qu'être fortement influencé par l'absence d'information permettant d'évaluer un montant raisonnable pour ce minimum garanti. L'engagement sur un minimum garanti, risqué en lui- même, comme il a été montré aux paragraphes 38 et 39, ne pouvait raisonnablement être envisagé en l'absence d'information suffisante sur la dimension prévisible du marché. Les responsables d'Havas ont en revanche estimé que, s'il ne leur était pas possible de s'engager sur ce point essentiel, ils pouvaient cependant persuader la FFF d'examiner favorablement leur offre au moins sur d'autres lots en dépit de l'absence d'une proposition financière sur le minimum garanti, d'autant que l'offre couplée avec le Consortium Stade de France réunissait, de leur point de vue, des compétences complémentaires, celles d'Havas Sport dans le conseil et celles du Consortium dans le marketing. Ceci explique la déception qu'ils ont exprimée au vu du résultat final.
312. La société Sportfive estime, sur la base de plusieurs témoignages internes à la FFF, qu'en réalité l'association avec le Consortium aurait été davantage un handicap qu'une aide. Il est cependant admis par toutes les parties que le véritable point d'achoppement de la candidature d'Havas a été l'absence du minimum garanti exigé par la FFF.
313. Les pratiques relevées ci-dessus ont été mises en œuvre en concertation avec la société Sportfive qui, par le biais de son dirigeant de l'époque, M. X..., a obtenu d'une part que soit limitée au maximum la publicité entourant l'appel d'offres, comme il résulte de la déclaration de M. H... citée au paragraphe 108, et d'autre part que les éléments nécessaires au chiffrage de la proposition d'Havas Sport ne soient pas communiqués à cette entreprise.
314. En tant que directeur général de la FFF entre 1992 et 2005, M. H... a suivi de très près les conditions de négociation des droits de la FFF. Sa déclaration mentionnée au paragraphe 87 révèle que s'il s'occupait des aspects juridiques et économiques des contrats, leur contenu était discuté en amont entre MM. X... et Z.... L'intéressé ajoute que c'était M. X... qui l'informait du résultat des discussions. Il existait donc entre les présidents fédéraux et le président de Sportfive des habitudes anciennes de discussion directe sur les aspects essentiels des contrats. Ces déclarations sont d'ailleurs confortées par plusieurs témoignages émanant des services de la FFF.
315. M. Z... a nié cependant avoir été saisi de la demande d'Havas Sport. Dans sa déclaration, alors qu'il confirme que les questions essentielles relatives à l'appel d'offre ont toujours fait l'objet d'arbitrages entre lui et M. X..., il ne se souvient pourtant ni des conditions de publicité de la consultation, ni du questionnaire envoyé par le principal concurrent de Sportfive. Il a pourtant écrit et signé personnellement la lettre accompagnant l'envoi du dossier de consultation à Havas Sport. Les propositions des candidats ont été reçues par lui et c'est lui qui a nécessairement été destinataire des courriers relatifs à la consultation comme le montre la lettre du directeur général du Consortium Stade de France mentionnée au paragraphe111.
316. Par ailleurs, dans ses déclarations, faites après son départ de la FFF après treize années d'active collaboration, M. H... rapporte le propos suivant tenu par M. X... demandant à la FFF de refuser de répondre au questionnaire : " Je ne veux pas dilapider mon fonds de commerce ". Ce propos atteste de l'intervention de M. X... dans la procédure de consultation avant le dépôt des propositions des candidats.
317. La Cour d'appel de Paris a condamné, dans un arrêt du 29 juin 1998, (société Suez-Lyonnaise des eaux) sur le fondement du droit de la concurrence, le refus, par une société candidate au renouvellement d'un contrat d'affermage de distribution d'eau, de communiquer aux entreprises avec qui elle était en concurrence des informations essentielles, mettant ainsi ces sociétés dans l'impossibilité de concourir normalement. Cet arrêt a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2000 (société Suez-Lyonnaise des eaux).
318. Il résulte de ce qui précède que l'appel d'offres a été faussé volontairement à la fois par la FFF, qui considérait M. X... et sa société comme des interlocuteurs naturels et privilégiés que personne ne pouvait et ne devait remplacer, et par Sportfive. Les deux parties se sont concertées sur les conditions de déroulement de la consultation et ont échangé des informations notamment sur le point de savoir s'il fallait répondre au questionnaire de la société Havas Sport alors que la décision de retenir un candidat n'avait pas encore été prise.
Ces pratiques se sont poursuivies avant et après la signature du contrat.
b) Sur les discussions intervenues entre la FFF et Sportfive avant la signature définitive du contrat en 2002
319. Entre la décision prise par le comité fédéral le 21 décembre 2001 d'attribuer le lot 1 à Sportfive et la signature définitive le 11 décembre 2002 du contrat de mandat, des discussions intervenues tout au long de l'année 2002 ont profondément altéré le sens de la consultation. Ces discussions ont été menées sans tenir compte du calendrier et de la procédure initialement fixés pour l'appel d'offres. En particulier, la procédure prévue excluait toute négociation avec le candidat retenu par la FFF, une fois la décision prise de sélectionner celui-ci sur la base d'une offre ferme ne nécessitant plus que la signature de la Fédération. Or, les discussions sont intervenues sur des points nouveaux qui remettaient en cause les bases du choix opéré par la FFF en faveur de Sportfive. La commission marketing de la FFF a qualifié ces modifications de substantielles par rapport au contrat proposé dans la consultation et s'est interrogée sur la possibilité de déclarer la consultation infructueuse.
320. Les modifications discutées dans les quatre versions successives du contrat et qui ont abouti à altérer profondément le contrat type proposé par la FFF après la date de son choix ont porté sur des points comme la prise en compte pour le calcul des minima des contrats négociés à part par la FFF, la possibilité de remettre en cause ces minima garantis, le versement complémentaire exceptionnel d'une somme de [...] euro, la possibilité par Sportfive de négocier des contrats dont le terme excède 2006, et l'extension automatique des droits aux autres sélections que l'Équipe de France masculine A, pourtant seule concernée par le lot 1.
321. Sportfive observe tout d'abord que deux de ses demandes durant cette discussion - le lissage du minimum garanti sur quatre ans et l'extension aux droits audiovisuels - n'ont pas été finalement retenues. La société conteste par ailleurs que les nouvelles stipulations introduites avant la signature du contrat aient profondément altéré la consultation. Elle note que deux autres stipulations qui lui sont reprochées, à savoir la prise en compte pour le calcul des minima garantis des contrats négociés à part par la FFF et la possibilité de remettre en cause ces minima, figurent déjà dans la version du contrat remise le 21 décembre 2001, soit à une date antérieure à la décision d'attribution du mandat.
322. La société rejette enfin l'explication selon laquelle l'indemnité supplémentaire prévoyant le versement d'une somme de [...] euro aurait été la contrepartie de la réattribution du contrat marketing de la FFF. Cette somme correspondrait en partie à la rémunération réclamée par les joueurs de l'Équipe de France au titre des droits marketing attachés à leur image individuelle en contrepartie d'une disponibilité plus grande de leur part.
323. Contrairement à ce qu'affirme Sportfive, les clauses relatives à la possibilité de remettre en cause les minima garantis et de prendre en compte pour leur calcul des contrats antérieurement conclus ne figurent pas dans la version de contrats qu'elle aurait proposée avant la décision d'attribuer le marché, le document auquel elle se réfère étant un projet type de la FFF à compléter par les candidats.
324. Quant au versement de l'indemnité supplémentaire de [...] euro à la FFF, contrairement à ce qu'avance la société Sportfive, cette somme ne correspond pas à des droits réclamés par les joueurs puisqu'elle est ainsi présentée dans l'accord : " Dans le cadre des négociations ayant conduit à la réattribution du mandat de commercialisation des Droits à FFP, les parties se sont entendues pour fixer un droit complémentaire forfaitaire de [...] euro hors taxe... ". Cette indemnité est donc bien la rémunération de la reconduction du mandat à Sportfive telle qu'elle a été convenue par les deux parties.
325. Enfin, s'il est exact que toutes les demandes de Sportfive n'ont pas été reprises dans le contrat final, il n'en demeure pas moins que les discussions intervenues ont très largement dépassé leur objectif initial qui était de mettre au point un contrat de mandat conforme au cahier des charges de la consultation.
326. Elles ont en fait permis d'intégrer dans un nouveau contrat négocié de gré à gré des stipulations dont le caractère substantiellement différent de celui précisé dans l'appel d'offres justifiait le lancement d'un autre appel à concurrence. Résultant d'une étroite concertation entre la FFF et Sportfive, qui s'est déroulée tout au long de l'année 2002, ces modifications constituent des éléments matériels supplémentaires qui, ajoutées aux déclarations présentées aux paragraphes 306 à 318, révèlent une entente destinée à vider l'appel d'offres de 2001 de tout contenu concurrentiel.
327. L'ensemble des éléments décrits ci-dessus relatifs aux conditions d'organisation de l'appel d'offre de 2001 ou aux modifications apportées avant sa signature finale montrent que la FFF, qui ne le conteste pas, et Sportfive, dont les dénégations sont contredites par les éléments réunis au dossier, ont mis en œuvre une concertation qui a eu pour objet d'éliminer la concurrence des autres opérateurs pour l'attribution de la totalité des droits marketing de la FFF. Cette pratique est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE.
c) Sur les avenants de mai 2003 et avril 2004
328. Pour Sportfive, les stipulations de l'avenant n°1 du 5 mai 2003 étaient pleinement justifiées par des considérations économiques contraignantes. En premier lieu, la fusion des minima garantis des équipes de France et de la coupe de France, qui du reste n'aurait pas pénalisé la FFF, s'expliquerait par la difficulté d'affecter les recettes des contrats Adidas entre ces deux catégories de compétitions et aussi par l'impossibilité pour Sportfive d'atteindre le minimum garanti de la coupe de France à la suite du non respect par la FFF de son engagement d'organiser un match à diffuser sur TF1 pour chaque tour de la coupe de France. En deuxième
lieu, l'insertion des contrats Adidas dans le calcul du minimum garanti aurait trouvé son origine, selon la société mise en cause, dans le fait que Sportfive, à la lumière du texte de l'appel d'offres, qui garantissait au mandataire l'exclusivité du marketing, a cru, comme l'autre candidat, qu'ils étaient compris dans le périmètre des droits concédés, mais se serait heurtée au refus de la FFF d'en communiquer le contenu précis et les conditions financières.
329. L'entreprise mise en cause explique également l'avenant n°2 et particulièrement la suppression des minima garantis par la faculté contractuelle de renégociation amiable prévue à l'article 4.2 du contrat pour tenir compte des résultats décevants de l'Équipe de France à cette époque. Le versement par la FFF de rémunérations supplémentaires aurait été motivé par les mêmes considérations et par la prise en charge de nouvelles prestations non spécifiées dans le contrat initial comme le transport et la mise en œuvre des dispositifs d'affichage publicitaire, l'élaboration de nouvelles conventions pour la cession collective des droits des joueurs de l'Équipe de France, la refonte du plan marketing et de la charte graphique de la FFF.
330. Mais, quelles qu'en soient les raisons économiques, qui auraient pu tout au plus justifier un rabais sur le montant dû, la suppression, par simple accord entre les parties, de toute règle de minimum garanti remet en cause une stipulation fondamentale du contrat initial, celle qui a été présentée par Sportfive et la FFF comme la raison principale du rejet de la candidature d'Havas Sport, montrant ainsi le caractère artificiel de l'appel d'offres.
331. La suppression du minimum garanti est au surplus couplée à une prolongation avant terme de la durée des contrats marketing, et à une attribution à Sportfive, à l'issue des contrats en cours, des droits audiovisuels de la FFF. En signant cet avenant à l'occasion d'une négociation du mandat marketing, les deux entreprises ont manifestement entendu interdire pour une longue période l'accès des autres opérateurs à la gestion de tous les droits sportifs de la FFF.
332. Il découle de l'ensemble de ces éléments que les conditions d'organisation de l'appel d'offres de 2001, en premier lieu, les négociations remettant en cause des options essentielles de celui- ci intervenues avant la signature du contrat de mandat marketing, en deuxième lieu, la signature des avenants n°1 et 2, qui bouleversent les conditions contractuelles initiales, en troisième lieu, constituent autant d'éléments matériels caractérisant l'accord de volontés entre la FFF et Sportfive pour exclure toute concurrence à l'encontre de l'intermédiaire désigné des droits détenus par la FFF . Un tel objet anticoncurrentiel est contraire aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE.
3. SUR LES EFFETS D'EVICTION DES STIPULATIONS CONTRACTUELLES ANALYSEES
333. Sportfive estime qu'aucun effet restrictif de concurrence ne peut avoir résulté des contrats marketing conclus entre Sportfive et la FFF sur le marché de l'intermédiation, dans la mesure où l'ensemble des droits détenus par les organismes sportifs autres que la FFF sont restés accessibles aux agences marketing concurrentes de Sportfive, laquelle ne détenait à l'époque des faits qu'une faible portion de ces droits.
334. Elle indique que la restriction de concurrence qui lui est reprochée ne concerne que l'Équipe de France de football, alors que sur le marché du marketing en général le nombre de prestataires et de clients est tel que les pratiques relevées consistant à réserver le marketing de la FFF à Sportfive n'ont pu avoir pour effet d'exclure les opérateurs concurrents de Sportfive du marché. Elle remarque qu'il existe dans le sport de nombreux détenteurs de droits, autres que la FFF, auxquels ses concurrents peuvent proposer leurs services. Elle ne voit donc pas comment l'exclusivité dont elle a bénéficié aurait pu avoir un effet d'éviction sur ses concurrents.
335. Mais la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence et des juridictions de contrôle ainsi que celle de la Commission européenne et des juridictions communautaires rappellent de façon constante qu'il résulte respectivement des termes de l'article L. 420-1 du Code du commerce et de l'article 81 du traité CE qu'une pratique anticoncurrentielle est prohibée dès lors qu'elle a un objet ou potentiellement un effet anticoncurrentiel, la faiblesse éventuelle des effets réellement constatés ou leur caractère éventuellement peu sensible n'étant le cas échéant qu'un facteur d'atténuation de la sanction. Dans l'arrêt du 20 novembre 2008 (Beef Industry ; C-209/07) notamment, la Cour de justice des Communautés européennes a souligné que " pour apprécier si un accord est prohibé par l'article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu'il apparait que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ".
336. Au surplus, contrairement à ce qu'allègue la société Sportfive, à l'époque des faits, les droits de l'équipe de France ne représentent pas une part négligeable du marché. Cette équipe, victorieuse au championnat de monde de 1998 et à l'Euro de 2002, possédait une image extrêmement forte, particulièrement apte à permettre à un nouvel opérateur d'entrer sur le marché. La société Havas Sport l'a indiqué au paragraphe 107 : l'image de l'équipe était telle que, contrairement à d'autres sports ou à d'autres spectacles de football, la demande de gros sponsors était très abondante. De nombreuses entreprises souhaitaient associer leur nom et leur marque aux performances de l'équipe. De ce fait, la gestion de la régie des droits qui y sont attachés s'en trouvait grandement facilitée et nettement plus profitable.
337. Contrairement à ce qu'indique Sportfive, les entreprises ne souhaitent pas forcément communiquer principalement ou exclusivement sur les phases finales du Mondial ou de l'Euro, dont la FFF ne détient pas les droits : les matchs des phases qualificatives joués par l'Équipe de France, qui figurent dans le portefeuille de la FFF, suscitent un grand intérêt, dans la mesure où le premier tour de ces compétitions garantit des matchs joués en France et offre une période d'exposition de deux ans alors que les poules finales se disputent sur une période de trois semaines sans garantir la participation de l'équipe qui doit au préalable se qualifier. C'est d'ailleurs au cours de ces phases qualificatives que se construisent son profil et son image auprès du public et c'est cette image, et non les retransmissions télévisuelles des phases ultimes, qui est commercialisée à travers la vente des droits marketing.
338. De plus, on ne peut considérer que Sportfive n'a pas les droits ou certains droits marketing relatifs aux matchs joués au Stade de France. Si les opérations de relations publiques et la panneautique sont de la compétence du Consortium, les droits propres à son partenariat avec l'Équipe de France lui restent acquis. Par ailleurs, le groupe Darmon est aussi présent sur les droits propres du Consortium (cotes 17910 à 17925 et 17856 à 17872).
339. L'effet verrouillant de cette pratique ne peut être appréciée indépendamment de la position spécifique qu'occupe le groupe Jean Claude Darmon sur le marketing du football en France. Car, si le marketing propre à l'Équipe de France ne représente qu'environ 20 millions d'euro par an et celui géré au total par la FFF environ 40 millions d'euro par an, la gestion de ces droits est une vitrine qui facilite l'entrée dans le marketing des clubs en plein développement à l'époque des faits. Or il a été vu que très rares sont les clubs professionnels de football dont le marketing n'est pas géré par la société Sportfive qui réalise en 2001 90 % de son chiffre d'affaires représentant prés de 149 millions d'euro dans le football (cote 2219)
340. La société Havas, seul concurrent en France de la société Sportfive, a confirmé ( voir paragraphe 109) que son échec lors de l'appel d'offre l'a empêchée de prendre pied sur le marché des régies de droits qualifié par elle de peu risqué et hautement profitable. Sa filiale spécialisée dans la régie des droits, la société Sportys, qui devait concurrencer Sportfive, s'est développée très lentement dans le secteur. Il a fallu attendre les années 2006-2007 pour qu'elle enregistre un chiffre d'affaires significatif et parvienne à conquérir le marketing de deux clubs professionnels de football ainsi qu'indiqué au paragraphe 65.
341. Les pratiques en cause ont également pu dissuader d'autres agences, implantées dans d'autres pays de l'Union Européenne, de tenter leur chance sur le marché français de la gestion de ces prestations, en implantant une filiale nationale leur permettant, fut-ce sur un lot limité, d'acquérir le savoir faire spécifique et le réseau nécessaire au développement sur ce marché géographique.
342. L'ensemble des éléments réunis au dossier démontre donc que les stipulations des contrats de mandat marketing de la FFF et les conditions, rappelées ci-dessus, de passation de l'appel d'offres de 2001 ont eu non seulement un objet anticoncurrentiel mais aussi un effet restrictif de concurrence sur le marché des services de commercialisation des droits marketing sportifs largement dominé par la société Sportfive.
343. Ces pratiques, mises en œuvre sur une longue période, ont empêché l'émergence d'une véritable concurrence sur la gestion de ces droits, caractérisant également un effet prohibé par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE.
E. SUR L'ENTENTE RELATIVE AUX DROITS AUDIOVISUELS
344. Il a été reproché par l'instruction à la FFF et à Sportfive de s'être entendues d'une part pour négocier de gré à gré, au moins depuis 1989 et jusqu'en 2003, des contrats d'exploitation audiovisuelle dans le monde entier des matchs de l'Équipe de France d'une très longue durée, d'autre part pour mettre au point en 2004 et 2007 des accords audiovisuels qui donnaient à Sportfive un mandat exclusif de 7 ans pour acquérir les droits de retransmission en France des matchs de l'Équipe de France joués à l'extérieur et pour commercialiser en France et dans le monde entier les droits des matchs de l'équipe joués à domicile.
345. Mais la discussion des protocoles audiovisuels de 2004 et 2006 signés entre la FFF et Sportfive est intervenue dans le cadre des avenants au contrat de mandat marketing de 2002. Les faits susceptibles de constituer une pratique anticoncurrentielle ne peuvent être examinés indépendamment de la négociation sur le mandat marketing au cours de laquelle Sportfive et la FFF se sont entendues pour intégrer dans la négociation la commercialisation de tous les droits audiovisuels de la FFF. En conséquence, il apparaît que la partie du grief d'entente relative aux droits audiovisuels de la FFF n'est pas suffisamment démontrée par les éléments du dossier.
F. SUR LE GRIEF D'ABUS DE POSITION DOMINANTE
346. Le second grief notifié par les services d'instruction a reproché à la société Sportfive d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la gestion des droits sportifs en France et du monopole qu'elle avait acquis sur la gestion des droits marketing de la FFF pour imposer, à partir de l'année 2002, à son partenaire des avantages économiques injustifiés qui dénaturaient profondément le contrat initial. Ces abus auraient consisté dans le refus de Sportfive de respecter les clauses du contrat de mandat sur le minimum garanti, dans l'obtention d'avantages financiers supplémentaires de la part d'un partenaire incapable de s'opposer à elle, enfin dans la prise en charge par Sportfive, sans mise en concurrence, de la totalité de la gestion des droits audiovisuels de la FFF dans le cadre d'une opération de couplage avec les droits marketing déjà détenus.
347. Mais les négociations au cours desquelles ont été mis au point les avenants aux contrats de mandat ont été menées par les dirigeants des deux parties contractantes et les décisions prises par eux, sans qu'il soit possible d'établir qu'elles découlaient directement du pouvoir de marché de Sportfive, qui aurait été en mesure de les imposer.
348. Le grief notifié sur le fondement des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE n'est donc pas établi.
G. SUR L'IMPUTABILITE DES PRATIQUES
349. Le grief d'entente a été notifié aux sociétés Football France Promotion- FFP- et Sportfive, car les contrats de régie marketing analysés au dossier ont été signés d'abord par la société FFP, devenue une filiale du groupe Darmon, puis, à partir de 2001, par cette société et Sportfive. D'autres contrats ont été signés par les sociétés Girosport et Médiafoot qui ont aussi été intégrées dans le groupe Darmon devenu la société Sportfive.
350. Cependant, la société Football France Promotion ne dispose pas d'une autonomie de gestion par rapport à Sportfive, qui la contrôle et définit l'ensemble de la politique commerciale menée à l'égard de la Fédération française de football (FFF).
351. Les pratiques retenues au titre du premier grief-le seul établi- peuvent donc être imputées à la société Sportfive et à la FFF.
H. SUR LES SANCTIONS
352. Seront successivement examinés :
- l'application de la loi relative aux nouvelles régulations économiques dans le calcul des sanctions ;
- la gravité des pratiques ;
- l'importance du dommage causé à l'économie ;
- les engagements pris par la FFF ;
- le montant de la sanction.
1. SUR L'APPLICATION DE LA LOI RELATIVE AUX NOUVELLES REGULATIONS ECONOMIQUES DANS LE CALCUL DES SANCTIONS
353. Les pratiques retenues à l'encontre des sociétés mises en cause dans la présente affaire ont été commises pour partie antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, mais se sont poursuivies de manière continue après la date d'entrée en vigueur de cette loi, le 18 mai 2001. Les décisions d'auto saisine des 28 août 2001 et 1er juin 2004 sont également postérieures à cette date. Il en résulte, comme l'a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 14 mars 2006 (Société Privileg), que les dispositions du livre IV du Code de commerce applicables en l'espèce sont celles issues de la loi du 15 mai 2001.
354. Aux termes du II de l'article L. 464-2 du Code du commerce dans sa rédaction applicable à
l'espèce : " Le Conseil de la concurrence (...) peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions soit en cas de non- respect des engagements qu'il a acceptés. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euro. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
2. SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES
355. La pratique d'entente reprochée à la FFF et à Sportfive est d'une gravité certaine, même s'il ne s'agit pas d'un accord horizontal de fixation des prix ou de répartition de marché. Les pratiques d'éviction mises en œuvre dans le cadre de conventions passées sur une longue durée sans appel à la concurrence ou dans un appel d'offre détourné de son objet ont eu pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché des services de gestion et de commercialisation des droits marketing du sport et particulièrement sur un segment très en vue de ce marché : la commercialisation du marketing du football en France. Elles ont limité l'accès à ce marché et le libre exercice de la concurrence par d'autres opérateurs.
356. La responsabilité de la FFF est d'autant plus engagée dans cette pratique qu'elle ne pouvait ignorer la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence qui, dès 1997 avait condamné un accord de parrainage négocié entre la LNF et Adidas sans appel à la concurrence et, en 1998, une convention de partenariat signée entre la Fédération d'escrime et une entreprise pour une période anormalement longue avec une clause de renouvellement automatique. A plusieurs reprises à partir de 2001, son service juridique et son service marketing avaient alerté les négociateurs des droits marketing sur la nécessité de respecter les règles de la concurrence.
357. De plus, la FFF avait été mise en garde par la Cour des comptes qui avait critiqué les relations que celle-ci entretenait avec le groupe Darmon et l'absence de mise en concurrence des marchés passés avec celui-ci. A l'occasion du contrôle portant sur les exercices de 1989 à 1999, le président de la FFF s'était engagé à remettre en cause à chaque échéance l'exclusivité attribuée à Football France Promotion et à Médiafoot. Cependant, à l'occasion d'un second contrôle en 2007, la Cour a de nouveau constaté qu'aucun des mandats conclus jusqu'en 2001 n'avait été précédé d'un appel à la concurrence et que le mandat conclu en 2001 appelait à nouveau de sérieuses critiques. Il ressort bien de ces éléments que la FFF et son conseil fédéral - qui pourtant en 1990 avait demandé à son président : " qu'un appel d'offre soit lancé lors du renouvellement des contrats en cours et qu'à l'avenir les sociétés que dirige M. X... soient mises en concurrence en application de la loi du marché... " (cote 16914) - ont une responsabilité particulière dans les pratiques. Première fédération sportive, et de très loin, en nombre de licenciés comme en recettes marketing et audiovisuelles, la FFF a adopté un comportement de nature à créer une malheureuse valeur d'exemple à l'égard des autres fédérations sportives moins riches.
358. Il est vrai que la FFF a été, au moins pour une part, victime de la situation de non concurrence qu'elle a contribuée à créer. L'entente anticoncurrentielle, qui a été pour elle la voie de la facilité immédiate, ne lui a pas finalement profité. Son inaction a cependant permis à des pratiques anticoncurrentielles de perdurer et n'a pas encouragé de nouveaux opérateurs à entrer sur le marché.
359. La responsabilité de Sportfive est également engagée dans cette pratique. Ses dirigeants, qui étaient à la tête de la principale société française de marketing sportif et d'une des plus grandes agences mondiales évoluant dans ce secteur, ne pouvaient ignorer la portée anticoncurrentielle de ces contrats soulignée aussi par les analyses de la Cour des comptes qu'ils connaissaient compte tenu de leur proximité avec la FFF. La société a tout fait pour poursuivre ses relations avec la FFF selon les errements anciens en maintenant une collaboration privilégiée, principalement fondée sur des relations personnelles et opaques.
3. SUR LE DOMMAGE A L'ECONOMIE
360. Comme l'a précisé le Conseil de la concurrence dans son rapport annuel pour 1999, le dommage à l'économie " ne peut être évalué qu'en comparant la situation résultant de la pratique à la situation qui aurait prévalu en l'absence de cette pratique ".
361. Au titre de l'exercice 2004/2005, au moment où les pratiques anticoncurrentielles relevées dans le présent dossier étaient en voie de disparaître par suite de l'élection d'une nouvelle direction fédérale, les produits de la FFF comprenant les droits marketing et audiovisuels s'élevaient à 114 millions d'euro et son résultat net déficitaire avoisinait les 10 millions d'euro. La remise en cause à partir de 2005, par la nouvelle équipe fédérale, de certaines clauses des contrats signés a entraîné une augmentation de ces produits qui atteignait 185 millions d'euro pour l'exercice 2007/2008, soit une progression de près de 70 millions d'euro en 3 exercices.
362. La FFF estime que cette hausse est liée à la récupération par elle de la liberté de négociation de ses droits télévisuels mais aussi à l'intérêt sportif plus grand de la saison 2007/2008 à cause du championnat d'Europe.
363. De fait, la révision des accords avec Sportfive a abouti à la mise au point du protocole transactionnel de 2006 qui a permis à la FFF de récupérer la maîtrise de la consultation pour la vente des matchs de l'Équipe de France et de la coupe de France et d'obtenir une réduction de la rémunération de Sportfive. Les produits nets de la FFF générés du fait de ses relations avec Sportfive tels qu'ils sont présentés au paragraphe 51 sont, sur la période 2002-2005, en moyenne de 55 millions d'euro par an. Ils passent à 69,5 millions d'euro en 2007 pour atteindre 79,2 millions d'euro en 2008. Cette évolution, qui s'explique par la mise en œuvre d'appels d'offres pour la commercialisation des matchs à partir de 2006, montre a contrario que l'absence de mise en concurrence pour la cession des droits sportifs de la FFF a nui au développement de ses recettes commerciales.
364. L'absence de mise en concurrence des contrats de la FFF, en soustrayant leur conclusion à un minimum de pression compétitive, ne lui a pas permis de maximiser ses recettes au moment où l'Équipe de France bénéficiait d'un engouement exceptionnel et où les sponsors exprimaient un intérêt très vif pour en devenir les partenaires. La Fédération s'est également interdit d'examiner concrètement les propositions d'autres partenaires pour mieux organiser la gestion de ses droits et en valoriser davantage le rendement financier.
365. Cette diminution de recettes, incontestable bien que difficilement quantifiable, a nécessairement eu un effet direct sur l'exécution des missions de la FFF, dont les ressources doivent être consacrées, selon ses statuts, à la défense des intérêts moraux et matériels du football français, et, en premier lieu, au développement et au contrôle de l'enseignement et de la pratique du football amateur. Cette perte de recettes est d'autant plus regrettable pour la pratique de ce sport qu'elle est intervenue à une époque où l'action de la FFF aurait dû être particulièrement dynamique. En effet, la demande sociale vis-à-vis du football était alors forte, compte tenu des succès de l'Équipe de France, notamment dans les quartiers urbains.
366. Enfin, les concurrents de Sportfive dans l'activité d'intermédiation n'ont pu développer leur activité dans le domaine du marketing sportif et particulièrement de celui de la FFF pourtant très rémunérateur. La seule entreprise susceptible de la concurrencer, c'est-à-dire Havas, n'a pas pu véritablement s'imposer sur le marché de la régie des droits marketing et audiovisuels du football, tout au moins pendant une longue période, où elle s'est limitée à l'activité de conseil pourtant moins rentable. Le fonctionnement concurrentiel du marché de la régie des droits sportifs a donc été fortement perturbé par les pratiques mises en œuvre par Sportfive.
4. SUR LA NON CONTESTATION DES GRIEFS ET LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LA FFF
367. Le Conseil de la concurrence a déjà exposé que " lorsqu'est mise en œuvre la procédure prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la décision du Conseil, qui examine la proposition du rapporteur général relative à l'aménagement de la sanction pécuniaire éventuellement encourue, tient compte à la fois de la non contestation des griefs et des engagements pris pour l'avenir. Toutefois, la simple renonciation à contester les griefs, qui a principalement pour effet d'alléger et d'accélérer le travail de l'instruction en dispensant de la rédaction du rapport ne peut conduire à accorder aux entreprises en cause qu'une réduction forfaitaire et relativement limitée de la sanction encourue. C'est la qualité des engagements qui peut permettre d'accorder des contreparties plus substantielles dans le cadre de cette procédure " (décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007, point 138). Le Conseil de la concurrence a par ailleurs précisé que " dans certaines situations de marché, les engagements pris par une entreprise en position dominante peuvent avoir, pour le respect des règles du jeu concurrentiel, une plus grande efficacité que les sanctions, en particulier si ces engagements traduisent une modification substantielle des pratiques de cette entreprise et si les autorités de concurrence sont mises en mesure d'en vérifier l'application effective " (décision n° 04-D-65 du 30 novembre 2004).
368. En l'espèce, la FFF s'est en particulier engagée à soumettre à une procédure de mise en concurrence l'achat de ses droits audiovisuels, le choix de l'équipementier partenaire officiel de l'Équipe de France, ainsi que l'ensemble des contrats d'intermédiaires pour la commercialisation de ses droits audiovisuels et marketing. La FFF s'est également engagée à rédiger après chaque procédure de mise en concurrence un rapport en décrivant précisément les diverses étapes suivies. Elle a également pris l'engagement de limiter à 4 ans la durée de ces contrats, sans que le titulaire sortant puisse bénéficier d'une option de renouvellement, et d'adresser sans délai sur demande de l'Autorité les règlements de ces procédures de mise en concurrence et le rapport qui en décrit les principales étapes.
369. Ces engagements pris par la FFF dans le cadre de la procédure de non contestation des griefs apparaissent substantiels, vérifiables et susceptibles de prévenir en particulier les pratiques litigieuses de même nature que celles notifiées dans la présente affaire. Ils pourraient également servir de référence à l'avenir pour l'élaboration de contrats de marketing et d'intermédiation des autres fédérations sportives et contribuer à une certaine structuration du marché. Il y a lieu d'en prendre acte, d'enjoindre à la FFF de les respecter et d'accorder une réduction de la sanction de 40 %.
5. SUR LE MONTANT DE LA SANCTION
a) En ce qui concerne la Fédération Française de Football (FFF)
370. Lorsqu'il est recouru à la procédure de non contestation des griefs, l'article L. 464-2 III dispose que " le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ".
371. Les revenus de la fédération s'élèvent à 185 millions d'euro en 2008. Le plafond de sanction normalement applicable à la Fédération française de football, association loi de 1901, est de 3 millions d'euro. Par application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond légal de la sanction applicable est réduit de moitié, soit 1 500 000 euro.
372. Eu égard à la gravité de la pratique, à l'importance du dommage à l'économie et à la situation particulière de l'organisme telles qu'elles ont été appréciées plus haut, il y aurait lieu de sanctionner la fédération à hauteur de 1 500 000 euro d'amende. Pour tenir compte de la non contestation des griefs et des engagements souscrits, il y a lieu de réduire la sanction de 40 % et de fixer en définitive son montant à 900 000 euro.
b) En ce qui concerne la société Sportfive
373. La société Sportfive fait valoir que son chiffre d'affaires comprend la totalité de ce qui est facturé aux clients, alors qu'elle reverse plus de 80 % de ses recettes à ses ayants droits comme les clubs et les fédérations sportives. Elle demande en conséquence à l'Autorité de tenir compte uniquement de sa marge brute opérationnelle pour la détermination de la sanction.
374. Cependant, ainsi que l'a rappelé le Conseil de la Concurrence dans la décision n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire, " il y a tout d'abord lieu de rappeler que l'article L. 464-2 du Code de commerce ne prévoit pas que le chiffre d'affaires des entreprises constitue l'assiette exclusive des sanctions que le Conseil de la concurrence peut infliger. Il ne fait référence au chiffre d'affaires que pour déterminer le montant maximum de la sanction qui peut être prononcée. Sous réserve de ce plafond légal, il est seulement indiqué que la sanction doit être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées. Pour établir le montant d'une sanction, le Conseil de la concurrence tient, par conséquent, compte de nombreux paramètres qui ne se résument pas au chiffre d'affaires. Au titre de l'appréciation de la situation d'une entreprise susceptible d'être sanctionnée, il doit naturellement prendre en compte sa capacité financière, susceptible d'être substantiellement renforcée par son appartenance à un groupe, mais cette capacité peut être parfois assez largement indépendante du chiffre d'affaires, même si dans d'autres cas elle y est étroitement liée (...). L'argumentation de l' entreprise sera donc prise en compte par le Conseil dans le calcul de la sanction, non pas en droit pour diviser de manière mathématique " l'assiette " de celle-ci - comme le revendiquent à tort les mises en cause -, mais en fait pour s'assurer que la sanction est proportionnée à leur faculté contributive, mieux reflétée - compte tenu de leur activité très spécifique - par leur marge brute que par leur chiffre d'affaires ".
375. Le chiffre d'affaires de la société Sportfive a atteint 638 millions d'euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2002. La marge brute consolidée a atteint 126 millions d'euro pour ce même exercice. Les comptes sont consolidés dans ceux du groupe Lagardère depuis le 1er janvier 2007. Les comptes consolidés du groupe Lagardère font apparaître pour 2007 un chiffre d'affaires de 8 582 millions d'euro, plafonnant ainsi la sanction au montant de 858,2 millions d'euro.
376. Eu égard à la gravité de la pratique d'entente, à l'importance du dommage à l'économie et à la situation particulière de l'entreprise telles qu'elles ont été appréciées plus haut, il y a lieu de fixer le montant de la sanction infligée à la société Sportfive à 6 millions d'euro.
Décision
Article 1er : Il n'est pas établi que la société Sportfive a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE.
Article 2 : Il est établi que la Fédération Française de Football et la société Sportfive ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
Article 3 : Il est pris acte des engagements souscrits par la Fédération Française de football, tels qu'ils sont mentionnés au paragraphe 184. Il est enjoint à cet organisme de s'y conformer en tous points.
Article 4 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
. à la Fédération Française de Football une sanction de 900 000 euro ;
. à la société Sportfive une sanction de 6 millions d'euro.
Note :
1 Le Guide de la communication par le Sport, Editions Tarsus, 2007.