TPICE, 7e ch., 6 octobre 2009, n° T-8/06
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FAB Fernsehen aus Berlin GmbH
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Deutscher Kabelverband eV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Forwood
Juges :
MM. váby, Moavero Milanesi (rapporteur)
Avocats :
Mes Böken, Struckmann, Arhold, Wimmer
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),
Faits à l'origine du litige
1 Afin de promouvoir la numérisation de la radiodiffusion, la République fédérale d'Allemagne a décidé de lancer, à la fin de 1997, l'initiative " Radiodiffusion numérique ". Dans le cadre de cette initiative, elle a élaboré, avec les Länder et différents opérateurs, des recommandations en vue de la numérisation de la radiodiffusion. Ce passage à la radiodiffusion numérique, concernant à la fois la diffusion par câble, par satellite et par voie terrestre, devait être achevé au plus tard en 2010.
2 Les Länder de Berlin et de Brandebourg, premiers Länder en Allemagne à prendre des mesures en faveur de la transmission par voie terrestre, ont adopté ensemble des mesures pour permettre le passage de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre (ci-après la " TNT "). Le 17 décembre 2001, la Medienanstalt Berlin-Brandenburg (ci-après la " MABB "), autorité chargée des médias dans la région de Berlin-Brandebourg, a décidé de soutenir financièrement le passage à la TNT.
3 Par une convention conclue le 13 février 2002, la MABB, les diffuseurs publics ARD, ZDF et RBB, et les diffuseurs privés RTL-Gruppe (ci-après " RTL ") et ProSiebenSat.1 Media AG (ci-après " ProSiebenSat.1 ") ont fixé l'attribution des capacités de diffusion et les grandes lignes du passage à la TNT, comprenant notamment un échéancier des différentes étapes de ce passage, qui devait être accompagné d'un abandon complet de la transmission analogique. En contrepartie, la MABB s'était déclarée disposée à soutenir financièrement la diffusion par voie terrestre.
4 La compétence pour l'attribution des emplacements de chaîne a été confiée à la MABB, suivant la procédure définie par les statuts de la TNT, adoptés le 9 juillet 2001, lesquels prévoyaient notamment qu'une priorité devait être accordée, lors de la première attribution des capacités de transmission numérique terrestre, aux opérateurs déjà présents sur le réseau analogique. Les mêmes statuts prévoyaient également l'attribution d'un multiplex entier au profit des radiodiffuseurs privés, pour autant que ceux-ci diffusent plus d'une chaîne en mode analogique.
5 La capacité de transmission totale, comprenant sept multiplex, a été répartie, pour ce qui concerne les radiodiffuseurs privés, de la manière suivante : deux emplacements de chaîne ont été attribués à la requérante, FAB Fernsehen aus Berlin GmbH, et à BBC World, tous deux radiodiffuseurs déjà présents sur le réseau analogique, et un multiplex entier a été attribué à chacun des radiodiffuseurs RTL et ProSiebenSat.1. Le reste des capacités de transmission a été attribué aux radiodiffuseurs Eurosport, Viva plus, DSF et SWR.
6 La subvention octroyée par la MABB devait, selon cette dernière, couvrir les coûts supplémentaires générés par la transmission par voie numérique terrestre, par rapport à la diffusion par voie analogique. Les modalités de financement ont été arrêtées dans des contrats passés entre la MABB et les différents radiodiffuseurs concernés par la subvention, à savoir le 3 juin 2003 avec RTL, le 4 décembre 2003 avec ProSiebenSat.1, les 2 juin et 22 août 2003 avec FAB, et le 2 décembre 2003 avec BBC World. Un troisième type de contrat de financement a été conclu avec les émetteurs qui n'étaient pas retransmis par voie terrestre avant le passage à la TNT, c'est-à-dire Eurosport, Viva plus et DSF.
7 Aux termes des contrats qu'elle a conclus avec FAB et BBC World, la MABB garantissait à ces diffuseurs une aide d'une durée de cinq ans pour couvrir les frais de diffusion. La subvention correspondait à un tiers du montant à payer à l'opérateur de réseau et était, en tout état de cause, plafonnée à 68 167 euro par an. Le montant de la subvention devait être réduit proportionnellement à la diminution des coûts de diffusion payés à l'opérateur de réseau.
8 Selon les contrats conclus avec Eurosport, Viva plus, DSF et SWR, ces derniers se sont vu attribuer des emplacements de chaîne pour une durée d'un an à partir du 1er août 2003. Durant cette période, la MABB a octroyé à chacun d'entre eux une subvention de 65 000 euro. Ces contrats prévoyaient également une clause d'adaptation aux coûts effectivement payés à l'opérateur de réseau et devaient, par la suite, être prolongés pour une durée totale de cinq ans.
9 La MABB a financé à partir de son propre budget les subventions destinées à couvrir les frais de diffusion des radiodiffuseurs privés. Le budget de la MABB est constitué pour l'essentiel par le produit de la redevance radiotélévisée qui échoit aux Länder de Berlin et de Brandebourg.
10 La MABB a octroyé ladite subvention aux seuls radiodiffuseurs privés, les radiodiffuseurs publics étant en mesure de couvrir les dépenses liées à la transmission par la TNT au moyen des rentrées de la redevance radiotélévisée.
11 Par télécopie du 16 décembre 2002, l'association enregistrée Verband Privater Kabelnetzbetreiber (Organisation des câblodistributeurs privés) a déposé une plainte informelle auprès de la Commission des Communautés européennes relative au financement de la TNT dans les Länder de Berlin et de Brandebourg.
12 Par courrier du 14 juillet 2004, la Commission a fait connaître à la requérante sa décision d'ouvrir une procédure formelle d'examen en raison des mesures en cause, conformément à l'article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 28 août 2004.
13 Par décision 2006-513-CE, du 9 novembre 2005, concernant l'aide d'État mise à exécution par la République fédérale d'Allemagne en faveur de l'introduction de la télévision numérique dans la région de Berlin-Brandebourg (JO 2006, L 200, p. 14, ci-après la " décision attaquée "), la Commission a décidé que " l'aide d'État octroyée par la République fédérale d'Allemagne aux radiodiffuseurs privés participant à la TNT pour l'introduction de la télévision numérique terrestre à Berlin et dans la région de Brandebourg n'est pas compatible avec le marché commun " (article 1er de la décision attaquée).
14 La Commission a ordonné la récupération auprès des bénéficiaires de l'aide illégalement mise à leur disposition avec intérêts à compter de la date de versement des aides illégales aux bénéficiaires jusqu'à la date de leur récupération (articles 2 et 3 de la décision attaquée).
Procédure et conclusions des parties
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 janvier 2006, la requérante a introduit le présent recours.
16 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 mars 2006, la Commission a demandé, sur le fondement de l'article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la jonction de la présente affaire avec les affaires T-21-06, Allemagne/Commission, et T-24-06, MABB/Commission. La requérante n'a pas soulevé d'objections à l'encontre de cette demande.
17 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 mai 2006, Deutscher Kabelverband eV a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 19 avril 2007, la demande en intervention a été admise. La partie intervenante a déposé son mémoire en intervention le 6 juin 2007. La requérante a déposé ses observations dans le délai imparti. La Commission n'a pas présenté d'observations.
18 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.
19 Lors de l'audience du 20 mai 2009, avant le début des plaidoiries, le Tribunal, avec l'accord de toutes les parties, a décidé de joindre la présente affaire aux affaires Allemagne/Commission et MABB/Commission, précitées, aux seules fins de la procédure orale. Par la suite, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
20 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal d'annuler la décision attaquée.
21 La Commission, soutenue par l'intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
22 La requérante invoque cinq moyens au soutien de son recours, tirés, premièrement, de la violation de l'article 87, paragraphe 1, CE, deuxièmement, de la violation de l'article 86, paragraphe 2, CE, troisièmement, de la violation de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, quatrièmement, de la violation de l'article 87, paragraphe 3, sous d), CE, et, cinquièmement, de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 87, paragraphe 1, CE
Arguments des parties
23 La requérante soutient que la décision attaquée viole l'article 87, paragraphe 1, CE, car la subvention accordée ne constitue pas une aide d'État, notamment, parce qu'elle ne grève pas les budgets des Länder de Berlin et de Brandebourg, étant financée par la redevance.
24 Selon la requérante, la Commission méconnaît l'objectif de la mise en place des autorités chargées des médias, qui n'auraient pas été créées pour contourner les règles relatives aux aides d'État, mais qui auraient précisément pour rôle de garantir la liberté de radiodiffusion et de préserver la radiodiffusion de l'influence de l'État.
25 La requérante allègue que la MABB n'est pas un organisme étatique, mais un organisme indépendant de l'État, dont le financement n'est pas comparable avec la perception d'impôts par l'État. Pour apprécier l'éventuelle nature étatique d'un tel organisme, l'élément décisif ne serait pas le contrôle juridique exercé par l'État, mais plutôt l'absence de contrôle sectoriel, c'est-à-dire l'impossibilité pour l'État de lui donner des instructions spécifiques.
26 La requérante indique que le fait que la MABB a attribué les licences de radiodiffusion aux radiodiffuseurs privés sans appel d'offres est dû à l'absence d'un nombre suffisant de candidats, ce qui démontrerait que le passage à la TNT n'était pas attractif du point de vue économique pour ces radiodiffuseurs et, donc, la nécessité de mettre à disposition des subventions dans les Länder de Berlin et de Brandebourg. Elle précise que la subvention est limitée à cinq années, car elle aurait pour objectif de compenser pour les radiodiffuseurs la charge financière considérable liée au passage à la TNT.
27 La requérante soutient, en ce qui concerne la distorsion de concurrence, que, le passage à la TNT n'étant pas attractif, un soutien spécifique aux radiodiffuseurs privés était nécessaire, compte tenu du fait que le financement des radiodiffuseurs publics par la redevance de radiodiffusion entraîne pour eux un avantage structurel considérable. Des mesures qui, comme la subvention en cause en l'espèce, compensent le désavantage des radiodiffuseurs privés et permettent qu'une partie de la redevance de radiodiffusion, même très minime, leur soit attribuée, ne constitueraient donc pas des aides d'État qui faussent ou menacent de fausser la concurrence.
28 La requérante prétend que, lors du lancement de la TNT, il n'était absolument pas certain qu'elle soit adoptée par les téléspectateurs, compte tenu du coût des investissements qu'ils auraient dû effectuer pour acquérir un appareil spécifique. Les radiodiffuseurs privés qui avaient décidé de passer à la TNT auraient ainsi couru le risque de voir leur audience baisser considérablement. Par ailleurs, l'un des facteurs essentiels pour le succès de l'introduction de la TNT aurait été l'existence d'un nombre suffisant de radiodiffuseurs ayant adopté la TNT.
29 La requérante précise qu'elle a obtenu une subvention inférieure à celle dont ont bénéficié les grands radiodiffuseurs privés, car la subvention est calculée proportionnellement aux coûts de diffusion, afin de prévenir une distorsion de la concurrence. La circonstance qu'il existe des différences de subventionnement entre petits et grands radiodiffuseurs ne constitue pas, selon elle, une raison pour déclarer l'ensemble de la subvention incompatible avec le marché commun.
30 Enfin, la requérante est d'avis que la Commission, en examinant la situation concurrentielle, n'a pas suffisamment pris en compte la situation de la société Kabel Berlin-Brandenburg, filiale de la société Kabel Deutschland, qui fournirait la très grande majorité des foyers connectés au câble dans la région de Berlin-Brandebourg et occuperait ainsi une position dominante.
31 La requérante soutient, en ce qui concerne l'affectation des échanges entre les États membres, que la Commission renvoie à des radiodiffuseurs privés tels que RTL, ProSiebenSat.1, qui exercent une activité au niveau international, et n'établit pas l'existence de ladite affectation. La subvention de la diffusion par la TNT n'empêcherait pas une entreprise étrangère d'exercer des activités dans la région de Berlin-Brandebourg. Le passage à la TNT permettrait, au contraire, d'augmenter le nombre de canaux et donc, à un plus grand nombre de radiodiffuseurs de diffuser leurs programmes. Par conséquent, la subvention en faveur de la TNT améliorerait le cas échéant les échanges intracommunautaires.
32 La requérante relève que le critère de l'affectation des échanges entre États membres ne s'applique pas aux situations purement locales. Or, la requérante serait un opérateur purement local, dont l'offre vise exclusivement les téléspectateurs de Berlin et des environs. Elle ne se trouverait donc pas en concurrence avec les opérateurs d'autres États membres en ce qui concerne les annonceurs.
33 La requérante réplique qu'il n'y a d'avantage que si une subvention est supérieure aux coûts et que la Commission, si elle avait recherché ce prétendu avantage, aurait constaté que les coûts sont, en ce qui la concerne, supérieurs aux subventions reçues. Elle conteste les chiffres avancés par la Commission, au point 40 de la décision attaquée, et précise que les coûts du passage à la TNT s'élèvent, selon sa comptabilité, à 190 450 euro pour l'année 2002 et à 232 783 euro pour l'année 2004.
34 S'agissant du rapport du Landesrechnungshof Brandenburg (Cour des comptes du Land de Brandebourg, Allemagne), la requérante relève que la Commission n'en cite qu'un extrait et ne mentionne que dans une note en bas de page de son mémoire en défense que l'aide en cause est autorisée par le traité sur la radiodiffusion dans l'Allemagne réunifiée du 31 août 1991 pour le financement de projets sur les techniques de radiodiffusion novatrices. Elle réfute, en outre, la comparaison faite par la Commission avec d'autres régions, dans la mesure où ces régions ont pu bénéficier de l'expérience positive du passage à la TNT dans la région de Berlin-Brandebourg.
35 La requérante conteste, en outre, l'affirmation de la Commission selon laquelle l'opérateur de réseau T-Systems a renforcé sa position concurrentielle grâce à la subvention. Elle précise que les frais de distribution de T-Systems ont été négociés sans aucun lien avec la MABB et qu'il n'existe pas de participations entre T-Systems et elle. S'agissant, enfin, des risques de distorsion de la concurrence que pourrait entraîner la subvention, en ce qui concerne l'achat de droits de diffusion sur le marché international, la requérante estime que la Commission n'apporte pas d'éléments convaincants à cet égard.
36 La Commission soutient que la MABB est un établissement public doté de la personnalité morale, fondé par le traité relatif à la coopération des deux Länder dans le domaine de la radiodiffusion, du 29 février 1992. La Commission reconnaît que la MABB dispose, en vertu dudit traité, d'une certaine autonomie, mais elle souligne que ses missions publiques sont clairement définies par le même traité et que sa marge de manœuvre dans l'emploi de ses ressources budgétaires est presque nulle. Elle relève, en outre, que la MABB est placée sous le contrôle juridique de l'État et que son budget est contrôlé par le Rechnungshof Berlin (Cour des comptes de Berlin, Allemagne). En ce qui concerne les ressources budgétaires de la MABB, la Commission considère que, indépendamment de la question de savoir si les redevances radiotélévisées allemandes qui financent l'essentiel du budget de la MABB sont classées ou non comme ressources d'État, il y a lieu de les considérer comme telles à partir du moment où elles sont allouées au budget de la MABB, qui doit être considérée comme une partie intégrante de l'administration publique.
37 La Commission relève que, pour l'appréciation de l'attractivité économique de la TNT, une distinction s'impose entre les radiodiffuseurs déjà établis et les nouveaux radiodiffuseurs : ceux déjà établis auraient éprouvé davantage d'attrait pour le passage à la TNT, parce qu'ils auraient pu compter sur un public déjà existant et sur la compensation des coûts de la TNT, grâce à la suppression des coûts auparavant supportés pour la transmission par voie analogique.
38 La Commission souligne que le financement, qui a seulement commencé après le passage à la TNT, s'est étendu sur une période de cinq ans. Elle est d'ailleurs de l'avis que l'aide accordée par la MABB n'a pas été conçue comme une indemnité pour l'abandon de l'utilisation des fréquences analogiques avant l'expiration de la licence. En outre, elle rejette comme tardive l'affirmation de la requérante relative aux coûts résultant de l'acquisition d'un équipement approprié pour la TNT et fait valoir que ses appréciations doivent être examinées en fonction des seuls éléments dont elle disposait au moment où elle les a effectuées.
39 La Commission souligne qu'elle a mis la subvention en relation avec les coûts de transmission, que cette approche met en évidence des disparités considérables entre les différents radiodiffuseurs et que cette distorsion de concurrence s'étend en outre au niveau du réseau. Pour la Commission, le fait que la subvention pénalise éventuellement davantage la requérante que les grands radiodiffuseurs privés ne constitue pas un argument en soi pour renoncer à la restitution de l'aide.
40 La Commission fait valoir que le Landesrechnungshof Brandenburg, dans son rapport, a également critiqué le transfert partiel par la MABB de redevances radiotélévisées à des radiodiffuseurs privés, dans le cas de la diffusion de la TNT.
41 Contrairement à l'affirmation de la requérante selon laquelle les radiodiffuseurs privés, sans la subvention, n'auraient pas été prêts à franchir le pas vers la TNT, la Commission indique que, premièrement, la TNT a été lancée dans de nombreuses régions d'Allemagne sans la participation des radiodiffuseurs privés, deuxièmement, l'exemple de la région Rhin-Main montre qu'un passage à la TNT avec la participation des radiodiffuseurs privés est possible sans subventions, troisièmement, la région de Berlin-Brandebourg comptait également le radiodiffuseur privé 9Live, dont les programmes étaient diffusés sans financement de la MABB, quatrièmement, les principaux radiodiffuseurs privés avaient déjà confirmé par écrit, dans la convention relative au transfert du 13 février 2002, qu'ils étaient prêts à passer au numérique, cinquièmement, le passage au numérique offrait une série d'avantages tels que la réduction des coûts de transmission, l'augmentation des capacités de diffusion, la diminution de la dépendance par rapport à d'autres modes de transmission et le développement de nouveaux services de meilleure qualité.
42 La Commission souligne que la plus grande partie du financement et des capacités de transmission prévues pour les fournisseurs privés a été attribuée aux radiodiffuseurs locaux établis, qui ont ainsi consolidé leur audience et leur position sur le marché publicitaire, rendant tout à fait improbable l'entrée sur le marché de nouveaux fournisseurs étrangers. De plus, selon elle, les grands groupes de diffusion d'envergure internationale, tels que RTL et ProSiebenSat.1, ont reçu l'aide sans nécessité et ont pu utiliser ces fonds pour leur expansion internationale. En outre, l'opérateur de réseau d'envergure internationale, T-Systems, semblerait avoir tiré un avantage indirect de la subvention de la MABB, qui lui aurait permis de renforcer sa position par rapport à ses concurrents.
43 La Commission rétorque qu'il n'y a pas d'égalité de traitement entre les radiodiffuseurs, ni en ce qui concerne l'intensité de l'aide, ni en ce qui concerne le montant absolu de l'aide par radiodiffuseur. Selon elle, la distorsion de concurrence existe déjà en raison de ces différences d'intensité des aides, qui ne sont pas justifiées au fond. À cette distorsion, il conviendrait d'ajouter celle existant entre les différents modes de transmission, eu égard au fait que l'aide se limite à la TNT. En outre, pour la Commission, le caractère nécessaire et approprié de ladite aide n'est pas démontré. Concernant la prise en compte de la situation de la société Kabel Berlin-Brandenburg, la Commission fait encore valoir qu'elle a apprécié de façon exhaustive la situation concurrentielle au niveau des réseaux. Elle relève que la requérante n'a pas fourni d'éléments concrets étayant l'existence d'une position dominante ou d'un abus de position dominante par un câblodistributeur déterminé.
44 La Commission fait observer que le Landesrechnungshof Brandenburg constate dans son rapport, en s'appuyant à cet égard sur les dispositions pertinentes du traité sur la radiodiffusion et du traité médias, que le subventionnement de projets pour les techniques de radiodiffusion novatrices ne peut porter sur l'exploitation régulière.
45 À supposer que la requérante n'ait pas été active sur le marché international des droits de diffusion et même dans l'hypothèse où elle n'aurait acquis ou produit que des programmes locaux jusqu'en 2005, la Commission souligne que la subvention octroyée aurait néanmoins empêché ou entravé l'entrée sur le marché berlinois de fournisseurs de programmes d'autres États membres, qui diffusent également des programmes télévisés locaux.
46 La Commission rappelle enfin, d'une part, qu'il n'existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés et, d'autre part, que, selon la jurisprudence de la Cour, ils sont affectés lorsque le plafond de minimis est atteint. Or, la Commission relève que l'aide octroyée, sur une période de cinq ans, est supérieure au plafond établi par le règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides de minimis (JO L 10, p. 30), qui est de 100 000 euro sur une période de trois ans.
47 L'intervenante considère qu'il y a des éléments qui démontrent l'existence d'une affectation potentielle du commerce intracommunautaire et d'une distorsion de la concurrence, tant au niveau des radiodiffuseurs qu'au niveau des opérateurs de réseau. Elle réfute l'argumentation de la requérante selon laquelle il n'y aurait pas d'avantage économique dès lors que les coûts sont supérieurs au montant de l'aide. Elle précise que la seule question qui importe est celle de savoir si la requérante aurait, dans un contexte d'économie de marché, obtenu une aide de la MABB. En l'espèce, une réponse négative s'impose, selon l'intervenante, car la MABB ne peut tirer aucun avantage économique de la subvention.
Appréciation du Tribunal
48 Selon une jurisprudence constante, la qualification d'aide d'État requiert que toutes les conditions visées par l'article 87, paragraphe 1, CE soient remplies (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, point 25 ; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92 à C-280-92, Rec. p. I-4103, point 20, et du 16 mai 2002, France/Commission, C-482-99, Rec. p. I-4397, point 68). Le principe d'interdiction des aides d'État énoncé à l'article 87, paragraphe 1, CE comporte les conditions suivantes : il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État ; cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre États membres ; elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire ; elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 3 mars 2005, Heiser, C-172-03, Rec. p. I-1627, point 27, et du 23 mars 2006, Enirisorse, C-237-04, Rec. p. I-2843, point 39 ; arrêt du Tribunal du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T-34-02, Rec. p. II-267, point 110).
49 S'agissant, en premier lieu, de la condition selon laquelle, pour que des mesures puissent être qualifiées d'aide d'État, elles doivent, d'une part, être accordées directement ou indirectement par l'État et, d'autre part, être imputables à l'État (arrêts de la Cour France/Commission, précité, point 24, et du 15 juillet 2004, Pearle e.a, C-345-02, Rec. p. I-7139, point 36), il ressort de la décision attaquée, et ce n'est pas contesté entre les parties, que les redevances radiotélévisées allemandes financent le budget de la MABB, que les paiements aux radiodiffuseurs privés sont financés à partir du budget de la MABB, que celle-ci est placée sous le contrôle juridique de l'État et que son budget est contrôlé par le Rechnungshof Berlin.
50 Il découle de ce qui précède que les ressources de la MABB, qui sont tirées des redevances publiques, dont le paiement est obligatoire et placé sous le contrôle des autorités publiques allemandes, constituent des ressources d'État.
51 S'agissant, en deuxième lieu, de la condition aux termes de laquelle, afin d'apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient de déterminer si l'entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu'elle n'aurait pas reçu dans des conditions normales de marché (arrêts de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39-94, Rec. p. I-3547, point 60, et du 29 avril 1999, Espagne/Commission, C-342-96, Rec. p. I-2459, point 41), force est de constater en l'espèce que la subvention versée aux radiodiffuseurs privés en vue de favoriser le passage à la TNT leur a permis de ne pas supporter eux-mêmes la totalité ou une partie des coûts liés à ce passage qui, à défaut, auraient été imputés sur leurs propres ressources.
52 En outre, il est constant que, dans certaines régions de l'Allemagne et notamment dans les Länder de Hesse, de Saxe, de Saxe-Anhalt et de Thuringe, le passage à la TNT a été effectué sans subventions par des radiodiffuseurs privés. Il en résulte que les subventions que se sont vu attribuer certains radiodiffuseurs privés dans la région de Berlin-Brandebourg pour le passage à la TNT constituent un avantage économique, nonobstant la circonstance que le passage à la TNT dans la région de Berlin-Brandebourg avait valeur d'expérience pilote et que sa réussite conditionnait l'attractivité de ce mode de transmission dans son ensemble.
53 En ce qui concerne, en troisième lieu, la distorsion de concurrence, il convient de relever, d'une part, que, au niveau des radiodiffuseurs, la plupart des licences pour la TNT ont été accordées sans procédure d'adjudication ouverte de marché public ni d'appel d'offres, ce qui aurait permis d'annuler, le cas échéant, l'avantage sélectif que constituait la subvention octroyée par la MABB et, d'autre part, que le facteur déterminant qui a décidé du partage direct des emplacements de chaîne était le fait que chacun des radiodiffuseurs privés bénéficiaires de l'aide était déjà présent, sur le marché géographique en cause, sur le réseau analogique terrestre.
54 Par ailleurs, la circonstance que la requérante serait un opérateur purement local qui n'aurait perçu de la MABB qu'une subvention d'un montant inférieur à celui obtenu par des grands radiodiffuseurs privés n'exclut pas la distorsion de la concurrence.
55 En outre, il est constant que cette distorsion de concurrence existe également au niveau du réseau. En effet, en privilégiant le mode de transmission terrestre par rapport aux deux autres, que sont le câble et le satellite, la subvention, octroyée aux radiodiffuseurs privés pour le passage à la TNT, a renforcé la position concurrentielle d'un opérateur de réseau terrestre d'envergure internationale, T-Systems, par rapport à d'autres concurrents.
56 En ce qui concerne, en quatrième lieu, la condition relative à l'affectation des échanges entre États membres, selon une jurisprudence constante, lorsqu'une aide accordée par un État membre renforce la position d'une entreprise par rapport à la situation d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 11, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75-97, Rec. p. I-3671, point 47, et arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214-95, Rec. p. II-717, point 50). Aux fins de la qualification d'une mesure nationale en tant qu'aide d'État, la Commission est tenue non pas d'établir une incidence réelle de l'aide sur les échanges entre États membres, mais seulement d'examiner si l'aide est susceptible d'affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-372-97, Rec. p. I-3679, point 44, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C-66-02, Rec. p. I-10901, point 111).
57 En l'espèce, il est constant qu'il n'y a pas eu de procédure ouverte d'adjudication ni d'appel d'offres, et que seuls les radiodiffuseurs privés locaux ou d'envergure internationale déjà établis sur le marché de la radiodiffusion en cause ont pu effectivement bénéficier de la subvention pour le passage à la TNT. Il s'ensuit que l'accès audit marché a été rendu plus difficile, voire plus coûteux, pour les entreprises concurrentes, allemandes ou d'un autre État membre, car elles ont été ainsi privées de la chance d'accéder au même bénéfice par le biais d'un marché public.
58 De même, la circonstance que l'aide a été d'un montant réduit ou limité dans le temps ne signifie pas qu'il n'y a pas de risque possible d'affectation des échanges. En effet, d'une part, l'importance relativement faible d'une aide, sa limitation dans le temps ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres puissent être affectés (arrêts de la Cour du 7 mars 2002, Italie/Commission, C-310-99, Rec. p. I-2289, point 86, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, précité, point 117). D'autre part, l'interdiction visée à l'article 87, paragraphe 1, CE s'applique à toute aide, quel qu'en soit le montant, de nature à affecter les échanges entre États membres, lorsque le secteur dans lequel opère l'entreprise bénéficiaire connaît une vive concurrence (arrêt Vlaams Gewest/Commission, précité, points 46 et 49). Or, il n'est pas établi que tel ne serait pas le cas en l'espèce. Par ailleurs, ces considérations valent aussi s'agissant de la distorsion de concurrence dès lors que seuls les radiodiffuseurs privés déjà établis sur le marché berlinois de la radiodiffusion ont pu bénéficier de la mesure en cause et que les entreprises concurrentes, allemandes ou établies dans d'autres États membres ont été privées des mêmes chances d'accéder audit marché.
59 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l'article 87, paragraphe 1, CE n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 86, paragraphe 2, CE
Arguments des parties
60 La requérante soutient qu'il n'existe pas d'aide d'État, car les conditions de l'article 86, paragraphe 2, CE sont remplies. Seule la question de savoir si les services en question sont d'intérêt général importerait. Or, en l'espèce, l'intérêt général résiderait justement dans le passage à la TNT. En l'absence d'un nombre suffisant d'opérateurs, l'ensemble du passage au numérique aurait risqué d'" échouer " et les téléspectateurs n'auraient pas procédé aux investissements nécessaires pour recevoir la TNT.
61 La requérante conteste l'argument selon lequel les prestations ne sont pas clairement définies. Aux termes des contrats conclus entre la MABB et les radiodiffuseurs privés, ces derniers se seraient engagés à utiliser les capacités qui leur étaient attribuées et donc à diffuser leurs programmes au moyen de la TNT.
62 La Commission indique que, dans la décision attaquée, elle a analysé la possibilité d'absence d'aide d'État selon la disposition dérogatoire de l'article 86, paragraphe 2, CE et à la lumière des critères de l'arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280-00, Rec. p. I-7747, ci-après l'" arrêt Altmark "). Elle serait parvenue à la conclusion que les autorités compétentes avaient omis de définir clairement la nature du service d'intérêt économique général (ci-après le " SIEG ") en cause et qu'il n'existerait, dès lors, aucun mandat clair pour la fourniture d'un tel service, ni aucune précision des paramètres pour le calcul de la compensation des coûts qui y sont afférents.
Appréciation du Tribunal
63 À titre liminaire, il convient de constater que, en droit communautaire, il n'y a pas de définition précise de la notion de SIEG, visée par l'article 86, paragraphe 2, CE. S'agissant de la compétence pour déterminer la nature et la portée d'une mission de SIEG au sens du traité, ainsi que du degré de contrôle que les institutions communautaires doivent exercer dans ce contexte, il ressort de la jurisprudence du Tribunal, ainsi que du point 22 de la communication de la Commission du 19 janvier 2001 sur les services d'intérêt général en Europe (JO C 17, p. 4), que les États membres ont un large pouvoir d'appréciation quant à la définition de ce qu'ils considèrent comme des SIEG et que la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question qu'en cas d'erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T-17-02, Rec. p. II-2031, point 216). Cette prérogative des autorités compétentes des États membres est reflétée par le libellé de l'article 16 CE.
64 Il importe de considérer que, même si l'État membre en cause dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la détermination de ce qu'il considère comme un SIEG, cela ne le dispense pas, lorsqu'il en invoque l'existence afin de justifier aux termes de l'article 86, paragraphe 2, CE une mesure publique visant la compensation des coûts occasionnés par l'exécution d'une mission de SIEG, de veiller à ce que cette compensation satisfasse certains critères, clairement indiqués par l'arrêt Altmark aux points 89 à 93.
65 Il en résulte que, dans la mesure où des subventions publiques accordées à des entreprises, explicitement chargées d'obligations de service public, afin de compenser les coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations, répondent aux conditions précitées, de telles subventions ne tombent pas sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, CE. À l'inverse, l'intervention étatique qui ne répond pas à une ou à plusieurs desdites conditions devra être considérée comme une aide d'État au sens de cette disposition (arrêt Altmark, point 94).
66 C'est à la lumière des considérations qui précèdent qu'il convient d'examiner le bien-fondé du présent moyen.
67 En l'espèce, à supposer que, comme le soutient la requérante, il y ait un intérêt public à l'introduction de la TNT dans la région de Berlin-Brandebourg et que, dans cet esprit, ladite introduction ait servi d'expérience pilote, il n'est pas établi, d'une part, que les autorités étatiques compétentes ont clairement défini un tel intérêt public et, notamment, l'existence d'un SIEG au sens de l'article 86, paragraphe 2, CE et, d'autre part, que la subvention litigieuse peut être considérée comme une compensation des coûts occasionnés par l'accomplissement d'une mission de SIEG au sens du traité.
68 Par conséquent, force est de constater que les quatre critères posés par la jurisprudence Altmark, précitée, ne sont pas remplis. Une mission de SIEG et/ou de service public n'a pas été expressément confiée par les autorités étatiques en question aux radiodiffuseurs privés bénéficiaires de la subvention. Les obligations de service public qui leur auraient été assignées n'ont pas non plus été clairement définies par les autorités étatiques compétentes. En outre, aucune indication sur les paramètres, objectifs et transparents, à partir desquels la compensation aurait été calculée, n'a été donnée. Il n'est pas davantage établi que ladite compensation se limiterait à ce qui est strictement nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts liés à l'éventuelle mission de service public. Enfin, le choix des radiodiffuseurs bénéficiaires de la subvention n'a, ainsi qu'il a été déjà souligné, fait l'objet d'aucune procédure de marché public et aucun élément probant tendant à établir que, à défaut, une analyse des coûts permettant de déterminer, le cas échéant, le niveau de la compensation pour les radiodiffuseurs concernés aurait été effectuée, n'est apporté par la requérante.
69 Il en résulte que le moyen tiré de la violation de l'article 86, paragraphe 2, CE n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE
Arguments des parties
70 La requérante soutient que, même s'il est considéré que la subvention en cause est une aide d'État, celle-ci est compatible avec le marché commun au regard des dispositions de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.
71 La requérante allègue que le passage à la TNT sert l'intérêt communautaire et que la Commission, elle-même, dans le cadre de son examen relatif à la question de savoir s'il existe une défaillance du marché qui pourrait justifier l'aide, reconnaît que des problèmes de coordination pourraient se présenter.
72 Selon la requérante, les consommateurs ne peuvent passer à la TNT que si l'offre de programmes atteint une certaine importance. Dans ce contexte, certains radiodiffuseurs souhaiteraient patienter avant de passer à la TNT. Mais, selon elle, ce problème n'aurait pas pu être résolu, contrairement aux affirmations de la Commission, en limitant la distribution des licences avec une date unique d'expiration pour toutes les licences analogiques. Une limitation dans le temps de ces licences aurait entraîné l'abandon de la diffusion analogique par les radiodiffuseurs et cela aurait entraîné une atteinte à la concurrence bien plus grave que l'atteinte résultant de l'octroi de l'aide. Elle conteste l'appréciation de la Commission selon laquelle la situation dans la région de Berlin-Brandebourg aurait permis la coexistence de plusieurs modes de transmission sur le marché.
73 La requérante, en se référant, notamment, aux effets externes positifs, soutient que l'introduction de la TNT s'effectue dans l'intérêt public et qu'il existe un intérêt général à ne pas se retrouver dépendant du câble et du satellite et à renforcer la concurrence entre les différents modes de transmission. Selon elle, l'objectif prioritaire du passage à la TNT est de permettre la mise en place de canaux supplémentaires afin d'augmenter le nombre de programmes transmis par la voie terrestre. Sans la mesure visant à rembourser une partie des coûts dudit passage, l'attractivité de l'offre n'aurait pas été suffisante. Par ailleurs, la Commission elle-même ayant constaté une défaillance du marché, une exception au " principe de neutralité technologique " serait justifiée.
74 La Commission conteste l'affirmation de la requérante selon laquelle la fixation en temps utile d'un délai d'expiration pour toutes les licences de radiodiffusion analogique porterait une atteinte plus grave à la concurrence que l'octroi d'une aide d'État. Elle indique que la diffusion analogique devrait être limitée dans le temps pour permettre le développement de nouvelles utilisations numériques et se réfère aux exemples de la Bavière, en Allemagne, et du Royaume-Uni, qui le confirmeraient.
75 La Commission souligne, en outre, que, compte tenu des circonstances qui prévalent dans la région de Berlin-Brandebourg, elle n'est pas convaincue que le développement de la TNT serait entravé par des problèmes structurels ou aurait pu contribuer à l'élimination de certaines rigidités du marché. Elle soutient que les subventions octroyées par la MABB pour couvrir les coûts des radiodiffuseurs privés pour la TNT ne constitueraient pas un moyen approprié, nécessaire et proportionné pour contrer l'éventuelle domination du marché par un fournisseur. En outre, d'après elle, l'action de la MABB n'était pas justifiée par un intérêt public clairement défini et avéré, tel qu'un manque de pluralisme dans le secteur.
76 L'intervenante fait observer que le " principe de la neutralité technologique " interdisait d'emblée à la Commission d'autoriser une mesure de soutien qui, comme en l'espèce, encourage de manière discriminatoire le passage au numérique d'un seul mode de transmission.
Appréciation du Tribunal
77 Il convient de rappeler que l'article 87, paragraphe 3, CE confère à la Commission un large pouvoir d'appréciation en vue d'adopter une décision portant dérogation au principe de l'incompatibilité des aides d'État avec le marché commun, énoncé à cet article, paragraphe 1. L'examen auquel doit se livrer la Commission implique la prise en considération et l'appréciation de faits et de circonstances économiques complexes. Le juge communautaire ne pouvant substituer son appréciation en fait, notamment sur le plan économique, à celle de l'auteur d'une décision, le contrôle du Tribunal doit, à cet égard, se limiter à la vérification des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits, ainsi que de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour Philip Morris Holland/Commission, précité, point 24, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303-88, Rec. p. I-1433, point 34 ; arrêts du Tribunal du 5 novembre 1997, Ducros/Commission, T-149-95, Rec. p. II-2031, point 63, et du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T-298-97, T-312-97, T-313-97, T-315-97, T-600-97 à T-607-97, T-1-98, T-3-98 à T-6-98 et T-23-98, Rec. p. II-2319, point 130).
78 Afin d'établir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen des faits, de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision en cause (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, Auiffass et AKT/Commission, T-380-94, Rec. p. II-2169, point 59 ; du 1er juillet 2004, Salzgitter/Commission, T-308-00, Rec. p. II-1933, point 138, et du 15 avril 2008, SIDE/Commission, T-348-04, Rec. p. II-625, point 97).
79 En l'espèce, pour justifier la mesure en cause au regard de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la requérante se réfère à une défaillance du marché, d'une part, du point de vue des problèmes de coordination entre les différents acteurs du marché et, d'autre part, du point de vue des effets extérieurs positifs liés au passage à la TNT, notamment la meilleure utilisation du spectre des fréquences à la disposition des radiodiffuseurs.
80 S'agissant, en premier lieu, du problème de coordination entre les différents acteurs du marché, même à supposer que certains radiodiffuseurs privés aient voulu attendre que d'autres parmi eux passent à la TNT avant d'engager eux-mêmes les investissements nécessaires et que, par conséquent, en l'absence de mesures publiques, ce comportement aurait retardé le passage à la TNT, il n'est pas établi par la requérante que l'octroi d'une subvention aux radiodiffuseurs privés de la région de Berlin-Brandebourg était, parmi les solutions alternatives envisageables, la moins restrictive pour la concurrence dans le but de remédier à ce type de défaillance et de favoriser ainsi un passage simultané à la TNT.
81 À cet égard, il convient de souligner que les principaux radiodiffuseurs privés de la région de Berlin-Brandebourg avaient déjà confirmé qu'ils étaient prêts à effectuer le passage à la TNT dans la convention du 13 février 2002 relative au transfert, alors même qu'un financement pour le passage à la TNT n'avait pas encore été décidé. Par ailleurs, il est constant que le passage à la TNT a été réalisé ailleurs en Allemagne sans un quelconque financement public des radiodiffuseurs privés, notamment dans les Länder de Saxe, de Saxe-Anhalt et de Thuringe ainsi que dans le Land de Hesse dans la région Rhin-Main.
82 S'agissant, en second lieu, de la meilleure utilisation du spectre de fréquences, s'il est vrai qu'il pourrait exister un intérêt public à ne pas être dépendant d'un seul mode de transmission, qu'il s'agisse de la voie terrestre, du câble ou du satellite, et que la TNT permettrait d'offrir aux téléspectateurs plus de chaînes de télévision, ainsi que des services supplémentaires de meilleure qualité, force est de constater toutefois que la requérante n'établit pas que les radiodiffuseurs privés n'auraient pas procédé au passage à la TNT en l'absence de la subvention litigieuse. Compte tenu desdits avantages pour les téléspectateurs, la requérante ne démontre donc pas que le versement d'une subvention était nécessaire en vue d'inciter les radiodiffuseurs privés à réaliser ce passage en abandonnant la diffusion analogique. En particulier, la requérante n'établit pas que le même but n'aurait pu être atteint par des mesures publiques alternatives moins restrictives pour la concurrence qu'une aide d'État.
83 Il résulte de ce qui précède que la requérante ne parvient pas à démontrer que le financement public de certains radiodiffuseurs privés dans la région de Berlin-Brandebourg était le moyen nécessaire et approprié pour favoriser le passage à la TNT.
84 Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'article 87, paragraphe 3, sous d), CE
Arguments des parties
85 La requérante soutient que la diversité dans l'offre de radiodiffusion fait partie de la compétence exclusive des États membres en matière de culture, ce qui justifierait des aides accordées au titre de l'article 87, paragraphe 3, sous d), CE. Selon elle, l'introduction de la TNT a entraîné un élargissement de l'offre des radiodiffuseurs locaux et permis d'accorder un accès à ce mode de transmission aux petits radiodiffuseurs terrestres locaux comme la requérante.
86 La Commission fait observer que l'exception, dite " culturelle ", visée à l'article 87, paragraphe 3, sous d), CE, doit être interprétée de façon restrictive, comme toutes les dérogations, et concerne uniquement les cas où le patrimoine culturel est clairement identifié ou identifiable au sens de l'article 151 CE. Or, pour la Commission, l'aide litigieuse est censée dynamiser la transmission des signaux de radiodiffusion dans la région de Berlin-Brandebourg et donc promouvoir un service de télécommunications et n'est absolument pas en rapport avec un contenu culturel déterminé qui n'aurait pas été diffusé sans son appui.
Appréciation du Tribunal
87 La requérante fait valoir, en substance, que le passage des radiodiffuseurs terrestres privés à la TNT a permis un accroissement de la diversité de l'offre de programmes télévisés et donc, la diversité culturelle. À cet égard, il convient de souligner, à titre liminaire, que l'exception visée à l'article 87, paragraphe 3, sous d), CE doit, comme toute exception, être interprétée de manière restrictive.
88 En l'espèce, force est de constater que la requérante n'apporte aucun élément de preuve tendant à démontrer que sa chaîne ou sa programmation devait être définie comme étant " culturelle " au sens de la disposition invoquée du traité CE, et partant, susceptible de bénéficier de ladite exception. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le passage à la TNT aurait entraîné une plus grande variété et diversité de programmes télévisés et, par conséquent, de l'offre culturelle.
89 Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 87, paragraphe 3, sous d), CE n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.
Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime
Arguments des parties
90 La requérante soutient que, en tant que " petit opérateur local " ne disposant pas, comme les grands radiodiffuseurs, de service juridique interne, elle n'a pas été en mesure de vérifier si l'aide avait été régulièrement notifiée à la Commission et autorisée par celle-ci.
91 La Commission estime que la requérante ne peut en aucun cas invoquer le principe de protection de la confiance légitime. Elle fait valoir qu'une entreprise bénéficiaire comme la requérante ne peut avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l'article 88 CE. En outre, selon la jurisprudence, elle ne pourrait se prévaloir de sa taille pour justifier de sa méconnaissance des règles communautaires.
Appréciation du Tribunal
92 Selon une jurisprudence constante, seules des circonstances exceptionnelles peuvent légitimement fonder la confiance des bénéficiaires dans le caractère régulier d'une aide. En outre, la reconnaissance d'une telle confiance légitime présuppose, en principe, que cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l'article 88 CE. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée (arrêts de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5-89, Rec. p. I-3437, point 16, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169-95, Rec. p. I-135, point 51 ; arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126-96 et T-127-96, Rec. p. II-3437, point 69).
93 S'agissant de la prétendue ignorance par la requérante de la réglementation applicable, il suffit de rappeler que les bénéficiaires d'une aide ne sauraient, sur la base de considérations liées à leur taille, être dispensés de se tenir informés des règles de droit communautaire, sous peine de porter atteinte à l'effet utile de ce droit (arrêts du Tribunal Alzetta e.a./Commission, précité, point 172, et du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55-99, Rec. p. II-3207, point 126).
94 En l'espèce, la requérante n'établit pas que la Commission lui aurait fourni des assurances précises de nature à lui donner des espérances fondées quant à la régularité de l'aide concernée (arrêts du Tribunal du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T-129-96, Rec. p. II-609, point 78, et du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T-6-99, Rec. p. II-1523, point 185).
95 Il en résulte que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.
96 Aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de son recours n'étant fondé, il y a lieu, en conséquence, de le rejeter dans son intégralité.
Sur les dépens
97 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l'intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) FAB Fernsehen aus Berlin GmbH est condamnée aux dépens.