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Décisions

Cass. com., 29 septembre 2009, n° 08-15.153

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Pica (SASU)

Défendeur :

Abrilor (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

SCP Tiffreau, SCP Bouzidi, Bouhanna

Versailles, 12e ch. sect. 1, du 3 avr. 2…

3 avril 2008

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Pica que sur le pourvoi incident relevé par la société Abrilor : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2008), que la société Pica ayant résilié avant son terme par application de la clause résolutoire y figurant, le contrat d'agence commerciale qui la liait à la société Abrilor, cette dernière l'a assignée en paiement de commissions, d'une indemnité de cessation de contrat et de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Attendu que la société Pica fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Abrilor une indemnité de cessation de contrat de 533 200 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, capitalisés à partir du 8 octobre 2007 alors, selon le moyen, que : la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ; qu'elle comprend les manquements caractérisés de l'agent commercial à ses obligations contractuellement définies ; qu'il est constant que la société Abrilor n'a pas respecté l'ensemble des ses obligations contractuelles énoncées à l'article 3 du contrat d'agent commercial mettant notamment à la charge de l'agent d'assister la société Pica dans la surveillance du marché, l'état de la concurrence, et lors de toute requête de la clientèle, ainsi que de fournir chaque mois ses prévisions de vente pour les trois prochains mois et une fois par an une prévision des ventes pour l'année à venir, manquements contractuels de la société Abrilor dûment constatés par la cour d'appel qui relève que " la société Abrilor à qui il a été demandé encore à plusieurs reprises par lettres du 31 janvier, 8 février et réunion du 3 mars 2005 de fournir des documents particuliers, ne justifie pas avoir apporté une réponse quelconque à ces demandes en vue de la définition de la stratégie commerciale ; qu'elle ne prouve pas davantage avoir répondu à la demande de validation de reporting de M. Ulvoas ; qu'elle a eu dans l'ensemble une attitude rétive aux diverses demandes formulées qui présentaient un caractère novateur et n'a pas respecté son obligation de moyens à l'égard de son mandant compte tenu de ses obligations contractuelles ; qu'en particulier, elle ne démontre pas avoir assisté la société Pica dans la surveillance du marché, ni l'avoir informée de ses potentiels et perspectives, des changements du marché, des réclamations ou requêtes de la clientèle, ni donné une appréciation sur la qualité de tout nouveau client ; qu'en effet ni la liste versée aux débats, ni le document intitulé "outil de base pour la mise en place de la convention LDEF et Pica" ne répondent aux exigences du contrat ; que la société Abrilor n'établit pas davantage avoir exécuté des obligations dont le contenu est bien défini, à savoir fourni chaque mois ses prévisions de ventes pour les trois prochains mois au cours de l'année 2004, ni ses prévisions de vente pour l'année suivante en l'occurrence l'année 2005 " ; qu'en considérant cependant en dépit de ces constatations, que la faute grave de la société Abrilor n'était pas établie, justifiant le paiement d'une indemnité compensatrice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 134-13 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Abrilor n'ayant pas mis en œuvre tous les moyens pour satisfaire à son obligation d'information envers sa mandante, cette dernière, selon les modalités prévues au contrat d'agent commercial, y a mis fin régulièrement ; qu'il ne peut toutefois, être reproché à la société Abrilor d'avoir commis une faute grave dès lors que les difficultés de communication entre les deux sociétés et les changements internes au sein de la société Pica avaient contribué à la baisse récente du chiffre d'affaires de l'agent dont l'attitude n'avait pas donné lieu à critique pendant huit ans, que le grief concernant un manque de promotion auprès de la clientèle n'avait été formulé qu'en cours de procédure et que la société Pica qui souhaitait appliquer une politique commerciale plus dynamique que ses prédécesseurs, avait décidé de mettre fin à leur partenariat après quelques mois, sans qu'il ne soit démontré que le comportement de la société Abrilor ne permettait plus de le maintenir ; qu'ainsi, la cour d'appel qui devait rechercher non seulement si l'agent avait commis un manquement à ses obligations contractuelles justifiant la résiliation anticipée du contrat, mais encore s'il avait commis une faute grave privative de l'indemnité de cessation de contrat, qui sont de nature distincte, a fait l'exacte application du texte invoqué ;

Et attendu que la seconde branche du moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses cinq dernières branches : - Attendu que la société Abrilor fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de la société Pica à lui payer la somme de 199 950 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat avant son échéance alors, selon le moyen : 1°) qu'au terme d'un moyen pertinent, assorti d'offres de preuve et nécessitant réponse, la société Abrilor avait fait valoir et démontré que les allégations de la société Pica, selon lesquelles elle ne pouvait "qu'enregistrer l'absence de communication des informations nécessaires à l'établissement d'une stratégie commerciale proactive", constituaient une "contre vérité" dès lors que par mail du 6 décembre 2004, M. Debayles, salarié de la société Pica "alors qu'Abrilor, par le biais de M. Briard, avait pris contact avec lui aux fins, précisément, d'apporter son aide à l'établissement du business plan 2005 de Pica" avait "décliné l'invitation" en ces termes : "nos business plans 2005 qui sont en voie d'élaboration, seront terminés d'ici fin décembre (...) un séminaire stratégique prévu du 11 au 16 janvier où nous allons décider les directions que Pica va suivre en 2005 en terme d'application, de lignes de produits, de comptes clés cibles, de prix et du plan d'actions correspondant. Je vous propose donc de nous réunir une fois cette étape franchie, fin janvier, début février, avec Pierre Eric, pour vous faire part de notre plan et aborder ensemble nos actions communes sur la zone France" ; qu'en affirmant péremptoirement que la société Abrilor ne justifiait pas avoir apporté une quelconque réponse aux demandes de la société Pica en vue de la définition de la stratégie commerciale, qu'elle a eu dans l'ensemble une attitude rétive aux diverses demandes formulées qui présentaient un caractère novateur et n'a pas respecté son obligation de moyen à l'égard de son mandant compte tenu de ses obligations contractuelles et "qu'en particulier, elle ne démontre pas avoir assisté la société Pica dans la surveillance du marché, ni l'avoir informée de ses potentiels et perspectives, des changements du marché ", sans nullement répondre au moyen péremptoire des conclusions d'appel dont elle était saisie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu' au terme d'un moyen pertinent, la société Abrilor avait fait valoir que la société Pica ne pouvait, à titre de prétendu manquement à ses obligations contractuelles, lui reprocher de n'avoir pas communiqué "les informations relatives à la solvabilité des nouveaux clients qu'elle devait fournir à Pica de 2001 jusqu'au 16 mars 2005 en exécution du contrat" dès lors qu'en l'état des stipulations claires et précises du contrat selon lesquelles Abrilor devait seulement "apprécier la qualité de tout nouveau client, en particulier en termes de solvabilité, avant que Pica ne commence à traiter avec lui" et alors même que Pica ne déplorait pas d'impayés particuliers, la fourniture a posteriori de notes écrites sur la solvabilité des nouveaux clients n'était manifestement ni prévue par le contrat, ni utile à sa bonne exécution en l'absence de difficultés ; qu'après avoir relevé que les diverses demandes formulées par Pica "présentaient un caractère novateur", la cour d'appel qui se borne à retenir qu'Abrilor ne démontre pas avoir "donné une appréciation sur la qualité de tout nouveau client", sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait que la fourniture d'une telle appréciation, en l'absence même de tout impayé particulier subi par Pica, relevait des obligations contractuelles souscrites par la société exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 3°) qu'en retenant que la société Abrilor ne prouvait pas "avoir réclamé avec insistance les renseignements qui lui auraient manqué pour s'exécuter", sans nullement préciser d'où il ressortait que celle ci aurait été conventionnellement tenue en vertu du mandat d'intérêt commun la liant à la société Pica et imposant à la charge du mandant une obligation de mettre loyalement l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat et notamment, à ce titre, une obligation d'information, aurait été tenue de réclamer " avec insistance" les renseignements qui lui étaient nécessaires pour exécuter sa propre obligation d'information envers le mandant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, ensemble l'article L. 134-4 du Code de commerce ; 4°) qu'en affirmant péremptoirement que ni la liste de clients versée aux débats, ni le document intitulé " outils de base pour la mise en place de la convention LDEF et Pica " ne répondent aux exigences du contrat sans assortir sa décision d'aucun motif à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la société Abrilor avait fait valoir que la société Pica avait invoqué de mauvaise foi la clause résolutoire du contrat ; qu'au soutien de ce moyen, elle avait fait valoir l'ancienneté de près de dix années des relations contractuelles durant lesquelles "entre 1996 et 2004, le mandant n'a jamais dénoncé à son agent commercial le moindre grief, ni délivré la moindre mise en demeure", que la rupture du contrat était intervenue de manière brutale, moins de neuf mois avant l'échéance conventionnelle du contrat, que l'obligation contractuelle d'information était réciproque et précisément que les griefs invoqués à ce titre par le mandant, au début de l'année 2005, au soutien de la rupture du contrat étaient consécutifs à une période au cours de laquelle le mandant lui même avait été défaillant en raison de graves difficultés organisationnelles puis informatiques, qu'il avait reconnues, et qui avaient perturbé la communication et l'échange d'information entre les parties ainsi que l'avaient retenu les premiers juges en relevant que "Pica ne saurait faire preuve d'intransigeance à l'égard d'Abrilor alors que pendant près de huit mois, Pica va interrompre toute communication à l'égard de son mandataire pour causes de restructuration ..." ; que la société Abrilor avait encore ajouté qu'avant d'émettre brutalement ses griefs au début de l'année 2005, le mandant avait volontairement choisi de ne pas répondre, pendant trois mois, à sa lettre du 4 novembre 2004, l'alertant notamment sur les difficultés de communications ce qui, comme l'avait retenu le tribunal, "est contraire à une loyale efficacité entre les parties et relève d'un comportement abusif ; que ce délai a été volontairement entretenu par Pica", le tribunal ajoutant encore qu' "il est difficile de reprocher à un agent commercial de ne pas avoir accompli des obligations, ce qui est jugé comme fautif, en lui apportant des réponses volontairement tardives et de les qualifier de manquements contractuels en mars 2005, alors qu'à fin 2004, il n'est pas établi qu'Abrilor n'a pas respecté ses obligations" ; qu'elle avait encore ajouté, au soutien de la démonstration d'une rupture du contrat intervenue brutalement et de mauvaise foi, que par lettre du 28 février 2005, soit moins de quinze jours avant la résiliation du contrat, la société Pica affirmait n'avoir "absolument pas un double discours qui consisterait à osciller entre la volonté de poursuivre sa collaboration avec Abrilor et celle de rompre les relations contractuelles en cours. Notre volonté est bien au contraire de trouver une solution", ajoutant avoir la volonté de "poursuivre (leurs) relations sur la base d'un partenariat équilibré" ; qu'ayant retenu que la société Pica, elle-même, reconnaissait une interruption dans la communication informatique avec la société Abrilor pour une durée limitée (mai à août 2004), que les diverses demandes formulées par Pica "présentaient un caractère novateur", qu'à un certain moment les problèmes informatiques de Pica ont pu perturber les activités de compte rendu de son agent, la cour d'appel qui n'a nullement recherché si les circonstances de la rupture, précisément dénoncées par la société Abrilor, ne caractérisaient pas sa brutalité et le fait que la société Pica n'avait pas invoqué de bonne foi la clause résolutoire prévue au contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel qui n'était pas tenue de suivre la société Abrilor dans le détail de son argumentation, a retenu que l'agent commercial avait manqué à ses obligations d'information et de reddition des comptes envers sa mandante ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que bien que l'intention des nouveaux responsables n'ait pas été de remettre en cause son contrat d'agent commercial mais d'en obtenir une exécution plus rigoureuse, la société Abrilor qui n'établit pas qu'il ait été porté atteinte à son exclusivité et dont les commissions ont toujours été réglées, n'a cependant pas mis en œuvre tous les moyens pour satisfaire à son obligation d'information envers sa mandante en dépit des demandes répétées de cette dernière en sorte qu'il ne pouvait être reproché à la société Pica d'avoir mis fin au contrat dans le respect des modalités prévues ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu que la première branche du moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois.