ADLC, 9 septembre 2009, n° 09-DCC-41
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la création de deux entreprises communes de plein exercice par UGC Images et TF1 International
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification complet adressé au service des concentrations le 6 août 2009, relatif à la création de deux entreprises communes par UGC Images et TF1 International prévue par un protocole de joint-venture en date du 1er juillet 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. UGC Images (ci-après " UGC-I ") est une société anonyme, filiale à 100 % de la société UGC S.A, holding de tête du groupe UGC (ci-après " UGC "), l'un des groupes actifs dans l'exploitation cinématographique. Au sein du groupe UGC, UGC-I est active dans la production de films, la distribution en salles en France, l'édition vidéo ainsi que dans l'achat et la vente de droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques en France et à l'étranger. UGC a réalisé en 2008 un chiffre d'affaires mondial consolidé de [Confidentiel] d'euro, dont [>50 M] en France.
2. La société TF1 International (ci-après " TF1-I ") est une société par actions simplifiée détenue intégralement par la société TF1 S.A, société de tête du groupe TF1. Au-delà de son activité historique d'exploitant de chaînes de télévision, le groupe TF1 a développé différentes activités sur la chaîne de valeur de l'audiovisuel, en particulier dans la production audiovisuelle, dans l'acquisition de droits d'exploitation, dans l'édition et la distribution de DVD et de CD musicaux, dans le télé-achat, dans la vente de droits audiovisuels et dans la distribution en salles. Au sein de cet ensemble, TF1-I est la filiale d'acquisition et de distribution de droits audiovisuels en France et à l'étranger. Les activités de TF1-I recouvrent notamment le financement de films par l'achat ou le préachat de droits d'exploitation, l'achat et la vente de droits sur des œuvres cinématographiques à l'étranger, la distribution de films en salles en France, la vente de droits destinés à l'exploitation de films en VOD (vidéo à la demande), et l'exploitation de films de catalogue. Le groupe TF1 rassemble l'ensemble des activités audiovisuelles du groupe Bouygues, qui a réalisé en 2008 un chiffre d'affaires consolidé de 33 milliards d'euro, dont 23 milliards d'euro réalisés en France.
3. La présente opération consiste en la création concomitante et interdépendante de deux entreprises communes de plein exercice entre UGC-I et TF1-I, dont la première, dénommée ci-après JV1, aura pour activité la distribution de films de cinéma en salles en France, et la seconde, dénommée ci-après JV2, la vente de droits audiovisuels à l'étranger et de droits destinés à l'exploitation sous forme de VoD en France.
4. Au terme du protocole de joint-venture, UGC Images transfèrera à JV1 ses salariés précédemment affectés à son activité de distribution en salles en France et confiera à JV1 les mandats préexistants entrant dans le champ des activités de celle-ci. JV1 exploitera son activité sous le nom commercial " UGC Distribution ". A cette fin, UGC Images consentira à JV1 une licence exclusive et gratuite portant sur ce nom commercial. TF1-I apportera à JV1, immédiatement après sa constitution, sa branche complète d'activité (en ce compris les salariés et les mandats préexistants) de distribution en salles en France.
5. La JV2 se verra quant à elle apporter dans les meilleurs délais la branche complète d'activité (en ce compris les salariés) de vente de droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques à l'étranger ou sous forme de VoD en France de TF1-I. Pour sa part, UGC Images transfèrera à la JV2 ses salariés précédemment affectés à l'activité de vente de droits à l'étranger et confiera à la JV2 les mandats préexistants entrant dans le champ des activités de celle-ci. JV2 exploitera son activité sous le nom commercial " TF1 International ". A cette fin, TF1-I changera sa propre dénomination sociale et consentira à la JV2 une licence exclusive et gratuite portant sur ce nom commercial.
6. UGC- I détiendra [>50] % du capital et des droits de vote de JV1 contre [<50] % pour TF1-I, tandis que TF1-I possèdera [>50] % du capital et des droits de vote de JV2 contre [<50] % pour UGC-I. JV1 et JV2 seront dirigées par des conseils d'administration composés de cinq membres dont trois seront nommés par l'actionnaire majoritaire et deux par l'actionnaire minoritaire. Ces organes de direction décideront à la majorité simple, à l'exception de certaines décisions devant être adoptées à la majorité des 4/5èmes, parmi lesquelles l'approbation et la modification du business plan, du budget annuel, de la politique commerciale et des principaux partenariats commerciaux. Ainsi, UGC-I et TF1-I devront prendre ensemble des décisions qui revêtent un caractère stratégique pour JV1 et JV2, sur lesquelles elles disposent donc d'un contrôle conjoint.
7. A l'issue de l'opération, TF1 et UGC se sont engagées contractuellement à ne pas exercer directement d'activités dans les domaines de la distribution de films de cinéma en salles en France et de la vente de droits audiovisuels à l'étranger et de droits destinés à l'exploitation sous forme de VoD en France, pendant une durée d'au moins trois ans.
8. En revanche, TF1-I, UGC et les entreprises communes auront, toutes, des activités d'acquisition de droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques. En effet, le protocole d'accord dispose que, dès leur création, JV1 et JV2 pourront agir directement sur le marché de l'acquisition de droits, sans passer par leurs sociétés-mères.
9. De plus, afin de soutenir le développement des nouvelles entreprises communes, les parties TF1-I et UGC ont conclu un accord de cofinancement d'une durée de trois ans par lequel elles entendent investir conjointement pour acquérir de façon commune et indivise des parts de coproduction et/ou des droits d'exploitation dans des films identifiés par l'une d'elles, accord dont bénéficieront JV1 et JV2. A cet égard, les parties sont notamment convenues : 1) de se donner réciproquement, dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun, pouvoir d'investir au nom et pour le compte de l'autre partie ; 2) de répartir entre elles les recettes d'exploitation d'un film donné, en fonction de leurs quotes-parts respectives dans l'investissement ; et 3) lorsqu'elles sont titulaires des droits correspondants, d'attribuer (i) la distribution en salles en France et (ii) la commercialisation à l'étranger et l'exploitation VoD en France respectivement aux entreprises communes JV1 et JV2. Dans le cadre de cet accord, les parties ont prévu de limiter leurs investissements à [Confidentiel] films cinématographiques de long-métrage par an, et envisagent à ce stade une moyenne annuelle de [Confidentiel] long-métrages. Cependant, TF1-I et UGC continueront d'acquérir des droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques pour leur compte propre sous d'autres mandats.
10. JV1 et JV2 ont vocation à accomplir de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome. Ainsi, JV1 et JV2 seront créées pour une durée indéterminée, et disposeront chacune d'un capital de 99 000 euro, soit un capital supérieur à celui requis pour obtenir une autorisation d'exercice de distributeur de films de la part du Centre National de la Cinématographie. Les projets de plans d'affaires pour 2010-2014 annexés au protocole montrent que leurs activités respectives devraient leur permettre de dégager des bénéfices dès la première année. De plus, JV1 et JV2 auront en leur possession les moyens matériels, juridiques (contrats, noms commerciaux, autorisations, etc.) et humains (une vingtaine d'employés chacune) dont bénéficiaient les activités de distribution en salles en France préalablement exercées par UGC Distribution et les activités de négoce de droits d'exploitation à l'étranger ou sous forme de VoD préalablement exercées par UGC-I et TF1-I. Elles seront des opérateurs de marché autonomes, qui entretiendront des relations avec leurs fournisseurs et leurs clients aux conditions de marché. Notamment, d'après les parties, JV1 et JV2 sont appelées, dès leur création, à s'approvisionner en droits d'exploitation audiovisuels auprès de leurs sociétés-mères mais aussi de tiers pour des proportions significatives. Le fait que les entreprises communes bénéficieront, pendant une durée de 3 ans, de l'accord précité destiné à permettre le lancement de leur activité ne remet pas en cause la qualification de l'autonomie économique des entreprises communes (1).
11. Enfin, les créations de JV1 et celle de JV2 peuvent être qualifiées d'interdépendantes (2) et constituent une opération de concentration unique. En effet, en premier lieu, elles font l'objet d'un protocole unique, qui lie entre elles toutes les actions nécessaires (création des JV, prises de participation réciproques, etc.) à la création de JV1 et JV2, de sorte que si l'une d'elles n'était pas réalisée par l'une des parties, l'autre partie pourrait refuser de réaliser les actions qui lui incombent au titre de la création de l'autre entreprise commune. En second lieu, elles procèdent d'un même objectif économique consistant à faire face à une baisse de rentabilité des films de cinéma et une détérioration des marchés internationaux des droits audiovisuels.
12. En ce qu'elle se traduit par la création de deux entreprises communes accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome par TF1-I et UGC-I, les deux créations étant liées, la présente opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. L'opération n'est pas de dimension communautaire dans la mesure où UGC et le groupe Bouygues réalisent tous deux plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires communautaire en France. En revanche, l'opération est bien soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce puisque les seuils prévus à l'article L. 430-2 sont atteints.
II. Délimitation des marchés pertinents
13. La pratique décisionnelle distingue trois types de marché sur la chaîne de valeur des œuvres cinématographiques : des marchés amont d'acquisition des droits d'exploitation de ces œuvres, des marchés de vente et de distribution de ces mêmes droits, et des marchés aval d'exploitation de ces œuvres. Pour chaque étape de la chaîne de valeur, la pratique décisionnelle opère différentes segmentations, la principale étant de délimiter des marchés distincts en fonction des modes de diffusion des films.
A. LES MARCHES D'ACQUISITION DE DROITS D'EXPLOITATION D'OEUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES
1. DÉLIMITATION PAR PRODUITS
14. Sur les marchés amont d'acquisition des droits d'exploitation, la pratique décisionnelle distingue, pour la France, différents marchés en fonction du mode de diffusion (3) :
i) les droits portant sur l'exploitation en salles de cinéma,
ii) les droits portant sur l'édition vidéo,
iii) les droits portant sur les services de paiement à l'acte que sont la vidéo à la demande (VoD) et le Pay Per View (PPV) (4). Au sein de ce secteur, la pratique décisionnelle a délimité une segmentation plus fine en définissant le marché des droits audiovisuels pour une exploitation en VoD (5)
iv) les droits portant sur l'exploitation pour la télévision payante
15. De plus, la pratique décisionnelle distingue (6) un marché des droits portant sur les films de catalogue, qui concernent de manière indifférenciée la télévision payante et la télévision gratuite, où s'échangent les droits sur des films à l'expiration de la première diffusion sur tous les autres modes de commercialisation.
16. Ce découpage est notamment dû à l'existence, en France, d'une chronologie des médias prévoyant des fenêtres de diffusion des contenus. La diffusion des œuvres cinématographiques récentes est soumise à une stricte chronologie qui prévoit des fenêtres de diffusion des œuvres cinématographiques récentes pour les différents types de diffusion (salles de cinéma, DVD, VoD, PPV, télévision payante, télévision gratuite). L'ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels (VoD, PPV, télévision payante) entraîne la fermeture de la précédente. Cette chronologie a été modifiée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 qui renvoie à un arrêté publié le 12 juillet de la même année prévoyant les délais suivants : exploitation en salle dès l'obtention du visa, exploitation en vidéo, en VoD et en PPV dès le quatrième mois, exploitation en télévision payante dès le douzième mois, exploitation en télévision gratuite dès le trentième mois.
17. Par ailleurs, s'agissant des droits portant sur la télévision payante et le paiement à l'acte, les autorités de concurrence françaises ont procédé à une segmentation supplémentaire en fonction de l'origine du film entre les droits portant sur des films américains et les droits portant sur des films d'expression française. En effet, il existe des différences notables en termes de prix, d'attractivité, d'identité et de capacité de négociation commerciale entre ces différents contenus. De plus, il existe une réglementation spécifique qui s'applique aux demandeurs, en matière d'investissements dans le cinéma français (7).
18. De plus, s'agissant des droits portant sur la télévision payante, la pratique décisionnelle a aussi envisagé une segmentation entre droits pour la première fenêtre de diffusion et droits pour la seconde fenêtre de diffusion (8), tout en laissant la question ouverte.
19. Il n'y a pas lieu de remettre en cause les délimitations ci-dessus l'occasion de la présente décision.
20. Au cas d'espèce, il sera aussi tenu compte du marché de l'acquisition de droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques à l'étranger. La question de l'existence et de la délimitation exacte de ce marché peut, toutefois, être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle restant inchangées quelque soit la délimitation retenue.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
21. Les parties notifiantes estiment que le marché des droits d'exploitation sur des œuvres cinématographiques, dans son ensemble, pourrait revêtir une dimension mondiale dans la mesure où il met en concurrence l'ensemble des acquéreurs et des vendeurs de droits cinématographiques du monde entier. Cependant, il convient de souligner, ainsi que l'a fait le ministre de l'économie et la Commission européenne, que les droits sont acquis uniquement pour un territoire national, ou tout au plus pour une même zone linguistique, et que, par conséquent, les différents marchés d'acquisition de droits sur des films sont de dimension nationale.
22. En ce qui concerne l'acquisition de droits sur des œuvres cinématographiques pour une exploitation à l'étranger, la segmentation géographique exacte de ce marché peut être laissée ouverte à l'occasion de la présente décision.
23. La présente opération implique la mise en commun des moyens de TF1 et UGC sur les marchés de l'acquisition des droits pour l'exploitation en salles de cinéma, ou à l'étranger. Ces deux marchés seront étudiés au titre des effets horizontaux.
24. Les marchés de l'acquisition de droits pour l'édition vidéo, de droits pour la télévision payante (première et seconde fenêtre) et le marché des films de catalogue ne sont pas concernés par la création des deux entreprises communes, qui n'opéreront pas sur ces marchés. Toutefois, ces marchés seront analysés au titre des risques de coordination du comportement concurrentiel des sociétés-mères, qui resteront toutes les deux présentes sur ces marchés après l'opération.
25. Enfin, les activités des TF1 et UGC ne comportant pas de chevauchement sur l'acquisition de droits pour la diffusion en VOD ou en PPV, ces marchés ne feront pas l'objet d'une analyse concurrentielle.
B. LES MARCHES DE LA VENTE DE DROITS ET DE L'EXPLOITATION D'OEUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES
1. DÉLIMITATION PAR PRODUITS
26. Sur la partie intermédiaire et l'aval de la chaîne de valeur de l'industrie cinématographique, la pratique décisionnelle distingue différents marchés, pour la France, en fonction du mode de diffusion des films.
27. Plus précisément, en ce qui concerne la diffusion des films en salles de cinéma, la pratique distingue un marché intermédiaire de distribution en salles, où sont actifs des distributeurs qui vendent les droits acquis à des exploitants, et un marché aval de l'exploitation en salles proprement dite. (9)
28. En ce qui concerne la vente de droits de diffusion en VOD, la pratique décisionnelle a distingué un marché spécifique et envisagé une segmentation en fonction de l'origine des films, français ou étrangers (principalement américains). (10)
29. En ce qui concerne la vente des droits cinématographiques aux chaînes de télévision payante, la pratique décisionnelle a envisagé une segmentation en fonction de la fenêtre de diffusion (première ou seconde fenêtre) et en fonction de l'origine des films, français ou étrangers. (11)
30. Il n'ya pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de la présente décision.
31. En ce qui concerne la diffusion sur support vidéo, plusieurs types d'acteurs interviennent. Les éditeurs vidéo fabriquent les supports vidéo : DVD ou support HD, incluant leur jaquette, définissent la campagne de publicité à intervenir ainsi que le nombre d'unités produites et supportent le coût inhérent à cette fabrication, à la publicité ainsi qu'à la distribution du support vidéo. Les distributeurs assurent la logistique de la distribution effective des supports aux revendeurs ou loueurs. Plusieurs modèles d'organisation existent : TF1 Vidéo a un système de distribution intégrée tandis qu'UGC Distribution fait appel à des prestataires extérieurs pour assurer la distribution de ses vidéos. Une segmentation plus fine de ce marché pourrait donc être envisagée. Toutefois, au cas d'espèce, le marché de l'édition et de la distribution vidéo sera pris en compte dans son ensemble, la question de sa délimitation exacte pouvant être laissée ouverte à l'occasion de la présente décision.
32. Au cas d'espèce, il sera aussi tenu compte du marché de la vente de droits d'exploitation à l'étranger, dont la délimitation exacte peut être laissée ouverte, à l'occasion de la présente décision.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
33. La pratique décisionnelle précitée retient une dimension géographique nationale pour les marchés de la distribution en salles, de l'édition et de la distribution vidéo, de la vente de droits de diffusion en VOD, et de la vente de droits aux chaînes de télévision payante.
34. Pour le marché de l'exploitation en salles de cinéma, en France, la pratique retient une dimension locale, par référence à des zones de chalandise.
35. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations géographiques à l'occasion de la présente décision.
36. La question de la délimitation géographique exacte du marché de la vente de droits d'exploitation à l'étranger peut être laissée ouverte à l'occasion de la présente décision, dans la mesure où l'analyse concurrentielle demeurera inchangée quelle que soit la définition retenue.
37. Le marché de la distribution en salles sera étudié au titre des effets horizontaux, TF1 et UGC réunissant leurs activités sur ce marché au sein de JV1. Le marché de l'exploitation en salles de cinéma, sur lequel seul UGC est présent, sera pris en compte, au titre de l'analyse des effets verticaux.
38. Le marché de la vente de droits à l'étranger sera aussi étudié au titre des effets horizontaux, TF1 et UGC apportant leurs activités sur ce marché au sein de JV2.
39. En revanche, le marché de la vente de droits de diffusion en VOD, qui sera l'une des activités de JV2, ne fera pas l'objet d'une analyse concurrentielle, les activités de TF1 et UGC ne se chevauchant pas sur ce marché avant l'opération.
40. JV1 et JV2 ne seront pas présentes sur les marchés de l'édition et de la distribution vidéo, de la vente de droits pour la télévision payante (première et seconde fenêtre, œuvres françaises et étrangères). Toutefois, ceux-ci feront l'objet d'une analyse au titre du risque de coordination du comportement concurrentiel des sociétés-mères qui resteront toutes les deux présentes sur ces marchés après l'opération.
III. Analyse concurrentielle
A. LES EFFETS HORIZONTAUX
1. SUR LES MARCHES AMONT DE L'ACQUISITION DE DROITS D'EXPLOITATION
41. A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il existe trois modalités d'investissement dans un film. Une société peut procéder à des apports en qualité de producteur délégué. Elle peut aussi financer des parts de coproduction ou acheter des droits d'exploitation sur un film avant qu'il ne soit produit (on parle alors de " pré-achat "). Elle peut enfin, de façon plus marginale, acheter les droits, une fois le film réalisé (on parle alors de " mandat simple ").
42. Les parties notifiantes indiquent qu'il n'existe pas de données fiables déterminant le montant des investissements réalisés, en France et dans le monde, par l'ensemble des opérateurs en fonction du type de mandat d'exploitation (exploitation en salles, vidéo, paiement à l'acte, etc.). Elles soulignent que les achats de différents types de mandats, dans le cadre d'un même contrat et d'un prix unique, sans qu'il soit possible de rattacher le paiement d'une somme spécifique à un mandat en particulier, sont fréquents. Ainsi, selon les informations communiquées par les parties, l'ensemble des investissements d'UGC-I en 2008 ont été réalisés selon la modalité d'une enveloppe globale comprenant les mandats salles, vidéo et étranger. De même, en 2008, 70 % des contrats conclus par TF1-I couvraient l'ensemble des mandats d'exploitation.
43. Toutefois, les parties ont fourni différentes données relatives, d'une part, au marché de l'acquisition de droits d'exploitation, tous modes de diffusion confondus, pour les films d'initiative française, et, d'autre part, au marché de l'acquisition de droits d'exploitation de films étrangers pour leur exploitation en France.
44. Les investissements dans les œuvres cinématographiques d'initiative française ont représenté un montant de 1259 millions d'euro en 2008, d'après le Centre National de la Cinématographie (ci-après " CNC "). Sur ce montant, près de 40 % des financements proviennent de différents mécanismes de soutien (soutien sélectif, soutien automatique et sociétés pour le financement du cinéma et de l'audiovisuel)
45. Les investissements de TF1 représentent environ [Confidentiel], soit [10-20] %, des investissements réalisés hors mécanismes de soutien. Ces investissements résultent, pour [Confidentiel], soit [5-10] %, des obligations d'investissements de TF1 en tant que chaîne hertzienne gratuite.
46. Les investissements d'UGC-I représentent environ [Confidentiel] d'euro, soit [<5] % des investissements réalisés hors mécanismes de soutien : environ [Confidentiel] par le biais d'apports en qualité de producteur délégué dans deux films (" La fille du RER " et " Lucky Luke "), et [Confidentiel] d'euro en préachat ou en achat de droits d'exploitation.
47. En définitive, les investissements cumulés de TF1 et UGC dans les œuvres cinématographiques d'initiative française représentent [10-20] % du montant total investi en France, hors financements provenant des mécanismes de soutien.
48. En ce qui concerne les films étrangers, TF1-I a investi environ [Confidentiel] d'euro, dont [Confidentiel] en droits de télévision payante, dans [Confidentiel] films étrangers en 2008. Les parties indiquent qu'il n'existe aucune donnée concernant le montant total investi par les acteurs du marché dans des films étrangers pour une exploitation en France, mais soulignent qu'au regard du bilan CNC pour 2008, 357 films étrangers sont sortis en France, ce qui confère à TF1-I une part d'achat en nombre de films de [0-5] % environ. UGC-I n'acquiert pas quant à elle de droits sur des films étrangers.
49. En ce qui concerne plus spécifiquement la position des parties sur les marchés d'acquisition de droits pour l'exploitation en salles en France et à l'étranger, il convient de relever que les positions des parties seront faibles ou modérées sur les marchés aval correspondants, tels que le montre l'analyse concurrentielle ci-dessous. De plus, les parties feront face à des concurrents significatifs tels que les groupes MK2, Pathé ou Gaumont ou Canal Plus.
50. Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés amont de l'acquisition de droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques pour l'exploitation en salles en France ou l'exploitation à l'étranger, par le biais d'effets horizontaux.
2. SUR LE MARCHE DE LA DISTRIBUTION EN SALLES DE CINEMA
51. Les distributeurs, titulaires d'un mandat de distribution, fournissent aux exploitants de salles les copies des films concernés, leur conférant le droit de diffuser ce film en public dans leur salle. Le métier de distributeur recouvre trois aspects inséparables : financier (achat de droit, duplication de copies), promotionnel (établissement de plan-média et de partenariats, opérations de relation-presse) et un aspect de programmation (négociation avec les salles de cinéma : exploitants ou programmateurs de réseaux d'exploitants).
52. Sur ce marché, les parts de marché des parties, en 2008, s'élèvent à 3 % pour TF1-I (11e rang) et 1 % pour UGC Distribution (19e rang). Leur part de marché cumulée sera donc de 4 %.
53. Il convient cependant de souligner que, sur les marchés de l'industrie du cinéma, et notamment sur le marché de la distribution, le chiffre d'affaires réalisé par les opérateurs dépend du succès du film produit et/ou distribué. Par conséquent, il est à noter une grande volatilité des parts de marché des opérateurs qui peuvent fortement fluctuer d'une année sur l'autre en fonction du succès d'un film. Tel a été le cas par exemple pour Pathé Distribution qui avait 21 % des parts de marché en 2008 et est passée à 13,2 % en mai 2009 (demeurant néanmoins le premier distributeur français). L'explication de cet écart est le succès du film " Bienvenue chez les Cht'is " ayant réalisé 20 millions d'entrées en 2008. Cela dit, UGC Distribution n'a jamais fait partie des 10 premiers distributeurs français entre 2003 et 2008. TF1-I, en revanche, a fait partie des 10 premiers distributeurs entre 2003 et 2007, mais avec, au maximum, une part de marché de 8,3 % en 2005 (5e rang).
54. De plus, l'entreprise commune JV1 fera face à la concurrence de nombreux acteurs : des sociétés françaises de distribution (telles que StudioCanal (Canal +), SND (M6), Mars Distribution, Diaphana Distribution, Bac Films, Ad Vitam, Europa Corp. Distribution), des sociétés étrangères telles que les " majors " américains (Walt Disney Studios, 20th Century Fox, Warner Bros., Paramount Pictures France ou Sony Pictures) et des groupes intégrés verticalement (Gaumont et Pathé avec leur filiale commune d'exploitation en salles Europalaces, MK2).
55. Au regard de ce qui précède, la création de JV1, qui réunira les activités de distribution en salles de TF1-I et UGC n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché national de la distribution en salles par le biais d'effets horizontaux.
3. SUR LE MARCHE DE VENTE DE DROITS D'EXPLOITATION D'OEUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES A L'ÉTRANGER
56. Sur ce marché, lorsque la vente de droits cinématographiques porte sur des nouveautés, les clients sont des distributeurs étrangers qui procèdent à des achats " tous droits " (achat de droits groupant salles, TV, vidéo, paiement à l'acte) qu'ils exploitent ensuite soit directement, soit indirectement (revente aux télévisions ou à des éditeurs vidéo par exemple). Lorsque la vente des droits porte sur des films de catalogue, les acheteurs étrangers sont des éditeurs vidéo ou des télédiffuseurs.
57. Les parties indiquent que selon le CNC, les recettes d'exportation totales en France 2007 étaient de 194 millions d'euro, avec environ quarante concurrents sur le marché français de l'exportation de droits cinématographiques, parmi lesquels MK2 International, Pathé Distribution, Studio Canal France, Bac Films, EuropaCorp , etc.
58. Selon les parties, le chiffre d'affaires réalisé grâce à l'exportation de droits cinématographiques par TF1-I en 2007 était d'environ [Confidentiel] d'euro, ce qui correspond à [10-20] % de part de marché. Le chiffre d'affaires d'UGC généré par cette activité était, en 2007, d'environ [Confidentiel] d'euro, soit une part de marché de [<5] %.
59. Ainsi, en retenant une dimension nationale du marché de la vente à l'international de droits cinématographiques, la part de marché cumulée des parties sera selon les parties de [10-20] %. Avec une délimitation géographique plus large de ce marché, la part de marché cumulée des parties serait beaucoup plus faible.
60. Par conséquent, la mise en commun par TF1 et UGC, au sein de JV2, de leur activité de vente de droits d'exploitation d'œuvres cinématographiques à l'étranger, n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.
B. LES EFFETS VERTICAUX
61. UGC, groupe cinématographique intégré verticalement, est présent sur le marché de l'exploitation de salles de cinéma, marché situé en aval du marché de la distribution en salles.
62. Il convient donc de vérifier si l'opération n'est pas susceptible de conduire à un verrouillage de marché, provenant du fait que JV1 pourrait distribuer ses films au réseau de salles UGC au détriment des autres réseaux d'exploitation, ou du fait que les exploitants de salles UGC pourraient concentrer leurs achats auprès de JV1 au détriment des distributeurs concurrents.
63. Sur le marché de la distribution en salles, la part de marché de JV1 sera limitée à 4 % après l'opération. Une concentration de la diffusion des films de JV1 sur le réseau de salles UGC n'est donc pas susceptible d'avoir un effet significatif sur le marché aval.
64. Sur ce marché, UGC représente, à l'échelle nationale, 7 % des écrans de cinéma en France et 14 % des entrées (contre, respectivement 13 % et 22 % pour Europalaces, la filiale commune de Gaumont et Pathé). Même s'il est possible qu'UGC détienne des parts de marché importantes dans certaines zones de chalandises, il serait économiquement irrationnel pour un exploitant de salles de se priver de 95 % des films distribués sur le territoire national, qui plus est s'agissant d'un film au succès commercial important distribué par l'un des concurrents de JV1.
65. Ainsi, la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur les marchés de la distribution et l'exploitation en salles de cinéma.
C. LES RISQUES DE COORDINATION DU COMPORTEMENT CONCURRENTIEL DES SOCIETES MERES
66. En ce qui concerne le risque de coordination du comportement concurrentiel des sociétés-mères, il convient de rappeler que, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, reprise par les autorités nationales, les risques de coordination entre maisons mères à l'occasion de la création d'une entreprise commune sont analysés au regard de trois critères cumulatifs : 1) il faut qu'il existe un lien de causalité entre la création de l'entreprise commune et l'apparition de risques de coordination des sociétés-mères ou son renforcement ; 2) la coordination doit revêtir un certain degré de vraisemblance, c'est-à-dire doit être possible et présenter un intérêt économique pour les maisons-mères; 3) cette coordination doit avoir en outre un effet sensible sur la concurrence.
1. SUR LE MARCHE DE L'EDITION ET DE LA DISTRIBUTION VIDEO
67. En vertu de l'accord de cofinancement sus-évoqué, les sociétés-mères ou leurs filiales (en l'espèce, UGC Images et TF1 Vidéo) exerceront les mandats d'édition vidéo des films sur lesquels elles auront investi en commun, chacune exerçant le mandat vidéo sur le film sur lequel elle aura qualité d'investisseurs pilotes. Les parties ont aussi convenu que la distribution vidéo serait confiée à TF1 Vidéo. Cependant, la coordination du comportement concurrentiel de TF1 et UGC n'est pas susceptible d'avoir des effets sensibles sur la concurrence. En effet, d'après les informations communiquées par les parties, si TF1 Vidéo est le [dans les 10 premiers] opérateur du marché, après Walt Disney Studios Home Entertainment, Fox Pathé Europa et Warner Home Video, avec [10-20] % du marché, UGC Distribution n'était, en 2008, que le 20ème opérateur du marché avec un part de [<5] %.
2. SUR LE MARCHE DE LA VENTE DE DROITS POUR LA TELEVISION PAYANTE
68. Sur le marché de la vente de droits pour la télévision payante pris dans son ensemble, la part de marché cumulée des parties est estimée à [<5] % ([<5] % pour UGC et [<5] % pour TF1). Sur ce marché, restreint aux films d'initiative étrangère, la part de marché cumulée des parties est estimée à [<5] % ([<5] % pour TF1, [<5] % pour UGC). De plus, TF1 ne vend pas de droits pour la télévision payante relatifs à des films d'origine française. Enfin, UGC n'offre que des droits pour la première fenêtre de diffusion, et TF1-I pour la seconde fenêtre de diffusion.
69. Par conséquent, une éventuelle coordination du comportement concurrentiel de TF1 et UGC sur ce marché n'aura pas d'effet sensible sur la concurrence, quelle que soit la segmentation de marché considérée.
3. SUR LE MARCHE DES DROITS DE FILMS DE CATALOGUE
70. Les droits de films de catalogue peuvent être vendus à des chaînes gratuites, payantes, généralistes, thématiques, premium, ou encore à des services de VoD. Il s'agit de la ré-exploitation d'œuvres cinématographiques ayant terminé leur premier cycle d'exploitation. Les parties notifiantes n'ont pas été en mesure de fournir une estimation de la taille de ce marché. Toutefois, elles ont indiqué qu'elles étaient en concurrence sur ce marché avec StudioCanal, le principal acteur avec un catalogue de 5000 films, les groupes Pathé, Gaumont, MK2, Films Distribution (un catalogue de 800 films) et SND (un catalogue de 700 films). TF1-I dispose d'un catalogue de [<1000] films et UGC Images de [<500] films. Une éventuelle coordination sur ce marché n'est donc pas susceptible d'avoir un effet sensible sur la concurrence.
4. SUR LES MARCHES AMONT DE L'ACQUISITION DE DROITS POUR L'EDITION VIDEO ET LA TELEVISION PAYANTE
71. Compte-tenu, d'une part, de la position qu'occupent les parties sur le marché de l'acquisition de droits d'œuvres cinématographiques pris dans son ensemble et, d'autre part, de leur présence relativement modérée sur les différents marchés aval correspondants, une coordination du comportement concurrentiel de TF1 et UGC n'est pas, non plus, susceptible d'avoir un effet sensible sur ces marchés.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sur le numéro 09-0060 est autorisée.
Notes
1 Voir à ce sujet, le point 97 de la Communication consolidée de la Commission européenne du 21 février 2009
2 A ce sujet, voir le paragraphe 43 de la communication consolidée de la Commission européenne du 21 février 2009 4
3 Voir notamment les lettres du ministre de l'économie n° C2006-02 du 30 août 2006 et n° C2007-181 du 15 avril 2008.
4 Dans sa lettre d'autorisation d'une concentration entre SFR et Neuf Cegetel, le ministre de l'économie a défini la VoD comme " un service de paiement à l'acte qui consiste à donner pendant une durée déterminée (généralement 24 heures) un programme en location à un téléspectateur. Celui-ci peut le visionner au moment de son choix jusqu'à l'expiration du délai de visionnage ". Le PPV est également un service de paiement à l'acte mais qui consiste, contrairement à la VoD où le téléspectateur est libre du moment de la diffusion, à diffuser à une heure donnée contre paiement d'une somme déterminée par le téléspectateur. Ce dernier marché est en déclin, tandis que la VoD est un marché en plein essor, au sein duquel se développe la VoD gratuite ou encore un nouveau système permettant une acquisition définitive (et non plus une location), par le consommateur, du film téléchargé en VoD.
5 Décision n°COMP/M.4504 de la Commission européenne SFR/Télé2 en date du 18 juillet 2007 précitée ; C2007-181 lettre du ministre de l'économie du 15 avril 2008, précitée.
6 Décision C2006-2 précitée
7 Décision C2006-2 précitée
8 Ibid.
9 Avis du Conseil de la concurrence n°93-A-01 du 12 janvier 1993 et n°93-A-12 du 29 juin 1993 ; Décision n°04-D-10 du 1er avril 2004, n°07-D-17 du 10 mai 2007 et n°07-D-44 du 11 décembre 2007 du Conseil de la concurrence ; Lettre du Ministre de l'économie du 21 février 2001 précitée.
10 Voir la décision C2006-2 précitée
11 Voir la décision C2006-2 précitée