Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 08-42.792
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Trémouille, Caparros
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Rapporteur :
M. Ludet
Avocat général :
M. Carré-Pierrat
Avocats :
Mes Rouvière, Le Prado
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 2008), que M. Trémouille et Mme Caparros ont signé le 18 octobre 2004 un contrat de cogérance avec la société Distribution Casino France (ci après la société Casino) aux termes duquel ils ont accepté d'assurer l'exploitation d'une "supérette" située à Toulon, avenue du général Picot ; que par contrat du 1er juin 2005, ils ont accepté la gestion d'une autre "supérette" située à Toulon, boulevard du Maréchal Joffre ; qu'après un inventaire du 1er septembre 2005 faisant ressortir un manquant de marchandise et un excédent d'emballages dont il ressortait finalement un solde débiteur au compte général de dépôt des gérants, la société Distribution Casino France a décidé, par courrier du 8 décembre 2005, de rompre le contrat de cogérance ; qu'estimant abusive la rupture de ce contrat, M. Trémouille et Mme Caparros ont saisi la juridiction prud'homale pour voir juger qu'ils étaient liés à la société Casino par un contrat de travail et obtenir paiement de diverses indemnités ;
Sur le premier moyen du pourvoi : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen du pourvoi : - Vu les articles L. 782-1 et L. 782-7 du Code du travail applicables au litige ; - Attendu que pour débouter Mme Caparros et M. Trémouille de leur demande tendant au paiement de diverses sommes au titre de la rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a retenu qu'en cas de rupture à l'initiative du mandant, les gérants non salariés relevant des articles L. 782-1 du Code du travail bénéficient d'indemnités de rupture et de dommages intérêts à la condition de n'avoir pas commis de faute grave ou lourde ; que selon l'article 16 du contrat de gérance signé par les consorts Trémouille-Caparros, constitue une faute lourde le cas de manquant de marchandises ou d'espèces provenant des ventes ; qu'un inventaire, réalisé contradictoirement le 1er septembre 2005, a fait apparaître un manquant de marchandises de 6 237,51 euro et un excédent d'emballages de 715,48 euro ; que l'inventaire de reprise signé et approuvé par eux a fait ressortir un manquant de marchandises de 2 792,83 euro et un excédent d'emballages de 1 086,30 euro ; que l'arrêté de compte, signé le 20 octobre 2005, a fait ressortir un solde débiteur de 17 665,06 euro qui n'est pas sérieusement contesté ; que le fait de ne pas être en mesure de présenter les marchandises dont ils étaient dépositaires ou d'en restituer le prix constitue un manquement grave aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat de gérance ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris qui a rejeté les demandes en paiement d'indemnité de rupture et de dommages intérêts ;
Attendu cependant que, si le gérant non salarié d'une succursale peut être rendu contractuellement responsable de l'existence d'un déficit d'inventaire en fin de contrat et tenu d'en rembourser le montant, il doit, aux termes de l'article L. 782-7 susvisé, bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale ; qu'il en résulte qu'il ne peut être privé, dès l'origine, par une clause du contrat, du bénéfice des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles ; qu'il appartenait donc à la juridiction prud'homale, qui n'était pas liée par la définition donnée par la convention des parties des faits susceptibles d'en entraîner la rupture sans préavis ni indemnité, d'apprécier si les faits reprochés aux gérants étaient constitutifs d'une faute grave ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Caparros et M. Trémouille de leurs demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages intérêts, l'arrêt rendu le 11 mars 2008, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.