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Décisions

ADLC, 26 octobre 2009, n° 09-D-32

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par la société Photomaton

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Umberto Berkani, l'intervention de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, par Mme Anne Perrot, vice-présidente, présidente de séance, Mme Reine-Claude Mader-Saussaye, MM. Jean-Vincent Boussiquet, Yves Brissy, Noël Diricq, Jean-Bertrand Drummen, membres.

ADLC n° 09-D-32

26 octobre 2009

L'Autorité de la concurrence (section II),

Vu la lettre en date du 11 février 2008, enregistrée sous le numéro 08/0019 F, par laquelle la société Cybervitrine a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Photomaton et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu la décision n° 08-D-16 du 3 juillet 2008 rejetant la demande de mesures conservatoires ; Vu la décision de secret des affaires n° 09-DSA-111 du 15 juillet 2009 ; Vu les engagements proposés par la société Photomaton ; Vu les observations présentées sur ces propositions par la société EMG Process et par la société Cybervitrine en liquidation ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Photomaton entendus lors de la séance du 22 septembre 2009 ; La société Cybervitrine ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE ET SES SUITES

1. Le 11 février 2008, la société Cybervitrine a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Photomaton sur le marché des cabines de photographies d'identité et a sollicité, en outre, le prononcé de mesures conservatoires.

2. Au fond, la saisine soutient que la société Photomaton abuse de la position dominante qu'elle détient sur le marché " des cabines de photographies d'identité en France " et recense plusieurs catégories de pratiques :

* l'insertion dans ses contrats de clauses d'exclusivité de cinq ans ;

* l'insertion dans ses contrats de clauses de tacite reconduction ;

* la prolongation artificielle des contrats par la rédaction de clauses relatives à leur entrée en vigueur ;

* l'octroi d'avances sur recettes à ses cocontractants ;

* le refus de modification des contrats en cours d'exécution ;

* une politique de communication entretenant une confusion entre photos d'identité officielles et cabines Photomaton.

3. Dans sa décision n° 08-D-16 du 3 juillet 2008, le Conseil de la concurrence a estimé que les pratiques examinées étaient " susceptibles de constituer un abus de position dominante de la société Photomaton sur le marché de la location d'emplacements pour l'exploitation de cabines de photographies d'identité et que l'affaire [devait] donc être conservée au fond, mais qu'en l'absence d'une atteinte immédiate au marché ou de mesures nécessaires et proportionnées pour prévenir une atteinte grave et immédiate à l'entreprise plaignante, aucune mesure conservatoire ne [pouvait] être octroyée ".

4. Dans un arrêt du 8 août 2008, la Cour d'appel de Paris a considéré le recours formé par Photomaton contre cette décision irrecevable.

B. LE SECTEUR D'ACTIVITE CONCERNE

5. Le secteur concerné est celui de la photographie d'identité. Plusieurs méthodes permettent d'obtenir une photo d'identité. L'utilisateur peut se photographier lui-même et confier le développement de sa photo à une entreprise spécialisée ; il peut aussi utiliser un appareil numérique et tirer sa photo par l'intermédiaire de son équipement en micro informatique ou faire effectuer ce tirage par un appareil automatique en libre service. Il peut encore confier l'ensemble des opérations à un photographe. Il peut, enfin, utiliser une cabine automatique.

6. Le nombre de photos d'identité réalisé par an peut varier en fonction de divers facteurs, parmi lesquels l'introduction de nouveaux documents nécessitant l'apposition d'une photo d'identité ou la décision prise d'apposer une photo sur des documents existants, comme cela a été le cas récemment pour la Carte Vitale, ou encore des décisions comme la refonte en 2006 des normes à respecter pour les photographies destinées aux documents officiels. A l'inverse, des projets comme la réalisation gratuite en boutique RATP des photos nécessaires au Pass Navigo ou la mise en place dans 2 000 mairies de stations biométriques réalisant directement les photographies destinées aux passeports biométriques entraîneront une baisse du nombre de photos d'identité acquises en cabine ou auprès des photographes.

7. Sur le marché global de la photo d'identité, la demande émane des personnes qui souhaitent disposer d'une telle photo et l'offre résulte des divers opérateurs mettant en œuvre les diverses techniques, disponibles. Associés à ces diverses techniques et en amont du marché global de la photo d'identité et de ses divers sous-marchés, sont identifiables plusieurs marchés où l'offre et la demande concernent les appareils ou dispositifs permettant de réaliser les photos d'identité. Parmi ces marchés amont, deux sont particulièrement concernés par les pratiques en cause : le marché de l'achat et de la vente des cabines de photographie automatiques d'une part et le marché de l'exploitation de cabines automatiques sur des emplacements loués d'autre part.

8. Dans le premier cas, les fournisseurs assurent, pendant une durée plus ou moins longue, le service après-vente sur la machine, mais l'acheteur conserve une totale autonomie sur son utilisation, son entretien journalier ainsi que sur la récupération des recettes, dont il conserve l'intégralité. Le prix d'achat d'une cabine varie de 7 000 à 13 000 euro.

9. Le second cas donne lieu à la conclusion d'un contrat d'exploitation, parfois appelé contrat de concession d'emplacement ou convention d'occupation, aux termes duquel l'opérateur de cabines de photographies d'identité installe et exploite sur un (ou plusieurs) emplacement(s) désigné(s) une (ou plusieurs) cabine(s). Le fournisseur est alors responsable de l'utilisation, de l'entretien journalier et de la maintenance de la machine ainsi que de la récupération des recettes, dont il reverse une partie, entre 15 et 50 %, au détenteur d'emplacement, qui paye l'électricité.

10. Les contrats ainsi signés entre le détenteur d'emplacement et le fournisseur de cabines de photographies d'identité le sont pour une durée allant actuellement de un à six ans. Ces contrats fixent le montant des redevances, généralement proportionnel aux recettes, mais un minimum garanti peut également être prévu. Certains de ces contrats sont conclus dans le cadre de négociations individuelles. La concurrence entre les fournisseurs de cabines de photos d'identité sur ce marché se fait ainsi par le démarchage des différents emplacements.

11. Certains contrats font toutefois l'objet de consultations plus larges ou de procédures d'appels d'offres portant sur l'intégralité des emplacements d'un détenteur. La concurrence entre fournisseurs de cabines de photographies d'identité s'exerce alors pour l'obtention de ces marchés. S'agissant des réseaux de grandes surfaces de distribution, les contrats peuvent être, selon les réseaux, passés séparément avec chaque établissement, parfois dans les limites d'un contrat-cadre, ou donner lieu à la conclusion d'un seul contrat à un niveau centralisé.

12. Les sociétés de transport telles que la SNCF et la RATP (Promo Metro), les chaînes de supermarchés telles que Monoprix, Casino, Leclerc, ATAC, etc. ou encore les administrations constituent la clientèle principale des opérateurs de cabines de photographies d'identité.

C. LES SOCIETES CONCERNEES

1. LA SOCIETE CYBERVITRINE

13. La société Cybervitrine a été créée en 1997 au départ sous le nom initial de Focadine par d'anciens dirigeants de la société Photomaton. Elle comptait en 2007 une cinquantaine de salariés. Elle a, dans un premier temps, limité son activité à l'exploitation de bornes de développement photo interactives puis s'est lancée, en 2005, dans la commercialisation de cabines de photos d'identité, avec notamment une cabine dénommée Fotopod, adaptée aux personnes en fauteuil roulant. Au 1er janvier 2008, la société Cybervitrine avait installé 22 cabines en exploitation et en avait vendu 631.

14. La société Cybervitrine connaissant d'importantes difficultés financières, un mandataire ad hoc a été temporairement nommé en juillet 2007 afin de négocier des délais de paiement avec ses créanciers. Le 15 avril 2008, un jugement du tribunal de commerce de Tours a prononcé la mise en redressement judiciaire de la société Cybervitrine, avec fixation de la date de cessation des paiements au 15 mars 2008 et ouverture d'une période d'observation jusqu'au 15 octobre 2008. Le 6 mai 2008, un jugement du tribunal de commerce de Tours a prononcé la conversion du redressement en liquidation judiciaire. La société Cybervitrine est actuellement toujours en cours de liquidation.

2. LA SOCIETE Photomaton

15. La société Photomaton est une SAS, filiale du groupe anglais Photo-Me. Son périmètre actuel résulte de la fusion en 1998 entre les sociétés Portrex (filiale de Photo-Me) et Photomaton (filiale de Prontophot). La société Photomaton a pour activité l'exploitation de cabines de photos d'identité, de bornes de développement numérique en libre service, de distributeurs de gadgets pour enfants ou encore de manèges.

16. En 2008, le parc de cabines de la société Photomaton était composé de 6 396 cabines en exploitation, dont 669 sont installées dans des boutiques " Photomaton Service " lui appartenant en propre, ainsi que de 200 cabines qui ont été vendues à des détenteurs d'emplacement. Photomaton commercialise une grande variété de cabines de photographies d'identité aux caractéristiques différentes, dont une " cabine universelle " adaptée à différents types de handicaps (fauteuils roulants, handicap sonore, etc.). La cabine nommée Easy Booth représentait en 2008 un peu plus de la moitié des cabines installées. Photomaton a, par ailleurs, fait l'acquisition, en août 2007, de la société Soft, dont une partie de l'activité consistait dans la vente de cabines photos (environ 400 à 500 cabines vendues au total).

17. Le chiffre d'affaires de Photomaton s'est élevé en 2007 à 68,5 millions d'euro, dont un peu plus de 60 % relatifs aux cabines de photographies d'identité en exploitation. Elle rassemble environ 300 collaborateurs.

D. LE MARCHE CONCERNE ET LA PLACE DE Photomaton SUR CE MARCHE

18. Les pratiques dénoncées concernent au premier chef les contrats conclus entre la société Photomaton, fournisseur de cabines photos, et les détenteurs d'emplacement tels que la SNCF, la RATP, les grandes et moyennes surfaces de distribution ou les collectivités locales sur un marché situé en amont de celui, de détail, sur lequel les consommateurs sont susceptibles d'arbitrer entre divers moyens pour obtenir une photo d'identité. Sur ce marché, de dimension nationale, les opérateurs de cabines de photographies d'identité disposent d'équipes de commerciaux dont la fonction est de démarcher la clientèle potentielle de détenteurs d'emplacement ainsi que d'équipes de maintenance destinées à assurer les interventions sur les machines. Ils négocient les conditions d'exploitation avec leurs clients, notamment le montant de la redevance.

19. D'après les données obtenues à l'occasion de la procédure de mesures conservatoires, 10 000 à 12 000 cabines étaient installées en France en 2008, dont environ 7 000 en exploitation. Sur ce total, un peu moins de 7 000 cabines étaient des cabines Photomaton, dont 5 727 cabines en exploitation chez des détenteurs d'emplacement tiers. S'agissant de la location d'emplacements pour l'exploitation de cabines de photos d'identité, les cabines Photomaton représentent ainsi environ 82 % des cabines en exploitation chez des détenteurs d'emplacements. Son plus important concurrent, la société SCEM, exploite d'après les estimations qu'avait communiquées Photomaton environ 13 % du total des cabines en exploitation.

20. La part de marché de Photomaton sur le marché amont sur lequel sont conclus les contrats mis en cause est donc très importante, tant en valeur absolue qu'en valeur relative par rapport à ses concurrents. En outre, la société Photomaton bénéficie d'une importante notoriété dans ce secteur. Elle y est présente depuis de nombreuses années et Photomaton est en France la marque éponyme des cabines de photographies d'identité, voire des clichés eux-mêmes. La société Photomaton exploite en outre les cabines installées dans des sites importants en termes d'image et de visibilité, tels que ceux de la SNCF ou des stations du métro parisien.

21. Enfin, la taille de la société Photomaton, toutes activités confondues, lui donne un avantage par rapport à ses concurrents. Comme la plupart d'entre eux, elle est en effet également présente sur les marchés voisins de la distribution automatique (copieurs, ...) ou du développement numérique (bornes, ...). Son chiffre d'affaires total en 2007 était d'environ 68 millions pour un résultat de 5 millions environ, contre environ 4 millions pour un résultat de 3 500 euro environ pour la société SCEM. Photomaton est par ailleurs la filiale du groupe Photo-Me, présent dans de nombreux pays européens et mondiaux dans le secteur de la distribution automatique, notamment en photographie d'identité.

22. Photomaton est dès lors susceptible de détenir une position dominante sur le marché de la location d'emplacements pour l'exploitation de cabines de photographies d'identité. La procédure d'engagements ne nécessite néanmoins pas de prendre parti sur la dominance de Photomaton.

E. LES PRATIQUES CONCERNEES

23. Les éléments, recueillis au dossier sur les contrats de Photomaton en cours en juillet 2008 (soit plus de 4 000 contrats), sont recensés ci-dessous :

<emplacement tableau>

24. Sur les 5 727 cabines de Photomaton en exploitation chez des tiers (les cabines exploitées dans le cadre des Photomaton Services ne sont pas prises en compte), 76 à 79 % des cabines, représentant 79 à 82 % du chiffre d'affaires total de Photomaton sur les cabines en exploitation chez des tiers, sont régies par des contrats comprenant une exclusivité.

25. Les contrats concernés contenaient différentes rédactions des clauses d'exclusivité, et notamment :

- dans la section " Objet du contrat : La société autorise Photomaton SA à installer et à exploiter à titre exclusif, à l'adresse d'exploitation mentionnée ci-avant, l'équipement décrit plus haut " ;

- dans la section " Obligation à la charge de la "Société" : ne pas exploiter ou laisser exploiter un ou des appareils concurrents à l'équipement objet des présentes au sein de l'établissement désigné à la rubrique "lieu exact d'exploitation" ".

26. Ces clauses empêchent ainsi l'exploitation d'une cabine tant par un tiers que par le détenteur d'emplacement lui-même. Les contrats centralisés passés avec des sociétés pour tout ou partie de leurs emplacements contiennent, dans les proportions rappelées ci-dessus, des clauses d'exclusivité similaires visant l'intégralité du point de vente concerné (" l'adresse d'exploitation ") et dans certains cas l'intégralité du réseau (un minimum de cabines et d'emplacements étant généralement stipulé). Elles ont vocation à s'appliquer également aux cabines qui sont installées postérieurement au contrat (qu'elles soient ou non comprises dans un éventuel décompte initial).

27. Dans un certain nombre de cas, Photomaton accorde par ailleurs des primes d'exclusivité, soit forfaitaires, soit proportionnelles aux recettes.

28. Sur l'ensemble des contrats conclus par la société Photomaton pour l'exploitation de cabines en cours en juillet 2008, il apparaît que plus de 86 % des cabines (représentant plus de 82 % du chiffre d'affaires total de Photomaton sur les cabines en exploitation chez des tiers) sont régies par des contrats de trois ans et plus. Par ailleurs, entre 38 et 68 % des cabines (représentant 39 à 69 % du chiffre d'affaires en exploitation chez des tiers) sont régies par des contrats de cinq ans et plus.

29. Un certain nombre de ces contrats contient, en outre, une clause de tacite reconduction ainsi formulée : " La présente convention pourra être résiliée de part et d'autre, par lettre recommandée, trois mois avant sa date d'expiration. En l'absence de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, elle se renouvellera pour des périodes identiques. Photomaton SA se réserve le droit de résilier la présente convention, sous préavis d'un mois par lettre recommandée, en cas de rentabilité insuffisante ".

30. Il ressort de plus des éléments fournis par la société Photomaton que des clauses stipulant la date de départ de la durée contractuelle au jour de l'installation de la cabine plutôt qu'à la signature sont présentes dans certains contrats et que le délai pouvant intervenir entre la signature du contrat et l'installation effective de la cabine peut aller jusqu'à six mois, prolongeant d'autant la durée pendant laquelle le détenteur d'espace ne peut contracter avec un autre fournisseur de cabines. De plus, l'installation d'une cabine supplémentaire sur un même site, qui se fait en application d'un nouveau contrat, prolonge de facto la durée d'engagement du détenteur d'espace pour la première. Dans les cas où l'installation de cette deuxième cabine prend place à une date différente de la date d'échéance du contrat conclu pour la première cabine, le décalage entre les dates de fin de contrats a en effet pour conséquence que le détenteur ne peut pas, en vertu des dispositions contractuelles prévoyant une exclusivité sur " l'adresse d'exploitation ", faire appel à une offre concurrente lorsque son premier contrat arrive à échéance.

31. Il ressort enfin des éléments au dossier et des déclarations des parties que les clauses d'exclusivité prévues sont effectivement appliquées, la société Photomaton s'étant à plusieurs reprises opposée à leur levée.

F. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCEDURE D'ENGAGEMENTS

32. La société Photomaton s'étant déclarée prête à apporter des modifications aux clauses des contrats qu'elle conclut et les circonstances de l'espèce s'y prêtant, il a été décidé de recourir à la procédure d'engagements prévue au I de l'article L. 462-4 du Code de commerce.

1. LES PREOCCUPATIONS DE CONCURRENCE FORMULEES PAR LE RAPPORTEUR

33. Le rapporteur a exprimé des préoccupations de concurrence à Photomaton à l'occasion d'une audition ayant eu lieu le 9 juin 2009 et ayant fait l'objet d'un procès verbal, en exposant notamment les éléments qui suivent :

" Dans la présente affaire, le Conseil de la concurrence a rendu le 3 juillet 2008 une décision n° 08-D-16 relative à une demande de mesures conservatoires qui conclut à l'existence de pratiques susceptibles de constituer des abus de position dominante et exprime des préoccupations de concurrence quant aux pratiques survenues pendant la période concernée que le rapporteur partage.

S'agissant de la situation de Photomaton, il ressort de l'instruction et de la décision du Conseil de la concurrence que cette société est susceptible de détenir une position dominante sur un marché pertinent défini comme le marché de la location d'emplacements pour l'exploitation de cabines de photographies d'identité. La description de ce marché et la place dominante de Photomaton sont décrits aux paragraphes 36 à 51 de la décision n° 08-D-16.

S'agissant du fond des pratiques, c'est-à-dire de l'analyse des clauses des contrats passés par Photomaton avec les détenteurs d'emplacement, et notamment des clauses d'exclusivité, le raisonnement mené par l'Autorité de la concurrence lorsqu'elle analyse ce type de clauses est rappelé au paragraphe 53 de la décision n° 08-D-16 : " La conclusion de clauses d'exclusivité au bénéfice d'une entreprise en position dominante ne constitue pas, par elle-même, un abus à la condition que le comportement de l'opérateur dominant n'affecte pas la concurrence au-delà des restrictions qui sont la conséquence inévitable de sa position dominante. En effet, elles peuvent être nécessaires pour assurer la rentabilité d'une activité, par exemple du fait de l'existence d'investissements spécifiques ou du fait du caractère particulièrement risqué de l'activité. Toutefois, si de telles clauses ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou de restreindre directement ou indirectement le jeu de la concurrence sur le marché concerné, elles constituent par l'effet - constaté ou potentiel - d'éviction qu'elles comportent un abus de position dominante prohibé par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité CE (décision n° 03-MC-03, société Towercast contre TDF, du 1er décembre 2003 et n° 07-MC-01 société KalibraXE contre EDF, du 25 avril 2007) ".

Dès lors, l'analyse revient à vérifier que les clauses d'exclusivité et le cas échéant les autres clauses des contrats n'instaurent pas, en droit ou en pratique, une barrière artificielle à l'entrée sur le marché en appréciant l'ensemble de leurs éléments constitutifs : le champ d'application, la durée, l'existence d'une justification technique à l'exclusivité, et la contrepartie économique obtenue par le client.

Compte tenu des éléments au dossier, le jeu cumulé des différentes clauses présentes dans les contrats de Photomaton sont susceptibles de créer des barrières à l'entrée sur le marché, eu égard notamment au champ d'application et à la portée extensifs de la clause d'exclusivité concernant de 76 à 79 % des cabines (points traités aux paragraphes 57 à 61 de la décision n° 08-D-16), à la durée effective importante des contrats (3 ans et plus pour 86 à 89 % des contrats et 5 ans et plus pour 38 à 68 % des contrats, points traités aux paragraphes 62 et 63 de la décision n° 08-D-16), à l'inclusion de clauses de tacite reconduction (points traités aux paragraphes 64 à 68 de la décision n° 08-D-16), à la 10

prolongation artificielle possible des contrats, soit en décalant la date de départ de la durée contractuelle à l'installation effective d'une cabine, soit au moment de l'installation d'une cabine supplémentaire sur l'emplacement, renouvelant complètement la durée d'exclusivité (points traités aux paragraphes 69 à 74 de la décision n° 08-D-16) et à l'existence dans certains cas de contreparties financières à l'exclusivité (points traités aux paragraphes 89 et 90 de la décision n° 08-D-16).

L'effectivité de ces clauses est par ailleurs confirmée par les refus opposés à des cocontractants d'installer des cabines de concurrents, même si de tels refus ne sont pas anticoncurrentiels en tant que tels (points traités aux paragraphes 86 à 88 de la décision n° 08-D-16).

Enfin, à supposer que le principe de l'exclusivité puisse être justifié, les justifications financières présentées jusqu'ici par Photomaton sont insuffisantes, dès lors que les chiffres au dossier permettent en tout état de cause de conclure à un remboursement de l'investissement au bout de 3 ans et 5 mois (points traités aux paragraphes 75 à 85 de la décision n° 08-D-16).

Ces pratiques contractuelles sont susceptibles d'avoir pour effet de créer des barrières artificielles à l'entrée et à l'expansion sur le marché concerné. Sur ce point, la décision n° 08-D-16 décrit le fonctionnement concurrentiel du marché et les effets susceptibles d'être produits par les pratiques dénoncées (paragraphes 94 à 95) :

" D'une part, les contrats de Photomaton peuvent avoir des effets directs sur la concurrence sur le marché, relative aux emplacements individuels. Ces contrats sont ceux qui comprennent des clauses d'exclusivité qui, par le jeu des clauses de tacite reconduction et de l'éventuel chevauchement des contrats, sont susceptibles de rendre les emplacements concernés inaccessibles à la concurrence pour une durée indéterminée.

D'autre part, les difficultés d'accès à ces emplacements pour lesquels la négociation est individuelle sont susceptibles d'empêcher les concurrents d'atteindre peu à peu la taille critique nécessaire pour pouvoir répondre aux appels d'offres portant sur un nombre important de sites. L'effet de verrouillage des clauses d'exclusivité analysées ci-dessus est donc étendu aux appels d'offres lancés par d'importants détenteurs d'espace, bien que les contrats qui sont ensuite conclus entre eux et la société Photomaton ne comportent pas tous une clause d'exclusivité. L'organisation par les détenteurs concernés d'appels d'offres groupés peut néanmoins être justifiée, par exemple, afin d'assurer l'unité des services proposés ou la réduction des coûts de transaction, même si elle rend indisponible un grand nombre d'emplacements en une fois et réduit les possibilités de concurrence dans le marché. Il est traditionnellement admis, s'agissant notamment des droits exclusifs relatifs à des services d'intérêt général, que les risques anticoncurrentiels de ce type de situation sont limités lorsqu'une mise en concurrence suffisante pour les marchés existe périodiquement. Or, en l'espèce, les contrats passés par Photomaton avec des réseaux dans leur intégralité sont conclus, de même que les contrats individuels, pour des durées importantes, prolongées dans certains cas par d'autres clauses, notamment de tacite de reconduction et ne sont donc pas tous mis régulièrement en concurrence ".

Des pratiques comme celles présentées sont susceptibles d'être qualifiées au titre de l'article L. 420-2 du Code de commerce et, le cas échéant, de l'article 82 CE ".

2. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR Photomaton

34. Photomaton a proposé les engagements suivants le 9 juillet 2009 :

Premier engagement concernant la clause d'exclusivité :

La rédaction actuelle des contrats est la suivante :

"La "Société " autorise Photomaton SAS à installer et à exploiter à titre exclusif, à l'adresse d'exploitation mentionnée ci-avant, l'équipement décrit plus haut. ../..

Ne pas exploiter ou laisser exploiter un ou des appareils concurrents à l'équipement cité en page 1 des présentes au sein de l'établissement désigné à la rubrique " lieu exact d'exploitation".

Photomaton s'engage à ne pas conclure de contrat où figureraient des clauses d'exclusivité.

Aussi, au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, Photomaton s'engage à remplacer la clause ci-dessus par:

"La "Société" autorise Photomaton SAS à installer et à exploiter, à l'adresse d'exploitation mentionnée ci-avant, l'équipement décrit plus haut.

et à supprimer l'alinéa ;

" Ne pas exploiter ou laisser exploiter ...jusqu'à lieu exact d'exploitation."

Second engagement concernant la durée des contrats :

Tous les contrats signés à compter du 1er novembre 2008 par Photomaton avec ses clients, quels qu'ils soient, ont vu leur durée modifiée.

Ainsi, alors que les anciens contrats prévoyaient une durée maximum de 60 mois, les nouveaux contrats conclus depuis le 1er novembre 2008, ont été limités à 36 mois maximum.

Photomaton s'engage, à compter rétroactivement du 1er novembre 2008, à ne pas conclure de contrats supérieurs à 36 mois, cet engagement ne concerne pas les contrats conclus dans le cadre d'un appel d'offre où le cocontractant exigerait une durée supérieure.

Troisième engagement concernant la tacite reconduction :

La rédaction actuelle des contrats est la suivante :

" En l'absence de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, elle se renouvellera pour des périodes identiques. "

Photomaton s'engage à ne pas conclure de contrat où figurerait des clauses de tacite reconduction.

Aussi, au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, Photomaton s'engage à remplacer la clause ci-dessus par la clause suivante :

" En l'absence de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, elle se renouvellera pour des périodes d'un an. "

Quatrième engagement concernant la prise d'effet du contrat :

La rédaction actuelle des contrats prévoit que le contrat prend effet à la signature du contrat ou à l'installation du matériel.

Photomaton s'engage à ne pas conclure de contrat où figurerait une prise d'effet à la date de livraison du matériel.

Aussi, au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, Photomaton s'engage à limiter la prise d'effet des contrats à la date de leur signature.

Cinquième engagement concernant l'installation de nouveau matériel et durée du contrat :

La rédaction actuelle des contrats prévoit que l'installation d'un nouveau matériel équivaut à la signature d'un nouveau contrat et fait renouveler le contrat pour 5 nouvelles années.

Photomaton s'engage, au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, à prévoir que chaque contrat sera signé pour une durée de 36 mois et que cette durée ne vaudra que pour le matériel désigné au contrat. Une nouvelle période de 36 mois ne courra que si et seulement si un nouveau contrat (sur un nouveau matériel) est signé. Par ailleurs le contrat initial respectera sa période contractuelle ;

la nouvelle durée ne concernera que le matériel désigné ou nouveau contrat.

Aussi, au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, Photomaton s'engage à remplacer la clause ci-dessus par la clause suivante :

"Tout nouveau matériel installé avant l'expiration des présentes, fera l'objet d'un nouveau contrat spécifique, dont la durée et l'objet seront différents des présentes".

Sixième engagement concernant les primes d'exclusivité :

La rédaction actuelle des contrats prévoit, selon les contrats, des primes forfaitaires ou proportionnelles aux recettes.

Photomaton s'engage à ne pas conclure de contrat où figureraient des clauses de primes.

Aussi Photomaton s'engage, au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, à supprimer tout système de prime ".

3. LES REPONSES AU TEST DE MARCHE

35. Une synthèse des préoccupations de concurrence et les engagements proposés par Photomaton ont été mis en ligne le 16 juillet 2009. Les sociétés EMG Process et Cybervitrine ont formulé des observations, respectivement les 9 et 11 septembre 2009.

a) La société EMG Process

36. La société EMG Process, opérateur exerçant depuis la région de Rennes dans le domaine de la photographie numérique, indique qu'afin de libérer le marché, il devait être donné un effet immédiat à l'engagement de Photomaton relatif à la clause d'exclusivité, en prévoyant l'annulation rétroactive de cette clause sur tous les contrats signés avant novembre 2008.

37. Elle souhaite par ailleurs que Photomaton prenne l'engagement supplémentaire d'indiquer la fin des contrats en cours 6 mois à l'avance sur l'ensemble de son parc existant.

b) La société Cybervitrine en liquidation

38. La société Cybervitrine, en liquidation, a relevé une présentation contradictoire du troisième engagement, relatif à la clause de tacite reconduction, qui n'est pas supprimée mais modifiée. Elle craint par ailleurs que le renouvellement tacite par période d'un an ne supprime tout effet à l'engagement sur la réduction de durée des contrats et ne conduise en pratique à empêcher toute mise en concurrence à l'échéance des contrats, notamment pour les emplacements ne pouvant accueillir plusieurs cabines.

39. Elle estime en outre que, les engagements ne s'appliquant que pour les contrats conclus ou reconduits à venir, l'absence d'une modification des pratiques contractuelles actuelles concomitante à la prise des engagements risque de priver le marché d'un signal d'ouverture à la concurrence, pourtant important compte tenu de la durée des contrats et de la place de Photomaton sur le marché. Elle souhaite donc que Photomaton prenne l'engagement d'informer rapidement ses cocontractants des engagements souscrits et des modifications contractuelles à venir.

II. Discussion

40. Selon les disposition du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, modifié par l'article 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, l'Autorité de la concurrence peut " accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 ".

A. SUR LA RECEVABILITE DE LA REPONSE AU TEST DE MARCHE DE LA SOCIETE CYBERVITRINE EN LIQUIDATION

41. En séance, la société Photomaton a soutenu que l'une des réponses au test de marché était irrecevable, en raison de la dissolution pure et simple de la société Cybervitrine par l'effet du jugement du 6 mai 2008 ordonnant sa liquidation judiciaire qui lui interdirait de produire des observations. Elle a rappelé qu'elle avait déjà soulevé, à l'occasion de la procédure de mesures conservatoires, un moyen relatif à l'inexistence et, en tout état de cause, à l'absence de qualité à agir de Cybervitrine.

42. Sur ce point, l'Autorité relève que l'article R. 464-2 du Code de commerce dispose que le test de marché permet aux parties, au commissaire du Gouvernement et, le cas échéant, à des tiers intéressés de produire des observations. La réponse dont la recevabilité est remise en cause a été adressée au nom du liquidateur de la société Cybervitrine, qui est à l'origine de la saisine de l'Autorité de la concurrence. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tel que formulé par Photomaton, cette réponse émane à tout le moins d'un " tiers intéressé " et est de ce fait conforme aux conditions fixées par le Code de commerce.

43. Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter du dossier la réponse au test de marché faite au nom de la société Cybervitrine en liquidation.

B. SUR L'APPRECIATION DES ENGAGEMENTS

44. Dans son communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, l'Autorité de la concurrence a indiqué que, si le Code de commerce ne précise pas la typologie des comportements susceptibles de faire l'objet d'engagements, elle n'applique pas la procédure d'engagements dans les cas où, en tout état de cause, l'atteinte à l'ordre public économique impose le prononcé de sanctions pécuniaires, notamment lorsque le dommage à l'économie généré est important. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

45. Les pratiques concernées étant néanmoins susceptibles de restreindre l'accès au marché, le recours à la procédure d'engagements offre l'intérêt de privilégier un rétablissement volontaire rapide de la concurrence sur le marché. Cette procédure permet que soient mises en place des solutions concrètes, élaborées par une entreprise qui a pris conscience de la nécessité d'opérer des changements juridiques sur ses contrats. L'entreprise ici concernée représentant une part substantielle du marché, et donc des contrats qui y sont signés, les avantages attendus de la procédure d'engagements sont de permettre une rupture nette dans les pratiques sur le marché et un retour rapide à un environnement concurrentiel plus sain.

46. Pour atteindre ces objectifs, il appartient à l'Autorité de vérifier que les engagements proposés par Photomaton sont de nature à mettre un terme au risque identifié de création de barrières artificielles à l'entrée et à l'expansion sur le marché, en examinant chacun des éléments qui sont considérés comme susceptibles de constituer une telle barrière.

47. L'Autorité doit par ailleurs s'assurer que les conditions de mise en œuvre de ces engagements les rendent effectifs et garantissent à court terme un bénéfice réel pour le fonctionnement de la concurrence sur le marché.

1. SUR LE CONTENU DES ENGAGEMENTS PROPOSES

48. Les engagements de la société Photomaton concernent directement la quasi-totalité des éléments relevés dans l'évaluation préliminaire.

a) Sur les premier et sixième engagements relatifs aux clauses et primes d'exclusivité

49. L'évaluation préliminaire formulée concernait au premier chef le champ et la portée des clauses d'exclusivité stipulées dans les contrats de Photomaton, des primes ayant par ailleurs été dans certains cas consenties pour inciter les cocontractants à accorder une exclusivité.

50. Le premier engagement supprime purement et simplement la clause d'exclusivité des contrats. Le sixième engagement proscrit, en sus de la suppression de l'exclusivité elle-même, tout système de primes d'exclusivité dans les contrats conclus par Photomaton. Ces engagements sont donc susceptibles de répondre aux préoccupations de concurrence sur ces points.

51. Néanmoins, la rédaction proposée du premier engagement mentionne uniquement les clauses explicites d'exclusivité telles que figurant actuellement dans les contrats. L'Autorité serait en droit de poursuivre la société Photomaton pour non-respect de ses engagements, si celle-ci, sans réinsérer des clauses identiques, concluait à l'avenir des contrats comprenant des clauses ou des mécanismes aboutissant au même résultat (arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 février 2006, Decaux). Ainsi, pour une sécurité plus grande sur la portée de l'engagement et pour un contrôle plus aisé, l'Autorité a souhaité que Photomaton élargisse la formulation de son engagement aux mécanismes produisant des conséquences juridiques similaires aux clauses d'exclusivité.

52. En outre, telle que proposée, la rédaction du sixième engagement pourrait être interprétée comme interdisant à Photomaton l'octroi de toute forme de prime, qu'elle soit ou non liée à une exclusivité. Ainsi interprété, l'engagement dépasserait à l'évidence ce qui est pertinent et nécessaire pour répondre aux préoccupations de concurrence exprimées. Pour une plus grande clarté, cet engagement pourrait donc être utilement rapproché du premier engagement et le type de prime concerné pourrait être explicité.

53. Compte tenu des remarques formulées aux deux paragraphes précédents, Photomaton a modifié sa proposition d'engagements par courrier du 6 octobre 2009 adressé à l'Autorité.

b) Sur les engagements relatifs à la durée effective des contrats

54. Des préoccupations de concurrence ont été exprimées quant à la durée importante des conventions exclusives signées, atteignant fréquemment cinq ans et dépassant ainsi largement la durée nécessaire pour rentabiliser une cabine, telle que calculée d'après les éléments communiqués par Photomaton. Cette durée est au surplus dans les faits étendue par le jeu de clauses de tacite reconduction, par les dispositions permettant de retarder la prise d'effet des contrats et par les conséquences sur la durée de l'installation d'un nouveau matériel.

Sur le deuxième engagement relatif à la durée initiale des conventions

55. Le deuxième engagement limite à 36 mois la durée maximale des conventions signées par Photomaton, qui atteignaient auparavant fréquemment 60 mois. Ajouté à la suppression de l'exclusivité consentie à Photomaton, cet engagement contribue à fluidifier le marché et est susceptible de répondre aux préoccupations de concurrence sur ce point.

56. Une exception à la durée de 3 ans est prévue pour les " appels d'offres où le cocontractant exigerait une durée supérieure ". Cette exception, qui n'a fait l'objet d'aucun commentaire lors du test de marché, paraît légitime, afin que la société Photomaton ne soit pas empêchée par ses engagements de répondre à ce type de consultations. Cette exception ne remet par ailleurs pas en tant que telle en cause les effets positifs attendus des engagements. L'Autorité précise à cet égard qu'une telle exception ne pourra en aucun cas être étendue à la clientèle diffuse, dont la conquête est dans un premier temps nécessaire aux concurrents de Photomaton pour pouvoir prétendre répondre à terme aux appels d'offres (mécanisme précisé au paragraphe 95 de la décision n° 08-D-16 du Conseil de la concurrence du 3 juillet 2008).

57. A cet égard, la rédaction de l'engagement, telle que proposée, nécessiterait une précision quant au champ de ce que recouvre le terme " d'appels d'offres ", incluant les éléments caractéristiques de ce genre de procédures, qu'elles soient publiques ou privées : une mise en concurrence, la rédaction d'un cahier des charges et une publicité. Photomaton a modifié sa proposition d'engagements en ce sens.

Sur le troisième engagement relatif à la clause de tacite reconduction

58. Le troisième engagement modifie la clause de tacite reconduction actuellement en vigueur. Il en maintient le principe mais limite la période de renouvellement à un an.

59. Dans sa réponse au test de marché, la société Cybervitrine en liquidation critique la rédaction et le contenu de cet engagement. Elle estime, sur la forme, que la présentation de l'engagement de Photomaton est contradictoire et, sur le fond, que le renouvellement tacite par période d'un an supprime tout effet à l'engagement sur la réduction de durée des contrats et conduit en pratique à empêcher toute mise en concurrence à l'échéance des contrats, notamment pour les emplacements ne pouvant accueillir plusieurs cabines.

60. La rédaction de l'engagement nécessite effectivement une clarification par rapport à la version proposée et Photomaton a, pour ce faire, modifié sa proposition d'engagements.

61. Sur le fond, il est par ailleurs vrai que la tacite reconduction facilite par définition un allongement de la durée d'engagement. Dans la décision n° 08-D-16 précitée, le Conseil de la concurrence a d'ailleurs précisé les effets négatifs des clauses de tacite reconduction qui, " en favorisant le maintien des relations contractuelles au-delà de la première période d'engagement, (...) renforcent l'effet de fermeture du marché " (paragraphes 66 à 68).

62. Cependant, le marché est en l'espèce en partie composé de contrats diffus dispersés dans le temps et dans l'espace. Les reconductions tacites permettent dans ce contexte de réduire les coûts de transaction liés au renouvellement des contrats et présentent de ce fait des avantages de gestion évidents, tant pour Photomaton que pour les détenteurs d'emplacement. Ce seul argument ne pourrait cependant suffire à justifier une clause de tacite reconduction qui entrainerait dans les faits un blocage du marché.

63. Mais, contrairement à la situation actuelle, la durée des reconductions tacites prévues par les engagements (un an en l'absence de dénonciation trois mois avant expiration) est courte et permet de bénéficier des avantages afférents à la tacite reconduction tout en n'apparaissant pas de nature à empêcher une remise en cause suffisamment régulière, par les concurrents de Photomaton, de la relation commerciale désormais établie sans exclusivité. Par ailleurs, on relèvera qu'un contrat tacitement reconduit pour un an engagera un détenteur d'emplacement pour une durée moins longue que celle qui résulterait de la résiliation d'un contrat immédiatement suivi, sans qu'une mise en concurrence ne soit obligatoire, par un nouveau contrat pouvant alors aller jusqu'à trois ans.

64. Ainsi, la mise en place de clauses de reconduction tacite dans des contrats non exclusifs pour des durées limitées à un an crée, compte tenu de la brièveté de la période reconduite, une situation suffisamment fluide pour justifier de telles clauses eu égard aux avantages de gestion qu'elles procurent. Elle répond aux préoccupations de concurrence sur ce point.

Sur les quatrième et cinquième engagements relatifs à la prise d'effet du contrat et à l'installation de nouveau matériel

65. Les stipulations insérées dans les contrats actuels de Photomaton permettent une prolongation artificielle de la durée initiale de ces derniers. Tout d'abord, la prise d'effet peut être retardée à l'installation du matériel, pouvant intervenir jusqu'à six mois après la signature. Ensuite, en cas d'ajout de nouveau matériel, des contrats conclus pour " l'emplacement " étendent dans les faits la durée de l'exclusivité par le chevauchement des périodes contractuelles.

66. Les quatrième et cinquième engagements unifient et clarifient les dates de départ et l'objet des conventions conclues par Photomaton. Celles-ci débuteront systématiquement à la signature des contrats et auront pour objet uniquement les matériels précisément indiqués, de sorte qu'en cas d'ajout, le nouveau contrat ne concernera que le matériel supplémentaire. Sur ce dernier point, la rédaction actuelle laisse subsister un doute sur les conséquences du remplacement d'une cabine en cours de contrat (par un modèle plus performant, etc.). Photomaton a modifié sa proposition d'engagements en précisant que le remplacement d'une cabine en cours de contrat ne faisait pas l'objet d'un nouveau contrat ni n'en modifiait les termes.

67. Ainsi corrigés, les deuxième, troisième, quatrième et cinquième engagements, combinés à la suppression de l'exclusivité, limitent la durée d'engagement aux obligations contractuelles initialement consenties par les détenteurs d'emplacement et répondent aux préoccupations de concurrence.

c) Conclusion sur le contenu des engagements

68. Les engagements proposés par Photomaton répondent sur le fond aux différents éléments retenus dans l'évaluation préliminaire. Les clauses contractuelles telles qu'elles résultent des engagements proposés, à condition que les modifications évoquées ci-dessus soient appliquées, écartent le risque de barrière artificielle à l'entrée ou à l'expansion d'un nouveau concurrent sur le marché concerné. Les engagements proposés répondent aux préoccupations de concurrence, si tant est que les conditions de leur mise en œuvre en garantissent l'effet utile.

2. SUR LA MISE EN OEUVRE DES ENGAGEMENTS PROPOSES

69. Les engagements de la société Photomaton comportent des indications sur leur mise en œuvre dans le temps, qu'il convient d'analyser afin de s'assurer qu'elles ne vident pas les mesures proposées de tout ou partie de leur intérêt.

70. Le test de marché a suscité des observations sur ce point et sur l'éventualité que Photomaton diffuse, concomitamment à la mise en place de ses engagements, un certain nombre d'informations.

a) Sur la date de mise en œuvre des engagements

71. La formulation proposée sur la mise en œuvre des engagements est la suivante : " ces engagements seront exécutés au fur et à mesure de la signature de nouveaux contrats, ou à l'expiration des contrats en cours ou encore avant renouvellement pour tacite reconduction, si tel était le cas ".

72. Elle prévoit ainsi la mise en œuvre des engagements pour tous les contrats à venir et, pour les contrats en cours à la date des engagements, dès l'échéance de la période contractuelle (qu'il s'agisse de la période initiale ou de celle résultant d'une reconduction, tacite ou non, antérieure aux engagements), et en cas de modification.

73. Il convient de l'interpréter comme excluant également qu'un avenant puisse prolonger la durée d'un contrat en cours et ainsi reculer la date initiale " d'expiration des contrats " : cette interprétation pourrait être explicitée pour plus de clarté.

74. Cette formulation exclut de plus que l'application effective des engagements puisse être retardée par le jeu de reconductions tacites des contrats en cours aux conditions actuelles. En pratique, elle aura pour effet de contraindre Photomaton, soit à dénoncer les contrats arrivant à échéance (trois mois avant expiration au plus tard), soit à obtenir des détenteurs d'emplacement qu'ils signent des avenants modifiant le contrat dans le sens des engagements (notamment, en supprimant l'exclusivité et limitant les reconductions à des périodes d'un an).

75. Tels que rédigés, les engagements seront donc mis en œuvre progressivement au fil de l'échéance des contrats actuellement en cours.

76. Les réponses au test de marché estiment que cette situation sera préjudiciable à l'effectivité des engagements par rapport à une situation où ceux-ci seraient immédiatement mis en œuvre. La société EMG Process souhaite à cet égard " une annulation pure et simple de la clauses d'exclusivité sur tous les contrats signés avant novembre 2008 ".

77. La rédaction des engagements, telle que proposée, ne garantit pas une effectivité complète des engagements, notamment pendant la durée de transition jusqu'à l'échéance des contrats en cours. L'hypothèse qu'un cocontractant de Photomaton puisse souhaiter lever une clause d'exclusivité avant l'échéance de son contrat n'est à cet égard pas théorique. En effet, pour mémoire, la décision n° 08-D-16 relève des cas de refus opposés à des cocontractants d'installer des cabines de concurrents qui, même s'ils ne sont pas anticoncurrentiels en tant que tels, participent au risque de création de barrière artificielle à l'entrée ou à l'expansion d'un concurrent sur ce marché.

78. Mais, ainsi que le mentionne le communiqué de procédure de l'Autorité de la concurrence du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, " les engagements pris par l'entreprise pour répondre aux préoccupations de concurrence sont variés, mais ne peuvent lier qu'elle-même. Si ces engagements produisent des effets juridiques directs et immédiats sur la situation juridique d'une entreprise tierce, de nature à affecter substantiellement sa position concurrentielle sur le marché concerné, il est souhaitable d'appeler cette entreprise dans la procédure afin qu'elle puisse s'associer aux engagements souscrits ; dans le cas contraire, la procédure d'engagements a peu de chance de prospérer " (paragraphe 38).

79. Or, en l'espèce, pour modifier un contrat en cours en intégrant les engagements souscrits, l'accord du détenteur d'emplacement concerné est nécessaire et Photomaton ne peut s'engager devant l'Autorité à l'obtenir. La situation est identique en isolant la seule clause d'exclusivité, dont la disparition conditionne vraisemblablement d'autres clauses, telles que la rémunération du détenteur d'emplacement, et nécessitera de ce fait également l'accord des deux parties.

80. Il n'apparaîtrait pas réaliste, pour remédier à cette situation, d'associer l'intégralité des cocontractants de Photomaton à la procédure. Il n'apparaîtrait pas non plus pertinent que Photomaton s'engage uniquement à proposer dans un bref délai une modification contractuelle à ses cocontractants. Une telle obligation de moyen (sur la proposition) plutôt que de résultat (sur la modification) ne renforcerait pas en tant que telle l'effectivité des engagements pris et serait au surplus difficilement vérifiable.

81. Les seules possibilités réelles pour Photomaton de mettre en œuvre ses engagements à bref délai et de renforcer leur effectivité transitoire se limitent donc à ne pas s'opposer à une levée d'exclusivité qui lui serait demandée par l'un de ses cocontractants, moyennant s'il y a lieu une modification équilibrée et négociée de bonne foi des stipulations financières du contrat qui seraient liées à l'exclusivité. Cette mesure n'était pas prévue dans les engagements proposés le 9 juillet 2009 mais est de nature à en accroître significativement l'effet utile.

82. Compte tenu des remarques exposées précédemment (paragraphes 73, 74, 77 et 79 à 81), Photomaton a modifié sa proposition, qui prévoit ainsi un engagement propre relatif aux dates et aux conditions de mise en œuvre des engagements.

b) Sur les informations concomitantes à la prise des engagements

83. Dans leurs réponses au test de marché, les sociétés EMG Process et Cybervitrine en liquidation ont sollicité la diffusion par Photomaton d'informations, respectivement aux concurrents et aux cocontractants, concomitamment à la mise en œuvre des engagements.

84. EMG Process propose que Photomaton donne à ses concurrents des informations sur ses contrats arrivant à échéance sur l'ensemble de son parc existant dans les six prochains mois.

85. Cybervitrine propose que Photomaton s'engage à diffuser une information à ses cocontractants sur les engagements souscrits et sur les modifications contractuelles à survenir, afin que le signal d'ouverture à la concurrence, important compte tenu de la position de Photomaton et de la durée des contrats, soit clair et que le marché prenne conscience des possibilités qui lui sont désormais offertes.

86. S'agissant de la demande d'EMG Process, il est vrai que l'Autorité de la concurrence a déjà relevé les difficultés liées à la faible visibilité sur les échéances de contrats exclusifs, par exemple dans l'avis n° 09-A-42 du 7 juillet 2009 sur les relations d'exclusivité entre activités d'opérateurs de communications électroniques et activités de distribution de contenus et de services (notamment aux paragraphes 48 et 60).

87. Cependant, cette question doit être examinée en tenant compte de l'ensemble des éléments susceptibles de constituer des barrières à l'entrée. Au cas d'espèce, la mesure proposée par EMG Process conduirait Photomaton à communiquer à ses concurrents des informations importantes et sensibles. Or, tout d'abord, un engagement définitif de ce type ne s'impose pas dès lors que l'exclusivité est abandonnée dans le cadre des engagements. Ensuite, même un engagement transitoire limité à l'arrivée à échéance des contrats exclusifs révèlerait unilatéralement l'état exact du fonds de commerce actuel de Photomaton sur son marché principal.

88. Une telle mesure, qui donnerait un avantage aux concurrents de Photomaton, n'apparaît pas nécessaire à la mise en œuvre effective des engagements. Elle n'irait par ailleurs pas dans le sens d'un fonctionnement plus efficace du marché. Les procédures d'engagements ont en effet pour but d'obtenir que l'entreprise cesse ou modifie de son plein gré, pour l'avenir, des comportements ayant suscité des préoccupations de concurrence, ce avant toute appréciation et toute qualification définitive des faits. Dans l'environnement plus concurrentiel tel qu'il pourrait résulter des engagements, il appartiendra aux concurrents de Photomaton, plutôt que se voir divulguer des informations stratégiques, d'être actifs en procédant à une veille concurrentielle de l'état des marchés disponibles. Il appartiendra de la même façon aux détenteurs d'emplacement de faire jouer la concurrence à leur avantage et de se signaler aux différents opérateurs.

89. Il n'en demeure pas moins que ce mécanisme concurrentiel ne pourra jouer pleinement que sous réserve d'une prise de conscience par les détenteurs d'emplacements des possibilités que leur offre la mise en place des engagements de Photomaton, s'agissant par exemple de la possibilité qui leur est reconnue d'entrer en négociation pour lever la clause d'exclusivité avant l'échéance des contrats en cours.

90. La diffusion d'une information aux cocontractants sur les engagements et leur portée apparaît ainsi nécessaire pour garantir l'effet utile des engagements sur le fonctionnement du marché et pour que ce dernier puisse bénéficier rapidement des bienfaits attendus. A défaut, les détenteurs d'emplacement pourraient ne pas être pleinement conscients de la portée des modifications opérées, par le biais d'avenants ou de nouveaux contrats, laissant l'initiative d'une éventuelle dynamisation du marché aux seuls concurrents de Photomaton.

91. Compte tenu de ces remarques, Photomaton a modifié sa proposition d'engagements, qui prévoit ainsi un engagement relatif à la diffusion d'une information à ses cocontractants dont le contrat comporte une clause d'exclusivité sur les modifications contractuelles à venir et leurs modalités.

3. CONCLUSION

92. L'Autorité considère que les engagements de la société Photomaton, corrigés ou précisés par les modifications que cette dernière a proposées à l'issue des débats et confirmées dans un courrier du 6 octobre 2009, répondent aux préoccupations de concurrence soulevées par le rapporteur et présentent un caractère crédible et vérifiable. Il y a donc lieu d'accepter les engagements de la société Photomaton et de clore la procédure.

Décision

Article 1er : L'Autorité accepte les engagements pris par la société Photomaton, qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la décision.

Article 2 : La saisine enregistrée sous le numéro 08/0019 F est close.