ADLC, 4 septembre 2009, n° 09-DCC-38
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la fusion des coopératives Limagrain et Domagri
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 16 juin 2009 et déclaré complet le 31 juillet 2009, relatif à la fusion des coopératives Limagrain et Domagri, formalisée par un projet de contrat de fusion en date du 28 mai 2009 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. La coopérative Limagrain est une société coopérative agricole qui compte environ 600 agriculteurs coopérateurs répartis sur la région Auvergne. La société coopérative Limagrain forme, avec l'ensemble de ses filiales, le groupe coopératif Limagrain (ci-après " Limagrain "). Limagrain est principalement actif dans le secteur de la production et commercialisation de semences, activité qui représente environ 80 % de son chiffre d'affaires. Limagrain opère également dans les secteurs traditionnels des coopératives céréalières à savoir la multiplication des semences, la collecte et la commercialisation des céréales produites par ses agriculteurs associés ainsi que la distribution, auprès de ces derniers, de produits de l'agrofourniture (essentiellement des semences de maïs et de blé). Par ailleurs, Limagrain produit et commercialise des farines (fonctionnelles, de semoules et de maïs) ainsi que des produits de panification. Enfin, Limagrain distribue à Paris des produits de jardinage, bricolage et aménagements extérieurs au travers d'un point de vente sous enseigne Vilmorin ainsi que des bouteilles de vins (rouges, blancs et rosés) qu'il a préalablement produit par le biais de sa filiale La Cave Saint-Verny*.
2. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes réalisé par Limagrain en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 1 118 millions d'euro, dont 314 millions d'euro en France.
3. La coopérative Domagri est une société coopérative agricole qui compte environ 3 700 agriculteurs coopérateurs répartis sur le département du Puy-de-Dôme. La société coopérative Domagri et ses filiales forment le groupe coopératif Domagri (ci-après " Domagri "). Domagri a pour principales activités la multiplication de semences, la collecte et la commercialisation des céréales produites par ses agriculteurs associés ainsi que la distribution, auprès de ces derniers, de produits de l'agrofourniture (à savoir des semences, des produits phytosanitaires, des engrais...). Domagri produit et commercialise également de la farine biologique traditionnelle par le biais de la société Meunière du Centre ainsi que des produits de panification via sa filiale La Gerbe d'Or. Enfin Domagri distribue des aliments à destination des animaux (ovins, bovins, caprins, porcins et volailles) ainsi des produits de jardinage, bricolage et aménagements extérieurs au travers de six points de vente exploités sous enseigne " Gamm Vert " situés dans les départements du Puy-de-Dôme et de l'Allier.
4. Le chiffre d'affaires total mondial hors taxes réalisé par le groupe Domagri en 2008, dernier exercice clos, s'élève à 88 millions d'euro, dont 84 millions d'euro en France.
5. L'opération consiste en la fusion par absorption de la coopérative Domagri par la coopérative Limagrain.
6. En ce qu'elle se traduit par la fusion de deux sociétés antérieurement indépendantes, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. Les parties sont présentes à différents stades de l'industrie céréalière : production et commercialisation de semences, multiplication de semences, agrofourniture (distribution de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires), collecte de céréales, commercialisation de céréales, production et commercialisation de farine et de produits de boulangerie.
8. Les parties sont également actives sur le marché de la distribution grand public de produits de jardinage, bricolage et aménagements extérieurs. Cependant, leurs points de vente respectifs étant situés dans des régions différentes et compte tenu de la délimitation géographique par zone de chalandise d'un rayon de 20 minutes retenue par la pratique décisionnelle (1), il peut d'emblée être conclu que l'opération n'est pas susceptible d'avoir des effets sur ce marché.
A. LES MARCHÉS DE LA PRODUCTION ET DE LA COMMERCIALISATION DE SEMENCES
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
9. Le marché de la production et de la commercialisation de semences recouvrent à la fois :
i. la recherche et la sélection variétale réalisées en amont et qui débouchent, pour une espèce déterminée, sur la création de variétés végétales, c'est-à-dire de sous-ensembles de l'espèce possédant un matériel héréditaire commun ;
ii. la production et la commercialisation de semences aux agriculteurs utilisateurs proprement dite.
10. Les autorités de concurrence, tant communautaire que nationale, considèrent que ces deux activités constituent un marché pertinent de produits unique (2).
11. Par ailleurs, elles (3) distinguent autant de marchés pertinents qu'il existe de types de semence, ces dernières n'étant pas mutuellement substituables.
12. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
13. La pratique décisionnelle communautaire et nationale (4) estime que le marché de la production et commercialisation de semences est de dimension nationale. La Commission a, en effet, relevé que les prix et les conditions d'approvisionnement des clients différaient d'un Etat membre à l'autre. Par ailleurs, elle a noté que les semences commercialisées étaient développées en fonction des conditions de culture des zones géographiques auxquelles elles étaient destinées.
14. Cependant, la Commission relève une certaine " européanisation " du secteur des semences en soulignant que la certification délivrée par un Etat membre entraîne l'inscription au catalogue européen et permet la libre commercialisation des semences en Europe.
15. Au cas d'espèce, l'analyse portera, au titre des effets verticaux, sur le marché national de la production et commercialisation de semences de blé tendre sur lequel Limagrain est seul présent.
16. Toutefois, la question de la délimitation géographique exacte de ce marché peut demeurer ouverte car, quelque soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.
B. LES MARCHÉS DE LA MULTIPLICATION DE SEMENCES
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
17. La pratique décisionnelle, aussi bien communautaire que nationale (5), envisage l'existence d'un marché de la multiplication de semences, distinct de la production et commercialisation de semences et correspondant à la phase au cours de laquelle des établissements multiplicateurs transmettent les semences de base à des agriculteurs en vu de leur multiplication. Sont présents sur ce marché, du côté de l'offre, les coopératives ainsi que les agriculteurs multiplicateurs.
18. Les autorités de concurrence ont également envisagé une segmentation du marché de la multiplication selon le type de semence.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
19. Les autorités de concurrence, tant communautaire que nationale (6), ont délimité les marchés de la multiplication de semences en fonction de critères climatiques, les zones ainsi définies couvrant parfois plusieurs Etats membres. La Commission a par ailleurs considéré que les marchés ainsi délimités devaient inclure la totalité des zones climatiques mondiales similaires.
20. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération. Cependant, pour les besoins de l'analyse, les parties ont uniquement fournies des données au niveau national.
21. Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés nationaux (et par zone climatique) de la multiplication de semences de blé tendre et d'orge, qui seront prise en compte au titre de l'analyse des effets horizontaux de l'opération.
C. LES MARCHÉS DE L'AGROFOURNITURE
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
22. En matière d'agrofourniture, la pratique décisionnelle nationale (7) distingue la distribution de semences, la distribution d'engrais, la distribution de produits phytosanitaires et la distribution d'autres matériels agricoles.
23. Les autorités de concurrence nationales ont également envisagé, pour chaque famille de produits, une segmentation en fonction des types de cultures (maraîchage, polyculture).
24. Enfin, s'agissant de la distribution de semences, les autorités de concurrence nationales (8) ont considéré l'existence d'un segment particulier constitué des semences destinées à l'agriculture biologique.
25. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération. Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives sur le marché de l'agrofourniture en semences non biologiques destinées à la polyculture.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
26. S'agissant des marchés de la commercialisation de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, la pratique décisionnelle (9) retient une dimension locale. De fait, l'analyse de ces marchés s'effectue souvent au niveau départemental.
27. Les parties notifiantes considèrent cependant que le marché géographique pertinent est de dimension supra-départementale (à savoir " au moins régionale voire nationale ").
28. En ce sens, les parties citent la Commission européenne qui, dans sa décision n° IV/M.0026 Cargill/Unilever du 20 décembre 1990 relative au marché du négoce agricole en général, avait relevé que les négociants livraient les agriculteurs en semences, engrais et produits agro-chimiques dans un rayon de 100 miles (environ 160 kilomètres) autour de leur magasin.
29. Les parties ajoutent par ailleurs que si, par le passé, les agriculteurs privilégiaient la proximité physique du distributeur, cette réalité tend aujourd'hui à disparaître, ceci notamment pour les raisons suivantes :
- l'émergence d'opérateurs de dimension nationale se livrant à la vente de produits à partir d'une seule plateforme de stockage nationale ;
- l'implantation de bureaux de vente par les grands négociants dans les différentes régions françaises, leur permettant d'assurer un relais commercial local ;
- l'apparition et le développement significatif de la vente à distance, par internet (dont l'usage s'est généralisé notamment grâce au développement de l'ADSL et à l'accoutumance de ce mode d'achat) et par téléphone (mise en place de plateaux de télémarketing ou de centre d'appels par les nouveaux opérateurs) ;
- des délais de livraison très courts en cas d'achat à un opérateur disposant d'une plateforme unique en France, ce qui limite fortement les avantages, en termes de services, dont pourraient disposer les distributeurs implantés localement ;
- l'importance des volumes de produits achetés par les agriculteurs eux-mêmes qui implique une impossibilité pour eux de prendre possession des produits acquis dans les magasins de leur coopérative, et donc favorise la livraison et retire encore de l'intérêt à la proximité géographique.
30. Ces arguments ont également été relevés par le ministre dans sa décision C2008-112 du 5 décembre 2008.
31. S'agissant de l'agrofourniture en semences, le test de marché réalisé dans le cadre de l'instruction a confirmé la présence de distributeurs à distance. Cependant, les volumes vendus par ce canal de distribution ne représentent pas, à l'heure actuelle, une part significative de l'ensemble des ventes de semences.
32. Le test de marché a également révélé, dans la région Auvergne, une grande disparité des distances séparant les agriculteurs utilisateurs des magasins exploités par les distributeurs, distance dont la moyenne varie, selon les distributeurs interrogés, entre 10 et 100 kilomètres. Le test a cependant confirmé pour une majorité de distributeurs de semences, l'existence de services de livraison mis à la disposition des acheteurs. Selon les réponses obtenues, il semble par ailleurs que la distance maximum à partir de laquelle la livraison de semences n'est plus rentable soit d'environ 100 kilomètres.
33. Compte tenu d'une part, de la possibilité offerte aux agriculteurs de se faire livrer les volumes achetés et, d'autre part, du rayon de livraison qui peut être couvert par les distributeurs de semences, il ne peut être exclu que la dimension géographique du marché de l'agrofourniture en semences soit de dimension supra départementale.
34. Au cas d'espèce, eu égard à la situation géographique du département du Puy-de Dôme, situé au centre de l'Auvergne, l'analyse du marché de l'agrofourniture en semences sera menée au niveau de la région précitée. Cependant, en l'absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte de ce marché peut demeurer ouverte.
D. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
35. Le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 07-D-16 du 9 mai 2007 (10) a noté " qu'il existe un ou des marchés amont de la collecte de céréales auprès des agriculteurs, distincts de ceux, avals, de la commercialisation au niveau national et international par les organismes collecteurs ".
36. Le ministre de l'Economie (11) a par ailleurs envisagé une segmentation du marché de la collecte en fonction du type de céréales (blé dur, blé tendre, maïs, orge...), tout en laissant la question de la délimitation exacte de ce marché ouverte. Le test de marché a cependant révélé qu'une telle segmentation n'est pas pertinente. En effet, les silos utilisés pour le stockage se composent de plusieurs cellules indépendantes dans lesquelles sont entreposés les grains.
Chaque cellule n'accueille qu'une seule espèce de céréales à la fois. Cependant les espèces ainsi stockées peuvent varier au cours de l'année (blé dur, blé tendre, orge...). Les organismes collecteurs peuvent donc stocker n'importe quel type de céréales en fonction des besoins des agriculteurs qui s'adressent à eux.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
37. Les autorités de concurrence nationales ont considéré (12), sans toutefois trancher la question, que les marchés de la collecte de céréales sont de dimension locale. Le ministre de l'Economie a par ailleurs relevé (13) que la plupart des agriculteurs se trouvent à une distance pouvant atteindre 45 kilomètres de l'installation de stockage.
38. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération. L'analyse portera sur une zone de 45 kilomètres de rayon autour d'Ennezat qui concentre à elle seule la quasi-totalité des capacités de stockage des parties soit environ 280 000 tonnes.
E. LES MARCHÉS DE LA COMMERCIALISATION DE CÉRÉALES
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
39. La pratique décisionnelle nationale (14), tout en laissant la question ouverte, considère qu'il existe un marché pertinent par type de céréales, oléagineux et protéagineux. Elle distingue par ailleurs le blé dur du blé tendre au motif que les usages de ces deux céréales sont différents : le blé dur est utilisé en semoulerie tandis que le blé tendre sert essentiellement en meunerie et en alimentation animale.
40. En outre, dans sa décision C2008-94 du 2 janvier 2009, le ministre de l'Economie a considéré qu'il pouvait être envisagé de distinguer des segments incluant uniquement les céréales, oléagineux ou protéagineux d'origine biologique.
41. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération. Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la commercialisation de blé tendre et de maïs non biologiques.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
42. La pratique décisionnelle nationale (15), tout en laissant la question ouverte, considère que les marchés de la commercialisation des céréales, oléagineux et protéagineux, sont de dimension nationale, voire européenne.
43. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération. Au cas d'espèce, l'analyse sera menée au niveau national et, à titre surabondant, au niveau européen.
F. LES MARCHÉS DE LA FABRICATION ET COMMERCIALISATION DE FARINE
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
44. La pratique décisionnelle nationale (16) a relevé que le marché de la production et de la commercialisation de farine pouvait être segmenté entre, d'une part, la production de la farine biologique et, d'autre part, la production de la farine traditionnelle, celle-ci pouvant être sous-segmentée selon les débouchés de la farine : commercialisation aux boulangeries artisanales, aux boulangeries industrielles, aux grandes et moyennes surfaces, et enfin aux industries utilisatrices (biscuiteries...).
45. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération. Au cas d'espèce, Domagri est active sur le marché de fabrication et commercialisation de farine traditionnelle à destination des industries utilisatrices, à travers un seul site de minoterie situé à Gerzat* (Puy-de-Dôme). Limagrain n'est pas présent sur ce marché, qui sera pris en compte uniquement au titre de l'analyse des effets verticaux.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
46. S'agissant de la dimension géographique du marché de la production et de la commercialisation de farine, la pratique décisionnelle (17) relève que les usages et les habitudes en matière de consommation de farines sont les mêmes sur l'ensemble du territoire français. Les farines sont des produits non périssables susceptibles d'être soumis à des conditions de stockage et de transport peu contraignantes. Ces éléments ont conduit le ministre de l'Economie à définir des marchés de taille nationale. Cependant, la pratique décisionnelle a également relevé que la production de farine issue d'un site de minoterie est presque toujours commercialisée par celui-ci dans un rayon de 300 kilomètres, ce qui plaide pour une éventuelle dimension régionale des marchés.
47. Au cas d'espèce l'analyse sera menée au niveau régional, sur une zone de chalandise de 300 kilomètres de rayon autour du site de minoterie concerné.
G. LES MARCHÉS DE FABRICATION ET DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS DE BOULANGERIE
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
48. Selon les autorités de concurrence communautaire et nationale (18), le marché de fabrication et de la commercialisation de produits de boulangerie peut être segmenté comme suit :
- le marché du pain, au sein duquel il a été envisagé de distinguer (i) le segment du pain traditionnel, et (ii) le segment du pain industriel préemballé qui comprend le pain de mie, le pain brioché, le pain précuit, le pain tranché, le pain spécial et le pain festif ;
- le marché des produits de substitution du pain, qui inclut notamment les pains extrudés, les biscottes, certains biscuits salés, les gressins et les pains croustillants. De tels produits peuvent en effet être considérés comme distincts du pain dans la mesure où, du point de vue des consommateurs, les motivations et modalités de consommation des produits de substitution du pain sont différentes de celles du pain proprement dit. Notamment, les produits de substitution du pain ne satisfont pas uniquement un besoin nutritionnel, mais sont également consommés par simple gourmandise. En outre, ces produits ont un temps de conservation plus long que le pain ;
- le marché des produits pour petit-déjeuner, qui inclut notamment les croissants, les pains au chocolat, les pains au lait et les bagels. De tels produits peuvent en effet être considérés comme distincts des autres produits de boulangerie, dans la mesure où, du point de vue des consommateurs, ces produits ne sont consommés, pour l'essentiel, qu'au moment du petit-déjeuner.
49. Au cas d'espèce les parties sont simultanément présentes sur le marché des produits pour petit-déjeuner ainsi que sur le marché du pain. Cependant, s'agissant de ce dernier, les parties sont actives sur des segments différents (celui du pain industriel préemballé pour Limagrain et celui du pain traditionnel pour Domagri). L'analyse sera toutefois menée sur le marché plus large du pain, la question de la délimitation exacte de ce marché pouvant demeurer ouverte en l'absence de problème concurrentiel.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
50. La pratique décisionnelle, aussi bien communautaire que nationale, considère que pour chacun des trois marchés que sont la fabrication et la commercialisation de pain, des produits de substitution du pain et des produits pour petit-déjeuner, une dimension nationale pouvait être retenue, les conditions d'offre et de demande différant sensiblement d'un pays à l'autre.
51. S'agissant de la présente opération, les parties sont simultanément actives en France sur le marché du pain.
52. En revanche, pour ce qui est des produits pour petit-déjeuner, l'opération n'emporte pas de chevauchement géographique, Limagrain commercialisant uniquement sa production à l'étranger.
H. CONCLUSION SUR LA DÉLIMITATION DES MARCHÉS
53. Au vu de ce qui précède, l'analyse sera menée au titre des effets horizontaux et, lorsque pertinent au titre des effets verticaux, sur :
- les marchés nationaux (voire par zone climatique) de la multiplication de semences de blé tendre et d'orge ;
- le marché régional (Auvergne) de l'agrofourniture en semences non biologiques destinées à la polyculture ;
- le marché local (45 kilomètres autour d'Ennezat) de la collecte de céréales ;
- les marchés nationaux (voire européens) de la commercialisation de blé tendre et maïs non biologiques ;
- le marché national de la fabrication et commercialisation de pain
54. De plus, l'analyse sera menée au titre des effets verticaux uniquement sur :
- le marché national de la production et commercialisation de semences de blé tendre ;
- le marché local de la production et de la commercialisation de farine traditionnelle.
III. Analyse concurrentielle
A. LES EFFETS HORIZONTAUX
55. L'opération projetée emporte des chevauchements horizontaux sur les marchés locaux de l'agrofourniture en semences, de la collecte des céréales, ainsi que sur les marchés nationaux de la commercialisation de céréales, de la multiplication de semences et de la fabrication et commercialisation de produits de boulangerie.
1. LES MARCHÉS NATIONAUX DE LA MULTIPLICATION DE SEMENCES DE SEMENCES DE BLÉ TENDRE ET D'ORGE
56. Sur les marchés de la multiplication de semences de blé tendre et d'orge, les parts de marché des parties calculées en termes de surfaces (en hectares) utilisées pour la multiplication, ainsi qu'en termes de quantité de semences certifiées (en quintaux) à l'issue de la multiplication pour la campagne 2008, sont faibles comme le montre le tableau suivant (19) :
<emplacement tableau>
57. De plus, il existe en France de nombreux établissements multiplicateurs pour une surface totale d'environ 155 000 hectares (toutes céréales confondues), parmi lesquels les donneurs d'ordre peuvent faire jouer la concurrence.
58. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d'effets horizontaux tant au niveau national que, a fortiori, sur un marché défini plus largement par zone climatique.
2. LE MARCHÉ AUVERGNAT DE L'AGROFOURNITURE EN SEMENCES NON BIOLOGIQUES DESTINÉES À LA POLYCULTURE
59. S'agissant du marché de l'agrofourniture en semences non biologiques destinées à la polyculture, sur lequel les parties sont simultanément présentes, la part de marché, dans la région Auvergne, de Limagrain est estimée à [5-10] % et celle de Domagri à [10-20] %. Ainsi à l'issue de la présente opération, la position de la nouvelle entité sur ce marché sera de [10-20] %.
60. Celle-ci restera par ailleurs confrontée à la concurrence exercée par les distributeurs de semences présents dans la région Auvergne et qui, selon les réponses obtenues au test de marché, peuvent répondre positivement à une augmentation de la demande. Parmi ces concurrents peuvent notamment être citées les coopératives appartenant à l'Union des Coopérative Agricole de l'Allier et notamment la Coopérative Limagne Bourbonnaise (ci-après " CLB "), située à la frontière des départements du Puy-de-Dôme et de l'Allier, ainsi que la société Phytosem dont les magasins sont situé à Issoire et Pont-du-Château (63).
61. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d'effets horizontaux.
3. LE MARCHÉ LOCAL AUTOUR D'ENNEZAT DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES
62. A titre liminaire, il convient de noter que ce marché met en présence les coopératives Domagri et Limagrain et leurs propres adhérents en tant que clients. Ces adhérents détiennent le capital de l'entité fusionnée, participation qui donne lieu au versement d'un dividende. La Commission européenne, dans sa décision n° IV/M.1313 Danish Crown /Vestjyske Slagterier (20), a relevé, en raison de cette particularité structurelle propre aux coopératives, l'impossibilité pour celles-ci d'exploiter la relation qu'elles entretiennent avec leurs adhérents, dans le sens traditionnellement donné à la position d'acheteur dominant.
63. De plus, il convient de relever que les agriculteurs disposent de plusieurs options concurrentes pour stocker leurs céréales :
i. livrer leur récolte à un organisme stockeur soumis à déclaration auprès de l'Office national interprofessionnel des grandes cultures ;
ii. la mettre en dépôt chez ledit organisme stockeur (21) (lequel stocke la récolte et ne la commercialise que sur ordre de l'agriculteur). Ce type de pratique, bien qu'encore peu répandue dans le Puy-de-Dôme, concerne selon l'organisme Coop de France 22 % du volume de blé tendre et 27 % du volume de maïs stocké en France en 2008 ;
iii. la stocker au sein de leur exploitation (ce type de stockage est dit " à la ferme ").
64. Les organismes stockeurs peuvent être des coopératives mais également des négociants ou encore des industries de première transformation (meunerie...).
65. Les parties indiquent par ailleurs que les agriculteurs stockent de plus en plus fréquemment leur récolte " à la ferme ", ceci afin de pouvoir maîtriser la commercialisation de leur production. En effet, la forte augmentation de la volatilité des prix agricoles depuis quelques années incite les agriculteurs à contrôler eux-mêmes le timing de la vente. L'existence de capacités de stockage directement chez l'agriculteur est toutefois difficilement mesurable à un niveau fin compte tenu du fait que seules les installations classées autorisées (celles qui sont supérieures à 15.000 m³) apparaissent sur les listes d'implantations de silos établies par le Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (22). Cependant, Limagrain et Domagri ont déjà recensé parmi leurs associés coopérateurs un nombre significatif d'agriculteurs disposant de cellules de stockage. Le développement de cette pratique a par ailleurs été confirmé par le test de marché réalisé dans le cadre de l'instruction. Ce dernier révèle que, pour un groupe coopératif donné, le stockage " à la ferme " peut représenter jusqu'à 30 % des volumes produits par les agriculteurs.
66. Au cas d'espèce, compte tenu du stockage " à la ferme ", les parties ont estimé que pour une zone de 45 kilomètres autour de la ville d'Ennezat, sur laquelle se concentre la quasi-totalité de leurs silos, la capacité totale de stockage de céréales est d'environ 585 000 tonnes. La position de la nouvelle entité sur le marché de la collecte peut être approximée sur la base des volumes utilisés pour le stockage des céréales, oléagineux et protéagineux. Ainsi, avec un volume de stockage correspondant à [200 000-300 000] tonnes, la nouvelle entité aura, sur la zone d'Ennezat, une part de marché estimée à [40-50] %.
67. La nouvelle entité sera en outre confrontée à la concurrence des autres opérateurs actifs sur le marché de la collecte parmi lesquels figurent notamment l'Union des Coopérative Agricole de l'Allier qui regroupe en particulier les coopératives CLB, COOPACA, COOPAVAL*, (33 000 tonnes disponible pour le stockage à Gannat, 9 000 tonnes à Bellenaves et 7 000 tonnes à Barberier, 29 000 tonnes à Saint-Pourçain-sur-Sioule...), la société Schmitt, la coopérative Natea*, la société Chouvy auxquels il convient d'ajouter les négociants ainsi que les nombreux agriculteurs stockeurs.
68. De plus, comme l'a récemment noté le ministre dans sa décision C2008-112 du 5 décembre 2008, certains acteurs actifs sur les marchés de la collecte disposent de capacités de stockage plus modestes et moins réparties sur le territoire, et fondent davantage leur stratégie sur l'optimisation de leur organisation logistique. A ce sujet, les parties ont déclaré que les négociants " ne disposent pas de silos de stockage et fonctionnent grâce à une logistique adaptée (départ du champ de l'agriculteur directement vers les usines ou les ports maritimes) [...]. Afin d'optimiser les coûts logistiques, ces entreprises approvisionnent les agriculteurs en produits de l'agrofourniture et repartent avec les produits issus de la collecte ". S'agissant de ces concurrents, la taille des silos de collecte reflèterait donc imparfaitement l'importance de la pression concurrentielle exercée sur la zone concernée. Le test de marché n'a toutefois pas permis de confirmer ce point.
69. Compte-tenu des éléments qui précédents, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d'effets horizontaux.
4. LES MARCHÉS NATIONAUX DE LA COMMERCIALISATION DE BLÉ TENDRE ET DE MAÏS NON BIOLOGIQUES
70. Sur les marchés de la commercialisation de blé tendre et de maïs non biologiques, les parts de marché des parties en volume, pour la campagne 2007/2008, sont très réduites comme le montre le tableau suivant (23) :
<emplacement tableau>
71. Il convient d'ajouter que les concurrents, dont certains sont de grands groupes coopératifs tel que Terrena ou des négociants tel que le groupe Soufflet, auxquels sera confrontée l'entité fusionnée sur ces deux marchés sont très nombreux.
72. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d'effets horizontaux, à l'échelle nationale et donc, a fortiori, à l'échelle européenne.
5. LE MARCHÉ NATIONAL DE FABRICATION ET DE LA COMMERCIALISATION DE PAIN
73. S'agissant de la fabrication et commercialisation de pain, les parties sont actives sur des segments différents à savoir, le marché du pain traditionnel pour Domagri et le marché du pain industriel préemballé pour Limagrain. Il peut cependant être signalé que la part de marché nationale de la nouvelle entité sur le marché global du pain sera, à l'issue de la présente opération, de [0-5] %. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d'effets horizontaux.
B. LES EFFETS VERTICAUX
74. L'opération projetée est susceptible d'engendrer des effets verticaux sur les marchés suivants :
- le marché national de la production et commercialisation de semences de blé tendre sur lequel Domagri s'approvisionne pour partie auprès de la société Limagrain Verneuil Holding (Groupe Limagrain), semences qui sont ensuite revendues à ses agriculteurs coopérateurs ;
- le marché national de la commercialisation de blé tendre, Limagrain approvisionnant en blé tendre la Société Meunière du Centre, filiale de Domagri, elle-même productrice de blé tendre ;
- le marché local de la production et de la commercialisation de farine traditionnelle, la Société Meunière du Centre, filiale de Domagri, commercialisant sa farine traditionnelle, après transformation du blé tendre, auprès des sociétés Jacquet, Westhove et Limagrain Céréales Ingrédients, filiales du groupe Limagrain.
75. Cependant, sur chacun de ces marchés, la position des parties étant inférieure à 6 %, la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.
Décide
Article unique : L'opération notifiée sur le numéro 09-0038 est autorisée.
Notes :
* Erreur matérielle corrigée.
1 Voir notamment les décisions du ministre C2008-94 du 2 janvier 2009 et C2008-112 du 5 décembre 2008.
2 Voir les décisions de la Commission européenne du 9 avril 1996, Zeneca/Vanderhave, affaire n° IV/M.556 ; du 21 juin 1999, Dupont/Pioneer Hi-Bred/International, affaire n° IV/M.1512 ; du 30 juin 1999, Novartis/Maïsadour, affaire n° IV/M.1497 et du 20 août 2004, Fox Paine/Advanta, affaire n° COMP/M.3506 ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence 09-DCC-37.
3 Voir les décisions de la Commission européenne n° IV/M.1497 et n° COMP/M.3506 précitées ainsi que la décision 09-DCC-37 de l'Autorité de la concurrence.
4 Voir notamment la décision de la Commission n° COMP/M.3506 précitée ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence 09-DCC-37.
5 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° IV/M.1497 du 30 juin 1999, Novartis/Maïsadour, ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence 09-DCC-37 du 13 août 2009 et la décision du ministre C2008-112 précitée.
6 Voir la décision de la Commission européenne du 17 juillet 1996, Ciba-Geigy/Sandoz, affaire n° M.737, ainsi que les décisions précitées 09-DCC-37 de l'Autorité de la concurrence et C2008-112du ministre de l'Economie.
7 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence 09-DCC-37 du 13 août 2009, ainsi que les décisions du ministre n° C2007-129 du 21 janvier 2008 ainsi que C2008-112 précitée.
8 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-37 précitée, ainsi que la décision du ministre C2008-94 précitée.
9 Voir notamment les décisions du ministre C2008-29 du 4 juin 2008, C2008-52 du 30 juin 2008, C2008-94 et C2008-112 précitées. Voir également la décision 09-DCC-37 de l'Autorité de la concurrence.
10 Décision n° 07-D-16 du 9 mai 2007 relative à des pratiques sur les marchés de la collecte et de la commercialisation des céréales.
11 Voir les décisions C2008-29, C2008-94 et C2008-112 précitées.
12 Voir notamment la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-16 précitée ainsi que les décisions du ministre C2008-94 et C2008-112.
13 Voir la décision du ministre C2006-99 du 28 septembre 2006.
14 Voir les décisions, C2008-94 et C2008-112 précitées.
15 Voir la décision C2008-112 précitée.
16 Voir notamment les décisions du ministre C2008-30 du 22 mai 2008 et C2008-94 précitée.
17 Voir notamment les décisions du ministre C2008-30 du 22 mai 2008 et C2008-94 précitée.
* Erreur matérielle corrigée.
18 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.2817 du 25 juin 2002, affaire Barilla/BLP/Kamps, ainsi que la décision du ministre de l'Economie C2007-156 du 20 décembre 2007.
19Données obtenues auprès du Groupement national interprofessionnel des semences.
19Données obtenues auprès du Groupement national interprofessionnel des semences.
20 Décision de la Commission européenne n° IV/M.1313 Danish Crown /Vestjyske Slagterier du 9 mars 1999.
21 Cette pratique représente cependant moins de 4 % des volumes collectés par les parties. 12
22 Consultables sur le site internetwww.installationsclassees.ecologie.gouv.fr.
* Erreurs matérielles.
23Données obtenues auprès de l'Office national interprofessionnel des grandes cultures.