CA Montpellier, 5e ch. B, 30 septembre 2009, n° 09-00572
MONTPELLIER
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Owens Illinois Sales and Distribution France (SAS)
Défendeur :
DGCCRF
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gerbet (faisant fontion)
Avoué :
SCP Auche-Hedou
Avocat :
Me Pradelles
Jacques Martelli directeur interrégional à Marseille, chef de la brigade interrégional des enquêtes de concurrence (Biec) Provence-Alpes-Côte d'Azur Languedoc-Roussillon Corse a sollicité, le 31 mars 2008, à l'encontre de la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France l'application de l'article L. 450-4 du Code de commerce;
Le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier a par ordonnance du 2 avril 2008;
Autorisé M. Jacques Martelli, directeur interrégional à Marseille, chef de la Biec Provence-Alpes-Côte d'Azur Languedoc-Roussillon Corse, habilité par l'article L. 450-1 du Code de commerce et l'arrêté du 22 janvier 1993, à procéder ou à faire procéder, dans les locaux des entreprises suivantes, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les points 2, 3 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce relevés dans le secteur du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée:
- Saint Gobain Emballage : 18, avenue d'Alsace 92 400 Courbevoie;
- Owens Illinois Sales and Distribution France 64, bd du 11 novembre 1918 69 100 Villeurbanne;
- Saint Gobain Emballage Direction Régionale Sud Est Méditerranée Marché Vins : 650, rue Henri Becquerel 34 000 Montpellier;
- SAS ACTI : 9, rue des tonneliers ZI des Dorices 44330 Vallet;
Lui a laissé le soin de désigner, parmi les enquêteurs habilités par l'article L. 450-1 du Code de commerce et les arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux placés sous son autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées;
Constaté le concours à lui apporter de M. Jean-Marcel Martelli, directeur interrégional à Paris, chef de la DNECCRF, M. Gérard Sorrentino, directeur interrégional à Lyon, chef de la Biec Bourgogne Franche-Comté Rhône-Alpes Auvergne, M. Pierre Gonzalez, directeur interrégional à Paris, chef de la Biec Haute et Basse-Normandie Ile-de-France Réunion Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Daniel Filly, directeur interrégional à Nantes, chef de la Biec Pays de la Loire Bretagne Centre et de M. Georges Kehres, directeur régional à Montpellier, tous habilités par l'article L. 450-1 du Code de commerce et les arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié, ceux respectivement placés sous leur autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées;
Désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie dans le lieu situé dans notre ressort et nous tenir informé de leur déroulement les officiers de police judiciaire suivants qui pourront agir de concert ou séparément : Vanhautte Philippe et/ou Guiraud Bénita;
Donné pour les autres lieux commission rogatoire au juge des libertés et de la détention aux Tribunaux de grande instance de Nanterre, Lyon et Nantes qui exerceront le contrôle sur les opérations de visite et saisie jusqu'à leur clôture et désigné à cette fin le ou les officiers de police judiciaire;
Indiqué que les entreprises peuvent, à compter de la date des visites et des saisies dans les locaux, consulter la requête et les documents susvisés au greffe de notre juridiction;
Indiqué que les entreprises visées par la présente ordonnance peuvent se pourvoir en cassation dans un délai de cinq jours francs à compter de sa notification, quel qu'en soit le mode;
Indiqué que les entreprises visées par la présente ordonnance peuvent nous saisir en vue de faire trancher toute contestation relative au déroulement des opérations de visite et de saisie, dans les deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce;
Dit que la présente sera caduque si les opérations de visite et de saisie ne sont pas effectuées avant le 22 mai 2008.
Le 25 avril 2008, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France a formé un pourvoi contre l'ordonnance portant autorisation des opérations de visite et de saisies;
Puis, suivant l'ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France a relevé appel de cette décision devant Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Montpellier, par déclaration du 4 décembre 2008;
Par ailleurs, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France a, par requête du 18 juin 2008, contesté le déroulement des opérations de visite et de saisies réalisées le 22 avril 2008, devant le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier;
Par ordonnance du 15 janvier 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier s'est déclaré incompétent pour statuer sur la régularité desdites opérations et a renvoyé la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France à mieux se pourvoir;
Le 20 janvier 2009, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France a formé un pourvoi en cassation et un recours devant Madame la première Présidente de la Cour d'appel de céans le 26 janvier 2009;
Par ordonnance du 3 juin 2009, la Cour d'appel de Montpellier a débouté la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France de sa demande tendant à la nullité de l'ordonnance.
Moyens et prétentions des parties
La SAS Owens Illinois Sales and Distribution France conclut à la compétence du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier pour statuer sur le recours formé contre des opérations de visite et de saisies et demande que l'affaire soit évoquée. Elle entend que la nullité des opérations de visite et de saisie opérées dans ses locaux soit prononcée, que l'ensemble des pièces saisies et des copies éventuelles lui soit restitué dans un délai de 15 jours à compter de la présente décision. A titre subsidiaire, elle demande que la saisie des pièces cotées 1-2, 18-19 et 35 du scellé n° 1 soit annulée et que ces dernières lui soient restituées. Elle formule la même demande pour les pièces cotées 12, 20 a 23, 25 et 26, 28 et 29, 40, 42, 45 à 47, 64 à 67 (scellé n° 1), 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 5 2 à 57, 64 à 73, 74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2), des pièces cotées 70 à 81 (scellé n° 4), 5, 10, et 12 (scellé n° 5), d'en ordonner la restitution à la société O-I;
S'agissant de la déclaration d'incompétence du juge des libertés et de la détention, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France indique que le recours a été introduit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008, modifiant l'article L. 450- 4 du Code de commerce. En ce qui concerne la nullité des opérations de visite et de saisies, elle soutient que lors de l'introduction de son recours, l'ordonnance, portant autorisation des opérations de visite et de saisies, n'était susceptible que d'un pourvoi en cassation en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alors contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Elle ajoute que le recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie prévu par la même disposition ne satisfait pas à l'exigence d'un tribunal impartial et indépendant.
A titre subsidiaire, elle conclut à la restitution des pièces susvisées, le champ d'application de l'ordonnance ne concernant que le secteur français et les bouteilles de verre destinées à la filière viticole;
Le Directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes concurrence Biec déclare, pour sa part ne pas s'opposer à la demande d'évocation formulée par la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France et conclut à la régularité des opérations de visite et de saisie opérées dans les locaux de la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France. Il conclut, en outre, au rejet de la demande de nullité des opérations de visite et de saisies et demande que son engagement à restituer les pièces cotées 1, 2, 18 et 35 (scellé n° 1) soit constaté. Elle demande, enfin, que la régularité des saisies pratiquées le 22 avril 2008 soit confirmée en ce qui concerne les cotes 12, 20 à 23, 25 et 26, 28 et 29, 40, 42, 45 à 47, 64 à 64 (scellé n° 1), 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73,74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2) 70, 81, (scellé n° 4), 5, 10, 12 (scellé n° 5);
Sur la nullité des opérations de visite et de saisies, ce dernier observe que l'arrêt rendu le 21 février 2008 par la Cour européenne des Droits de l'Homme ne concerne que les procédures fiscales et que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce alors applicables n'étaient pas contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. En ce qui concerne les pièces 1, 2, 18, 19 et 35 (scellé n° 1), portant sur des marchés étrangers, l'administration déclare s'engager à les restituer. En revanche, à l'égard des pièces, qui selon la requérante ne se rapporteraient pas au secteur du négoce et de la commercialisation d'emballage de verre destinés à la filière viticole, il allègue que ces dernières concernent le même marché et entrent de ce fait dans le champ d'application de l'ordonnance. Il ajoute, enfin, que l'existence de pratiques anticoncurrentielle dans ce secteur sont susceptibles d'affecter la concurrence sur l'ensemble du marché des emballages de verre, par le jeu de compensation entre les entreprises concurrentes.
Discussion décision
Attendu, que pour une bonne administration de la justice, il convient de joindre les instances n° 09-00572 et 09-02180, seul le n° 09-00572 subsistant;
Sur la déclaration d'incompétence
Attendu que l'article 520 du Code de procédure pénale dispose que si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour évoque et statue sur le fond;
Attendu que la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France demande que l'affaire soit évoquée au motif que par ordonnance du 15 janvier 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article L. 450- 4 du Code de commerce;
Attendu que si l'ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence a modifié les dispositions de l'article L. 450-1 du Code de procédure pénale en permettant aux personnes ayant fait l'objet d'une opération de visite et de saisies de contester leur déroulement devant le premier Président de la cour d'appel, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France a introduit son recours devant le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier le 18 juin 2008;
Qu'il résulte de ces éléments que le premier juge était compétent pour statuer sur ledit recours, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alors applicables;
Qu'en conséquence, il convient d'annuler le jugement entrepris et d'évoquer le fond du litige.
Sur la nullité des opérations de visite et de saisies
Attendu que la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France entend que la nullité des opérations de visite et de saisies soit prononcée, l'ordonnance ayant été prise en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alors contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; qu'elle indique que la possibilité d'exercer un recours contre les opérations de visite et de saisies devant le juge des libertés et de la détention ne satisfait pas à l'exigence d'un tribunal impartial et indépendant;
Attendu que par ordonnance du 3 juin 2009, la première Présidente de la Cour d'appel de Montpellier a confirmé la décision rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier;
Attendu, encore, qu'en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, pris dans sa version antérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2008, les personnes ayant fait l'objet d'une opération de visite et de saisies pouvaient contester le déroulement de ces dernières devant le juge des libertés et de la détention, compétent pour apprécier les questions de fait et de droit;
Qu'il convient enfin de préciser que conformément à l'article 5 de l'ordonnance du 13 novembre 2008 disposant que les parties ayant formé, à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé la visite prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce, un pourvoi pendant devant la Cour de cassation au jour de la publication de ladite présente ordonnance dispose du délai d'un mois pour interjeter appel de l'ordonnance objet dudit pourvoi à compter de la date de la publication de la présente ordonnance, la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France, ayant formé, le 25 avril 2008 un pourvoi contre l'ordonnance portant autorisation des opérations litigieuses et relevé appel de cette décision le 4 décembre 2008 devant Madame la première Présidente de la Cour d'appel de céans;
Que dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de SAS Owens Illinois Sales and Distribution France.
Sur la demande de restitution
Attendu que la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France demande la restitution des pièces qui ne concerneraient ni le secteur français et ni celui du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole;
Attendu que si le Directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes concurrence Biec s'est engagé, par conclusions du 27 mai 2009, à restituer à la SAS Owens Illinois Sales and Distribution France les documents ne concernant pas le secteur français du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, soit les pièces cotées 1, 2, 18, 19 et 35 du scellé n° 1, il n'en est pas de même pour les pièces cotées 12, 20 à 23, 25 et 26, 28 et 29, 40, 42, 45 à47, 64 à 64 (scellé n° 1), 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73, 74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2) 70, 81, (scellé n° 4), 5, 10, 12 (scellé n° 5);
Attendu, que par ordonnance du 2 avril 2008, le juge de libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier a autorisé le directeur interrégional Marseille à procéder ou à faire procéder dans les locaux de entreprises suivantes, aux visites et aux saisies prévues ... afin de rechercher la preuve dans le secteur suivant le négoce et la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée;
Attendu qu'à l'appui de la requête, formée par le Directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquête concurrence Biec, ont été présentés des procès-verbaux en déclaration et des prises de copies de documents provenant du Cercle des vignerons de Provence, Embouteillage et Service des vins, Friedrich et Cie, Vignoble de Lorière et d'Herbauge et la Compagnie des vins du Grand Sud-Ouest, acteurs de filière viticole;
Qu'il résulte de ces éléments que le champ d'application de l'ordonnance rendue le 2 avril 2008 ne concernait que sur secteur de la filière viticole, à l'exclusion de tous les autres secteurs d'activité;
Qu'en conséquence, les documents concernant les secteurs d'emballages de verre pour la nourriture, la bière, les boissons non alcoolisées, le cidre et les spiritueux, soit les pièces cotées 12, 20 à 23, 25, 26, 28, 29, 40, 42, 45 à 47, 64 à 67 du scellé n° 1, 11 à 15,16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73,74, 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n°2), 70, 81 (scellé n°4), 10, 12 (scellé n° 5), doivent être restituées à la SAS Owe Illinois Sales and Distribution France.
Par ces motifs, Joint les instances portant les n° 09-00572 et 09-02180, seul le n° 09-00572 subsistant; Annule en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier du 2 avril 2008; Evoque le fond du litige; Ordonne la restitution par le Directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes concurrence Biec, des pièces cotées 1, 2, 18, 19 et 35 du scellé n° 1 et les pièces cotées 12, 20 à 23, 25, 26, 28, 29, 40, 42, 45 à 47, 64 à 67 du scellé n° 1, 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73, 74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2), 70, 81 (scellé n° 4), 5, 10, 12 (scellé n° 5); Rejette toutes les autres demandes; Condamne le Directeur Général des Finances Publiques chargé des enquêtes fiscales aux dépens.