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Décisions

Cass. com., 15 septembre 2009, n° 08-15.872

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Segmenscience (Sté)

Défendeur :

SEBDO (Sté), Le Point Communication (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

T. com. Paris, du 28 avr. 2006

28 avril 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2008), que la société Segmenscience, agence de conseil en publicité, en marketing et en communication, a conclu, au cours de l'année 2003, un contrat avec la société Le Point Communication, en charge de la régie publicitaire du magazine Le Point, par lequel cette dernière a consenti à la diffusion aux abonnés du magazine d'un article publicitaire élaboré par cette agence, prenant la forme d'un chéquier comprenant une série de coupons détachables d'annonces en faveur de différents opérateurs ; qu'à la suite de la conclusion de ce contrat, la société Segmenscience a diffusé auprès des ses clients, potentiels annonceurs, un document publicitaire faisant la promotion de ce chéquier ; que, contestant la présentation qui en avait été faite dans ce document, la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (la société SEBDO), dont la société le Point Communication est mandataire, a, par lettre du 5 décembre 2003, décidé de résilier le contrat ; que cette dernière a transmis une copie de cette lettre aux sociétés exploitant les magazines L'Express et Le Nouvel Observateur, dont les abonnés étaient également présentés comme étant destinataires du chéquier promu par le document publicitaire litigieux ; qu'estimant cette résiliation abusive et cette transmission fautive, la société Segmenscience a assigné la société SEBDO en indemnisation de son préjudice ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Segmenscience fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat, alors, selon le moyen : 1°) que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Segmenscience faisait valoir, ainsi que l'avaient constaté les premiers juges, qu'il n'existait aucune obligation légale, conventionnelle ou née de l'usage, dans le cadre de diffusions simultanées de publicités, au moyen d'un chéquier d'annonces, distribué avec plusieurs magazines, de recueillir l'accord desdits magazines sur le caractère couplé de la publicité, (Cf. conclusions, p. 20 et suivantes) ; qu'en se bornant, néanmoins, pour dire que la société SEBDO n'avait pas résilié abusivement l'accord conclu, partant débouter la société Segmenscience de sa demande de dommages-intérêts du fait de la rupture, à affirmer, par pure pétition, que cette dernière avait commis une faute en faisant état, sans avoir recueilli au préalable l'accord des trois magazines, auprès de ses clients annonceurs, d'une opération de couplage, avec référence à l'ensemble des abonnés des trois magazines, concernés, sans s'expliquer sur le fondement de l'obligation ainsi postulée, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, en violation des dispositions de l'article 445 du Code civile ; 2°) que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Segmenscience faisait encore valoir que la société SEBDO était parfaitement au courant, lorsqu'elle avait conclu le contrat, que le chéquier d'annonces serait distribué avec plusieurs magazines, d'une part, parce que, professionnelle en la matière, elle ne pouvait ignorer qu'il s'agissait là de l'activité de la société Segmenscience et que, d'autre part, dans son mail en date du 18 septembre 2003, adressé à la société SEBDO, la société Segmenscience lui avait expressément indiqué que le chéquier Gold'n Pack serait inséré dans " les News ", (Cf. conclusions, p. 21 et suivantes) ; qu'en se bornant, là encore, pour dire que la société Segmenscience avait commis une faute, en conséquence, dire que la société SEBDO n'avait pas résilié abusivement l'accord conclu et débouter la société Segmenscience de sa demande de dommages-intérêts, à affirmer que cette dernière n'aurait pas recueilli l'accord de la SEBDO, quant au caractère couplé de la publicité, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions, tiré de la connaissance qu'avait la société SEBDO, avant la conclusions du contrat, du couplage prévu, en conséquence, son accord tacite à ce couplage, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 445 du Code de procédure civile ; 3°) que la cour d'appel a constaté que la société Segmenscience avait, dans l'offre d'achat d'espaces publicitaires qu'elle présentait à des annonceurs potentiels, indiqué "Judicieusement, vous décidez d'associer votre image à la caution éditoriale des magazines Le Point, L'Express, Le Nouvel Observateur" ; qu'il résultait de ce constat que la société Segmenscience ne se prévalait nullement d'une "caution éditoriale" qui lui aurait été personnellement donnée par les magazines en cause mais seulement qu'elle utilisait comme argument de vente le fait que l'image des annonceurs serait associée par les abonnés à la "caution éditoriale" de ces magazines ; qu'en retenant, néanmoins, pour dire que la société Segmenscience avait commis une faute, en conséquence dire que la société SEBDO n'avait pas résilié abusivement l'accord conclu et débouter la société Segmenscience de sa demande de dommages-intérêts, que la société Segmenscience s'était prévalue de la caution éditoriale du magazine Le Point, la cour d'appel a dénaturé les termes de la lettre diffusée par la société Segmenscience auprès d'annonceurs éventuels, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 4°) que seule une faute d'une gravité suffisante peut justifier la rupture, unilatérale, par l'autre partie du contrat ; qu'en l'espèce, la société Segmenscience faisait valoir que l'emploi, qui lui était reproché, des termes "caution éditoriale", dans la lettre diffusée à des annonceurs potentiels, était tout au plus une formule maladroite, ne prêtant pas à conséquence et que, de surcroît, dès qu'elle avait été informée, par la société SEBDO, de ce que cette dernière contestait l'emploi de ces termes "caution éditoriale", elle avait immédiatement stoppé ses mailings, de sorte que cette circonstance ne pouvait justifier la rupture unilatérale du contrat, (Cf. conclusions, p. 4 et 19) ; qu'en se bornant, pour dire que la société SEBDO n'avait pas résilié abusivement l'accord conclu avec cette société sur l'insertion du fichier Gold'n Pack dans les envois destinés à ses abonnés, à relever l'absence d'accord préalable des magazines quant au caractère couplé de l'opération et la référence, dans la lettre citée, à la "caution éditoriale" du magazine, sans rechercher si ces "fautes" revêtaient une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Segmenscience a eu un comportement fautif en faisant état, dans le document publicitaire qu'elle avait diffusé le 13 novembre 2003 à ses clients annonceurs potentiels, d'une opération de couplage avec référence à l'ensemble des abonnés des magazines Le Point, L'Express et Le Nouvel Observateur, sans avoir recueilli au préalable l'accord de ces trois magazines et, en se prévalant dans ce même document d'une caution éditoriale de ces derniers ; qu'ayant ainsi fait ressortir la gravité de la faute commise par la société Segmenscience, de nature à justifier la rupture du contrat par la société SEBDO, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a, sans dénaturation du document en cause, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Segmenscience fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts au titre de prétendus actes de dénigrement, alors, selon le moyen : 1°) que les juges doivent indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer que la société SEBDO n'avait pas, en transmettant à des tiers la lettre du 5 décembre 2003, commis de calomnies ou d'actes de dénigrement, sans rappeler les termes de ladite lettre ni, a fortiori, procéder à son analyse même succincte, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que dans sa lettre en date du 5 décembre 2003, la société SEBDO formulait à l'encontre de la société Segmenscience des griefs qui, à l'exception de la référence à la "caution éditoriale" des magazines, étaient totalement distincts de ceux dont elle a fait état, par la suite en cours d'instance ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que les griefs mentionnés dans la lettre du 5 décembre 2003, étaient ceux dont il était fait état en cause d'appel, l'arrêt a dénaturé les termes de la lettre soumise, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Segmenscience faisait valoir qu'elle avait été victime d'actes de dénigrement de la part de la société SEBDO, pour avoir transmis aux sociétés dirigeant le Nouvel Observateur et L'Express copie d'une lettre où elle l'accusait, de manière parfaitement infondée, de contrefaçon de marque, de vente à perte et de concurrence déloyale, ce qui avait eu pour conséquence la rupture des contrats conclus par la société Segmenscience avec les régies publicitaires des deux magazines, (conclusions, p. 28) ; qu'en se bornant, pour débouter la société Segmenscience de sa demande de dommages-intérêts, à affirmer que la société SEBDO n'avait pas commis de "calomnies" ou d'actes de dénigrement susceptibles d'ouvrir droit à réparation, sans indiquer en quoi les accusations erronées de contrefaçon de marque, de vente à perte et de concurrence déloyale ne constituaient pas des actes de dénigrement et de calomnies, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé les critiques émises par la société Segmenscience contre la lettre du 5 décembre 2003 et relevé le comportement fautif de la société Segmenscience, l'arrêt retient qu'en transmettant à ses confrères de L'Express et Le Nouvel Observateur cette lettre, dans laquelle elle formulait ses griefs à l'encontre de la société Segmenscience, la société SEBDO n'avait pas commis de calomnies ou d'actes de dénigrement susceptibles d'ouvrir droit à réparation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la lettre litigieuse, a légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.