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Décisions

Cass. soc., 1 juillet 2009, n° 07-45.615

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Esso (SA)

Défendeur :

Hakel (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Rapporteur :

M. Ludet

Avocat général :

M. Cavarroc

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner

Cons. prud'h. Metz, du 6 nov. 2006

6 novembre 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 22 octobre 2007), que M. et Mme Hakel ont exploité, à compter de 1966, une station-service dans des liens contractuels avec la société Esso ; qu'ils exerçaient leur activité en exécution d'une convention de gérance libre puis d'une convention de location-gérance ; qu'à compter de 1981, ils ont constitué une société à responsabilité limitée, dénommée Station-service Hakel, dont ils étaient co-gérants, laquelle a conclu une convention de location-gérance avec la société Esso ; qu'ils ont fait valoir leurs droits à la retraite en 1990 ; que la société Station-service Hakel a été mise en liquidation ; que M. Hakel, ès qualités de liquidateur, ayant attrait la société Esso devant la juridiction commerciale, la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 14 mars 2002, a condamné la société Esso à rembourser à la société Station-service Hakel une somme correspondant à ses pertes d'exploitation ; que le 28 mai 2003, les époux Hakel ont saisi la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 781-1 du Code du travail ; que saisie d'un pourvoi formé par la société Esso contre l'arrêt de la Cour d'appel de Metz du 13 mars 2006 qui, statuant sur contredit, l'a rejeté après avoir déclaré que les conditions d'application de l'article L. 781-1 du Code du travail étaient remplies, la Cour de cassation a rendu le 4 avril 2007 un arrêt de rejet ; que la Cour d'appel de Metz a, par arrêt du 22 octobre 2007 rendu sur appel d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Metz du 6 novembre 2006, statué sur le fond des demandes des époux Hakel ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Esso : - Vu les articles L. 143-14 devenu L. 3245-1 du Code du travail et 2251 du Code civil ; - Attendu que pour dire que la prescription de cinq ans prévue par les articles L. 143-14 du Code du travail et 2277 du Code civil ne s'appliquait pas aux demandes formées par M. et Mme Hakel à l'encontre de la société Esso, condamner la société Esso à verser diverses sommes aux époux Hakel et ordonner avant dire droit une expertise sur les montants revenant aux époux Hakel au titre de leur participation aux résultats de la société Esso et en réparation du préjudice qu'ils ont subi en matière de droit à la retraite, la cour d'appel a retenu que la prescription de cinq ans prévue par les articles L. 143-14 du Code du travail et 2277 du Code civil ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier, et n'atteint les créances qui y sont soumises que lorsqu'elles sont déterminées ; qu'en l'espèce les époux Hakel s'étant trouvés, jusqu'au moment où le statut de salarié de la société Esso leur a été judiciairement reconnu, dans l'incertitude sur la nature juridique exacte des liens les ayant unis à cette société et dans l'ignorance du principe même de la créance qu'ils sont fondés à faire valoir contre elle, ils étaient dans l'impossibilité matérielle de déterminer le montant des indemnisations qui leur revenaient ; que dès lors, la prescription quinquennale prévue par les articles L. 143-14 du Code du travail et 2277 du Code civil ne saurait valablement leur être opposée ;

Qu'en statuant ainsi alors que seule la prescription quinquennale prévue par l'article L. 143-14 susvisé, devenu L. 3245-1, s'appliquait, en vertu de l'article L. 781-1 précité du Code du travail recodifié sous les numéros L. 7321-1 à L. 7321-4, à l'action engagée par les époux Hakel devant la juridiction prud'homale, treize ans après la fin des relations contractuelles, en tant que celle-ci portait sur des demandes de nature salariale, et qu'il ne résultait pas de ses constatations que ceux ci s'étaient trouvés dans une impossibilité d'agir suspendant cette prescription, l'exclusion apparente, résultant du type de contrats passés entre les époux Hakel et la société Esso, de leur droit à bénéficier des dispositions de l'article L. 781-1 recodifié sous les numéros L. 7321-1 à L. 7321-4, ne les ayant pas placés dans l'impossibilité de contester cette situation devant la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les moyens subsidiaires du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident formé par les époux Hakel que la cassation prononcée par le présent arrêt rend sans objet : Casse et annule, mais seulement en ce que, s'agissant des demandes de nature salariale formées par les époux Hakel, il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Esso, l'arrêt rendu le 22 octobre 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.