Cass. com., 11 mars 1997, n° 95-13.926
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SEIA (Sté)
Défendeur :
SNSM (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Me Le Prado, la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin
LA COUR : - Donne acte à la Société d'études d'investissement pour les affaires de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé à l'encontre de la Société nationale de sauvetage en mer et de la Banque nationale de Paris ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 30 avril 1991, le canot " Monat Rigolet " armé par la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) a porté assistance au navire " Jet Ruban bleu " appartenant à la Société d'études d'investissement pour les affaires (SEIA), dont le siège est situé dans le ressort du Tribunal de grande instance de Lyon ; que la SNSM a saisi ce tribunal afin que la SEIA soit condamnée à lui payer une rémunération d'assistance, tandis que la SEIA, tout en contestant le principe et, subsidiairement, le montant d'une telle rémunération, a demandé que la charge en soit supportée par les souscripteurs des Lloyd's de Londres (les Lloyd's), auprès desquels, par l'intermédiaire de la société Eyssautier-Flepp-Malatier-Pages (société Eyssautier), courtier d'assurance maritime, elle avait assuré sur corps son navire par une police datée de 1990 couvrant, notamment, ce risque ; que le tribunal, après avoir condamné la SEIA à verser à la SNSM une certaine somme à titre de rémunération d'assistance a, dans les rapports de la SEIA et des Lloyd's, accueilli l'exception d'incompétence internationale soulevée par ces derniers, qui se prévalaient d'une clause de la police attribuant compétence aux tribunaux anglais ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la SEIA reproche à l'arrêt (Lyon, du 6 avril 1995) d'avoir confirmé la décision d'incompétence alors, selon le pourvoi, que n'apportant aucun élément de réponse au moyen des écritures de la société SEIA, tiré de ce que la clause de prorogation de compétence invoquée par l'assureur n'aurait pu être valablement acceptée, dès lors qu'elle était rédigée en anglais et en caractères minuscules, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 112-3, L. 112-4 et L. 111-2 du Code des assurances et 1er de la loi du 31 décembre 1975, relative à l'emploi obligatoire de la langue française ;
Mais attendu, en premier lieu, que, dans les contrats internationaux de droit privé, les parties choisissent librement la langue dans laquelle elles rédigent leurs accords ; que s'il est fait exception à ce principe dans les contrats d'assurance des risques français qui, selon l'article L. 112-3, alinéa 1er, du Code des assurances, texte auquel l'article L. 111-2 du même Code interdit de déroger, doivent être rédigés en français, cette loi de police se trouve, par application de l'article L. 111-1 du Code des assurances, écartée dans les assurances maritimes, sauf lorsqu'il s'agit de couvrir les risques de la navigation de plaisance ; que, dès lors que le contrat d'assurance litigieux présentait un caractère international et qu'il n'était pas soutenu que la navigation en cause n'avait pas de but lucratif, l'arrêt n'encourt pas le grief de manque de base légale invoqué au regard tant des textes du Code des assurances précités, que des dispositions générales sur l'emploi obligatoire de la langue française ;
Attendu, en second lieu, que si l'article L. 112-4 du Code des assurances, applicable par exception, prévue à l'article L. 111-1 du même Code, à l'assurance maritime, impose, à peine de nullité, de faire figurer en caractères très apparents les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions, les clauses attributives de compétence ne sont pas visées par cette disposition ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen : - Vu les articles 8.2, 12.5, 12 bis. 4 et l'article 17 de la Convention judiciaire de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; - Attendu que si les parties à un contrat international d'assurance maritime, ayant pour objet de garantir l'assuré contre le risque de payer une rémunération d'assistance peuvent, même en faveur de l'assureur, convenir d'une attribution de compétence dérogeant à la compétence générale du tribunal du domicile du preneur d'assurance, c'est à la condition qu'une telle convention revête l'une des formes prévues au dernier de ces textes ;
Attendu que pour accueillir l'exception d'incompétence soulevée par les Lloyd's, l'arrêt retient que la SEIA ne peut opposer à ces derniers l'attestation d'assurance qui lui a été délivrée le 17 octobre 1990 par la société Eyssautier, et la clause d'élection de for qu'elle contenait au profit des tribunaux français, dès lors qu'en sa qualité de courtier cette société était son propre mandataire et non celui de l'assureur, et qu'ainsi celui-ci était fondé à se prévaloir de la seule clause insérée dans la police qu'il avait émise ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, se bornant à retenir l'existence de la clause litigieuse dans le document produit par les Lloyd's, sans rechercher, comme l'y invitait la SEIA qui faisait valoir qu'elle n'avait jamais eu connaissance de ce document, que celui-ci n'avait pas reçu son accord, et qu'il ne lui avait été transmis par le courtier qui avait négocié la police qu'un document en langue française qui ne comportait pas la clause invoquée, si l'assuré, ou son représentant, étaient convenus avec l'assureur de cette clause dans l'une des formes exigées par la convention internationale susvisée, à défaut de quoi, quelle que fût la valeur de la clause contraire désignant les tribunaux français, ceux-ci, et spécialement celui de Lyon, en raison du domicile dans son ressort de la société assurée, demeuraient compétents, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a retenu l'incompétence internationale du Tribunal de grande instance de Lyon dans les rapports des souscripteurs des Lloyd's de Londres et de la Société d'études d'investissement pour les affaires et renvoyé celle-ci à se mieux pourvoir, l'arrêt rendu le 6 avril 1995, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.