Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 24 novembre 2009, n° 2009-00315

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chevron Products Compagny, Shell (SAS), Esso (SAF), Total Outre-Mer (SA), Total Réunion (SA)

Défendeur :

Air France (SA), Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Président de l'Autorité de la Concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Avoués :

SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Duboscq-Pellerin, Mes Huyghe, Teytaud

Avocats :

Mes Manna, Brault, Drouas, Hubert, Ancelin-Menais, Rincazaux, Nanin, SCP Rambaud Martel, Selafa KGA

CA Paris n° 2009-00315

24 novembre 2009

La SA Air France (ci-après Air France) a son siège 45 rue de Paris, à Roissy Aéroport Charles-de-Gaulle. Comme d'autres compagnies aériennes, françaises (Corsair) ou étrangères (Air Mauritius, Air Seychelles, Air Austral), elle assure la liaison entre Paris et Saint-Denis de la Réunion. Cette ligne est utilisée pour le fret (produits alimentaires, industrie automobiles, produits chimiques) et pour le transport des personnes, car l'île de la Réunion est une importante destination touristique (430 000 touristes en 2000). Selon les statistiques fournies par un rapport parlementaire sur la desserte, cet aéroport a enregistré 1,5 million de passagers et 26 000 tonnes de fret, en 2002 et 2003.

Pour assurer la circulation de ses appareils, Air France achète un produit raffiné particulier : le carburéacteur, mis sur le marché par les compagnies pétrolières, qui le font acheminer de son lieu de départ (raffinerie ou terminal du transport par mer) aux aéroports. L'opération finale de fourniture du carburéacteur aux avions sur le lieu de livraison, c'est-à-dire sur l'aéroport, est désignée par le terme avitaillement. Deux GIE (GEIAG et GPAG) assurent les opérations de stockage et d'avitaillement à Saint-Denis de la Réunion.

Chevron Texaco Global Aviation (ou Chevron Global Aviation, devenue le 9 mai 2005 Chevron Products Company, ci-après Chevron) était une unité commerciale, située à Londres, du groupe pétrolier américain Chevron USA Inc.. Le siège de cette société est à Londres. Caltex est la filiale du groupe, membre des deux GIE à la Réunion. C'est Caltex Oil Réunion qui approvisionnait localement Air France en kérosène et le lui facturait. Mais le contrat était conclu au nom de Chevron Texaco Global Aviation.

Exxon Mobil Aviation International (email) est une filiale d'Exxon Mobil, premier groupe pétrolier mondial qui résulte de la fusion, en 1999, d'Exxon et de Mobil. Le siège d'email est situé dans le Surrey, à Leatherhead au Royaume-Uni. En France, en juin 2003, Mobil Oil France a fusionné avec Exxon Mobil pour devenir la SA Esso SAF (filiale française du groupe Exxon Mobil ; ci-après Esso SAF). A la Réunion, en 1995, Mobil Oil France (MOF) était entré dans les deux GIE chargés respectivement du stockage du kérosène sur l'aéroport de la Réunion et de son avitaillement aux compagnies aériennes. En 1999, après la fusion d'Exxon et de Mobil, Esso Réunion, a remplacé Mobil Oil France au sein des deux GIE, au terme d'une convention signée le 6 mai 2002.

La SAS des pétroles Shell (ci-après Shell SPS) ou Shell France est la filiale française du groupe Shell (Shell Petroleum NV), groupe anglo-néerlandais. C'est la Société des pétroles Shell (SPS) qui contracte avec Air France, tandis que c'est une autre, Shell Petroleum Company Limited (SPCO), qui livre le kérosène. Shell Aviation Limited, qui a son siège à Londres, est une filiale de Shell Petroleum Company Ltd (SPCO) qui peut entrer en contact avec les clients lorsqu'il n'existe pas de représentation de Shell dans le pays. Cette société négocie les contrats et apporte aide et assistance aux unités opérationnelles de Shell (pour l'aviation) partout dans le monde. Shell Aviation Limited a son siège à Londres. La Société des pétroles Shell (Shell SPS) est membre des GIE de stockage et d'avitaillement à la Réunion.

Les SA Total Réunion (antérieurement Total Réunion Comores) et Total Outre-Mer, filiales spécialisées de la holding Total SA, sont chargées du stockage du kérosène sur l'aéroport de la Réunion et de son avitaillement aux compagnies aériennes. Elles participent aux GIE susmentionnés. La vente de carburéacteur est assurée quant à elle par la société Air Total International, également filiale de Total SA.

Ces quatre compagnies pétrolières approvisionnaient à l'époque des faits l'aéroport de Saint-Denis de la Réunion en carburéacteur pour une quantité totale d'environ 200 000 m3 par an. Selon un accord entre les pétroliers, la société de " trading " de l'une des compagnies pétrolières présente sur l'ile est chargée, à tour de rôle, des opérations d'achat auprès d'une raffinerie (Emirats, Indonésie, Australie) et de transport jusqu'à la Réunion. Ces sociétés de trading sont pour Chevron, Shell et Exxon des sociétés britanniques. Une fois arrivé sur l'île, le carburéacteur est stocké au dépôt de la Société réunionnaise des produits pétroliers (SRPP), appartenant à Shell et à Total Fina Elf (TFE). Le carburéacteur est ensuite acheminé aux avions par un oléo-réseau, système de canalisation qui relie les installations de stockage à la plate-forme aéroportuaire.

La demande de carburéacteur provient de la compagnie aérienne qui organise des appels d'offres. Ces appels d'offres sont généralement annuels. Avant ces appels d'offres, la compagnie aérienne transmet aux fournisseurs potentiels une demande mentionnant le ou les aéroports nécessitant un ravitaillement et comportant une estimation des quantités de carburéacteur dont la compagnie pense avoir besoin dans l'aéroport pour l'année contractuelle. L'appel d'offres ne fonctionne pas, comme un marché public, suivant le principe d'une offre fixe sous pli fermé à un seul tour. Pour Air France, l'appel d'offres comporte plusieurs tours. Pendant ces tours, les compagnies pétrolières formulent des offres (en volumes et en prix). La compagnie aérienne choisit le ou les mieux offrants et leur attribue la fourniture correspondant à la quantité que chaque société pétrolière est disposée à fournir au prix proposé. Si le total des offres est excédentaire, la compagnie aérienne le ramène à cent pour cent de ses besoins et dispose alors d'un pouvoir de négociation. Mais il peut se produire que les pétroliers, pour différentes raisons, ne couvrent pas tous les besoins de la compagnie aérienne, qui perd alors toute marge de discussion.

Le prix que les compagnies aériennes paient pour le carburéacteur est la somme de plusieurs composantes : d'une part, le prix du produit lui-même et, d'autre part, le prix de sa fourniture qui comprend le transport, l'assurance et la mise à disposition sur l'aéroport. Le prix du carburéacteur est une part variable du contrat de fourniture, indexée sur un prix de marché. A cette part variable s'ajoute un prix fixe appelé " différentiel " qui rémunère l'ensemble des coûts logistiques (transport, stockage, distribution) et intègre la marge commerciale des compagnies pétrolières. Cette part est, selon la présentation unanime que font les parties en cause dans leurs écritures, la seule qui fasse l'objet de la mise en concurrence. Le prix du carburéacteur lui-même représente de 70 % à 80 % du prix payé par la compagnie aérienne. Ce prix est exprimé sous la forme d'un index de cotation et correspond à la valeur attribuée au carburéacteur sur le marché international, relevé périodiquement par l'organisation internationale Platts.

Total avait 45 % de parts de marché en 1999 et 2000, Exxon avait 45 % de parts de marché en 2000 et 2001, Total et Exxon représentaient ainsi ensemble 90 % du marché Air France en 2000.

Déposée par lettre enregistrée le 16 janvier 2003 par la société Air France, la plainte a allégué un déroulement anormal de l'appel d'offres que la compagnie aérienne avait organisé en 2002 pour l'approvisionnement en kérosène de son escale à la Réunion et suspecté un accord de répartition de marché. Cette plainte a visé les sociétés Total Fina Elf et Air Total International, la Société des pétroles Shell, Exxon Mobil Aviation International et Texaco Limited. Air France a indiqué qu'en septembre 2002, elle avait constaté que les prix offerts au premier tour étaient très supérieurs à ceux de l'année précédente et que, pour la première fois depuis qu'elle organisait ces appels d'offres, elle n'avait aucune marge de manœuvre pour faire jouer la concurrence sur ces prix puisque la somme des quantités proposées par les pétroliers correspondait exactement à cent pour cent de ses besoins. Elle ne pouvait donc plus discuter les offres des compagnies pétrolières en évoquant une baisse de leurs volumes respectifs. Les différents tours de l'appel d'offre de 2002 ne firent que peu évoluer la situation. Les prix et les volumes finals furent proches des offres proposées ab initio. Le montant du différentiel proposé à Air France à la fin de cet appel d'offres était de 30 % supérieur à celui de 2001. Dans sa plainte, Air France a décrit de son point de vue le déroulement de l'appel d'offres du 16 septembre 2002 lancé pour la fourniture estimée de ses besoins en kérosène en 2003 soit 90 000 m3. Dès le 1er tour, l'offre cumulée des pétroliers correspondait exactement aux besoins d'Air France. Cet ajustement parfait était obtenu grâce à une baisse des quantités offertes par Exxon qui passe de 45 % (part détenue en 2001) à 30 %. Cette baisse des quantités permit à Total, absent en 2001, de revenir à hauteur de 15 %, alors que les deux autres pétroliers (Shell et Texaco) ne soumissionnèrent que pour leur part de 2001. Au 2ème tour de l'appel d'offres, les parts de marché proposées par les compagnies pétrolières restèrent identiques à celles du premier tour. Au 3ème tour de l'appel d'offres, Air France ayant exigé des fourchettes de volumes. Total proposa 13 % au lieu de 15 % précédemment ; Shell formula trois propositions : 30 % (ce qu'il proposait déjà) ; 25 et 20 %. Exxon Mobil, accepta, finalement, d'augmenter son volume de soumission de 2 %, part rendue par Total, et de minorer très légèrement son prix. Shell resta fixé sur 30 %, Texaco sur 25 %. Air France estima en conséquence qu'elle n'avait pas d'autre choix que celui d'accepter la part de marché que chacun lui avait offerte au prix que chacun avait arrêté car elle voulait naturellement garantir la couverture de ses besoins.

Faisant suite à la plainte d'Air France, une première enquête a été demandée par le rapporteur général du Conseil de la concurrence le 25 mars 2003 puis diligentée par la DGCCRF, en août 2003, sur le fondement de l'article L. 450-4, du Code de commerce. Celle-ci se déroula à la Réunion, au sein des deux groupements d'intérêts économiques (GEIAG et GPAG), chez Total Réunion, et Shell, ainsi qu'auprès d'Air Total International et Shell à la Défense. A la Réunion, la visite de Caltex fut annulée en raison de l'absence de l'officier de police judiciaire devant accompagner les enquêteurs. Les résultats de cette première enquête furent transmis le 14 novembre 2003. Toutefois, ayant constaté que trois des sièges des sociétés ayant négocié l'appel d'offres en cause étaient situés à Londres ou dans la banlieue londonienne, le rapporteur général demanda, sur le fondement de l'article 22 paragraphe 1 du règlement 1-2003 du Conseil de la Communauté européenne, au directeur général de l'Office of Fair Trading (OFT), Autorité nationale de concurrence du Royaume-Uni, son assistance dans la recherche des preuves auprès de Shell Aviation Ltd, Exxon Mobil International abritant Exxon Mobil International Aviation (email) Ltd et Chevron Texaco Limited abritant Chevron Texaco Global Aviation, entreprises concernées par les activités de vente de carburéacteur à Air France.

Des visites domiciliaires au Royaume-Uni ont été diligentées par l'OFT ; y assistèrent trois rapporteurs désignés par décisions en date du 14 février 2003 et du 7 avril 2005. Celles-ci eurent lieu, le 14 avril 2005, au siège des sociétés en cause et avec l'accord apparent des entreprises concernées par les investigations.

Sur la base des éléments recueillis par l'instruction, ont été notifiés le 11 avril 2006 les griefs suivants :

Grief 1 : " Aux sociétés Exxon Mobil et ses filiales, Esso Réunion, Exxon Mobil aviation International et Esso SAF, à la Société des pétroles Shell, à Chevron USA Inc. et à ses filiales Chevron Texaco Global international devenue Chevron Products Company et Caltex Réunion ainsi qu'à la société Total SA et ses filiales. Air Total International, Total France Total Outre-Mer et Total Réunion, de s'être entendues, pour fausser le jeu de la concurrence sur le marché de l'approvisionnement en kérosène sur l'escale de la Réunion, cette entente ayant pour objet et pour effet de garantir un niveau d'activité à ces sociétés qui sont toutes, directement ou indirectement, membre des groupements gestionnaires des installations de stockage et d'avitaillement aéroportuaire (GEIAG et GPAG), et à relever le niveau des prix, notamment pour les livraisons au principal demandeur, la société Air France. Ces pratiques sont prohibées par l'article 81 du traité CE et l'article L. 420-1 du Code de commerce ". Grief 2 : " Aux sociétés Exxon Mobil et ses filiales, Esso Réunion, Exxon Mobil aviation International et Esso SAF, à la Société des pétroles Shell, à Chevron USA Inc. et à ses filiales. Chevron Texaco Global international devenue Chevron Products Company et Caltex Réunion, ainsi qu'à la société Total SA et ses filiales. Air Total International, Total France Total Outre-Mer et Total Réunion, de s'être concertées pour fausser le jeu de la concurrence lors de l'appel d'offres lancé par Air France en 2002 pour l'approvisionnement en kérosène de ses avions sur l'escale de la Réunion en 2002/2003, notamment pour limiter les quantités de kérosène offertes à Air France et pour augmenter les prix. Ces pratiques sont prohibées par l'article 81 du traité CE et l'article L. 420-1 du Code de commerce ". Grief 3 : " Aux sociétés Exxon Mobil et ses filiales, Esso Réunion, Exxon Mobil aviation International et Esso SAF, à la Société des pétroles Shell, à Chevron USA Inc. et à ses filiales Chevron Texaco Global international devenue Chevron Products Company et Caltex Réunion, ainsi qu'à la société Total SA et ses filiales. Air Total International, Total France Total Outre-Mer et Total Réunion, de s'être concertées pour fausser le jeu de la concurrence lors de l'appel d'offres lancé par Air France en 2003 pour l'approvisionnement en kérosène de ses avions sur l'escale de la Réunion en 2003/2004, notamment pour limiter les quantités de kérosène offertes à Air France et pour augmenter les prix. Ces pratiques sont prohibées par l'article 81 du traité CE et l'article L. 420-1 du Code de commerce ".

La décision prise par le Conseil de la concurrence, en date du 4 décembre 2008, notifiée le 11 du même mois, et numérotée 08-D-30, dispose :

Article 1er : Il est établi que les entreprises Total Outre-Mer, Total Réunion, Chevron Global Aviation, Shell SPS et Esso SAF ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE en faussant la concurrence entre elles lors de l'appel d'offres organisé par Air France en 2002 pour la fourniture en carburéacteur de son escale à la Réunion.

Article 2 : Les autres griefs notifiés (i.-e., les griefs numérotés 1 et 3) ne sont pas établis.

Article 3 : Il est infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Total Réunion une sanction de 5,5 millions d'euro ;

- à la société Total Outre-Mer une sanction de 4,4 millions d'euro ;

- à l'entreprise Chevron Products Company, venant aux droits de Chevron Global Aviation, une sanction de 10 millions d'euro.

- à la société Shell SPS une sanction de 10, 5 millions d'euro ;

- à la société Esso SAF une sanction de 10,7 millions d'euro.

Article 4 : Les sociétés ci-dessus mentionnées feront publier le texte figurant au paragraphe 537 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans une édition des journaux " les Echos ", " Air et Cosmos " et " le Quotidien la Réunion ". Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " décision n° 08-D-30 du 4 décembre 2008 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par les Sociétés des Pétroles Shell, Esso SAF, Chevron Global Aviation, Total Outre-Mer et Total Réunion". Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les sociétés concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 4 février 2009.

Par ordonnance du 4 mars 2009, le premier Président de la Cour d'appel de Paris a sursis à la deuxième des trois mesures (injonction de publication), en raison d'inexactitudes susceptibles d'affecter le résumé à publier.

LA COUR,

Vu le mémoire à l'appui du recours déposé le 12 février 2009 par la société de droit anglais Chevron Products Company, et son mémoire en réplique déposé le 8 octobre 2009, demandant à la cour :

- de déclarer irrecevable l'intervention volontaire d'Air France et rejeter ses prétentions

A titre principal :

* d'annuler la décision n° 08-D-30 en ce que :

- le droit communautaire n'est pas applicable en l'espèce

- les saisies ont été opérées à Londres en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme ;

- il n'est pas établi à suffisance de droit que Chevron ait participé à une pratique concertée de partage du marché passé par Air France en 2002 ;

- Chevron a été empêchée par la durée excessive de la procédure d'exercer normalement ses droits de la défense ;

- l'instruction a été menée avec une extrême partialité

* d'ordonner le remboursement à Chevron des sommes versées à titre de sanction pécuniaire ainsi que le versement d'intérêts aux taux légal à compter de la date de l'arrêt

A titre subsidiaire :

* de réformer la décision pour réduire très substantiellement l'amende de 10 millions d'euro infligée à Chevron, amende dont le montant résulte partiellement d'une erreur d'imputation et qui en tout état de cause est disproportionnée.

En toute hypothèse :

* d'annuler la décision en tant qu'elle enjoint la publication d'un résumé.

* de condamner l'autorité de la concurrence aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 100 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu le mémoire à l'appui du recours déposé le 11 février 2009 par la SA Esso SAF, et son mémoire en réplique déposé le 8 octobre 2009, demandant à la cour :

- in limine litis, déclarer l'intervention par jonction d'instance d'Air France irrecevable ;

- à titre principal, annuler la décision n° 08-D-30 en raison des vices de procédure qui l'affectent, puisque le Conseil a violé le secret du délibéré en mettant à disposition du public une version non définitive sur le fond de sa décision ; et la recherche de preuves sur le territoire britannique a été mise en œuvre illégalement du fait de la non applicabilité de l'article 81 CE à la pratique en cause ;

- à titre subsidiaire, annuler la décision n° 08-D-30 en raison de l'absence de preuve de participation d'Esso SAF à une quelconque concertation illicite, le Conseil ayant commis de nombreuses erreurs sur la matérialité des faits qui lui étaient soumis et une erreur d'appréciation sur la qualification des faits en attribuant une valeur probante individuelle et conjuguée à trois documents qui laissent subsister un doute sur leur interprétation ou portent sur des faits autres que ceux dont le Conseil était saisi ;

- à titre encore plus subsidiaire, réformer la décision en raison de la non applicabilité de l'article 81 CE, ou de la violation du droit communautaire en matière d'imputabilité de la sanction et ses conséquences sur le calcul du plafond de l'amende infligée à Esso SAF ;

- En toute hypothèse vu ce qui précède, ordonner, le cas échéant, le remboursement par le Trésor public des sommes payées par Esso SAF en application de la décision attaquée, à la date de l'arrêt de la cour, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement de celles-ci ;

- encore plus subsidiairement, réformer la décision en raison de l'absence de proportionnalité de la sanction infligée à Esso SAF, qui résulte à la fois d'une appréciation erronée de la gravité des faits, de l'appréciation erronée du dommage à l'économie, de l'absence de prise en compte du comportement de la Compagnie Air France elle-même, de l'appréciation erronée de la situation individuelle d'Esso SAF ; en conséquence, réduire la sanction pécuniaire infligée à Esso SAF et ordonner le remboursement par le Trésor public du trop-perçu, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement intervenu ;

- à titre encore plus subsidiaire également, annuler l'injonction de publication, en raison du défaut d'objet et d'effet utile de cette publication, de l'aggravation de l'atteinte aux intérêts moraux et commerciaux d'Esso SAF et de la partialité et de l'inexactitude du résumé à publier ; rembourser à Esso SAF les frais qu'elle aura engagés pour satisfaire à cette injonction ;

- En toute hypothèse,

. Condamner solidairement Air France et la ministre de l'Economie à payer à Esso SAF la somme de 80 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

. Ordonner, le cas échéant, le remboursement par le Trésor public des sommes payées par Esso SAF en application de la décision attaquée, à la date de l'arrêt de la cour, assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement de celles-ci ;

. Condamner solidairement Air France et la ministre de l'Economie à payer à Esso SAF la somme de 80 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'exposé des moyens au soutien du recours de la SAS Pétroles Shell déposé le 12 février 2009, et son mémoire en réplique en date du 8 octobre 2009, demandant à la cour :

- Déclarer l'intervention d'Air France irrecevable ;

A titre principal,

Constater que le Conseil de la concurrence n'a pas justifié de l'applicabilité de l'article 81 § 1 du traité CE dans la présente espèce, dès lors qu'il ne parvient pas à démontrer une quelconque affectation sensible du commerce entre Etats membres.

En conséquence, constater qu'il ne reste dans le dossier que des éléments ne permettant pas de qualifier l'existence d'une entente.

Constater, en toute hypothèse, qu'aucun élément ne permet d'accréditer la participation de SPS à une entente anticoncurrentielle.

En conséquence :

Annuler la décision.

Ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public à SPS des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre par la décision, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

- A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où, par extraordinaire, la Cour d'appel de Paris considérerait comme avérée la participation de SPS à une entente anticoncurrentielle, constater que la sanction pécuniaire infligée à cette société par le Conseil de la concurrence a un caractère manifestement disproportionné.

En conséquence :

Réformer la décision en ce qui concerne le montant de la sanction pécuniaire infligée à SPS.

Ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public à SPS des sommes versées au titre de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre par la décision, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

- Dans l'hypothèse où, par extraordinaire, la Cour d'appel de Paris considérerait comme avérée la participation de SPS à une entente anticoncurrentielle, annuler l'injonction de publication.

En conséquence :

Réformer la décision en ce qui concerne l'injonction de publication.

- En toute hypothèse,

Condamner le ministre chargé de l'Economie à payer à la société SPS la somme de 50 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. Rejeter les prétentions d'Air France au titre des articles 699 et 700 du Code de procédure civile.

Vu le mémoire au soutien du recours déposé par la SA Total Outre-Mer le 12 février 2009, et son mémoire en réplique en date du 8 octobre 2009, demandant à la cour :

- Sur l'irrecevabilité des observations déposées le 21 mai 2009 par Air France :

- Constater qu'Air France a, par acte en date du 12 février 2009, déclaré se joindre à l'instance pendante devant la cour d'appel à la suite du recours introduit notamment par Total Réunion à rencontre de la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 ;

- Constater que la déclaration d'intervention d'Air France en date du 12 février 2009 ne contenait pas l'exposé des moyens invoqués ;

- Constater que, plus de cinq mois après reçu la notification de la décision du Conseil de la concurrence, Air France a déposé au greffe de la cour le 21 mai 2009 des observations contenant l'exposé de ses moyens, ainsi qu'une demande tendant à la condamnation des cinq entreprises auteurs de recours à lui payer la somme de 75 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Dire et juger que les dispositions de l'article R. 464-12 du Code de commerce sont applicables lorsqu'une partie exerce la faculté qui lui est offerte à l'article R. 464-17 du Code de commerce de se joindre à l'instance ; qu'il en résulte que l'exposé des moyens invoqués doit être déposé dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence ;

En conséquence :

- Dire et juger que les moyens développés par Air France tendant au rejet des recours principaux, exposés dans son mémoire du 21 mai 2009, doivent être déclarés irrecevables d'office par application de l'article R. 464-12 du Code de commerce ;

A titre principal :

- Sur les visites domiciliaires,

- Constater le caractère irrégulier de la demande d'assistance adressée le 3 décembre 2004 par M. le rapporteur général au directeur de l'Office of Pair Trading, notamment en raison du caractère inexact des informations transmises à l'appui de cette demande ;

- Constater que M. le rapporteur général ne pouvait demander l'assistance de l'Office of Pair Trading dès lors que l'article 81 du traité CE n'était pas applicable ;

- Dire et juger nulle la demande d'assistance adressée le 3 décembre 2004 par M. le rapporteur général au directeur de l'Office of Pair Trading et les actes subséquents ;

- Constater que la participation des agents de l'autorité nationale sollicitant l'assistance d'une autre autorité nationale n'est ni prévue ni autorisée par le règlement n° 1-2003 ;

- Constater qu'en application de la section 65P du Compétition Act, seuls les agents de l'Office Of Pair Trading ont compétence pour pénétrer dans les locaux d'une entreprise ;

- Constater que trois rapporteurs du Conseil de la concurrence se sont rendus sur le territoire du Royaume-Uni, pour y exercer des pouvoirs d'enquête aux côtés des agents de l'OPT dans les locaux de Shell, Exxon et Chevron et se sont fait remettre des documents sur le territoire britannique ;

- Dire et juger que les rapporteurs du Conseil de la concurrence ne sont pas compétents pour exercer des pouvoirs d'enquête en dehors du territoire de la République française ;

- Dire et juger que les opérations d'enquête menées par l'Office of Pair Trading et les rapporteurs du Conseil de la concurrence sur le territoire britannique sont irrégulières et doivent être annulées ;

- Dire et juger que le Conseil a violé l'article 22§1 du règlement n° 1-2003 en s'appuyant sur des éléments obtenus irrégulièrement en coopération avec l'Office of Pair Trading ;

- Ecarter des débats les pièces du dossier du Conseil de la concurrence obtenues lors des visites menées par l'OFT et les rapporteurs du Conseil de la concurrence le 12 avril 2005 sur le territoire britannique ;

- Sur le secret du délibéré,

- Constater qu'un texte présenté comme étant la décision a été publié par le Conseil de la concurrence le 4 décembre 2008, alors que la décision n'était pas encore adoptée ;

- Dire et juger que le Conseil de la concurrence a violé le secret du délibéré, le principe de la présomption d'innocence, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

En conséquence :

- Annuler la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 ;

- Ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public de la somme de 4,4 millions d'euro payée par Total Outre-Mer en exécution de la sanction d'amende prononcée par la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008, assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil ;

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que le Conseil a violé l'article 12§2 du règlement n°1-2003 en s'appuyant sur des éléments obtenus en coopération avec l'OPT dans des conditions irrégulières alors que les pratiques incriminées ne relèvent pas de l'article 81 du traité CE ;

- Dire et juger que le Conseil a commis une erreur de droit dans l'appréciation du standard de preuve appliquée dans la décision à la prétendue entente sanctionnée ;

- Dire et juger que le Conseil a commis une erreur en qualifiant d'appel d'offres le processus mis en place par Air France pour la négociation de son contrat d'approvisionnement en carburéacteur pour l'escale de Saint-Denis de la Réunion ;

- Constater que Total Outre-Mer n'est jamais intervenue dans les négociations avec Air France ;

- Constater que Total Outre-Mer n'a jamais exercé aucune activité de fourniture de carburéacteur aux compagnies aériennes à la Réunion ;

- Dire et juger qu'il n'existe aucune preuve de la participation de Total Outre-Mer à une quelconque concertation avec les sociétés sanctionnées par la décision au cours des négociations menées avec Air France en 2002 concernant la fourniture du carburéacteur pour l'escale de Saint-Denis de la Réunion, sachant que Total Outre-Mer n'a pas fourni de carburéacteur aux compagnies aériennes et notamment à Air France ;

En conséquence :

- Réformer la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 ;

- Dire et juger que les éléments du dossier ne démontrent aucun manquement de Total Outre-Mer aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE ;

- Ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public de la somme de 4,4 millions d'euro payée par Total Outre-Mer en exécution de la sanction d'amende prononcée par la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008, assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil ;

A titre très subsidiaire :

- Constater le caractère disproportionné des sanctions infligées à Total Outre-Mer, dès lors que le Conseil de la concurrence n'a pas démontré l'existence d'un dommage à l'économie, ni même la gravité des pratiques alléguées ;

- Dire et juger que le Conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation du montant de la sanction prononcée à rencontre de Total Outre-Mer;

- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de publication et qu'il y a lieu de réformer la décision ;

En conséquence :

- Réformer la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 sur les sanctions prononcées ;

- En tout état de cause :

- Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à Total Outre-Mer la charge de ses frais irrépétibles, engagés du fait de la procédure devant le Conseil de la concurrence et du fait de la procédure devant la cour d'appel :

- En conséquence, condamner le ministre de l'Economie à payer à Total Outre-Mer la somme de 50 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner le ministre de l'Economie aux entiers dépens.

Vu le mémoire au soutien du recours déposé par la SA Total Réunion le 12 février 2009, et son mémoire en réplique en date du 8 octobre 2009, demandant à la cour :

- Sur l'irrecevabilité des observations déposées le 21 mai 2009 par Air France :

- Constater qu'Air France a, par acte en date du 12 février 2009, déclaré se joindre à l'instance pendante devant la cour d'appel à la suite du recours introduit notamment par Total Réunion à rencontre de la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 ;

- Constater que la déclaration d'intervention d'Air France en date du 12 février 2009 ne contenait pas l'exposé des moyens invoqués ;

- Constater que, plus de cinq mois après reçu la notification de la décision du Conseil de la concurrence. Air France a déposé au greffe de la cour le 21 mai 2009 des observations contenant l'exposé de ses moyens, ainsi qu'une demande tendant à la condamnation des 5 entreprises auteurs de recours à lui payer la somme de 75 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Dire et juger que les dispositions de l'article R. 464-12 du Code de commerce sont applicables lorsqu'une partie exerce la faculté qui lui est offerte à l'article R. 464-17 du Code de commerce de se joindre à l'instance ; qu'il en résulte que l'exposé des moyens invoqués doit être déposé dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence ;

En conséquence :

- Dire et juger que les moyens développés par Air France tendant au rejet des recours principaux, exposés dans son mémoire du 21 mai 2009, doivent être déclarés irrecevables d'office par application de l'article R. 464-12 du Code de commerce ;

A titre principal :

- Sur les visites domiciliaires,

- Constater le caractère irrégulier de la demande d'assistance adressée le 3 décembre 2004 par M. le rapporteur général au directeur de l'Office of Pair Trading, notamment en raison du caractère inexact des informations transmises à l'appui de cette demande ;

- Constater que M. le rapporteur général ne pouvait demander l'assistance de l'Office of Pair Trading dès lors que l'article 81 du traité CE n'était pas applicable ;

- Dire et juger nulle la demande d'assistance adressée le 3 décembre 2004 par M. le rapporteur général au directeur de l'Office of Pair Trading et les actes subséquents ;

- Constater que la participation des agents de l'autorité nationale sollicitant l'assistance d'une autre autorité nationale n'est ni prévue ni autorisée par le règlement n° 1-2003;

- Constater qu'en application de la section 65P du Compétition Act, seuls les agents de l'Office of Pair Trading ont compétence pour pénétrer dans les locaux d'une entreprise ;

- Constater que trois rapporteurs du Conseil de la concurrence se sont rendus sur le territoire du Royaume-Uni, pour y exercer des pouvoirs d'enquête aux côtés des agents de l'OPT dans les locaux de Shell, Exxon et Chevron et se sont fait remettre des documents sur le territoire britannique ;

- Dire et juger que les rapporteurs du Conseil de la concurrence ne sont pas compétents pour exercer des pouvoirs d'enquête en dehors du territoire de la République française ;

- Dire et juger que les opérations d'enquête menées par l'Office of Pair Trading et les rapporteurs du Conseil de la concurrence sur le territoire britannique sont irrégulières et doivent être annulées ;

- Dire et juger que le Conseil a violé l'article 22§1 du règlement n° 1-2003 en s'appuyant sur des éléments obtenus irrégulièrement en coopération avec l'Office of Pair Trading ;

- Ecarter des débats les pièces du dossier du Conseil de la concurrence obtenues lors des visites menées par l'OPT et les rapporteurs du Conseil de la concurrence le 12 avril 2005 sur le territoire britannique ;

Sur le secret du délibéré,

- Constater qu'un texte présenté comme étant la décision a été publié par le Conseil de la concurrence le 4 décembre 2008, alors que la décision n'était pas encore adoptée ;

- Dire et juger que le Conseil de la concurrence a violé le secret du délibéré, le principe de la présomption d'innocence, et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

En conséquence :

- Annuler la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 ;

- Ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public de la somme de 5,5 millions d'euro payée par Total Réunion en exécution de la sanction d'amende prononcée par la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008, assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil ;

A titre subsidiaire :

- En droit,

- Dire et juger que le Conseil a violé l'article 12 §2 du règlement n° 1-2003 en s'appuyant sur des éléments obtenus en coopération avec l'OPT et dans des conditions irrégulières alors que les pratiques incriminées ne relèvent pas de l'article 81 du traité CE ;

- Dire et juger que le Conseil a commis une erreur de droit dans l'appréciation du standard de preuve appliqué dans la décision à la prétendue entente sanctionnée ;

- Dire et juger que le Conseil a commis une erreur en qualifiant d'appel d'offres le processus mis en place par Air France pour la négociation de son contrat d'approvisionnement en carburéacteur pour l'escale de Saint-Denis de la Réunion ;

- Constater qu'il n'a été dressé aucun procès verbal des déclarations de M. Simon Cooper lors de la séance du Conseil de la concurrence du 23 juillet 2008 ;

- Dire et juger que le Conseil de la concurrence a méconnu le principe du contradictoire en citant dans la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 des extraits traduits en français des prétendues déclarations de M. Simon Cooper lors de la séance du 23 juillet 2008, recueillis en dehors de tout procès verbal soumis à la discussion des parties ;

- Constater que le document 2027 est un document unique qu'aucun élément extrinsèque ne conforte et qui ne comporte aucune date ;

- Dire et juger que le document 2027 ne saurait établir la preuve de la participation de Total Réunion à la prétendue concertation reprochée aux entreprises mises en cause ;

- En fait,

- Constater qu'Air France a joué un rôle actif au cours des négociations menées en 2002 avec les fournisseurs présents sur l'escale de Saint-Denis de la Réunion et qu'elle a révélé à chacun des informations suffisamment précises pour exercer une influence sur la définition de leurs offres commerciales ;

- Constater qu'il existe une explication alternative à celle de la décision pour expliquer le comportement adopté par Total Réunion lors des négociations en 2002 du contrat d'approvisionnement en carburéacteur pour l'escale de Saint-Denis de la Réunion en 2002 ;

- Dire et juger que le Conseil ne pouvait s'appuyer sur un prétendu parallélisme de comportement pour conclure à l'existence d'une concertation ;

- Dire et juger qu'il n'existe aucune preuve de la participation de Total Réunion à une quelconque concertation avec les sociétés sanctionnées par la décision au cours des négociations menées avec Air France en 2002 concernant la fourniture du carburéacteur pour l'escale de Saint-Denis de la Réunion ;

En conséquence :

- Réformer la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 ;

- Dire et juger que les éléments du dossier ne démontrent aucun manquement de Total Réunion aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE ;

- Ordonner le remboursement immédiat par le Trésor public de la somme de 5,5 millions d'euro payée par Total Réunion en exécution de la sanction prononcée par la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008, assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil ;

A titre très subsidiaire :

- Constater le caractère disproportionné des sanctions infligées à Total Réunion, dès lors que le Conseil de la concurrence n'a pas démontré l'existence d'un dommage à l'économie, ni même la gravité des pratiques alléguées ;

- Dire et juger que les conditions légales de la réitération des pratiques ne sont pas réunies ;

- Dire et juger que le Conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation du montant de la sanction prononcée à rencontre de Total Réunion ;

- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de publication et qu'il y a lieu de réformer la décision ;

En conséquence :

- Réformer la décision n° 08-D-30 en date du 4 décembre 2008 sur le montant et la nature des sanctions prononcées ;

- En tout état de cause :

- Débouter Air France de ses demandes formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à Total Réunion la charge de ses frais irrépétibles, engagés du fait de la procédure devant le Conseil de la concurrence et du fait de la procédure devant la cour d'appel ;

- En conséquence, condamner le ministre de l'Economie à payer à Total Réunion la somme de 50 000 euro HT en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu la déclaration d'intervention en date du 12 février 2009 et les observations en réplique et récapitulatives de la SA Air France, en date du 8 octobre 2009, et ses observations en réplique sur l'irrecevabilité, en date du 15 octobre 2009, demandant à la cour :

- Déclarer l'intervention de la société Air France recevable ;

- Confirmer en toutes ses dispositions, la décision n° 08-D-30 du Conseil de la Concurrence du 4 décembre 2008 ;

- Condamner la société Esso SAF, la Société des pétroles Shell, la société Chevron Products Company, la société Total Réunion, la société Total Outre-Mer chacune, au paiement d'une indemnité de 15 000 euro à Air France, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Esso SAF, la Société des pétroles Shell, Chevron Products Company, Total Réunion et Total Outre-Mer aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP Duboscq-Pellerin, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les observations de l'Autorité de la concurrence, en date du 30 juin 2009,

Vu les observations écrites de la ministre chargée de l'Economie, en date du 1er juillet 2009,

Vu les conclusions écrites de Monsieur le Procureur général en date du 13 octobre 2009, mises à disposition des parties à l'audience,

Ouï à l'audience publique du 20 octobre 2009, en leurs observations orales, les conseils des parties, qui ont été en mesure de répliquer et, les représentants de l'Autorité de la concurrence et du ministre chargé de l'Economie ainsi que le Ministère public ;

Sur quoi,

- Recevabilité de l'intervention d'Air France

Considérant que toutes les parties requérantes soulèvent l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la compagnie Air France, motif pris de ce que la déclaration d'intervention d'Air France en date du 12 février 2009 ne contenait pas l'exposé des moyens invoqués ; que, plus de cinq mois après reçu la notification de la décision du Conseil de la concurrence, Air France a déposé au greffe de la cour le 21 mai 2009 des observations contenant l'exposé de ses moyens, ainsi qu'une demande tendant à la condamnation des cinq entreprises auteurs de recours à lui payer la somme de 75 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que les dispositions de l'article R. 464-12 du Code de commerce sont applicables lorsqu'une partie exerce la faculté qui lui est offerte à l'article R. 464-17 du Code de commerce de se joindre à l'instance ; qu'il en résulte que l'exposé des moyens invoqués doit être déposé dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence ; que les moyens développés par Air France tendant au rejet des recours principaux, exposés dans son mémoire du 21 mai 2009, doivent être déclarés irrecevables d'office par application de l'article R. 464-12 du Code de commerce ;

Mais considérant que, par application de l'article R. 464-17 du Code de commerce, lorsque le recours risque d'affecter les droits ou charges d'autres personnes qui étaient parties en cause devant l'Autorité de la concurrence ou, à l'époque de la procédure litigieuse, devant le Conseil de la concurrence, ces personnes peuvent se joindre à l'instance devant la cour d'appel par déclaration écrite et motivée déposée au greffe dans le délai d'un mois après la réception de la lettre de notification du recours ; que cette déclaration est déposée au greffe dans les conditions de l'article R. 464-12 du même Code ;

Considérant que ce renvoi de l'article R. 464-17 à l'article R. 464-12 ne peut concerner que l'alinéa premier (1er et 2e ) dudit article, relatif à la forme de la déclaration ; qu'en effet, l'alinéa 2, qui autorise le déclarant à déposer son acte au greffe sans en exposer les moyens et à exprimer ceux-ci plus tardivement, ne bénéficie nécessairement qu'à l'auteur d'un recours, principal ou incident, puisque l'article R. 464-17, quant à lui, impose à l'intervenant de fixer sa motivation dès sa déclaration ;

Considérant que la notification de la décision a été faite le 11 et reçue le 12 décembre 2008 ; que les recours des entreprises sanctionnées ont été déposés les 11 et 12 janvier 2009 et notifiés dans les cinq jours à Air France ; que la compagnie Air France a déclaré se joindre à la procédure par acte du 12 février 2009 ;

Considérant que la déclaration au greffe en date du 12 février 2009 comporte l'identification de l'intervenante et de ses conseils ; qu'elle énonce en ces termes l'objet de l'intervention : "la compagnie Air France entend solliciter la confirmation de la décision, dont l'annulation ou la réformation risque d'affecter ses droits ou ses charges" ; qu'enfin, la déclaration d'intervention comporte à titre de motivation la phrase "le Conseil a fait une exacte appréciation des circonstances de fait au regard des textes applicables en la cause. Air France se réservant de préciser ultérieurement les moyens à l'appui de son intervention" ;

Considérant que la brièveté d'une motivation, ou la référence qu'elle fait à une autre motivation connue des autres parties au procès, satisfait aux exigences de la loi si elle ne porte pas atteinte aux droits de la défense ; que dès lors, pour se plaindre de ce qu'Air France n'aurait pas valablement motivé sa déclaration d'intervention, ne l'aurait fait que dans ses écritures ultérieures datées du 20 mai 2009, et n'aurait donc pas respecté le délai d'un mois susmentionné, les entreprises sanctionnées doivent démontrer une atteinte à leurs droits ;

Considérant que cette preuve n'est pas rapportée, ni même proposée dans les écritures des parties ; qu'au contraire, il résulte de l'ordonnance de procédure du premier président en date du 24 février 2009, modifiée le 10 avril suivant, qu'Air France a été sommée de développer ses observations avant le 20 mai 2009, de sorte que les requérants puissent y répliquer avant le 8 octobre ;

Que le moyen d'irrecevabilité des requérantes sera rejeté ;

1) - Sur la procédure suivie par le rapporteur et le Conseil

Considérant que les sociétés Total Réunion et Total Outre-Mer estiment que le secret du délibéré du Conseil a été violé parce qu'un projet de décision a été diffusé le 4 décembre 2008, dont les différences d'avec la version notifiée le 11 du même mois sont assez substantielles pour en déduire que le délibéré n'était pas terminé lors de cette diffusion (a) ;

Que les mêmes avancent que la présomption d'innocence dont doivent bénéficier les entreprises a également été bafouée (b), la diffusion du 4 décembre 2008 indiquant que les sanctions reposent sur les documents saisis en Grande-Bretagne, lesquels ne concernent absolument pas Total ;

Que pour sa part, la société Chevron expose qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour préparer sa défense (c) ;

Qu'il est également dénoncé par la société Chevron le fait que le Conseil aurait avalisé la pratique du rapporteur qui, dans son rapport, hors toute notification de griefs complémentaire, aurait ajouté un nouveau grief, tiré du marché amont de l'approvisionnement en kérosène, étranger au marché dont le Conseil était saisi de la fourniture de carburéacteur à Air France sur l'aéroport de Saint-Denis ; qu'ainsi, il aurait été irrégulièrement reproché aux compagnies pétrolières, et irrégulièrement retenu contre elles, le fait " d'avoir de concert récupéré une marge d'amont que leur avait fait perdre le changement d'index d'approvisionnement " (d) ;

Que par ailleurs, la société Chevron met en cause l'exceptionnelle partialité de l'instruction, résultant d'une sensibilité excessive de la rapporteure aux arguments de la compagnie Air France (e) ;

Qu'il est encore soutenu par la société Chevron que la rapporteure n'aurait pas répondu complètement aux moyens proposés par les entreprises mises en cause (f) ;

Qu'enfin, la société Chevron dénonce l'engagement très personnel et inaccoutumé du rapporteur général à l'"audience" du Conseil et l'attitude offensive du Président de séance, notamment lors de l'audition du témoin Cooper (g), dont les sociétés Total regrettent qu'elle n'ait pas donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal ;

a - Sur la violation prétendue du secret du délibéré

Considérant que conformément aux dispositions de l'article R. 464-8 du Code de commerce les parties ont reçu notification de la décision par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Que le Conseil a adressé par voie électronique et mis en ligne le 4 décembre, jour même de la fin du délibéré la version numérisée de la décision ; Considérant que les requérants estiment que cette initiative a constitué une violation du délibéré ; qu'en effet, celui-ci n'aurait pas été achevé, comme le démontreraient les différences substantielles entre la version électronique diffusée prématurément pour information, et la version définitive, notifiée par la voie postale plusieurs jours plus tard ;

Mais considérant d'abord, que les parties ne peuvent utilement soutenir que la mise en ligne et l'envoi électronique, dans les conditions rappelées ci-dessus, aurait violé le secret du délibéré en cours ; que ce délibéré avait pris fin du fait même de la signature de la minute le 4 décembre ; que cette signature marque la fin du délibéré et atteste que la décision est conforme à ce dernier ; qu'aucune circonstance postérieure ne peut affecter la validité de la décision adoptée par le Conseil au terme de ce délibéré ;

Qu'ensuite, même affectée d'erreurs, une diffusion électronique ne saurait produire de quelconques effets de droit, notamment pas ceux d'une violation du secret du délibéré, dès lors qu'elle n'a pas été antérieure à la date à laquelle la décision a été rendue, soit le jour de la fin du délibéré et dès lors que cette version électronique mentionnait expressément " vous voudrez bien (...) noter que l'envoi, pour information, d'une décision par courriel ne revêt pas un caractère de notification faisant courir les délais de recours contentieux. Cette dernière interviendra, en effet, ultérieurement et sera effectuée par voie postale en recommandé avec AR. En cas de recours devant la cour d'appel, seule l'ampliation certifiée conforme accompagnée de la notification revêt un caractère officiel" ;

Que le moyen doit être rejeté ;

b - Sur la violation prétendue de la présomption d'innocence, notamment par diffusion d'un communiqué de presse visant à tort les sociétés Total

Considérant que les communiqués de presse diffusés par le Conseil de la concurrence n'entrent pas dans le champ de compétence de la cour, ne sont en aucun cas des causes possibles d'annulation ou de réformation des décisions, et que leurs conséquences ne peuvent relever que d'une réparation de droit commun sur la preuve d'un dommage ;

Qu'en toute hypothèse, à la suite d'un courrier du Conseil de la société Total Outre-Mer du 11 décembre 2008 appelant l'attention sur l'ambiguïté que pouvait faire naître un passage du communiqué relatif à l'augmentation du coût d'approvisionnement sur l'escale de la Réunion générée par les pratiques, le Président du Conseil a fait procéder, suivant courrier du 15 décembre 2008, à la modification du communiqué, ce qui montre, s'il en était besoin, le souci du Conseil de diffuser un communiqué dont le contenu soit parfaitement objectif ;

Que le moyen articulé par les requérantes sera rejeté ;

c - Sur le dépassement prétendu du délai raisonnable ayant compromis irrémédiablement la possibilité pour les sociétés mises en cause d'assurer leur défense

Considérant que la durée excessive de la procédure serait-elle démontrée, justifie l'annulation de la procédure, mais à la condition qu'il soit établi que cette durée a fait obstacle concrètement et effectivement à l'exercice normal des droits de la défense ;

Qu'il appartient, en conséquence, à l'entreprise Chevron Products Compagny qui invoque ce moyen, d'établir, qu'elle a été privée du droit de se défendre ; que cette preuve n'est pas rapportée ni même proposée ;

d - Sur l'ajout irrégulier d'un nouveau grief par la rapporteure du Conseil

Considérant qu'un grief est un ensemble de faits, qualifiés juridiquement et imputés à une ou plusieurs entreprises ; que le seul grief, au sens propre, qui a été retenu à rencontre de la requérante est celui d'avoir participé à une concertation avec d'autres compagnies pétrolières pour fausser le jeu de la concurrence lors de l'appel d'offres lancé par Air France en 2002 pour l'approvisionnement en kérosène de ses avions sur l'escale de la Réunion en 2002/2003, notamment pour limiter les quantités offertes à Air France et pour augmenter les prix (correspondant au grief notifié n° 2) (§ 164, 325, 480) ;

Que le fait que la rapporteure ait pris soin, dans son rapport, de décrire le fonctionnement du marché situé en amont de celui concerné par les pratiques incriminées à l'occasion de l'examen de la procédure d'appel d'offres organisée par Air France et du rôle des index de cotation (§ 109 à 150 du rapport) ne saurait donc être constitutif de la formalisation d'un nouveau grief, alors qu' au demeurant l'existence de ce marché amont avait été évoquée dès la notification de griefs ;

Que de même et encore, le fait que le Conseil ait souligné, au paragraphe 423 de la décision, la volonté des compagnies de reconstituer la marge perdue depuis la fin de la cotation en Caltex-Bahreïnie constitue pas la notification d'un grief supplémentaire mais l'exposé d'une circonstance, au demeurant invoquée par les parties elles-mêmes, permettant d'éclairer la pratique objet du grief notifié (cf § 421) ;

Que le moyen sera rejeté ;

e - Sur le manquement au principe d'impartialité, tenant à l'adoption systématique du point de vue d'Air France par la rapporteure

Considérant que sous couvert de moyens tirés du manque d'impartialité de la rapporteure, la requérante conteste en réalité la pertinence du raisonnement suivi par le Conseil, ce qui relève du fond du débat et sera donc examiné plus loin dans le présent arrêt ;

Que pour le surplus, et sous un angle plus formel, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de manquements à l'impartialité des services instructeurs, dès lors qu'à partir de la notification des griefs, il a disposé de la faculté de consulter le dossier, de demander l'audition de témoins, de présenter ses observations puis, après le rapporteur, de s'exprimer oralement devant le Conseil ;

Qu'en l'occurrence, la requérante n'allègue pas qu'elle aurait été privée en l'espèce des garanties du contradictoire consistant dans la faculté de consulter le dossier, de demander l'audition de témoins au Conseil, de présenter ses observations sur les griefs notifiés et sur le rapport ainsi que de la possibilité de s'exprimer ensuite en séance ;

Que le moyen sera rejeté ;

f - Sur le défaut prétendu de réponse du rapporteur aux arguments des sociétés mises en cause

Considérant que le rapporteur fonde la notification de griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé ; qu'il dispose ensuite d'un pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations ; qu'enfin, le rapport n'est qu'un des éléments dont dispose le Conseil pour se prononcer ;

Qu'il s'en déduit que le rapporteur n'est pas tenu de rétorquer à tous les arguments proposés en réponse à la notification de griefs ; que le principe contradictoire est respecté dès lors que les parties ont, tout au long de la procédure, pu présenter leurs observations et que le Conseil, après avoir examiné les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, a motivé sa décision de manière telle qu'il puisse, jusque devant la cour, être répondu aux arguments soulevés par les parties ;

Que le moyen sera rejeté ;

g - Sur le déroulement de la séance du 23 juillet 2008

Considérant qu'aucune des entreprises mises en cause n'a fait acter sur les notes de la secrétaire de séance un quelconque incident ;

Qu'en outre, le principe de la contradiction est respecté dès lors que les parties ont, tout au long de cette séance, pu présenter leurs observations et que le Conseil, après avoir examiné les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, a motivé sa décision de manière telle que la cour puisse répondre aux arguments soulevés par les parties ;

Que le moyen sera rejeté ;

2) Sur les règles de fond applicables :

Considérant que l'ensemble des entreprises requérantes invoque une violation du droit communautaire, en ce que le commerce intracommunautaire n'aurait pas été affecté par les pratiques incriminées ; qu'elles invoquent une absence d'échanges entre Etats membres sur les produits concernés que ce soit sur le marché de la fourniture de carburéacteur à Air France à La Réunion ou que ce soit sur le marché connexe du transport aérien entre Paris et La Réunion ; qu'au contraire, il leur apparaît que le marché pris en considération par les griefs notifiés était non pas la fourniture de carburant, mais le "différentiel", défini précédemment dans l'exposé des faits de la cause ; qu'elles ajoutent que lorsque des compagnies pétrolières françaises ou étrangères ont voulu intégrer les deux GIE, elles n'en ont pas été empêchées et y ont même réussi en ce qui concerne la compagnie Tamoil ; que les requérantes se prévalent encore de ce que les pratiques n'étaient pas susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres dès lors que les lignes exploitées sur le marché local concerné étaient intérieures à la France et que le seul fait que les usagers pouvaient être européens n'était pas de nature à caractériser cette affectation ;

Que les sociétés Shell SPS et Esso SAF font précisément valoir que le produit concerné, le carburéacteur livré à Air France sur l'aéroport de Saint-Denis de la Réunion, ne provient pas de la Communauté européenne ;

Que les sociétés du groupe Total soutiennent quant à elles que le marché de l'approvisionnement n'étant pas en cause, le critère du siège des filiales de " trading " ne peut être pertinemment retenu ;

Mais considérant que pour apprécier l'applicabilité du droit communautaire au cas d'espèce, le Conseil s'est référé à bon escient des règles dégagées par la Commission européenne dans sa communication du 27 avril 2004 dite lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité CE (communication de la Commission, 2004-C 101-07, JOCE du 27 avril 2004, p.81) ;

Que ces lignes directrices énoncent trois critères, cumulatifs, de l'affectation du commerce intracommunautaire : l'existence d'échanges entre Etats membres portant sur les produits faisant l'objet de la pratique (a), l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges (b) et le caractère sensible de la possible affectation (c) ; qu'il faut aussi préciser que le champ des échanges entre Etats membres susceptibles d'être affectés n'est pas limité aux mouvements transfrontaliers des produits ou des services concernés, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale ;

a - Existence d'échanges entre les Etats membres portant sur les produits concernés par les pratiques

Considérant que dans l'espèce, les pratiques affectaient un marché principal et deux marchés connexes qui étaient susceptibles d'être concernés par des échanges intra-communautaires :

- d'abord, le marché de la vente de carburéacteur par des compagnies nationales ou européennes dans le département français de la Réunion ; qu'en effet, les offreurs sont des entreprises multinationales dont les filiales en charge des appels d'offres ont leur siège dans différents pays de la Communauté, en particulier la France et le Royaume-Uni ; qu'ainsi, pour l'appel d'offres de 2002, trois des entreprises soumissionnaires avaient leur siège en Angleterre : les sociétés Exxon Mobil International (email) agissant pour Esso SAF, Chevron Texaco Aviation et Shell Aviation Ltd agissant pour le compte de Shell ; que par ailleurs, l'achat de carburéacteur est effectué à tour de rôle par la filiale de " trading " de l'une des compagnies pétrolières qui le revend ensuite aux autres compagnies et trois de celles-ci sont établies au Royaume-Uni ; que pour échapper à l'application du droit communautaire au titre du premier critère résumé dans les lignes directrices, en invoquant l'exemple de lignes maritimes purement nationales, les requérantes auraient dû établir non pas seulement que les lignes exploitées étaient intérieures à la France, s'agissant des liaisons assurées entre le continent et l'île de la Réunion, mais aussi que l'affectation sensible du commerce entre Etats membres ne pouvait être caractérisée par le seul fait que les usagers pouvaient être européens, et également la circonstance qu'aucun des opérateurs présents sur le marché n'était ressortissant de la Communauté ;

- ensuite, le marché de l'approvisionnement, qui était bien visé dans la saisine et constituait, en toute hypothèse, un marché connexe à celui de la fourniture de carburéacteur ;

- enfin, le marché connexe du transport de passagers, français ou européens, vers ou au départ de la Réunion ; que ce marché est, par nature, un lieu d'échanges entre Etats membres dans la mesure où les vols entre la Réunion et la métropole concernent nécessairement tous les voyageurs de la Communauté européenne et pas seulement les passagers français ; que le marché du transport de passagers à destination de la Réunion était affecté par les pratiques dans la mesure où le coût du carburant retentissait directement sur le prix des billets d'avion ;

Que l'application du critère de l'affectation du commerce est indépendante de la définition des marchés géographiques en cause ;

b - Affectation des échanges entre Etats membres

Considérant que la société Shell SPS estime que le critère de l'implantation des entreprises en cause ou celui la nationalité des passagers ne sont pas des critères pertinents ou déterminants en soi pour considérer que la condition relative aux effets sur le commerce des Etats membres est remplie ;

Que la même requérante doute que les pratiques incriminées aient pu affecter potentiellement l'activité économique transfrontalière d'Air France, puisque les passagers voyageant sur cette compagnie ne pouvaient concrètement pas être des ressortissants des autres Etats membres, sinon dans des proportions infimes ;

Mais considérant que les pratiques d'ententes sont soumises au droit communautaire, même lorsqu'elles ne produisent leurs effets que sur le territoire d'un Etat membre, dès lors que ces pratiques sont en mesure d'exercer éventuellement une incidence directe ou indirecte sur les courants d'échange entre Etats membres, de contribuer au cloisonnement du marché commun et de rendre plus difficile l'interpénétration économique voulue par le traité ;

Considérant que cette affectation peut n'être que potentielle, seulement susceptible d'affecter les échanges communautaires ; qu'en conséquence l'appréciation de l'affectation des échanges peut résulter de plusieurs facteurs qui pris isolément ne seraient pas nécessairement déterminants : ainsi, comme le relève la décision critiquée, la nature de l'accord ou la pratique en cause, la nature des produits concernés par l'accord ou la pratique, la position et l'importance des entreprises en cause ;

Considérant qu'en l'espèce, les pratiques en cause étaient bien susceptibles d'affecter les échanges intracommunautaires eu égard à leur nature et à la position des entreprises en cause ;

Que s'agissant de la nature de la pratique incriminée, elle relève du calcul de prix de revient du transport aérien et que les entreprises mises en cause dénient vainement l'affectation directe du prix des billets d'avion supporté par le consommateur européen, dès lors que ce prix dépend directement de celui du carburéacteur, comme l'a souligné la décision (parag. 178) sans être valablement contredite ;

Que s'agissant de la position des entreprises en cause, il a déjà été exposé que les compagnies pétrolières relevaient de quatre groupes de dimension internationale, ayant leur siège et le centre de leurs intérêts dans des Etats membres de la Communauté ; que pour Air France en particulier, la destination de Saint-Denis de la Réunion attire des ressortissants de divers pays membres de la Communauté, ce qui signifie que l'activité transcommunautaire de cette compagnie aérienne est nécessairement ou au moins potentiellement affectée ;

c - En ce qui concerne l'affectation sensible

Considérant que l'ensemble des entreprises requérantes soutient que le Conseil a retenu le critère du caractère sensible de l'affectation en procédant à une interprétation erronée des lignes directrices ; que les pratiques n'ayant concerné que l'escale d'Air France à la Réunion et non la totalité du territoire français, l'accord est de nature locale : dès lors, lui est applicable, non pas la présomption positive édictée par les lignes directrices (point 53) retenue par le Conseil, mais le point 90 des lignes directrices qui impose que la part du marché national à laquelle l'accès est interdit soit " importante " pour établir l'applicabilité du droit communautaire ; que cette condition n'est pas remplie en l'espèce, le volume des ventes affecté (carburéacteur vendu à Air France à la Réunion en 2002-2003) ne représentant que 1,24 % des ventes nationales (du volume global de carburéacteur vendu en France sur cette même période) ; qu'en toute hypothèse, pour l'application du point 53, ne devrait être pris en compte que le seul chiffre d'affaires réalisé par les entreprises avec la vente des produits concernés par les pratiques, c'est-à-dire le seul carburéacteur fourni à Air France en 2002/2003 (soit seulement 22 millions d'euro, voire, selon les sociétés du groupe Total, la concurrence ne portant que sur le différentiel qui ne représente qu'environ 25 % du prix total du produit, seulement un chiffre d'affaires d'environ 5,5 millions d'euro) ;

Mais considérant que les accords qui concernent un seuil de chiffre d'affaires des entreprises en cause supérieur à 40 millions d'euro sont présumés affecter sensiblement le commerce intracommunautaire ; que la présomption disparaît lorsque l'accord ne couvre qu'une partie d'un Etat membre ;

Que si cette présomption ne joue pas, les accords et pratiques affectent sensiblement le commerce intracommunautaire s'ils affectent le marché d'une manière significative, compte tenu de la position favorable qu'occupent les entreprises intéressées sur le marché des produits en cause ; que, de manière plus détaillée, le caractère sensible peut être évalué notamment par rapport à la position et à l'importance des parties sur le marché des produits en cause ; qu'ainsi l'appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause ;

Qu'en toute hypothèse, et au regard du critère de la position favorable des entreprises et de la nature des prestations fournies, la décision critiquée était fondée à relever :

- que les entreprises en cause étaient, soit les " filiales aviation " de grands groupes pétroliers, soit des filiales locales chargées de vendre du kérosène dans la zone concernée ; que bien que le marché soit de dimension locale, les compagnies pétrolières en cause sont des entreprises de taille mondiale et leurs pratiques d'entente horizontale sont susceptibles d'affecter d'autres entreprises pétrolières, également de taille mondiale, actives sur les marchés des carburéacteurs et sur le territoire de la Communauté européenne ;

- que le produit concerné était le carburéacteur et non pas le seul différentiel, qui est une composante du prix ;

d - Rejet du moyen

Considérant que du tout, il résulte que le Conseil a fait la démonstration, que la cour adopte, qu'étaient réunis les trois éléments requis par les lignes directrices pour établir que des pratiques sont susceptibles d'avoir affecté le commerce intracommunautaire de façon sensible ; que le moyen contraire des requérantes sera rejeté ;

3) Sur le sort des visites domiciliaires effectuées à Londres

Considérant que les sociétés Shell SPS, Exxon, Total (R; et O.M.) et Chevron estiment que le Conseil a validé lesdites visites domiciliaires en suite d'une application erronée du droit communautaire, comme énoncé au "2" ci-dessus, et après que le secrétaire général a affirmé faussement à l'office britannique compétent que le marché affecté incluait deux aéroports italiens ; que ces visites ont en outre constitué une violation de l'article 6 de la Convention ESDH et de l'article 12 parag. 3 du règlement UE 1-2003, tenant au fait que lesdites visites domiciliaires en Grande-Bretagne n'ont pas été précédées d'une autorisation judiciaire, laquelle serait obligatoire même pour les personnes morales, étant précisé que le juge français aurait compétence pour évaluer le respect du droit étranger lors de procédures qui se sont déroulées à l'étranger, lorsque ces procédures emportent des effets sur le territoire français ; qu'enfin, ces visites auraient constitué une violation des règles de compétence des rapporteurs du Conseil, que les lois française (article 450-1 C. com.), britannique (section 65 F du Compétition Act) et communautaire (article 22-1° du règlement) n'autoriseraient pas à accompagner des diligences à l'étranger, en l'occurrence des visites domiciliaires ; que sur le tout, l'assentiment apparent des entreprises perquisitionnées à de tels agissements illicites a été surpris et que ces entreprises n'ont bénéficié d'aucun recours juridictionnel en Grande-Bretagne, qui aurait constitué une garantie équivalente à ce qu'offre en pareil cas le droit français ;

Que les sociétés du groupe Total dénoncent en outre " l'instrumentalisation du droit communautaire " qui a conduit les services de l'instruction à demander l'assistance de l'Office of Pair Trading (OFT) lorsqu'il est apparu que les investigations menées en France ne permettaient pas d'apporter la preuve des pratiques reprochées ;

Que pour sa part, la société Shell SPS allègue l'absence de décision du directeur général de l'OFT acceptant la coopération de cette autorité pour ce qui la concerne, qui rendrait inopposables les pièces saisies dans les locaux de Shell Aviation Ltd ;

Que quant à elle, la société Chevron soutient que la procédure a méconnu les garanties d'un procès équitable en ce que les opérations de visite et de saisie demandées par le rapporteur général du Conseil ont été acceptées par le directeur général de l'OFT sans autorisation judiciaire préalable et qu'il n'est pas acceptable qu'une entreprise puisse être sanctionnée par l'autorité française de concurrence sur la base d'indices collectés dans un autre pays membre sans que lui aient été assurées des protections équivalentes à celles qui sont accordées en France ;

Mais considérant liminairement que les sociétés du groupe Total n'ont pas fait l'objet d'investigations menées sur le fondement de l'article 22-1 ° du règlement n° 1-2003; qu'une entreprise n'est pas fondée à se plaindre des violations des droits de la défense d'une entreprise tierce ou à remettre en cause la régularité d'une procédure à laquelle elle est étrangère ; que les sociétés Total seront donc dites irrecevables à soulever ce moyen ;

Considérant surtout, et en réponse à l'argumentation des autres sociétés requérantes, qu'est applicable l'article 22, paragraphe 1, du règlement CE n° 1-2003 du Conseil, en date du 16 décembre 2002, aux termes duquel : " Une autorité de concurrence d'un État membre peut exécuter sur son territoire toute inspection ou autre mesure d'enquête en application de son droit national au nom et pour le compte de l'autorité de concurrence d'un autre État membre afin d'établir une infraction aux dispositions de l'article 81 ou 82 du traité. Le cas échéant, les informations recueillies sont communiquées et utilisées conformément à l'article 12 ", qui règle les modalités selon lesquelles peuvent être échangées entre autorités de concurrence les informations destinées à prouver d'éventuelles infractions aux articles 81 ou 82 du traité ;

Que le moyen visant à écarter l'application de ce texte en la cause sera rejeté, pour les motifs tirés de l'applicabilité du droit communautaire, exposés au paragraphe 2 ci-dessus ; Considérant que ce texte communautaire a par ailleurs été respecté par le Conseil et par l'OFT ;

Qu'en fait et d'abord, le rapporteur général du Conseil a adressé au directeur général de l'OFT une demande d'assistance, en date du 3 décembre 2004, fondée sur l'article 22-1° du règlement CE n° 1-2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, expliquant les raisons pour lesquelles l'assistance de l'OFT semblait nécessaire, à savoir la présence au Royaume-Uni des sièges sociaux ou de l'activité vente de plusieurs entreprises concernées, et indiquant que les pratiques présumées pouvaient être qualifiées de pratiques concertées ou d'abus de position dominante collective au regard des articles 81 et 82 du traité CE en raison de leurs effets potentiels sur le commerce entre Etats membres ; qu'en l'absence de toute disposition fixant les conditions dans lesquelles une telle demande d'assistance doit être établie, le rapporteur général a présenté les informations qui lui paraissaient essentielles pour que le directeur général de l'OFT puisse se déterminer ;

Que ce faisant, le rapporteur général du Conseil n'a formellement violé aucune disposition en vigueur et a utilisé normalement les instruments du droit communautaire ; qu'en effet, les services d'instruction sont maîtres de la conduite des investigations menées au cours de la procédure suivie devant l'Autorité de la concurrence, les droits des parties étant préservés par le caractère contradictoire de cette procédure à compter de la notification des griefs, et la faculté - prévue aux articles L. 463-2 et L. 463-7 du Code de commerce - qui leur est alors ouverte de consulter le dossier, de demander l'audition de témoins à décharge, de présenter des observations écrites sur les griefs puis sur le rapport, ainsi que de s'exprimer oralement devant le Conseil ;

Qu'en droit et ensuite, comme l'a indiqué la décision dans des termes que la cour fait siens, les dispositions de l'article 22-1° du règlement 1-2003 organisent, en ce qui concerne les inspections supposant l'emploi de moyens coercitifs, trois étapes qui relèvent d'un contrôle distinct :

- la demande d'assistance formulée par l'autorité qui souhaite en bénéficier ;

- l'autorisation et le déroulement de l'inspection mise en œuvre par l'autorité destinataire de la demande d'assistance ;

- l'utilisation des informations obtenues par l'autorité pour le compte de laquelle l'inspection a été réalisée ;

Que la première et la troisième étape sont soumises au droit national applicable dans l'État demandeur de l'assistance, sous le contrôle des juridictions compétentes de cet État, tandis que la deuxième est régie par le droit national applicable dans l'État destinataire de la demande d'assistance, sous le contrôle des juridictions compétentes de cet autre État ;

Qu'en l'espèce, la demande d'assistance a été adressée le 4 décembre 2004 par le rapporteur général du Conseil de la concurrence au directeur général de l'Office of Pair Trading (OFT), Autorité de concurrence du Royaume-Uni ; qu'elle tendait à la recherche de preuves en vue de démontrer une infraction à l'article 81 du traité susceptible d'avoir été commise en France par des entreprises dont le siège est au Royaume-Uni ; que cette demande a été acceptée le 12 avril 2005 par le directeur général de l'OFT, qui a fait procéder aux investigations dans les locaux des entreprises concernées (Chevron Texaco UK et Chevron Texaco Global Aviation, Shell Aviation Limited, Exxon Mobil Aviation International Limited) ;

Que les circonstances, mentionnées par le rapporteur général dans sa demande d'assistance, que les pratiques étaient susceptibles d'avoir un impact sur des entreprises européennes concurrentes de celles mises en cause (comme BP) ou que d'autres du rapporteur général, à ce stade débutant de la procédure, ne relève pas d'une "déloyauté" dont les entreprises requérantes soupçonnent avec beaucoup de légèreté le service instructeur du Conseil ; qu'en tout état de cause, il ne saurait remettre en question les conditions dans lesquelles et les motifs pour lesquels l'OFT a été saisi, puisque, comme énoncé au paragraphe 2 ci-dessus, l'affectation du commerce intracommunautaire était acquise ;

Considérant qu'il sera aussi fait observer que le directeur général de l'OFT a, par un écrit du 12 avril 2005, autorisé des membres du personnel de cette autorité à pénétrer dans les locaux de la société Shell Aviation à Londres afin d'y exercer les pouvoirs conférés par l'article 65 F de la loi (britannique) sur la concurrence, en sorte qu'il a nécessairement exercé une appréciation de fait et de droit sur la demande de son homologue français ;

Considérant que c'est donc à tort que les sociétés du groupe Total invoquent une violation du principe de coopération loyale entre les autorités membres du REC qui affecterait la validité de la demande adressée par le rapporteur général du Conseil de la concurrence au président de l'OFT ;

Considérant par ailleurs, en ce qui concerne la présence des rapporteurs du Conseil lors des opérations, que toute contestation relative au déroulement des investigations menées au Royaume-Uni dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 22-1° du règlement 1-2003 ne pouvait être portée que devant la juridiction compétente du Royaume-Uni, sur le fondement du droit anglais ; qu'aucune des sociétés concernées par les investigations menées au Royaume-Uni n'a exercé un tel recours, l'affirmation selon laquelle ce juge britannique serait inaccessible et n'aurait qu'une compétence d'attribution limitée ne pouvant être proférée que si l'une au moins des sociétés visitées avait tenté une action ;

Qu'en tout état de cause, les trois rapporteurs du Conseil, régulièrement désignés, n'ont fait, avec l'accord de l'OFT, qu'assister aux opérations afin de vérifier qu'elles entraient bien dans le cadre de l'enquête sollicitée sans exercer aucun des pouvoirs de la nature de ceux que leur confère l'article L. 450-4 du Code de commerce ; que le procès verbal de visite indique que la rapporteure française a pénétré dans les locaux aux fins d'identifier tout document à remettre à l'OFT pour les besoins de l'enquête, dans la limite et pendant le temps où les agents de l'OFT sont présents dans les locaux pour l'exercice de leur mission en vertu de l'article 65D de la loi applicable à une enquête ;

Que leur présence a été acceptée par les entreprises visitées, comme le démontrent tant l'absence d'un quelconque recours devant le juge britannique, ainsi qu'il a été dit, et comme en atteste le procès-verbal d'accord de pénétrer dans des locaux, terminé par l'affirmation que la visite a eu lieu "harmonieusement", et signé par le représentant de l'OFT, la représentante de la société Chevron et Mme Wibaux, rapporteure du Conseil de la concurrence le 14 avril 2005 ;

Considérant, en ce qui concerne l'absence d'autorisation judiciaire et le bénéfice des "garanties équivalentes", que l'article 22-1er du règlement précité prévoit que les mesures d'enquête exécutées sur le fondement de ce texte le sont " en application " du droit national de l'autorité exécutante ; qu'en droit anglais, coexistent deux types d'enquêtes incluant des visites dans des locaux professionnels, l'une supposant un mandat de perquisition (warrant) délivré par un juge (article 65 G du Compétition Act), l'autre ne nécessitant pas un tel mandat (article 65 F du Compétition Act) ; qu'en l'espèce, c'est la seconde procédure qui a été mise en œuvre par l'OFT comme l'attestent notamment la mention " Notice of entry of business premises without a warrant under section 65 F of the Compétition Act 1998 " figurant sur les courriers adressés aux entreprises pour les informer des visites à venir dans leurs locaux ; que l'absence d'autorisation judiciaire ne saurait, par conséquent, être constitutive d'une irrégularité ;

Considérant qu'en toute hypothèse, et en supposant que les garanties du droit anglais ne soient pas équivalentes à celles du droit français, l'article 12-3e, du règlement CE 1-2003 déjà cité énonce que les informations transmises d'ANC à ANC ne peuvent être utilisées comme moyen de preuve pour infliger une sanction à une personne physique que lorsque la loi de l'autorité qui transmet l'information prévoit des sanctions similaires en cas de violation de l'article 81 ou 82 du traité ou, si tel n'est pas le cas, lorsque les informations ont été recueillies d'une manière qui assure le même niveau de protection des droits de la défense des personnes physiques que celui qui est reconnu par les règles nationales de l'autorité destinataire ; que dans ce cas, cependant, les informations échangées ne peuvent être utilisées par l'autorité destinataire pour infliger des peines privatives de liberté ;

Que la protection qui est assurée par ces dispositions vise expressément et exclusivement les personnes physiques ;

Que par surcroît, et comme il a été dit, les documents ont été transmis volontairement aux enquêteurs, avec le plein accord des entreprises, conformément à la procédure du Compétition Act choisie qui n'était pas coercitive ;

Considérant qu'en somme, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander que les documents recueillis en application de l'article 22-1er du règlement 1-2003 soient retirés du dossier ;

4) Sur l'application des règles de fond :

Considérant que les sociétés requérantes dénoncent toutes une définition incertaine du marché visé par la décision (a) ;

Que la société Esso SAF déplore un recours inexact aux règles des marchés publics, destiné à dramatiser leur pratique (b) ; que précisément et sur le même sujet, la société Total Réunion estime que les contrats de fourniture de carburéacteur à Air France sont conclus au terme d'un processus de négociation mis en place par Air France qui aurait été à tort qualifié de "procédure d'appel d'offres" ; que selon Total Réunion, il s'agit en réalité d'une succession de négociations de gré à gré, dont le périmètre est variable d'un candidat à l'autre ; que les règles fixées par Air France seraient floues et protéiformes, et ne définiraient même pas de calendrier ; que cet argument est repris par Esso SAF et par Chevron (dans l'étude économique du cabinet MAPP) ; que cette dernière ajoute que le fait qu'Air France n'ait pas fixé de règles précises pour le déroulement des appels d'offres a réduit les incitations des offreurs à faire des prix bas, puisque ceux-ci n'étaient pas assurés d'être sélectionnés, ce qui expliquerait les prix élevés en 2002 et 2003 ;

Que la société Chevron, les sociétés Total et la société Esso SAF affirment que le comportement de la compagnie Air France dans la négociation du marché litigieux est à l'origine de l'apparence d'entente dont la décision fait grief aux entreprises (c) ; que précisément, la compagnie aérienne donnait elle-même des informations aux négociateurs des différentes compagnies pétrolières sur le positionnement des concurrents en prix et en quantité, et conduisait ainsi implicitement mais nécessairement ses cocontractants vers la couverture de cent pour cent des besoins, ni plus ni moins ;

Qu'enfin, elles estiment que les éléments de fait réunis contre elles pour établir l'existence d'une entente horizontale sur les prix et les quantités, ne sont probants ni isolément ni même en faisceau (d) ; que précisément,

- la Société des pétroles Shell SPS, la société Esso SAF et la société Chevron font conclure, s'agissant du parallélisme des comportements, qu'il est totalement imaginaire, que les comportements ont été disparates mais suivis d'une adaptation spontanée des fournisseurs ;

- les sociétés Shell SPS, Esso SAF, Total R., Total O.M. et Chevron critiquent aussi, en tout ou partie, l'interprétation donnée des documents saisis en Grande-Bretagne, qui auraient été soit démentis par les faits (document 384), soit démentis par la raison (2027, lequel comporterait des mentions manuscrites obscures et aurait impliqué un accord le dimanche 29 sept. 2002), et qui seraient en toute hypothèse muets sur une répartition en volumes ;

- enfin, le scénario alternatif proposé par Shell SPS selon lequel les fournisseurs s'adaptent de manière spontanée et autonome, en fonction de leurs propres observations et des pratiques des années antérieures, n'aurait même pas été examiné par le Conseil, pas davantage que l'absence de mobile évoqué par Esso SAF ;

a - Sur la définition du marché

Considérant que la définition du marché, dans l'enquête et l'instruction sur une entente horizontale, a pour utilité de déterminer le droit applicable, de caractériser une pratique et d'établir la gravité du comportement anticoncurrentiel ;

Que le Conseil a pu, par des motifs pertinents que la cour fait siens et qui ne sont pas contradictoires avec ce qui est énoncé sur l'applicabilité du droit communautaire (voir parag. 2-a ci-dessus) ou ce qui le sera sur la gravité du comportement poursuivi (voir plus loin, parag. 5-a), écrire (décision, parag. 211 suiv.) que "le marché de produit est celui du carburéacteur qui constitue, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, un marché de produit distinct des autres carburants (tels que l'essence automobile, le gazole, le carburant marin ou le fuel domestique) ; le marché géographique correspond à l'escale de l'île de la Réunion puisque l'approvisionnement se fait à cette escale ; qu'en effet, pour les vols directs pour la métropole, qui constituent la majorité des vols, il n'existe pas d'autre possibilité pour les compagnies que de s'approvisionner en carburéacteur sur place ; que l'escale de Saint-Denis de la Réunion n'est donc substituable à aucune autre escale et il existe une demande spécifique de l'approvisionnement en kérosène des avions qui font escale à la Réunion " ;

Considérant que dès lors, le moyen sera rejeté ;

b - Sur la référence aux règles des appels d'offres contenues dans le Code des marchés publics

Considérant que le Conseil a exposé, dans une motivation que la cour approuve et qui n'est d'ailleurs pas factuellement contredite par les sociétés requérantes, que les demandes d'Air France aux compagnies pétrolières pour son approvisionnement en carburéacteur sur l'escale de la Réunion sont des appels à la concurrence, consistant à inviter des fournisseurs de biens ou services à présenter une offre en vue de la satisfaction d'une demande limitée et identifiée, à savoir l'attribution d'un marché annuel ; que cette organisation vise à minimiser le coût moyen de l'acquisition du carburéacteur, sachant que plusieurs offreurs doivent être sélectionnés pour pouvoir couvrir l'ensemble de la demande ; que l'appel à la concurrence suit un processus préétabli : Air France envoie un premier courrier pour le 1er tour avec une date limite et ainsi de suite pour les tours suivants jusqu'au 1er novembre, date de la fin du contrat annuel précédent ; que même si le nombre définitif de "tours" n'est pas connu des soumissionnaires, ces derniers sont incités à diminuer leurs prix dès lors que chaque tour a une probabilité suffisante d'être le dernier, avec le risque qu'une entreprise peu compétitive en prix soit exclue du marché ou ne se voie affecter que des volumes d'approvisionnement limités ; que comme le nombre de tours a toujours été de deux à quatre et que des entreprises ont effectivement été exclues dans le passé (ou se sont vues allouer une part minime de l'appel d'offres), celles-ci étaient effectivement incitées à diminuer leurs prix ; qu'en somme, dans son analyse, le Conseil n'a jamais considéré que le marché en cause était juridiquement en la forme d'un marché public ; qu'il est au contraire indiqué au paragraphe 47 de la décision que "l'appel d'offres d'Air France ne fonctionne pas comme un marché public, suivant le principe d'une offre fixe sous pli fermé à un seul tour" ; que quand bien même la société Air France aurait eu recours à des appels d'offres, le Conseil a décrit ce marché comme étant un oligopole restreint du fait du nombre limité d'offreurs sur ce marché avec des barrières à l'entrée liées à la présence de deux GIE chargé de la gestion des infrastructures aéroportuaires ;

Considérant que dès lors, le moyen sera rejeté ;

c - Sur le comportement d'Air France

Considérant que le comportement d'entente est constitué dès lors que des entreprises ont librement et volontairement participé à une action concertée en sachant qu'elle avait pour objet ou pouvait avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Que le comportement du cocontractant, qu'il soit distributeur, acheteur ou donneur d'ordre, n'est par conséquent pas exonératoire, chaque entreprise conservant la responsabilité de répondre à une sollicitation manifestement illicite dans son objet ou dans ses effets ;

Qu'autrement dit, à supposer qu'Air France ait effectivement laissé filtrer quelques informations au cours du processus de mise en concurrence des offres et ait ainsi permis aux entreprises de faire en sorte de ne pas dépasser globalement cent pour cent des besoins de l'acheteur, cet élément de fait ne saurait constituer une provocation mais tout au plus une cause d'atténuation de la sanction, examinée à ce titre plus loin (parag. 5-d) ;

Considérant que dès lors, le moyen sera rejeté ;

d - Sur l'absence d'un " faisceau d'indices graves, précis et concordants " d'une entente horizontale

* Sur les échanges habituels d'informations entre les entreprises mises en cause

Considérant que les deux GIE dont l'existence a été signalée plus haut, sont un lieu de réunion des fournisseurs de carburéacteurs pour l'aéroport de Saint-Denis de la Réunion et permet à chacun de ces fournisseurs de connaître sa part de marché sur l'escale et celle de ses concurrents, en temps réel ;

Que, pour n'avoir rien d'illicite, ces échanges ne sauraient être déniés ou minimisés par les entreprises mises en cause ;

Que comme le relève le Conseil dans la décision, dans une analyse que la cour reprend à son compte, le document coté 544 saisi dans les locaux de la société Shell SPS présente, pour le mois de novembre 2002, les parts de marché (en temps réel) de chaque compagnie pétrolière sur l'escale ; qu'un courriel de Mme Dorothée C..., gestionnaire des approvisionnements au sein des GIE, daté du 26 juin 2001, a été saisi chez Exxon Mobil, au siège d'email, c'est-à-dire la division aviation à Londres, qui négocie les appels d'offres et n'a théoriquement pas de contact avec Esso SAF à la Réunion ; que ce courriel était simultanément adressé à Total Réunion et à Shell SPS ; qu'il confirme que chacune des compagnies connaît les parts de marché des autres compagnies pétrolières : " depuis que nous avons reçu le fax du 15/06/01 d'Anne Marie D... nous demandant de ne plus livrer à crédit AOM (cette compagnie n'a pas de cash disponible localement) aucun plein n'a été fait pour votre compte. Qu'en est-il de la surveillance judiciaire ? Car avec les instructions que vous m'avez données, je suis dans l'incapacité de respecter vos 4 parts de marché, au fil des jours je m'en éloigne. Maintenez-vous vos positions ? Veuillez noter les % réalisés au 20/06/2001 à 5 h 45 et les % prévus au dimanche 24/06/01 " ; qu'un autre document (coté 378) saisi chez Air Total International (à Paris) montre également que la société du groupe Total qui s'occupe de répondre aux appels d'offres d'Air France connaissait exactement les volumes vendus jusqu'à fin septembre 2002 par les compagnies pétrolières concurrentes, sur différentes escales, ainsi que les estimations des volumes vendus pour l'année ; que de surcroît, sur ce document figure, de façon manuscrite, la part de marché d'Air France pour Total sur chacune de ces escales ;

Qu'en somme, la défense des entreprises mises en cause, consistant à dénier le contenu ou la portée de leurs échanges habituels d'informations, et donc la première condition d'une une action concertée ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, n'apparaît pas fondée ;

* Sur les échanges d'information pour le marché litigieux

Considérant que la preuve de l'action concertée ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, résulte tant d'indices relevés dans les caractéristiques du marché de 2002, que du parallélisme du comportement des entre prises mises en cause et de preuves matérielles de leur entente ;

Considérant que le premier indice du caractère anormal de l'appel d'offres de 2002 résulte de ce que la somme cumulée des volumes pour lesquels les quatre compagnies pétrolières ont soumissionné correspondait exactement (100 %) aux besoins appelés ; que s'agissant d'un simple indice, sa vraisemblance statistique n'est pas nécessaire, au rebours de ce qu'exigent les entreprises mises en cause ;

Qu'un deuxième indice de concertation se situe à l'issue du deuxième tour de l'appel d'offres, alors que le ratio de couverture est toujours de 100 % ce qui implique que l'acheteur (en l'espèce Air France) n'avait pas d'autre choix que d'accepter les conditions de prix proposées par les compagnies pétrolières il voulait couvrir la totalité de ses besoins en carburant, ainsi qu'il a été dit dans l'exposé des faits par la cour ;

Considérant, s'agissant du parallélisme de comportement, que le fait d'avoir uniment proposé des prix en hausse pour la première enchère de 2002, d'avoir non moins uniment maintenu ces prix élevés pendant les tours d'enchères de 2002, d'avoir ensemble limité les offres en volume de manière à se positionner comme fournisseur incontournable d'Air France et de ne pas avoir, ni isolément ni d'accord, modifié les offres en volume pendant tout l'appel d'offres, est constitutif d'un élément dont les entreprises mises en cause ne proposent pas d'explication plausible ;

Que de manière détaillée, le Conseil était fondé à relever à ce sujet, dans une analyse que la cour reprend à son compte :

- S'agissant de l'augmentation des prix lors de la première enchère de 2002, que l'augmentation du différentiel entre l'année 2002 et l'année 2001 se situe à 14,7 % pour Shell SPS, à 26,5 % pour Chevron, à 25,8 % ou 20,9 % pour Total et à 33,3 % pour Exxon Mobil ; que les offres du premier tour pour l'appel d'offres de 2002 ont été en augmentation sensible par rapport aux résultats de l'appel d'offres de 2001 (paragraphe 409 et 410 de la décision) ;

- S'agissant du maintien de prix élevé tout au long de l'appel d'offres le Conseil a pu relever qu'une fois le premier tour d'enchères passé, les pétroliers n'ont consenti que de faibles baisses du différentiel allant de 2 à 3 % ;

- S'agissant d'une limitation des offres en volume, au premier tour de l'appel d'offres, le Conseil a pu constater que les compagnies avaient soumissionné pour un total de 100 % du marché ce qui était une situation totalement inédite dans la mesure où dans les négociations précédentes Air France disposait toujours d'une certaine marge de manœuvre grâce à des taux compris entre 150 et 180 % du volume appelé ;

- S'agissant de la rigidité des volumes pendant l'appel d'offres le Conseil a pu constater un maintien à l'identique des offres de volume entre le premier tour et le deuxième tour et ce n'est qu'en toute fin d'appel d'offres que les pétroliers ont consenti à modifier leurs offres en volume dans des proportions négligeables ; que chaque compagnie a choisi lors de l'appel d'offres de 2002, contrairement à ce qui a été observé au cours des années précédentes, une stratégie identique sur les volumes offerts consistant à restreindre les parts de marché et supprimer toute option afin de pouvoir augmenter les prix (paragraphes 397 à 408);

Considérant que les pièces produites à la cour comportent enfin des preuves matérielles de la concertation et que le Conseil a fait une exacte description de ces documents ;

Qu'en premier lieu, les annotations manuscrites de M. Simon Cooper, négociateur de l'appel d'offres de la société Chevron Texaco, (côte 2027) confirment la répartition de marché convenue entre les entreprises avant le début de l'appel d'offres et contribuent ainsi à prouver l'existence d'une concertation avant le dépôt des offres ;

Que de même le courrier électronique de Mme Réalland (côte 384) daté du 17 octobre 2002 émanant d'une salariée de la société Total Outre-Mer révèle l'existence d'échanges entre les pétroliers avant la fin de l'appel d'offres au sujet de l'attitude commune à adopter pour tenir compte du changement de source d'approvisionnement en carburéacteur (rendu nécessaire par l'entrée en vigueur de nouvelles spécifications européennes pour le gasoil à compter du 1er mars 2003) ;

Qu'enfin, le courrier électronique de Mme Porthun (côte 3151) daté du 17 octobre 2002 émanant d'une salariée de la société Shell qui est analysé par la décision dans ses paragraphes 158 à 161 et 342 à 344 révèle l'existence d'échanges entre les pétroliers avant le dépôt des offres au sujet des prix de transfert et des conséquences de l'utilisation de différents index de cotation entrant dans les offres soumises ; que Mme Porthun de Shell Trading indique à M. Gravet de Shell Aviation (filiale chargée de la vente) "avoir parlé avec Total, Caltex et Exxon, de leurs prix d'approvisionnement du kérosène et en avoir retiré des informations (" tout indique qu'ils vendaient soit suivant la formule 70/30 (Total) soit celle du 60/40 (Caltex et Exxon (...) - L'aspect positif est que tout le monde est dans la même situation et Total est également extrêmement préoccupé") ;

Considérant que dès lors, le Conseil avait réuni les indices relevés dans les caractéristiques du marché de 2002, décrit le parallélisme du comportement des entreprises mises en cause et analysé exactement les preuves matérielles de leur entente ; qu'il disposait ainsi d'une juste certitude sur l'absence d'autonomie des entreprises mises en cause et pouvait entrer en voie de sanction, sans avoir à analyser en détail le scénario alternatif proposé par Shell SPS selon lequel les fournisseurs s'adaptent de manière spontanée et libre, en fonction de leurs propres observations et des pratiques des années antérieures, et sans avoir davantage à examiner "l'absence de mobile" invoquée par Esso SAF ;

5) Sur le montant des sanctions

Considérant que les sociétés requérantes contestent la gravité des pratiques, mettant en avant, outre la taille réduite du marché affecté, la durée limitée des pratiques et la subsistance d'une concurrence réelle entre les compagnies pétrolières ; qu'elles contestent également l'importance du dommage causé à l'économie ; que sur ce point, il est soutenu, notamment, que les amendes infligées ne tiennent pas ou insuffisamment compte de la taille réduite du marché affecté - s'agissant tant de sa dimension locale (Réunion) que de sa valeur (faible part représentée par le différentiel sur le coût de l'approvisionnement en carburéacteur) ou de l'existence d'un seul client concerné (Air France) -, de la puissance d'achat d'Air France et de son rôle dans la commission des pratiques ; qu'il est également reproché au Conseil d'avoir méconnu l'effet très limité de la pratique sur les conditions de concurrence sur le marché considéré et sur le surcoût payé par Air France ou sur le prix du billet payé par le consommateur ; que Shell SPS fait valoir qu'au regard de la valeur des ventes affectées, les amendes prononcées sont "quasiment trois fois supérieures" à celle que le Conseil aurait prononcées s'il avait fait application des lignes directrices de la Commission ; que les sociétés Total font encore valoir que le comportement d'Air France a été tel que les sanctions doivent être largement minorées ;

Qu'en outre, s'agissant des éléments individuels, que les sociétés Chevron et Total Outre-Mer contestent leur sanction en invoquant des problèmes touchant à l'imputabilité des pratiques, précisément Chevron arguant de ce que sa sanction de 10 millions d'euro a été fixée en prenant apparemment en compte une part de responsabilité de la filiale locale Chevron Réunion qui n'a pas été partie à la procédure et Total Outre-Mer soutenant que le Conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation en sanctionnant deux fois les pratiques reprochées aux deux sociétés du groupe alors qu'elle même n'est jamais intervenue dans les négociations avec Air France et n'a jamais exercé aucune fourniture de carburéacteur à la Réunion ; que par surcroît, les sociétés Total s'étonnent d'assumer plus de treize pour cent de la somme des sanctions, alors que telle était leur part de marché, l'argument étant repris sous une autre forme par la société Esso SAF ; qu'enfin, Total Réunion conteste la circonstance de réitération dans la mesure où la sanction infligée à Total Réunion Comores prononcée par décision du 19 octobre 1993 concernait une pratique qui n'avait ni le même objet, ni les mêmes effets anticoncurrentiels que celle qui a donné lieu à la sanction critiquée ; qu'elle ajoute que l'ancienneté de cette décision doit, en tout état de cause, être prise en compte ; que comme Esso SAF, elle soutient également que sa situation a été appréciée de façon erronée au regard du profit qu'elle aurait retiré des pratiques ; que ladite société Esso SAF reproche au Conseil d'avoir calculé le plafond de sa sanction par référence au chiffre d'affaires consolidé du groupe Exxon Mobil dans son ensemble, c'est-à-dire par référence au chiffre d'affaires consolidé figurant dans les comptes de la société Exxon Mobil Corporation, holding à laquelle le Conseil estime pourtant que la pratique n'est pas imputable ; qu'elle estime qu'ainsi, dès lors que son autonomie a été reconnue par rapport à la société-mère Exxon Mobil Corporation, le Conseil a méconnu la volonté du législateur, lors de la modification du I de l'article L. 464-2 par la loi NRE, et, en outre, adopté une position contraire au droit communautaire ;

Mais considérant que l'article L 464-2-1 alinéa 3 du Code de commerce prescrit à l'Autorité et, à sa suite, à la Cour d'appel de Paris de proportionner les sanctions à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; que les sanctions doivent être déterminées individuellement pour chaque entreprise ;

Qu'ainsi, doivent être abordées liminairement les questions que soulèvent les requérantes mais qui ne sont pas incluses dans les prévisions de la loi :

- le marché pris en considération pour évaluer la gravité des comportements et le dommage à l'économie :

Considérant que le marché pris en considération par la décision a été défini à propos de l'applicabilité du droit communautaire (ci-dessus parag. 2-a) et mentionné à propos des preuves de l'entente (parag. 4-a) ; qu'il s'agit du marché principal de la vente de carburéacteur par des compagnies pétrolières nationales ou européennes dans le département français de la Réunion et des deux marchés connexes d'approvisionnement et de transport de passagers français ou européens vers ou au départ de l'île la Réunion ;

Considérant que ce n'est que pour déterminer la gravité d'un comportement et le dommage qu'il a causé à l'économie, au sens des dispositions de l'article L 464-2 du Code de commerce, que le Conseil a explicité la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause ;

Que, s'agissant de la taille du marché de la fourniture de carburéacteur à Air France à la Réunion, le Conseil en a déterminé les caractéristiques et a notamment, sans être contredit, établi le coût annuel pour l'acheteur s'établissait à 23 M d'euro et en notant que la valeur du différentiel, objet spécifique du marché, représentait environ un tiers de ce coût (§ 519) ; que les parties ne peuvent donc prétendre que le Conseil a méconnu la grandeur réelle du marché concerné ; qu'au demeurant, le produit concerné ne saurait être un "différentiel" et que l'objet du contrat entre les compagnies pétrolières et Air France (ainsi que les autres compagnies aériennes) est bien la fourniture du kérosène, qui comprend un index de référence et un différentiel ;

Que le Conseil a estimé encore, à juste titre, que la gravité des comportements et le dommage pouvaient être appréciés également sur le marché indirectement affecté de la livraison de kérosène sur l'escale de la Réunion, les compagnies pétrolières ayant reconnu, elles-mêmes, que l'intensité de la concurrence entre elles pour servir les compagnies Corsair, AOM, Air Austral ou Air Bourbon, était affectée par le résultat de l'appel d'offres d'Air France ; qu'en 2002, ce marché a représenté environ 50 millions d'euro, cette estimation se fondant sur la constatation que l'appel d'offre d'Air France en 2002 représentait 22 millions d'euro (§ 183) et celle que, cette même année, les livraisons de carburéacteur pour l'aéroport de Saint-Denis de la Réunion se sont élevées à environ 200 000 m3. Air France en consommant à elle seule 46 % (soit 90 000 m3) (cf § 15 de la notification de griefs) ;

Que du tout, il résulte que les sanctions prononcées n'avaient pas à tenir compte des caractéristiques du marché considéré, en dehors de l'analyse faite de la gravité des comportements et de l'importance du dommage à l'économie ;

- la référence à la pratique de la Commission

Considérant que la pratique répressive de la Commission européenne n'est pas un des critères énoncés par l'article L. 464-2-1 ;

Que dès lors, le Conseil n'avait pas à se justifier de ce qu'à son avis, la Commission européenne, afin de donner à l'amende un caractère suffisamment dissuasif, aurait vraisemblablement, pour tenir compte du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise, appliqué un facteur multiplicateur au montant de base de l'amende devant être infligée à chaque compagnie pétrolière ;

- la circonstance atténuante de la pratique anticoncurrentielle d'Air France

Considérant que la cour a abordé la question de l'attitude d'Air France et l'effet des informations qu'elle aurait données, au paragraphe 4-c ci-dessus, pour indiquer que cette hypothèse ne pouvait avoir aucune conséquence exonératoire ;

Considérant, s'agissant de modérer les sanctions, que si Air France était en partie responsable de "fuites" d'informations, destinées à guider la conduite de ses cocontractants, voire à les pousser dans l'illicéité, cet élément de fait ne serait un facteur d'atténuation de la sévérité du Conseil que si les entreprises mises en cause étaient en situation de dépendance forte à l'égard de la compagnie aérienne ; que le mécanisme de l'entente, décrit précédemment, montre qu'il n'en était rien. Air France étant en situation de demandeur captif ; que s'agissant de la puissance d'achat d'Air France, inopérante en soi, elle doit en outre être relativisée compte tenu de la taille des groupes auxquelles appartiennent les entreprises en cause ;

a - Sur la gravité des comportements

Considérant que la gravité de l'infraction doit être évaluée en tenant compte, notamment, de la nature de la restriction à la concurrence, du nombre et de la taille des entreprises impliquées, de la part de chacune de ces entreprises sur le marché et de la situation du marché à l'intérieur duquel a été commise la violation des règles de concurrence. Il en résulte que les ententes horizontales aux fins de se répartir un marché et d'y réaliser un surprofit sont qualifiées de très graves et injustifiables ;

Qu'il en est ainsi notamment dans le cas d'ententes ou actions concertées qui empêchent de garantir la sincérité des appels d'offres, mécanismes pourtant mis en œuvre par l'acheteur afin d'améliorer la concurrence, parce que ces comportements altèrent l'indépendance des offres et éliminent la concurrence par les prix ;

Considérant que si la durée de la pratique est un critère à prendre en compte pour apprécier la gravité de l'infraction, la durée pertinente n'est toutefois pas la durée du déroulement de l'appel d'offres lui-même mais la durée de son exécution pendant laquelle sont ressentis les effets sur le marché ; qu'en l'espèce, les pratiques anticoncurrentielles ont donc duré une année ;

b - Sur l'importance du dommage à l'économie

Considérant que le dommage à l'économie est présumé dès lors que l'existence d'une entente est établie ; que du seul fait que les entreprises, de façon concertée, modifient les conditions de fonctionnement du marché, il est présumé des pertes d'efficacité par rapport à un fonctionnement concurrentiel du marché ;

Considérant, sur les éléments de fait qui caractérisent l'existence du dommage à l'économie, que les ententes organisées par les entreprises qui ont une forte position sur le marché causent un dommage particulier au fonctionnement de la concurrence du fait notamment de l'exemple donné aux autres opérateurs ; qu'en l'espèce, le Conseil était fondé à énoncer, dans des motifs que la cour s'approprie,

- qu'il n'est pas contestable que les quatre compagnies pétrolières en cause appartiennent aux groupes mondiaux qui sont les cinq majors du secteur,

- qu'elles avaient chacune la possibilité de faire obstacle à la mise en œuvre de l'entente en adoptant un comportement autonome sur le marché,

- que, sur le marché du transport aérien, les compagnies aériennes ont une faible sensibilité de la demande aux prix du kérosène, qui constitue une dépense inévitable pour assurer leur activité ; qu'au surplus, dans l'île de la Réunion, la demande émane d'une clientèle captive puisque la compagnie Air France et les autres compagnies aériennes ne peuvent pas s'approvisionner ailleurs que sur l'escale de la Réunion, donc auprès des compagnies pétrolières membres des GIE ;

- que le consommateur est directement affecté par les pratiques puisqu'ainsi qu'il a été dit précédemment, dans le transport aérien, le prix du kérosène représente une partie non négligeable du prix total du billet ;

- et que de ces cinq points de vue, le dommage à l'économie est important ;

Considérant maintenant, pour répondre complètement aux arguments articulés par les entreprises requérantes à propos du dommage à l'économie, que le dommage à l'économie visé par les dispositions de l'article L 464-2 alinéa 3 du Code de commerce, ne se réduit pas au préjudice subi par la victime directe de l'entente, en l'espèce Air France ; qu'il s'apprécie aussi en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause, et de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence ;

Que de même, le dommage ne se limite pas à une évaluation chiffrée mais doit être apprécié en fonction de la perturbation générale affectant le fonctionnement normal du marché et l'entrave portée au libre jeu de la concurrence, comme l'indique le substantif "importance" de ce dommage utilisé par le législateur ;

Que dès lors, l'argumentation de Shell SPS selon laquelle le dommage causé à l'économie correspondrait au surprofit réalisé par les compagnies pétrolières, que la requérante évalue à 1 134 900 euro, de sorte que l'amende à elle infligée correspondrait à plus de 9 fois le montant du dommage à l'économie résultat de la pratique, ne peut prospérer, non plus que la thèse selon laquelle le dommage à l'économie serai nul ;

c - Sur les éléments d'individualisation des sanctions pour chaque entreprise

* Sur l'imputabilité des comportements anticoncurrentiels

Considérant, en ce qui concerne la société Chevron, que la décision examinée dans le présent arrêt est celle qui a été officiellement notifiée aux entreprises conformément à l'article R. 464-8 du Code de commerce, et qui prévoit, en ce qui concerne " la société Chevron Products Company, venant aux droits de Chevron Global Aviation ", une sanction pécuniaire de 10 millions d'euro ;

Considérant, en ce qui concerne les sociétés du groupe Total, que les éléments du dossier (§ 312 à 341) établissaient l'intervention de la société Total Outre-Mer dans le déroulement de l'appel d'offres, celle-ci ayant notamment servi de contact avec les sociétés concurrentes et joué un rôle dans la préparation des réponses aux appels d'offres de Total Réunion ; que dès lors, le Conseil était fondé à estimer que la responsabilité de la société Total Outre-Mer devait être retenue, concomitamment à celle de la société Total Réunion ; qu'il a pu aussi valablement estimer que l'implication des deux sociétés devait le conduire à partager également entre elles, avant la prise en compte de la réitération concernant la société Total Réunion, la sanction pécuniaire devant s'appliquer au " groupe Total " (§ 528) ;

* Sur la situation individuelle par entreprise (ordre alphabétique)

Considérant qu'il sera rappelé de manière liminaire que la part du marché de chaque compagnie pétrolière a été de 13 % pour les sociétés du groupe Total, 25 % pour celles du groupe Chevron Texaco, 30 % pour celles du groupe Shell et 32 % pour celles du groupe Exxon Mobil ;

Considérant, en ce qui concerne les sociétés du groupe Chevron Texaco, que les comptes de la division Aviation sont consolidés au sein de ceux du groupe Chevron USA Inc. qui a réalisé au cours de l'exercice 2007, un chiffre d'affaires de 153 milliards de dollars américains ; que le plafond de la sanction pécuniaire susceptible d'être infligée à la division Aviation de Chevron Global Aviation est donc de 15,4 milliards de dollars, soit environ 10 milliards d'euro ; que le chiffre d'affaires de la division " Aviation " du groupe Chevron s'est élevé à 10,3 milliards d'euro au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2007 ;

Que dès lors, la sanction pécuniaire de 10 millions d'euro infligée à Chevron Products Company venant aux droits de Chevron Global Aviation apparaît justifiée et motivée ;

Considérant, en ce qui concerne les sociétés du groupe Exxon Mobil, et d'une part sur le chiffre d'affaires à prendre en compte pour la détermination de la sanction applicable à la société Esso SAF, que la détermination du plafond des sanctions applicables par le Conseil est soumise au respect des seuls critères fixés par le droit national, en l'occurrence par le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; que le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ; que si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante; qu'en l'espèce, le Conseil a relevé que les comptes de la société Esso SAF étaient consolidés au sein de ceux du groupe Exxon Mobil, que le plafond de la sanction pécuniaire susceptible d'être infligée à la société Esso SAF représentait 10 % du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé en 2007 par le groupe, soit environ 29 milliards d'euro ; que le raisonnement contraire de la société Esso SAF repose sur une analyse de son autonomie, qui est déterminante de la personne morale qui sera sanctionnée mais n'empêche nullement de chiffrer cette sanction par référence au chiffre du groupe ;

Que d'autre part, sur le montant de la sanction contre Esso SAF, les comptes de la société Esso SAF sont consolidés au sein de ceux du groupe Exxon Mobil qui a réalisé au cours de l'exercice 2007, un chiffre d'affaires de 404 milliards de dollars américains ; que le plafond de la sanction pécuniaire susceptible d'être infligée à la société Esso SAF est donc de 40,4 milliards de dollars, soit environ 27 milliards d'euro ; que le chiffre d'affaires de la société Esso SAF s'est élevé à 10,8 milliards d'euro au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2007 ;

Qu'au vu des ces éléments particuliers et des éléments généraux relevés ci-dessus, la sanction pécuniaire de 10,7 millions d'euro infligée à Esso SAF apparaît justifiée et motivée

Qu'enfin, en soutenant qu'il est " paradoxal " de tenir compte du profit réalisé par chaque société au prorata des volumes offerts quand il est précisément reproché aux compagnies pétrolières de s'être entendues sur une limitation des volumes, la société Esso SAF remet en cause implicitement les sanctions infligées aux autres entreprises, alors qu'une société sanctionnée ne peut exiger que l'application des principes et critères prévus par les textes relatifs à la détermination des sanctions et, en aucun cas, contester sa sanction au motif qu'elle serait discriminatoire par rapport à celle infligée à une autre (Cour de cassation, 23 avril 2003, Interflora) ;

Considérant, en ce qui concerne les sociétés du groupe Shell, que les comptes de la société Shell SPS sont consolidés au sein de ceux du groupe Shell, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 355 milliards de dollars américains au cours de l'exercice 2007 ; que le plafond de la sanction susceptible d'être infligée à la société Shell SPS est donc 35,6 milliards de dollars, soit environ 23 milliards d'euro ; que le chiffre d'affaires de la société Shell SPS s'est élevé à 7,2 milliards d'euro au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2007 ;

Que dès lors, la sanction pécuniaire de 10,5 millions d'euro infligée à Shell SPS apparaît justifiée et motivée ;

Considérant, en ce qui concerne les sociétés du groupe Total, que le Conseil a d'abord retenu une situation de réitération contre la société Total Réunion ;

Que la société Total Réunion Comores, à laquelle a succédé la société Total Réunion, a été sanctionnée par décision du Conseil de la concurrence du 19 octobre 1993, pour des pratiques d'entente mises en œuvre par les sociétés Elf Antar France et Total Réunion Comores sur le marché de la distribution du carburéacteur dans le département de la Réunion ; que la seule circonstance, alléguée par Total Réunion, que la structure du marché et ses propres parts de marché ont évolué entre les deux épisodes infractionnels ne peut pas conduire à considérer que les pratiques seraient différentes par leur objet ou leur effet anticoncurrentiel ; que, par conséquent, la réitération a pu peut être retenue valablement par le Conseil ;

Que, sur le montant de la sanction contre les sociétés Total, le Conseil a pu établir que les comptes des sociétés Total Réunion et Total Outre-Mer sont consolidés au sein de ceux du groupe Total qui a réalisé au cours de l'exercice 2007, un chiffre d'affaires de 158 milliards d'euro ; que le plafond des sanctions susceptibles d'être infligées aux sociétés du groupe Total est donc de 15,8 milliards d'euro; qu'au sein de ce groupe, la société Total Réunion a réalisé, au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2007, un chiffre d'affaires de 172 millions d'euro alors que celui de la société Total Outre-Mer s'est élevé à 2,67 milliards d'euro pour le même exercice ; que compte tenu de l'implication de ces deux sociétés du groupe Total dont la responsabilité conjointe dans la mise en œuvre des pratiques est expliquée aux paragraphes 499 à 502 de la décision, le Conseil a pu estimer, dans des motifs que la cour approuve, que la sanction pécuniaire devant s'appliquer aux sociétés du groupe Total devait être partagée également entre Total Réunion et Total Outre-Mer, avant prise en compte de la réitération de Total Réunion ;

Que dès lors, la sanction pécuniaire de 4,4 millions d'euro prononcée contre Total Outre-Mer et la sanction à 5,5 millions d'euro prononcée contre Total Réunion apparaissent non justifiées et motivées ;

Que si les sociétés Total relèvent que ces sanctions ne sont pas à proportion de celles infligées aux autres entreprises, il faut rappeler qu'une société sanctionnée ne peut exiger que l'application des principes et critères prévus par les textes relatifs à la détermination des sanctions et, en aucun cas, contester sa sanction au motif qu'elle serait discriminatoire par rapport à celle infligée à une autre (Cour de cassation, 23 avril 2003, Interflora) ;

Considérant que du tout, il s'évince que le montant des sanctions prononcées doit être confirmé par la cour ;

6 - Sur la publication :

Considérant que les sociétés Esso SAF, Shell SPS et Total poursuivent l'annulation de la mesure de publication ordonnée par le Conseil, arguant de son caractère inutile eu égard notamment à l'existence d'un communiqué de presse diffusé par le Conseil et des inexactitudes que contient le résumé à publier, s'agissant tant de l'identité des entités sanctionnées que de l'effet des pratiques sur l'augmentation du prix ; qu'à titre subsidiaire, la société Shell SPS sollicite la modification du texte à publier de façon à corriger les erreurs dénoncées ; que dans une ordonnance rendue le 4 mars 2009, le magistrat délégué par le premier Président de la cour d'appel, faisant droit aux demandes des compagnies pétrolières, a ordonné le sursis à l'exécution de l'injonction de publication prononcée par le Conseil ; que selon les sociétés requérantes, le magistrat a considéré que le résumé à publier ne répondait pas à l'exigence de clarté requise au regard de ce qu'il pouvait " laisser croire à un lecteur non spécialisé " ou " laisser à comprendre à un lecteur moyennement attentif" - références qui ne peuvent que laisser perplexe - et qu'ainsi la mesure de publication était " susceptible d'engendrer des conséquences manifestement excessives " ;

a - Sur l'utilité de la publication

Considérant que selon l'article L. 464-2 du Code de commerce "le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication , la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait selon les modalités qu'il précise" ; que la diffusion par le Conseil de la concurrence d'un communiqué de presse annonçant le prononcé de la décision ne constitue pas une mesure de publication au sens de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; que la publication que le Conseil peut ordonner en application de l'article L. 464-2, alinéa 5, procède du principe fondamental de la publicité des décisions à forme et à contenu juridictionnel et n'est pas de nature à porter atteinte au crédit et à la considération des personnes visées, dès lors, notamment, que le texte dont la publication est enjointe constitue un résumé objectif des éléments retenus par le Conseil pour entrer en voie de sanction ;

Considérant dès lors que, sauf abus, le Conseil est maître de publier sa décision, pour des raisons propres à l'espèce ou relevant plus généralement de sa mission de garantie des mécanismes de la concurrence ;

Que les entreprises requérantes ne peuvent faire la démonstration d'aucun abus en l'occurrence et que l'utilité de la mesure de publication est donc acquise, en quoi le moyen sera rejeté ;

b - Sur les modalités du texte à publier

Considérant que le texte du résumé doit clairement faire apparaître que les pratiques incriminées ne sont pas celles des groupes mais celles des entreprises Total Outre-Mer, Total Réunion, Chevron Global Aviation, Shell SPS et Esso SAF ainsi que cela ressort strictement de la décision ;

Qu'il est notamment inopportun que la notion de "groupe" apparaisse dans l'exposé livré au grand public, alors que les entreprises sanctionnées ont disposé, comme énoncé à propos de l'imputabilité des sanctions, de l'autonomie qui correspondait à leur personnalité juridique et que la notion de groupe n'a été nécessaire, dans la décision critiquée, que pour déterminer les bases d'évaluation des sanctions, précisément les chiffres d'affaires de référence ; qu'au contraire, la forme sociale exacte de la personne sanctionnée doit être respectée, s'agissant d'un document public de nature juridictionnelle ;

Qu'il doit aussi être précisé en termes simples et dénués d'ambiguïté ce qui est entendu par le différentiel ;

Qu'enfin, l'ordre alphabétique doit présider, dans un document public de nature juridictionnelle, à la présentation des données individualisées, de sorte d'éviter une quelconque interprétation du lecteur ;

Considérant que la mesure de publication ordonnée par le Conseil, parce qu'elle ne remplissait pas ces diverses conditions, doit être annulée mais que la cour, usant de son pouvoir d'évocation, déterminera dans les termes du dispositif ci-après le texte à publier ;

7 - Sur les demandes accessoires

Considérant qu'il sera statué, sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens, dans les termes du dispositif ci-après ;

Par ces motifs, Rejette le recours de la société Chevron Products Company, société de droit anglais, de la société anonyme Esso SAF, de la Société par actions simplifiée des pétroles Shell SPS, de la société anonyme Total Outre-Mer et de la société anonyme Total Réunion, sauf sur la publication ; Annulant de ce chef et évoquant. Dit que le communiqué destiné à la publication est ainsi rédigé : communiqué : lors de l'appel d'offres organisé en 2002 par la société Air France pour l'approvisionnement de ses avions en carburant sur l'escale de la Réunion, les entreprises Total Outre-Mer, Total Réunion, Chevron Global Aviation, Shell SPS et Esso SAF se sont concertées pour se répartir le marché et fausser la concurrence. En limitant délibérément les volumes offerts, elles ont obligé la compagnie aérienne à acheter l'ensemble des volumes proposés à des prix artificiellement élevés. L'entente a entraîné une augmentation du coût d'approvisionnement en carburant pour Air France sur l'escale de la Réunion la restriction des volumes offerts a eu pour effet une augmentation de la part fixe payée par la compagnie aérienne aux compagnies pétrolières et qui s'ajoute à la part variable, indexée sur le prix du pétrole brut déjà soumis à de fortes hausses pendant la période concernée. Des sanctions proportionnées à la gravité des pratiques et à l'importance du dommage à l'économie ont été prononcées les pratiques constatées, émanant de compagnies pétrolières qui appartiennent aux plus grands groupes mondiaux du secteur, sont particulièrement graves. Elles ont conduit à des sanctions pécuniaires dont le montant total s'élève à 41,1 millions d'euro. Les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence se répartissent de la façon suivante : société Chevron Products Company, société de droit anglais : 10 millions d'euro ; société anonyme Esso SAF : 10,7 millions d'euro ; Société par actions simplifiée des Pétroles Shell SPS : 10,5 millions d'euro ; société anonyme Total Outre-Mer : 4,4 millions d'euro ; société anonyme Total Réunion : 5,5 millions d'euro. Le texte intégral de la décision est accessible sur le site de l'Autorité de la concurrence : www.autoritedelaconcurrence.fr. Le texte intégral de l'arrêt confirmatif de la chambre de la régulation de la Cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5-7) est accessible sur le même site ". Condamne la société Chevron Products Company, société de droit anglais, la société anonyme Esso SAF, la Société par actions simplifiée des Pétroles Shell SPS, la société anonyme Total Outre-Mer et la société anonyme Total Réunion à payer solidairement, sur le fondement de l'Article 700 du CPC, la somme de quinze mille (15 000) euro à la société anonyme Air France.