Cass. 1re civ., 23 janvier 1979, n° 77-14.850
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Baudoin
Défendeur :
Karl Brehmer und Sohn (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Caff
Rapporteur :
M. Ponsard
Avocat général :
M. Gulphe
Avocat :
M. Ledieu
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Karl Brehmer und Sohn dont le siège est à Brême (République fédérale d'Allemagne), a, le 9 août 1974, concédé à Baudoin, demeurant à Paris, l'exclusivité de l'exploitation en France de certains de ses produits ; qu'il était convenu qu'après une période probatoire de six mois, qui devait prendre fin le 28 février 1975, le contrat prendrait effet pour une durée d'un an, renouvelable tacitement, sauf dénonciation six mois avant l'échéance annuelle ; que, la société Brehmer ayant, le 26 juin 1975, mis fin au contrat sans préavis et en ayant informé les acheteurs français de ses produits, Baudoin l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'entendre résilier la convention à ses torts et de s'entendre condamner à dommages-intérêts ; que rejetant l'exception d'incompétence soulevée par la société Brehmer, l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le Tribunal de commerce de Paris compétent en vertu de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, comme étant le tribunal du lieu où devait être exécutée l'obligation contractuelle violée par la société Brehmer ;
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que Baudoin ne reprochait pas à la société d'avoir cessé ses livraisons mais d'avoir manqué à son obligation de poursuivre le contrat jusqu'à son terme et de ne le résilier que dans les conditions contractuellement prévues, obligation qui devait être exécutée à Brême, de sorte que le litige relevait de la compétence des tribunaux allemands ;
Mais attendu qu'au sens du texte précité, dans un litige portant sur les conséquences de la violation par le concédant d'un contrat de concession exclusive, et notamment de la rupture unilatérale et sans préavis de ce contrat, conséquences telles que le paiement de dommages-intérêts ou la résolution du contrat, l'obligation à laquelle il faut se référer est celle qui découle du contrat à la charge du concédant et dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande de dommages-intérêts ou de résolution du contrat de la part du concessionnaire ; que la cour d'appel, qui a relevé que Baudoin faisait grief à la société Brehmer d'avoir mis fin à ses propres obligations en cessant de livrer en France les commandes qu'il lui adressait et demandait pour réparation du préjudice résultant lui de l'interruption de ces livraisons qui auraient dû se poursuivre jusqu'au 1er mars 1976, en a déduit, à bon droit, qu'il y avait eu violation d'une obligation qui devait être exécutée en France et a légalement justifié le rejet de l'exception d'incompétence ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen : - Attendu que la cour d'appel, pour accueillir résiliation de la demande et de dommages-intérêts formée par Baudoin, a écarté la justification de la résiliation que la société Brehmer prétendait trouver dans le licenciement par Baudoin d'une employée précédemment au service d'une société Brehmer-France, non partie à l'instance, et qui, à l'expiration de la période probatoire était devenue, en vertu du contrat, l'employée de Baudoin ;
Attendu qu'il lui est fait grief d'avoir retenu que ce contrat ne comportait aucune clause imposant le maintien de cette employée dans ses fonctions de manière permanente, alors que la société Brehmer n'avait pas soutenu l'existence d'une telle clause, mais seulement prétendu que Baudoin qui devait, au terme de la période probatoire, engager demoiselle X, ne pouvait éluder cette obligation en licenciant cette dernière aussitôt après l'avoir embauchée et que la cour d'appel aurait donc dû rechercher le motif de ce licenciement ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant admis, par une interprétation souveraine du contrat de concession, que Baudoin n'était pas tenu de conserver à son service demoiselle X, en a justement déduit que le licenciement de celle-ci ne pouvait justifier une résiliation sans préavis par la société Brehmer ; que le moyen ne peut donc être mieux accueilli que le précédent ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 20 mai 1977 par la Cour d'appel de Paris.