Cass. com., 24 novembre 2009, n° 08-16.259
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Brasseries Kronenbourg (SAS)
Défendeur :
JBEG (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
SCP Bouzidi, Bouhanna, SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er avril 2008), que le 16 mars 1994 la société Brasseries Kronenbourg a conclu avec M. Besseyre une convention de fourniture de bières aux termes de laquelle ce dernier consentait une exclusivité d'approvisionnement à la brasserie pour une durée de dix ans, en contrepartie de la remise d'un avantage financier de 300 000 francs (45 734,71 euro) puis, selon avenant du 12 octobre 1994, de la mise à disposition d'un tirage pression d'une valeur de 65 329 francs (9 959,36 euro) ; que le 8 février 2002, M. Besseyre a vendu à la société JBEG son fonds de commerce de café-bar, la société JBEG déclarant expressément reprendre le contrat de fourniture de bières dont elle déclarait avoir connaissance ; qu'après la signature de l'acte de vente, la société JBEG ne s'est plus approvisionnée en bière auprès de l'établissement distributeur désigné au contrat ; que la société Brasseries Kronenbourg a assigné la société JBEG en résiliation judiciaire de la convention de fourniture de bière et de l'avenant du 12 octobre 1994, ainsi qu'en réparation de son préjudice et en restitution des avantages consentis ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches réunies : - Vu l'article 81 § 1, du traité CE ; - Attendu que, pour décider que le contrat d'approvisionnement exclusif était contraire à l'article 81 paragraphe 1 du traité susvisé, l'arrêt retient que le marché des ventes de bière est caractérisé par des difficultés notables d'accès en raison du nombre de cafés-hôtels-restaurants liés par un contrat de bière et du volume total de bières en fût vendu sous exclusivité et que la société Brasseries Kronenbourg n'est pas fondée à soutenir que le contrat repris à la société JBEG n'aurait pas verrouillé ni contribué à verrouiller le marché pertinent dès lors que la spécificité de ce contrat ne le fait pas échapper à l'effet cumulatif attaché au réseau d'accords verticaux du même type ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement si le contrat litigieux, compte tenu de ses spécificités, contribue de manière significative à l'effet de blocage produit par l'ensemble de ces contrats, compte tenu de leur contexte économique et juridique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 5 du règlement CE 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratique concertées ; - Attendu qu'aux termes de ce texte, l'exemption prévue à l'article 2 du règlement CE 2790-1999 ne s'applique pas aux obligations directes ou indirectes de non-concurrence, dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans ;
Attendu que pour décider que la société Brasseries Kronenbourg ne réunit pas les conditions pour bénéficier d'une exemption au titre de l'article 2 du règlement CE 2790-1999 l'arrêt retient que si un contrat de bière contenant une clause de non-concurrence dont la durée restant à courir au 1er janvier 2002 n'excède pas cinq ans entre dans le champ d'application du règlement 2790-1999 lorsque la part de marché du brasseur est inférieure à 30 %, il n'est pas nécessaire de rechercher la part effective que détient la société Brasseries Kronenbourg sur le marché pertinent dans la mesure où le contrat de bière litigieux ne peut bénéficier de l'exemption dès lors qu'il contient une obligation directe ou indirecte de non-concurrence telle que définie à l'article 1er b) de ce règlement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il annulé le contrat de bière du 16 mai 1994 par application de l'article 81 paragraphe 2 du traité CE et rejeté en conséquence les demandes de la société Brasseries de Kronenbourg, l'arrêt rendu le 1er avril 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Metz.