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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 2 avril 2009, n° 07-01831

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ASM (SAS)

Défendeur :

Dalla Rosa

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. de Mordant de Massiac

Conseillers :

M. Bougon, Mme Belladina

Avoués :

Me Caussain, SCP Tetelin Marguet, de Surirey

Avocats :

Mes Barioz, Thomas

T. com. Soissons, du 23 févr. 2007

23 février 2007

Vu le jugement rendu le 23 février 2007 par le Tribunal de commerce de Soissons qui a condamné la société ASM Auto Sud Marché (dite ASM) à payer à M. Dalla Rosa pour la rupture de son contrat d'agent commercial la somme de 2 477,79 euro au titre du préavis, 14 886,74 euro à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi, soit 6 mois, plus une indemnité de réemploi égale à 26 % de cette indemnité de préjudice, dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2006 date de l'assignation, et condamné la société ASM aux dépens et à verser à M. Dalla Rosa la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 20 avril 2007 par la société ASM.

Vu l'arrêt rendu sur requête en rectification d'erreur matérielle du 25 mars 2008 qui sur demande de M. Dalla Rosa a déclaré sa demande recevable et dit que le dispositif du jugement rendu le 23 février 2007 par le Tribunal de commerce de Soissons doit être ainsi complété : " ordonne l'exécution provisoire de la décision ", les dépens étant pris en charge par le Trésor public.

Vu les dernières conclusions déposées par la société ASM le 9 mai 2008 par lesquelles elle demande à la cour de :

Réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Dire et juger que l'absence manifeste et délibérée de prospection de la clientèle par M. Marc Dalla Rosa est constitutive d'une faute grave,

Dire et juger que M. Dalla Rosa n'a réalisé aucun apport de clientèle au profit de la société ASM,

Dire et juger que M. Dalla Rosa ne peut se prévaloir d'aucun préjudice consécutif à la rupture du contrat d'agent commercial,

En conséquence,

Le débouter de ses demandes,

Dire et juger les demandes reconventionnelles de la société recevables et fondées,

Condamner M. Dalla Rosa à lui payer les sommes de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts en application de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile, et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Caussain, avoué.

Vu les conclusions de M. Della Rosa du 5 novembre 2007 qui demande à la cour de :

Débouter la société ASM de ses demandes,

Confirmer le jugement dont appel sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de résiliation fixée à la somme de 14 866,74 euro (6 mois) et la porter à la somme de 59 467,02 euro (2 ans), cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2005, date de la rupture effective, - Ordonner la capitalisation des intérêts par année entière par application de l'article 1 154 du Code civil, - Condamner la société ASM à lui payer la somme de 15 461,43 euro à titre d'indemnité de remploi.

Condamner la société ASM à lui payer la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Tetelin-Marguet et de Surirey, avoués.

Vu l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2008 et l'affaire fixée pour plaidoiries au 11 décembre 2008.

Sur ce

Attendu que M. Dalla Rosa a conclu un contrat d'agent commercial exclusif en date du 21 septembre 2004 avec la société ASM Auto Sud Marché qui commercialise des pièces d'occasion pour automobiles ; qu'il bénéficiait du secteur de Paris, région parisienne, Est et Nord de la France, la Normandie et le Sud de Paris soit les départements suivants : 2, 8, 10, 18, 27, 28, 41, 45, 51, 55, 58, 59, 60, 62, 75, 76, 77, 78, 80, 89, 91, 92, 93, 94, 95 ;

Attendu que le type de client est désigné ainsi que la nature des produits ; que l'agent exerce " son activité librement et en toute indépendance, sans lien de subordination avec le mandant " et " sans qu'aucun horaire et itinéraire ne lui soit assigné ni qu'il soit obligé de rendre compte de la manière dont il organise son activité "; que les commissions sont fixées à 5 % du chiffre d'affaires encaissé par le mandant ; que l'agent est informé que le territoire sur lequel il va intervenir représente déjà un chiffre d'affaires de 397 987 euro pour les huit premiers mois de 2004 sur lequel il percevra des commissions ; que la liste des clients et du chiffre d'affaires a fait l'objet d'une annexe 1 ; que le contrat est à durée indéterminée ; que toute partie qui veut y mettre fin doit respecter un préavis d'un mois pour la première année, de deux mois pour la deuxième année commencée et de trois mois pour les années suivantes sauf en cas de faute grave ou de force majeure ;

Attendu que la société ASM a résilié le contrat avec effet immédiat le 10 mai 2005 reprochant à M. Dalla Rosa des " résultats insuffisants et même médiocres " et une baisse de chiffre d'affaires sur son secteur à la différence des autres secteurs de l'entreprise et se termine ainsi " compte tenu de la gravité de ces manquements et de leur caractère fautif, nous mettons un terme par la présente à notre contrat d'agence commerciale et ce avec effet immédiat ";

Attendu que M. Dalla Rosa a contesté la sanction par lettre du 44 mai 2005 et a saisi le Tribunal de commerce de Soissons aux fins de voir dire qu'il n'a commis aucune faute susceptible de le priver de son droit à indemnité qu'il tient des dispositions de l'article L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce et de voir condamner la société à lui payer notamment deux ans d'indemnité de résiliation outre le préavis et les frais de réemploi.

Sur la rupture

Attendu que seule la faute grave est susceptible de priver l'agent commercial des indemnités de rupture auxquelles il a droit ;

Attendu que la société ASM a résilié le contrat d'agent commercial en faisant référence à des résultats insuffisants et une baisse de chiffre d'affaires sur le secteur ce qui ne caractérise pas la faute grave ; qu'il apparaît que les résultats de M. Dalla Rosa tels qu'il ressortent des deux tableaux produits par la société ne révèlent que des résultats moyens, en tout cas comparables à ce qui était fait avant ; que la société ASM ne peut soutenir que le secteur n'était pas démarché avant M. Dalla Rosa puisqu'elle a annexé à son contrat le chiffre d'affaires des huit premiers mois de l'année 2004 ; que les deux tableaux produits par la société ASM ne sont pas probants, comme n'étant ni certifiés, ni identiques à d'autres pièces émanant d'elle tel que les huit premiers mois de l'année 2004 sur le tableau et sur l'annexe du contrat d'agent commercial ; que la société ASM, peu de temps avant le licenciement de M. Dalla Rosa, a alerté ses commerciaux sur une baisse du chiffre d'affaires et il ressort d'un mail du 15 mars 2005 que l'ensemble des secteurs a connu une baisse de 50 à 80 % par rapport à mars 2004 ; qu'elle ne peut lui reprocher un aléa économique, ni une modification du marché de la pièce d'occasion ; que la société ASM ne produit aucun chiffre comparatif des autres secteurs sur la même période ; qu'ainsi elle n'établit pas que le grief dont elle argue soit imputable à M. Dalla Rosa et à un comportement fautif de sa part; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur le préavis

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société ASM a mis fin au contrat de M. Dalla Rosa de façon immédiate ; que sans faute grave démontrée, elle devait respecter un délai de préavis prévu au contrat et à l'article L. 134-11 du Code de commerce ; qu'étant toujours dans la première année, l'agent avait droit à un mois de préavis ; que si la société ASM discute de l'activité de M. Dalla Rosa et de la qualité de la clientèle, elle ne conteste pas le chiffre moyen mensuel de 2 477,79 euro ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur l'indemnité de résiliation

Attendu que M. Dalla Rosa soutient que la rupture d'un contrat d'agent commercial est toujours un événement grave qui prive l'agent de ses investissements ; qu'il estime que la fixation à 6 mois de la moyenne mensuelle telle que retenue par le tribunal n'est pas satisfaisante soit 14 886,74 euro et réclame 24 mois soit 59 467,02 euro, même s'il n'a travaillé que 9 mois; que la société ASM prétend que son apport de clientèle est inexistant ;

Mais attendu que si les règles de la profession admettent une évaluation de l'indemnité sur la base des deux dernières années de commission perçues ou à percevoir, cette situation ne saurait avoir un caractère automatique ; qu'il faut tenir compte de la clientèle apportée et du préjudice qui résulte de la perte du revenu de la clientèle que l'agent a apporté au mandant, de ses investissements, de la durée de son activité au service de la société et d'autres événements propres à la situation de chacun ; qu'en l'espèce, M. Dalla Rosa n'a travaillé que 9 mois pour la société ASM ; qu'il ne peut sérieusement prétendre qu'il a engagé de lourds frais de route et de téléphone alors qu'il ne produit aucun document et que ces frais ne sauraient être apparentés à un investissement particulier ; qu'il dit avoir perçu une somme de 6 633,01 euro de commissions en 2004 et de 10 771,54 euro en 2005; que la faible durée des relations contractuelles et la modestie de l'apport de clientèle (une vingtaine de clients) ne permet pas d'évaluer à deux années de commissions le préjudice résultant de la résiliation ; que la cour ne trouve aucun élément de nature à modifier l'appréciation du tribunal ; que le jugement sera confirmé ;

Sur l'indemnité de frais de réemploi

Attendu que M. Dalla Rosa demande à bénéficier d'une indemnité de réemploi au motif que l'indemnité de rupture est affectée d'un impôt sur la plus value et qu'elle est due puisqu'elle est la conséquence de la rupture et de l'indemnité de résiliation qui n'aurait pas existé si le contrat s'était poursuivi; qu'il sollicite une somme de 26 % de l'indemnité de résiliation ; que la société ASM ne discute pas du principe et du montant de cette indemnité ; que le jugement sera confirmé ;

Sur la capitalisation

Attendu que la capitalisation est de droit à compter du moment où elle est demandée et où les conditions de l'article 1154 du Code civil sont réunies ; qu'elle a été sollicitée dans l'assignation placée devant le tribunal le 13 janvier 2006 ; que devant la cour les conditions sont réunies pour y faire droit à compter du 13 janvier 2006 ;

Attendu que succombant en son appel, la société ASM supportera la charge des dépens ; qu'elle sera déboutée de ses demandes ; qu'il serait inéquitable de laisser à M. Dalla Rosa la totalité des frais irrépétibles qu'il a dû supporter ; qu'il lui sera alloué une somme de 2 000 euro à ce titre.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Ordonne la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées, excepté les frais irrépétibles, à compter du 13 janvier 2006, date de la demande, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société ASM à payer à M. Dalla Rosa la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société ASM aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Tetelin-Marguet et de Surirey, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.