CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 16 septembre 2009, n° 07-13021
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Génération Informatique (SARL)
Défendeur :
PC Soft Informatique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Giroud
Conseillers :
Mmes Blum, Guilguet-Pauthe
Avoués :
SCP Verdun-Seveno, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mmes Willig, Zeidenberg, Hunault Leveneur
Vu le jugement rendu le 5 juin 2007 par le Tribunal de commerce de Paris qui a:
- dit la SARL Génération Informatique, représentée par son liquidateur amiable M. Daniel Ejzman, recevable et partiellement fondée en sa demande,
- condamné la société PC Soft à payer à la société Génération Informatique, représentée par son liquidateur amiable M. Daniel Ejzman, la somme de 20 000 euro à charge pour la SARL Génération Informatique de constituer une garantie chez une banque française à hauteur de cette somme jusqu'à l'exigibilité de son remboursement éventuel,
- condamné la société PC Soft à payer à la société Génération Informatique la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société PC Soft aux dépens;
Vu l'appel relevé par la SARL Génération Informatique qui, par ses dernières conclusions du 10 avril 2009, demande à la cour de:
- rejeter " la prétendue exception de nullité ou fin de non-recevoir alléguée " par la société PC Soft et toutes ses prétentions.
- déclarer l'action introduite par la société Génération Informatique représentée par son liquidateur amiable recevable,
- la déclarer, en outre, recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement des chefs du mode de calcul de l'indemnisation du préjudice subi et de son montant,
- statuant à nouveau sur ces deux chefs, condamner la société PC Soft à lui payer la somme de 449 645,26 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture brutale et de ses conséquences,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner la société PC Soft à lui payer la somme supplémentaire de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 mars 2009 par la SAS PC Soft Informatique qui demande à la cour, au visa des articles 117 du Code de procédure civile et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, d'infirmer le jugement et de :
- dire et juger que l'action diligentée par la société Génération Informatique est irrecevable,
- subsidiairement, débouter la société Génération Informatique de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société Génération Informatique à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que la société PC Soit Informatique a été en relations d'affaires avec la société Génération Informatique qui mettait à sa disposition des salles équipées et un service d'accueil pour des formations en informatique; que les parties ont formalisé leurs rapports à partir de 2003 en concluant chaque année un contrat dit de location pour la période du 1er janvier au 31 décembre; que par lettre recommandée du 23 décembre 2005, la société PC Soft Informatique a " confirmé " à la société Génération Informatique que ses préservations de salles se feraient désormais de façon mensuelle et non annuelle, ses engagements se limitant à trois périodes de cinq jours pour la salle n° 1 et deux périodes de cinq jours pour la salle n° 2 au mois de janvier 2006;
Que le 27 février 2006, sur le rapport du gérant faisant état de l'importante perte de clientèle, du préavis trop bref donné par le client et de la fin simultanée du bail entraînant une hausse significative du loyer, les associés de la société Génération Informatique, réunis en assemblée générale extraordinaire, ont voté la dissolution anticipée de la société, sa mise en liquidation amiable et ont désigné l'actuel gérant comme liquidateur; que le 16 mai 2006, la société Génération Informatique représentée par son liquidateur a assigné la société PC Soft Informatique, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, en dommages et intérêts devant le tribunal de commerce qui a statué dans les termes précités;
Considérant qu'au soutien de son appel incident, la société PC Soft Informatique fait valoir, en premier lieu, que le liquidateur de la société Génération Informatique n'a pas reçu pouvoir d'accomplir des actes de dispositions ni, plus précisément, mission d'agir en justice; que l'assignation du 16 mai 2006 est affectée d'une des irrégularités de fond visées à l'article 117 du Code de procédure civile; qu'aucune décision d'assemblée générale ne pouvait être prise après le 27 février 2006, date de la dissolution anticipée; que de surcroît, s'agissant d'une irrégularité de fond, la validité de l'assignation doit s'apprécier à la date de l'acte qui ne peut être rétroactivement régularisé; que l'action diligentée suivant assignation du 16 mai 2006 est donc irrecevable;
Mais considérant que les associés de la société Génération Informatique, réunis en assemblée générale extraordinaire, ont, le 27 février 2006, désigné le gérant minoritaire, M. Ejzman, en qualité de liquidateur avec " les pouvoirs les plus étendus suivant la loi et les usages du commerce, pour mettre fin aux opérations en cours, réaliser tous les éléments d'actifs, payer le passif et répartir le solde en espèce " ; que l'énumération des pouvoirs du liquidateur, comprenant les actes d'administration et la représentation de la société vis-à-vis des tiers, est expressément présentée comme non limitative et ne permet pas d'exclure le pouvoir de représentation de la société en liquidation dans l'exercice d'une action en dommages et intérêts ; qu'au surplus, le 29 novembre 2006, tous les associés de la société dissoute, mais non encore dépourvue de personnalité morale, ont expressément conféré au liquidateur " le pouvoir d'ester en justice aussi bien en demande qu'en défense " ; que le liquidateur de la société Génération Informatique ayant reçu pouvoir d'agir en justice au nom de la société en liquidation et ayant introduit l'action à ce titre, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit l'action recevable;
Considérant que la société PC Soft Informatique fait ensuite valoir sur le fond que la rupture n'a pas été brutale dès lors que les relations contractuelles étaient strictement limitées dans le temps à une année et que dès le 15 décembre 2004, la société Génération Informatique savait que le contrat expirait le 31 décembre 2005; qu'elle-même ignorait sa part dans le chiffre d'affaires de la société Génération Informatique à laquelle il appartenait de diversifier sa clientèle ; que la société Génération Informatique pratiquait une tarification exorbitante sur laquelle elles s'étaient entretenues à plusieurs reprises ; qu'elle-même entendait poursuivre les relations contractuelles mais à d'autres conditions dans le respect du principe de la liberté du commerce et de la liberté contractuelle ; que c'est la société Génération Informatique qui a volontairement interrompu les relations en licenciant son personnel dès le 8 février 2006 et en votant sa dissolution le 27 février 2006, avec une précipitation inexpliquée;
Mais considérant que la société PC Soft Informatique ne nie pas avoir entretenu des relations d'affaires constantes avec la société Génération Informatique depuis plus de 17 ans ; que si les parties ont entendu formaliser leurs rapports en établissant en 2003 un contrat pour un an, un nouveau contrat a été établi, chaque année, en 2004 et 2005, étant précisé que l'article 5 de ces contrats, outre qu'il en fixe la durée, se borne à stipuler que "Le Client (PC Soft informatique) dispose de trente jours à compter de la date de cette remise pour signer le contrat. Passé ce délai, Génération Informatique pourra réviser les prix, les délais et les conditions" ; que la société PC Soft Informatique n'est pas fondée à prétendre que la société Génération Informatique connaissait dès le 15 décembre 2005 le terme de leurs relations au 31 décembre 2005, la seule question restant à débattre étant celle des prix, délais et conditions ; que la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait la société Génération Informatique est sans incidence sur l'appréciation de la brutalité de la rupture; que celle-ci ne peut qu'être retenue dès lors qu'après de longues années de relations ininterrompues, la société PC Soft Informatique a annoncé à la société Génération Informatique, par sa lettre du 23 décembre 2005, qu'elle limitait ses engagements aux pré-réservations du mois de janvier 2006, lui donnant ainsi un préavis d'un mois, insuffisant pour permettre à la société Génération Informatique de se réorganiser; qu'ainsi la société PC Soft Informatique a engagé sa responsabilité envers la société Génération Informatique dans les termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et doit réparation des conséquences de la brutalité de la rupture;
Considérant que la société Génération Informatique invoque, au soutien de sa demande de dommages et intérêts, son lien économique particulièrement fort avec la société PC Soft Informatique qui était devenue quasiment son unique client, l'impossibilité qu'elle avait de diversifier sa clientèle et la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de licencier son personnel et de faire procéder à sa dissolution anticipée; qu'au regard d'un préavis qui aurait dû être selon elle de trois ans, de la moyenne de son chiffre d'affaire hors taxes des trois dernières années, "des gains manqués et de la perte éprouvée" et de sa condamnation, confirmée en appel, à payer la somme de 18 645,26 euro à titre de dommages et intérêts, outre 1 000 euro pour les frais irrépétibles, à l'une des deux salariés qu'elle a dû licencier par la faute de la société PC Soft Informatique, la société Génération Informatique demande la condamnation de la société PC Soft Informatique à lui payer 449 645,26 euro;
Mais considérant qu'un préavis de 6 mois aurait raisonnablement suffi à tenir compte de la durée des relations et de leur nature ; qu'en outre, si la société PC Soft Informatique était quasiment le seul client de la société Génération Informatique, les parties n'étaient pas dans un lien d'exclusivité ; que les premiers juges ont exactement retenu que la société Génération informatique ne pouvait ignorer les risques encourus par l'absence de diversification de sa clientèle, étant relevé que les factures produites pour l'année 2005 montrent que la société Génération Informatique disposait de trois salles de formation et que celles-ci n'étaient pas toutes occupées en permanence par la société PC Soft Informatique;
Qu'il ressort par ailleurs des comptes annuels produits par la société Génération Informatique pour les seules années 2003 à 2004 qu'elle avait un chiffre d'affaires de 148 970 euro en 2002, de 119 873 euro en 2003 et de 116 852 en 2004, dégageant un bénéfice de 1 252 euro en 2002, une perte de 17 436 euro en 2003 et un bénéfice de 1 419 euro en 2004 ; que les factures produites pour l'année 2005 montrent, pour cette période, un chiffre d'affaires avec la société PC Soft Informatique de l'ordre de 130 000 euro, le résultat net comptable n'étant pas communiqué ni le taux de marge à prendre en considération ; qu'en cet état, la société Génération Informatique ne peut imputer à la seule brutalité de la rupture sa dissolution anticipée ni le licenciement de son personnel alors même que le rapport de la gérance à l'assemblée du 27 février 2006 fait état de la fin de son bail entraînant une hausse significative de loyer ; qu'au vu de l'ensemble des éléments de la cause, le préjudice subi en l'espèce du fait de l'absence de préavis raisonnable, sera entièrement réparé par la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts; que le surplus de la demande de la société Génération Informatique sera rejeté;
Considérant qu'en application de l'article 700 du Code de procédure civile, les dispositions du jugement sur ce chef seront confirmées et la somme complémentaire de 1 500 euro sera allouée à la société Génération Informatique pour ses frais irrépétibles d'appel, la demande de la société PC Soft Informatique étant rejetée;
Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société PC Soft à payer à la société Génération Informatique, représentée par son liquidateur amiable M. Daniel Ejzman, la somme de 20 000 euro à charge pour la SARL Génération Informatique de constituer une garantie chez une banque française à hauteur de cette somme jusqu'à l'exigibilité de son remboursement éventuel; Statuant à nouveau sur le chef infirmé, Condamne la société PC Soft informatique à payer à la société Génération Informatique la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts; Déboute la société Génération Informatique du surplus de sa demande; Condamne la société PC Soft Informatique à payer à la société Génération Informatique la somme complémentaire de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile; Déboute la société PC Soft Informatique de sa demande à ce titre; Condamne la société PC Soft Informatique aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.