CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 1 juillet 2009, n° 07-14283
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aut Decision AB (Sté)
Défendeur :
Bionatics (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Giroud
Conseillers :
Mmes Blum, Guilguet Pauthe
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, SCP Narrat-Peytavi
Avocats :
Mes Gaude, Jeannoutot
Vu le jugement rendu le 16 novembre 2006 par le Tribunal de commerce de Créteil qui a:
- débouté la société Aut Decision AB de ses demandes,
- débouté la société Bionatics (anciennement JMG Graphics) de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 10 570 euro et de sa demande en dommages-intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Aut Decision AB à payer la somme de 3 000 euro à la société Bionatics au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté la société Aut Decision AB de sa demande de ce chef
- condamné la société Aut Decision AB aux dépens;
Vu l'appel relevé par la société Aut Decision AB et ses dernières conclusions du 18 février 2009 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil ainsi que de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de:
- dire que la société Bionatics, anciennement dénommée JMG Graphics a rompu de manière abusive et déloyale le contrat de distribution exclusive signé avec elle,
- condamner la société Bionatics à lui payer la somme de 1 246 793 euro "sauf à parfaire", à titre de dommages-intérêts,
- débouter la société Bionatics de son appel incident,
- condamner la société Bionatics à lui payer la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens;
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2008 par la société Bionatics qui demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1150 du Code civil, de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Aut Decision AB de toutes ses demandes,
- l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Bionatics de ses demandes et condamner la société Aut Decision AB à lui payer :
la somme de 10 570 euro, montant de la facture du 20 septembre 2001, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2001,
la somme de 50 000 euro, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive,
- en tout état de cause, condamner la société Aut Decision AB à lui payer la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que le 21 juillet 1999, la société JMG Graphics, ensuite dénommée Bionatics, et la société Aut Decision AB, société de droit suédois créée par M. Gomes Llorens, ont signé un contrat de distribution des logiciels Amap ;
Considérant qu'il est exposé dans cette convention que le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a conçu et est propriétaire d'une gamme de logiciels de nom générique Amap pour la modélisation et l'aménagement des paysages, que JMG Graphics commercialise de façon exclusive les logiciels Amap en vertu d'un accord signé avec le CIRAD le 1er janvier 1997 et que, au titre de ce contrat, JMG Graphics défient le droit de concéder à des revendeurs le droit de distribuer ces logiciels;
Considérant que la convention stipule :
- en son article 1, que JMG Graphics concède à Aut Decision AB le droit exclusif de distribuer les logiciels Amap identifiés en annexe A, soit Amap Genesis, Amap Altis, Amap Orchestra et Amap Power Link, au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède,
- en son article 2.1, que, en contrepartie de l'exclusivité qui lui est accordée, le revendeur s'engage à commander chaque année à JMG Graphics des produits Amap pour un montant déterminé à l'annexe C, lequel prévoit un montant de 35 000 euro pour la première année du 21 juillet 1999 au 30 juin 2000,
- en son article 2.2, que chaque année, à la date anniversaire du contrat, le montant minimum annuel de commandes sera établi pour l'année à suivre, qu'il sera arrêté d'un commun accord entre les parties et fera l'objet d'un avenant signé par les parties,
- en son article 2.3, que, au cas où le vendeur ne réaliserait pas l'objectif fixé, JMG Graphics se réserve le droit de rompre unilatéralement et sans indemnité le contrat,
- en son article 5, que le contrat est conclu pour une durée d'un an expirant au 30 juin de l'année suivante et qu'il est reconductible sauf résiliation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception 90 jours au moins avant la fin de la période contractuelle en cours,
- en son article 15.1, qu'en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations, l'autre partie pourra résilier le contrat 15 jours après une mise en demeure notifiée à la partie défaillante et demeurée sans effet;
Considérant que le 22 octobre 2001, la société Bionatics a adressé à la société Aut Decision AB une lettre recommandée avec accusé de réception libellée en ces termes:
"Dans le cadre du contrat de distribution des logiciels Amap, Genesis, Altis, Orchestra et Power Link, votre société était tenue au litre de l'article 2 d'effectuer des commandes minimales pour chaque année contractuelle d'un montant de 35 000 euro.
Pour les deux années écoulées, nous aurions dû enregistrer un montant de commande et d'encaissement de 70 000 euro, ce qui n'a pas été le cas puisque le montant enregistré à ce jour est de 22 854 euro.
Conformément aux articles 2, 3 et 15.1 du contrat, j'ai le regret de vous mettre en demeure d'exécuter vos obligations de commandes et paiement pour la somme de 47 146 euro (70 000 - 22 854) à défaut de quoi le contrat sera résilié 15 jours après la réception de la présente lettre, de plein droit et sans qu'aucune procédure judiciaire ne soit nécessaire conformément à l'article 15.4 du contrat";
Considérant que la société Aut Decision AB a contesté la résiliation du contrat et assigné la société Bionatics en dommages-intérêts pour rupture abusive et déloyale du contrat;
Considérant que la société Aut Decision AB, appelante du jugement qui l'a déboutée de ses demandes, reproche en premier lieu à la société Bionatics d'avoir rompu le contrat brutalement et abusivement; qu'elle fait valoir que le contrat qui a été reconduit tacitement à l'échéance de juillet 2000 est devenu un contrat à durée indéterminée, qu'aucun avenant n'a été signé pour fixer le montant des commandes en juillet 2000 et juillet 2001, que le montant arrêté en annexe du contrat pour la première année ne constituait pas une condition essentielle mais qu'il s'agissait d'un accessoire et que la tacite reconduction n'a pu porter sur un élément variable fixé pour une année donnée; qu'elle ajoute que la société Biotonics a toléré les résultats de la première année sans observation et qu'elle lui a même "concédé un autre territoire, la Hollande, dès le 2 mars 2002", sans minimum d'achats;
Considérant que l'appelante soutient, en second lieu, que la société Bionatics a manqué à ses obligations en ne lui apportant pas son soutien logistique, en ne lui fournissant pas les brochures et la documentation des nouveaux produits en 2001, en permettant des ventes directes par son site Internet sur les territoires couverts par l'accord de distribution exclusive et en nouant des relations contractuelles avec la société de droit suédois Nanco en septembre 2001 pour la distribution de logiciels Real Nat et Nat FX qui ne sont que la déclinaison du logiciel Genesis;
Considérant que la société Bionatics réplique que le renouvellement tacite n'exclut pas le maintien des objectifs commerciaux et souligne que la clause du minimum d'achats est une contrepartie de l'exclusivité accordée; qu'elle précise qu'aucun montant minimum d'achats n'a été stipulé pour la Hollande parce qu'il s'agissait d'un contrat de distribution non exclusif; qu'elle soutient, en tout état de cause, qu'elle était en droit de rompre le contrat, devenu à durée indéterminée, sans justifier d'un motif, qu'elle fait valoir que la société Aut Decision AB n'avait pas respecté son obligation de commander pour 35 000 euro avant le 1er juillet 2000, qu'elle n'a pu atteindre cet objectif en dépit du large délai qui lui a été consenti et qu'elle ne lui a plus passé une seule commande à partir d'octobre 2000, alors qu'elle était soumise à une obligation de commander un minimum de licences sur une période annuelle;
Considérant que la société Bionatics conteste tous les manquements allégués par la société Aut Decision AB; qu'elle conteste en particulier avoir procédé à des ventes sur le territoire de l'un des pays scandinaves via son site Internet pendant la période de juillet 1999 à octobre 2001; qu'elle indique que le contrat conclu avec la société Nanco en juillet 2000 ne porte que sur la distribution d'un nouveau logiciel Real Nat et non sur les quatre logiciels dont la distribution avait été concédée à la société Aut Decision AB; qu'elle ajoute que la société Aut Decision AB, qui disposait des documents techniques et commerciaux nécessaires à la commercialisation des logiciels dont la distribution lui avait été concédée, n'avait pas vocation à obtenir de la documentation relative aux nouveaux logiciels édités par Bionatics;
Considérant que la société Bionatics, de son côté, reproche à la société Aut Decision AB, d'une part son manque d'implication dans la vente des logiciels, d'autre part le fait que M. Gomez Llorens, son dirigeant, a profité de la remise de 40 % accordée à sa société en qualité de revendeur, pour fournir un lot de trois bases de données à sa société d'architecture;
Considérant que le contrat de distribution exclusive à durée déterminée signé entre les parties le 21 juillet 1999, qui s'est poursuivi par tacite reconduction, est devenu un contrat à durée indéterminée; que cependant, contrairement aux stipulations contractuelles, aucun avenant n'a été signé en juillet 2000 et en juillet 2001 pour fixer le montant minimum d'achats incombant à la société Aut Decision AB en contrepartie de l'exclusivité qui lui avait été consentie; que la société Bionatics a laissé se poursuivre le contrat en tolérant la non-réalisation du minimum d'achats fixé pour la première année et en n'arrêtant pas de minimum d'achats pour les années suivantes en accord avec la société Aut Decision AB; que dès lors, elle ne pouvait valablement invoquer la non-réalisation d'un objectif de 70 000 euro pour résilier le contrat;
Considérant qu'il demeure que la société Aut Decision AB, en ne passant plus aucune commande à la société Bionatics à compter d'octobre 2000 alors qu'elle continuait à bénéficier d'une exclusivité de distribution dans quatre pays, a gravement manqué à ses obligations contractuelles; que du fait de cette inexécution, la société Bionatics avait la faculté en octobre 2001 de résilier le contrat sans préavis conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce;
Considérant que la société Aut Decision ne démontre pas que la société Bionatics aurait procédé à des ventes via Internet en violation de sa clause d'exclusivité avant la résiliation du contrat; qu'elle est mal fondée à reprocher à la société Bionatics ses relations contractuelles avec la société Nanco, celles-ci portant sur un autre logiciel que ceux dont la distribution exclusive lui avait été consentie; qu'elle ne peut non plus faire grief à la société Bionatics de ne pas lui avoir fourni une documentation concernant de nouveaux logiciels, autres que ceux objet du contrat; qu'elle ne justifie en aucune façon d'un manque de soutien ou de coopération de la société Bionatics;
Considérant, en conséquence, que la société Aut Decision AB doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour rupture abusive et déloyale du contrat de distribution;
Considérant que la société Bionatics demande paiement de la somme de 10 750 euro, montant d'une facture du 20 septembre 2001 non réglée; qu'elle indique que la société Aut Decision AB lui a commandé un logiciel Real Nat qui a été livré au cabinet d'architecte de M. Gomes Llorens, lequel a bénéficié d'un logiciel coûteux et performant sans payer ;
Considérant que la société Aut Decision AB répond qu'elle n'a jamais pu utiliser le logiciel, l'envoi des codes n'intervenant qu'après règlement de la facture; qu'elle fait valoir que la société Bionatics a établi deux avoirs traduisant sa renonciation au paiement de la facture;
Considérant qu'il résulte de l'attestation de l'expert comptable de la société Bionatics que la créance au titre de la facture du 21 septembre 2001 n'ayant pas été honorée plus de 18 mois après, la société Bionatics a constaté son annulation dans ses comptes de l'exercice 2002 par deux avoirs de 914,69 euro et de 9 655,31euro; que la société Bionatics ne peut plus obtenir paiement d'une facture qui a été annulée par deux avoirs;
Considérant que la société Aut Decision AB n'ayant pas fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la demande en dommages-intérêts de la société Bionatics sera rejetée;
Considérant, vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 5 000 euro à la société Bionatics et de débouter la société Aut Decision AB de sa demande de ce chef;
Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute la société Aut Decision AB de toutes ses demandes, Déboute la société Bionatics de sa demande en paiement de la somme de 10 750 et de sa demande en dommages-intérêts, Condamne la société Aut Decision AB à payer la somme supplémentaire de 5 000 euro à la société Bionatics en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Aut Decision AB aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.