CA Aix-en-Provence, 2e ch., 28 mai 2009, n° 08-02438
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Côté Senteurs (SARL)
Défendeur :
L'Occitane (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP Giacometti-Desombre, SCP de Saint Ferreol-Touboul
Avocats :
Mes Plan, Baillis
Faits, procédure et prétentions des parties
La SA L'Occitane et la SARL Côté Senteurs ont conclu, le 9 octobre 2001, un " contrat de distributeur agréé " par lequel les conditions de distribution des produits de la SA L'Occitane par la SARL Côté Senteurs étaient réglées pour un point de vente situé à Rouen (76). Le contrat a été reconduit, le 30 mars 2005. La SARL Relais L'Occitane, société "fille" de la SA L'Occitane a ouvert, le 16 décembre 2006, une boutique exploitée "en direct" à Rouen dans le même quartier commercial.
Par jugement contradictoire en date du 15 janvier 2008, le Tribunal de commerce de Manosque a débouté la SARL Côté Senteurs de sa demande indemnitaire dirigée contre la SA L'Occitane, pour résiliation abusive du "contrat de distributeur agréé" et a condamné la demanderesse à payer à la SA L'Occitane la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Côté Senteurs a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998;
Vu les prétentions et moyens de la SARL Côté Senteurs dans ses conclusions en date du 13 mars 2009 tendant à faire juger:
- que la SA L'Occitane, la société "mère" amis fin de manière abusive au "contrat de distributeur agréé" en ouvrant un établissement secondaire à Rouen et en s'accaparant la clientèle créée, ce qui a provoqué la chute vertigineuse de son chiffre d'affaires réalisé pour les trois quarts par des ventes des produits de la marque "L'Occitane",
- que la SA L'Occitane ensuite de l'ouverture de "sa" boutique n'a proposé que "quelques mesurettes" (cadeaux à la clientèle, envois de mailings...) inefficaces à combattre la chute du chiffre d'affaires,
- que la SA L'Occitane ne l'avait prévenue de l'ouverture de la boutique, ni par lettre recommandée avec avis de réception, ni autrement et que la boutique bénéficiait d'avantages incontestables pour distribuer les produits de marque "L'Occitane" (mise à la vente de la gamme entière des produits, campagne promotionnelle, produits dits " exclusifs "...),
- que le préjudice résultant de la faute pour la SA L'Occitane à avoir provoqué la rupture du " contrat de distributeur agréé " doit s'apprécier à 100 000 euro;
Vu les prétentions et moyens de la SA L'Occitane dans ses conclusions "d'appel incident" en date du 13 juin 2008 tendant à faire juger :
- qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle personnelle à l'occasion de l'ouverture par la SARL Relais L'Occitane d'une boutique à Rouen et qu'au demeurant d'une part, l'absence d'exclusivité territoriale concédée à la SARL Côté Senteurs prive cette dernière de la possibilité d'invoquer une quelconque faute et d'autre part, la résiliation n'est pas intervenue dans des circonstances fautives, la SARL Côté Senteurs ayant été prévenue bien antérieurement à l'ouverture de la boutique-relais,
- qu'aucun autre manquement contractuel n'est établi,
- que la SARL Côté Senteurs a montré une malignité certaine à signer, le 28 mars 2007, un contrat dit Premium pour le résilier aussitôt après, ce qui est justiciable de dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euro;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 16 mars 2009.
Motifs et décision
Attendu que la SA L'Occitane doit répondre des agissements fautifs de sa filiale, (désormais chargée de la distribution des produits de la SA L'Occitane), qui auraient pu causer un préjudice à la SARL Côté Senteurs ; que par les agissements dénoncés, imputables à sa filiale, la SA L'Occitane est susceptible d'avoir violé les obligations contractuelles qu'elle avait souscrites vis-à-vis de la SARL Côté Senteurs; qu'il appartient à la SARL Côté Senteurs de faire la preuve du non-respect, par société filiale interposée, des obligations contractuelles que la SA L'Occitane avait souscrites en sa faveur; que la SARL Côté Senteurs dispose d'une action en réparation de nature contractuelle à l'encontre de sa cocontractante qui, avec la "complicité" d'une société tierce mais filiale, aurait enfreint ses obligations contractuelles;
Attendu que les deux "contrats de distributeur agréé" successivement conclus en 2001 et en 2005 mentionnent expressément la qualité de distributeur agréé de la SARL Côté Senteurs pour un point de vente situé 51/53 rue des Juifs à Rouen, "sans exclusivité territoriale"; que ne bénéficiant pas d'une exclusivité territoriale, la SARL Côté Senteurs ne peut se plaindre de l'ouverture par une société filiale de son fournisseur d'une boutique distribuant les mêmes produits de la même marque;
Attendu que la SARL Côté Senteurs ne peut revendiquer l'application de l'article VI alinéa 2 inséré dans "le contrat de distributeur agréé" en date du 30 mars 2005 selon lequel "dans l'hypothèse où L'Occitane viendrait à ouvrir une concession comprenant dans sa zone d'exclusivité la localité du distributeur agréé, il serait mis fin au contrat de ce dernier moyennant le respect du préavis prévu au présent article", (c'est-à-dire trois mois) ; que l'ouverture critiquée n'est pas celle d'une concession exclusive consentie à un commerçant " indépendant ", mais celle d'une boutique-relais exploitée en " direct " par la SARL Relais L'Occitane chargée de l'exploitation commerciale sous toutes ses formes des produits de marque "L'Occitane"; que la SARL Côté Senteurs ne peut se prévaloir du bénéfice d'un délai de prévenance de trois mois dont il n'est pas spécifié qu'il soit nécessairement antérieur à l'ouverture de la concession exclusive ; qu'au demeurant, il est démontré par la production au débat de pièces suffisantes que la SARL Côté Senteurs avait été tenue informée par la SA L'Occitane du projet d'ouverture d'une boutique de " l'Occitane " dans la ville de Rouen, bien avant qu'elle ne soit effective ;
Attendu que la liberté du commerce et l'agencement des relations contractuelles entre les parties permettaient à la SARL Relais L'Occitane, société filiale de la SA L'Occitane, d'ouvrir, en 2006, à Rouen, une boutique postérieurement à la conclusion, en 2001, d'un "contrat de distributeur agréé" ne réservant à la SARL Côté Senteurs, le distributeur agréé, aucune exclusivité territoriale; que cette ouverture ne s'est accompagnée d'aucune violation d'une quelconque des obligations contractuelles souscrites par la SA L'Occitane, même si elle a pu entraîner une certaine forme de "captation" de clientèle au profit de la boutique nouvellement ouverte ;
Attendu que la SA L'Occitane n'avait souscrit aucune obligation particulière, dont la violation serait avérée, en matière d'inscription de la SARL Côté Senteurs à son catalogue général, d'avantages consentis pour l'envoi de publicité (mailings), de distribution de cadeaux à destination de la clientèle...;
Attendu que le jugement mérite confirmation pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges;
Attendu que l'exercice de la voie de recours n'a pas dégénéré en abus dès lors qu'il n'a pas révélé de la part de la partie appelante une intention manifeste de nuire ou qu'il n'a pas procédé d'une erreur grossière équivalente au dol ; que la partie intimée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre, en cause d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit l'appel de la SARL Côté Senteurs comme régulier en la forme. Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Condamne la SARL Côté Senteurs aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'avoués Marie-José de Saint Ferréol & Colette Touboul, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.