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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 29 avril 2009, n° 07-02396

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

La Maison Coloniale Internationale (SA)

Défendeur :

Sol y Sombra (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Birolleau

Avoués :

SCP Lagourgue-Olivier, SCP Baufume-Galland-Vignes

Avocats :

Me Rocaboy, Absil, Barthelemy

T. com. Paris, du 15 déc. 2006

15 décembre 2006

LA COUR,

Vu le jugement en date du 15 décembre 2006 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, notamment:

- condamné la société Sol y Sombra à payer à la société La Maison Coloniale Internationale la somme de 44 417,04 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2006, outre 5 000 euro à titre de dommages et intérêts;

- ordonné la compensation judiciaire entre ces deux sommes;

Vu l'appel interjeté par la société La Maison Coloniale Internationale et ses conclusions enregistrées le 19 janvier 2009 et tendant à faire:

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Sol y Sombra la somme de 5 000 euro au titre de la réparation du préjudice subi du fait d'un manquement à ses obligations;

- condamner la société Sol y Sombra à lui restituer cette somme dont la compensation a été ordonnée;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa propre demande en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des relations commerciales entre les parties;

- condamner la société Sol y Sombra à lui payer les sommes de 22 311 euro et de 100 000 euro au titre de l'indemnisation des préjudices financier et commercial résultant de cette rupture;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sol y Sombra à lui payer, au titre des factures impayées, la somme de 44 417,04 euro avec intérêt au taux légal à compter du 3 février 2006;

- condamner la société Sol y Sombra à lui verser 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu, enregistrées le 8 novembre 2007, les conclusions présentées par la société Sol y Sombra et tendant à faire:

- dire qu'elle ne se reconnaît débitrice que de la somme de 7 569,98 euro;

- dire que les redevances également réclamées seront compensées avec les dommages et intérêts qui lui seront alloués pour un montant de 150 000 euro;

- condamner la société La Maison Coloniale Internationale à lui payer la somme de 10 000 euro au titre des frais hors dépens;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que la société la maison Coloniale internationale (ci-après désignée LMCI), franchiseur de magasins de meubles et de décoration d'intérieur exploités sous l'enseigne "La Maison Coloniale ", et la société Sol y Sombra ont entretenu des relations commerciales régulières depuis le 22 juin 2000, date de l'ouverture du magasin de cette dernière à Saint-Tropez sous ladite enseigne ; qu'un projet de contrat de franchise, en date du 2 avril 2003, a été rédigé mais n'a, cependant, été signé par aucune des parties ; que, par ailleurs, des difficultés de livraison portant sur des commandes passées par la société Sol y Sombra lors du congrès "La Maison Coloniale " de novembre 2004 sont également apparues à compter du mois d'avril 2005, donnant lieu à une exonération totale, de la part de la société LMCI, de redevances pour la période de janvier à juin 2005 ; que les difficultés de livraisons se poursuivant, la société Sol y Sombra, réalisant qu'elle ne serait pas livrée pour les fêtes de noël conformément aux commandes passées lors du congrès susmentionné de novembre 2005, a procédé à l'annulation de celles-ci le 12 décembre 2005 avant de mettre unilatéralement fin le 16 décembre suivant aux relations commerciales entretenues jusqu'alors avec la société LMCI ; que le 1er février 2006, Maître Viaud, Huissier de justice à Saint-Tropez, dressait procès-verbal constatant que le magasin de la société Sol y Sombra présentait désormais une enseigne "Barbara de Palma Gallery" et avait une activité d'ameublement; qu'estimant abusive et brutale la rupture par la société Sol y Sombra des relations commerciales qu'elle entretenait avec elle, la société LMCI l'a, par acte du 4 avril 2006, assignée devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée à régler les factures de redevances restées impayées et à indemniser le préjudice résultant de la rupture ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement entrepris;

Sur la rupture des relations commerciales entretenues entre les sociétés Sol y Sombra et LMCI:

Considérant que s'il est constant que le projet de contrat de franchise susmentionné n'a été signé par aucune des parties au litige et si les clauses de ce document ne leur sont, dès lors, pas applicables, il échet, cependant, de souligner liminairement que les intéressées ont entendu inscrire leurs rapports commerciaux dans le cadre d'une relation de franchise de distribution dès juin 2000, la société LMCI transférant à la société Sol y Sombra les moyens de poursuivre une réussite commerciale en mettant à sa disposition une marque, une enseigne, une sélection de produits spécifiques et originaux et en lui conférant une exclusivité territoriale, moyennant le paiement par celle-ci d'une redevance de marque et d'une participation publicitaire;

Considérant que si l'appelante excipe, néanmoins, du fait qu'elle n'était débitrice que d'une obligation portant sur la transmission aux fournisseurs des commandes passées par les franchisés lors des congrès qu'elle organisait et si aucune obligation de livraison des marchandises ne saurait en effet être mise à sa charge, il convient, toutefois, de relever qu'il lui appartenait de contrôler la réalité et la qualité des livraisons effectuées, celles-ci représentant la suite nécessaire des obligations lui incombant au titre de la relation de franchise entretenue avec l'intimée, sauf à méconnaître directement l'exigence d'une cause et d'un objet dans la souscription de tout engagement; qu'il sera observé qu'au cours de l'année 2005 la société Sol y Sombra a fait part, à de nombreuses reprises, de ses difficultés d'approvisionnement à la société LMCI, notamment au travers de courriers adressés à cette dernière les 23 et 28 avril ainsi que le 10 juin ; que, dès lors, la réponse de l'appelante, qui a consisté en une dispense totale de redevance pour le premier semestre 2005, révélant, au-delà du geste commercial allégué, la défaillance de l'ensemble des fournisseurs du réseau ainsi que la reconnaissance de sa responsabilité dans le caractère défectueux de la livraison des marchandises considérées, doit être regardée comme démonstrative d'un manquement caractérisé aux obligations lui incombant ; que celui-ci doit être considéré, eu égard à sa gravité même, comme de nature à justifier la rupture unilatérale décidée par la société Sol y Sombra sans que celle-ci puisse être qualifiée d'abusive et de brutale, notamment au regard de la durée pendant laquelle l'intimée à tenté, en vain, de se faire livrer les meubles commandés, et sans que puisse être utilement reprochée à l'intéressée l'inobservation du délai de préavis stipulé à l'article 4 du projet de contrat de franchise lequel ne lui est, en tout état de cause, pas opposable ; qu'il résulte de ce qui précède que la société LMCI ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires fondées sur une rupture prétendument abusive et brutale ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer sur ce point le jugement déféré;

Sur le compte entre les parties:

Considérant que la société LMCI réclame le paiement de la somme totale de 44 417,04 euro, dont 7 569,98 euro au titre de factures de prestations dues et 21 279,72, 4 998,72 et 10 478,62 euro aux titres des factures de redevances des premier et deuxième semestres 2005 ainsi que du premier semestre 2006 ; que s'il est constant que la société Sol y Sombra est débitrice de la somme de 7 569,98 euro, il convient, cependant, de relever que la société Sol y Sombra a été dispensée le 7 août 2005, par l'appelante elle-même, du règlement des redevances dues au titre du premier semestre 2005 ; qu'en outre, les pièces produites aux débats démontrent qu'à compter du 16 décembre 2005, l'intimée a entendu cesser toute relation commerciale avec la société LMCI ; qu'au demeurant Maître Viaud a constaté le 1er février 2006 que le fond de commerce de la société Sol y Sombra n'était plus exploité sous l'enseigne "La Maison Coloniale ", mais sous celle de " Barbara de Palma Gallery" ; qu'ainsi, la redevance de 10 478,62 euro correspondant à la période du 1er janvier 2006 au 30 juin 2006 devient, dès lors, sans objet ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la société Sol y Sombra à payer, en deniers ou quittances valables, la seule somme de 12 568,70 euro (7569,98 + 4 998,72), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2006, date de la mise en demeure, correspondant aux factures de prestations et aux redevances du deuxième semestre 2005, sommes que l'intimée ne conteste pas devoir;

Considérant, par ailleurs, que le manquement fautif de la société LMCI à ses obligations de franchiseur a causé à la société Sol y Sombra un préjudice commercial obligé suite aux retards de livraison qu'elle a eu à subir et à la désorganisation que ceux-ci ont nécessairement induit pour elle ; que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à la somme de 5 000 euro le préjudice subi de ce chef;

Considérant, enfin, qu'eu égard à leur exigibilité et à leur liquidité il convient d'ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à réduire de 44 917,04 euro à 12 568,70 euro le montant de la condamnation mise à la charge de la société Sol y Sombra;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile:

Considérant que l'équité commande dans les circonstances de l'espèce de ne pas faire droit aux demandes formées par les parties au titre des frais hors dépens;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses parties sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 44 417,04 euro le montant de la condamnation mise à la charge de la société Sol y Sombra. L'infirme de ce chef, et statuant à nouveau, fixe à la somme de 12 568,70 euro le montant de la condamnation mise à la charge de l'intimée, déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives, Condamne la société LMCI aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufume-Galland-Vignes, avoué. Rejette les demandes formées par les parties au titre des frais hors dépens.