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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 9 avril 2009, n° 08-05186

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Phildar (SA)

Défendeur :

Ledy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Parenty

Conseillers :

M. Deleneuville, Mme Neve de Mevergnies

Avoués :

SCP Deleforge Franchi, SCP Levasseur-Castille-Levasseur

Avocats :

Mes Sellier, Bauer

T. com. Roubaix-Tourcoing, du 16 janvier…

16 janvier 2003

Vu le jugement contradictoire du 16 janvier 2003 du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing qui a condamné, avec exécution provisoire, la société Phildar à payer à Mme Monique Strecker épouse Ledy, à titre de dommages et intérêts, la somme de 41 000 euro, condamné Mme Monique Strecker épouse Ledy à payer à la société Phildar la somme de 25 614,09 euro avec intérêts judiciaires à compter du 7 février 2002, ordonné la compensation entre ces condamnations, rejeté les autres prétentions de Mme Monique Strecker épouse Ledy et condamné la société Phildar à lui payer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu l'appel interjeté le 28 février 2003 par la SA Phildar, anciennement dénommée Les Fils de Louis Mulliez;

Vu l'arrêt contradictoire de cette cour, 2e chambre, 2e section, du 12 mai 2005, qui a confirmé le jugement déféré uniquement en ce qu'il a condamné Mme Monique Strecker épouse Ledy à payer à la SA Les Fils de Louis Mulliez" Phildar" la somme de 25 614,09 euro de factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2002, et a débouté Madame Monique Strecker épouse Ledy de ses demandes en paiement et les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 3 avril 2007 qui a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme Monique Strecker épouse Ledy relatives à la cessation, par le franchiseur, de l'activité "layette";

Vu la saisine de cette cour par la SA Phildar, anciennement dénommée Les Fils de Louis Mulliez, le 2 mai 2007;

Vu l'ordonnance de retrait du rôle du 19 juin 2008 du magistrat chargé de la mise en état, rendue à la demande des avoués des parties pour cause de grève des avoués;

Vu la réinscription de l'affaire au rôle le 11 juillet 2008 à la demande de l'avoué de la SA Phildar du 2 juillet 2008;

Vu les conclusions déposées le 14 janvier 2009 pour cette dernière;

Vu les conclusions déposées le 9 janvier 2009 pour Mme Monique Strecker épouse Ledy;

Vu l'ordonnance de clôture du 16 janvier 2009;

Attendu que la société Phildar sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme Ledy la somme de 41 000 euro à titre de dommages et intérêts, le débouté de cette dernière et sa condamnation à lui payer 2 000 euro pour la couverture de ses frais irrépétibles;

Attendu que Mme Ledy soutient que la société Phildar a manqué obligation contractuelle et légale d'information, en particulier au titre du layette, en ne l'informant pas de l'arrêt de ce produit et demande en conséquence la condamnation de la société Phildar à l'indemniser de son entier préjudice financier (30 000 euro) et moral (10 000 euro) ainsi qu'à lui payer 5 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile;

Sur ce :

Attendu que Mme Ledy a, le 18 décembre 1996, acquis un fonds de commerce sis à Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône), précédemment exploité en franchise " Phildar " par Mme Monique Fontaine, pour le prix de 235 000 F ; qu'elle a, le 19 décembre 1996, conclu deux contrats de franchise avec la société Phildar dénommés " Contrat Phildar Boutique " pour l'un et " Contrat Services Phildar " pour l'autre ; qu'après avoir effectué des travaux de modernisation et d'agrandissement des locaux, elle a ouvert le magasin le 7 mars 1997 ; que son chiffre d'affaires a régulièrement décliné, passant de 686 595 F en 1998 à 579 582 F en 1999; qu'estimant avoir été mal informée, notamment lors de la remise du document précontractuel, et mal conseillée en cours d'exécution des contrats de franchise, elle a, par acte du 27 avril 2000, assigné la société Phildar devant le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing en vue de faire prononcer la nullité des contrats du 18 décembre 1996 et obtenir la condamnation de la société Phildar à lui payer diverses sommes ; qu'en cours d'instance elle a, le 14 avril 2001, cédé le fonds pour le prix de 200 000 F ; que le tribunal a accueilli ses demandes; que la cour, par l'arrêt partiellement cassé, a, au contraire, rejeté les prétentions de Mme Ledy, estimant, notamment, que le préjudice tiré du nouvel argument soulevé devant la cour, fondé sur la cessation de l'activité layette décidée unilatéralement par la société Phildar, n'était pas caractérisé;

Attendu qu'il incombe à la cour de déterminer si la société Phildar a informé Mme Ledy de sa décision d'arrêter la commercialisation de layettes et si cette décision a eu un impact négatif sur les résultats de cette dernière, constituant un préjudice indemnisable;

Attendu que Mme Ledy affirme que la société Phildar, par le fait d'avoir cessé en catimini le rayon layette, de ne pas l'en avoir informée tout en continuant à lui vendre ses produits layette pour écouler son stock, a nécessairement aggravé son préjudice financier à partir de fin 2000, à un moment où le magasin était encore en activité et "continuait à creuser le trou" ; qu'elle ajoute avoir dû vendre son fonds en catastrophe à prix bradé pour une somme de 30 489,80 euro (200 000 euro) pour un investissement de 124 105,70 euro TTC (814 000 F) soit une perte sèche de 93 615,89 euro (614 080 F); que bien qu'il ne soit pas possible de déterminer, avec une précision absolue, l'impact négatif résultant du manquement du franchiseur à son obligation d'information, en particulier au titre de la cessation du rayon layette, on peut raisonnablement lui imputer 1/3 de cette perte, soit une somme arrondie à 30 000 euro, à laquelle s'ajoute un préjudice moral estimé à 10 000 euro ; qu'au besoin, la cour ordonnera une expertise comptable;

Attendu toutefois qu'en n'assistant pas aux réunions appelées "conventions régionales " organisées, en septembre 1999 et le 3 juillet 2000 à Dijon à l'intention des franchisés de la région, Mme Ledy s'est volontairement privée de l'information diffusée par la société Phildar sur l'arrêt de l'activité layette au début de l'année 2001 ; qu'en toute hypothèse elle ne fait pas la preuve que ses résultats auraient été différents si elle avait été personnellement informée de cette décision par son franchiseur dans le courant de l'année 2000;

Attendu ensuite que Mme Ledy ne contredit pas la société Phildar qui précise avoir décidé de cesser cette activité marginale en raison de son manque de rentabilité ; que bien au contraire Mme Ledy reconnaît que le maintien de ce rayon dans son magasin de Luxeuil-les-Bains jusqu'en fin d'année 2000 a contribué " à creuser le trou ", de sorte que son arrêt ne pouvait qu'améliorer son résultat d'exploitation;

Attendu que Mme Ledy n'indique pas les quantités de layettes qui auraient été, selon ses dires, mises à sa charge par la société Phildar sans réels débouchés auprès de sa clientèle de Luxeuil-les-Bains, de nature à accentuer ses difficultés financières ; qu'elle ne verse pas même à son dossier le stock de ces articles demeurés invendus au jour de la cession du fonds le 14 avril 2001 ; que sa demande d'expertise sur ce point se heurte à l'interdiction faite au juge par l'article 146 du Code de procédure civile d'ordonner une mesure d'instruction pour "suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve";

Attendu en conséquence que Mme Ledy n'établissant pas avoir supporté le moindre préjudice lié à l'arrêt du rayon layettes, elle sera déboutée de sa prétention à obtenir des dommages et intérêts et le jugement sera réformé en ce sens;

Attendu qu'il est équitable de condamner Mme Ledy à payer à la société Phildar la somme de 2 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, dans les limites de la cassation, par arrêt mis à disposition au greffe, Déboute Mme Monique Strecker épouse Ledy de sa prétention à obtenir réparation de son préjudice financier et moral consécutif à l'arrêt de l'activité layettes, En conséquence infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Phildar à payer à Mme Monique Strecker épouse Ledy, à titre de dommages et intérêts, la somme de 41 000 euro, Condamne Mme Monique Strecker épouse Ledy à payer à la SA Phildar la somme de 2 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel, Condamne Mme Monique Strecker épouse Ledy aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.