CA Paris, 14e ch. B, 9 janvier 2009, n° 08-00272
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Kouidis
Défendeur :
Le Vieux Paris (SARL), Le Homard Rouge (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schoendoerffer
Conseillers :
Mmes Provost-Lopin, Darbois
Avoués :
SCP Ribaut, Me Etevenard
Avocats :
Mes Zeglin, Frenot
Vu l'appel formé par M. Alexandros Kouidis de l'ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2007 par le Président du Tribunal de commerce de Paris qui:
- lui a ordonné de cesser ses activités jusqu'au 30 juin 2009, dans un rayon de 1 000 mètres du fonds de commerce Le Vieux Paris situé au 9 (et non au 7/9) rue Saint Séverin à Paris (75005), dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance et ce, sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard;
- a déclaré commune et opposable à la SARL Le Homard Rouge l'ordonnance;
- a condamné M. Alexandros Kouidis à payer à la société Le Vieux Paris la somme de 20 000 euro au titre de la clause pénale;
- l'a condamné, outre aux dépens, à payer à la société Le Vieux Paris la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions en date du 15 février 2008 par lesquelles l'appelant demande à la cour, au visa des articles L. 330-3 du Code de commerce, des dispositions du décret du 4 avril 1991 et de l'article 872 du Code de procédure civile, de :
- dire que la société Le Vieux Paris a violé les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ce qui a vicié son consentement;
- débouter la société Le Vieux Paris de ses demandes;
- condamner la société Le Vieux Paris au payement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner la société Le Vieux Paris et la SARL Le Homard Rouge solidairement aux dépens;
Subsidiairement,
- réviser à la baisse la provision réclamée par la société Le Vieux Paris;
Vu les conclusions en date du 13 mars 2008 par lesquelles la société Le Vieux Paris demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivante du Code civil, de:
- confirmer l'ordonnance entreprise;
- condamner M. Alexandros Kouidis, outre aux dépens, au payement de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu l'assignation délivrée le 31 mars 2008 à la requête de M. Alexandros Kouidis à la société Le Homard Rouge (dépôt en l'étude de l'huissier);
LA COUR,
Considérant qu'il ressort des écritures des parties et des pièces produites aux débats que, selon acte sous-seing privé du 9 mai 2005, la société Le Vieux Paris a donné en location-gérance libre à M. Alexandros Kouidis un fonds de commerce de restaurant exploité à Paris (75005), 9 rue Saint Séverin sous l'enseigne Le Vieux Paris, et ce, pour une durée d'une année à compter du 1er juillet 2005 renouvelable par tacite reconduction;
Que le 24 avril 2007, la société Le Vieux Paris a fait signifier au locataire-gérant qu'elle n'entendait pas renouveler le contrat et qu'elle le résiliait pour la date du 30 juin 2007;
Qu'ayant eu connaissance que le 28 juin 2007, la société Le Homard Rouge avait consenti à M. Alexandros Kouidis un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce de restaurant à l'enseigne Le Grand Bistrot situé au 7 rue Saint Séverin à quelques mètres de son fonds de commerce et se prévalant de la violation par M. Kouidis de la clause contractuelle de non-concurrence, la société Le Vieux Paris a, le 22 novembre 2007, saisi le juge des référés aux fins de voir cesser cette infraction et en payement d'une provision de 51 000 euro, montant de l'indemnité forfaitaire prévue au contrat;
Que c'est dans ces conditions qu'a été rendue l'ordonnance entreprise, le premier juge ayant, pour faire droit aux demandes de la société Le Vieux Paris, considéré que la clause de non-concurrence inscrite au contrat du 9 mai 2005 ne prêtait pas à interprétation;
Considérant que l'appelant fait valoir que la société Le Vieux Paris n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce qui l'obligeait - alors qu'elle mettait à sa disposition une marque ou une enseigne, un nom commercial en exigeant de lui un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité - à lui fournir préalablement à la signature du contrat, un document donnant des informations sincères lui permettant de s'engager en connaissance de cause et qu'aucun document ne lui a été remis préalablement à la conclusion du contrat du 9 mai 2005 ; que contrairement à ce qu'a dit le premier juge et à ce que étend la société intimée, le contrat de location-gérance prévoyait plusieurs engagements d'exclusivité notamment l'obligation de faire tenir les livres de comptabilité exclusivement par le comptable du bailleur, le cabinet Vergne et celle de continuer les polices d'assurances contractées par le bailleur auprès de la MAAF ; qu'elle conclut à la nullité du contrat de location-gérance, l'absence d'information précontractuelle ayant vicié son consentement;
Considérant cependant que l'information précontractuelle visée à l'article L. 330-3 du Code de commerce est due préalablement à la conclusion d'un contrat de mise en location-gérance d'un fonds de commerce dès lors que ce contrat prévoit une exclusivité; que tel n'est pas le cas en l'espèce, M. Kouidis demeurant libre de s'approvisionner; que l'indication de l'agent d'assurance n'est qu'indicative et l'obligation de recourir au comptable du bailleur ne peut s'analyser à l'évidence comme un engagement d'exclusivité ; que dès lors, les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ne sont pas applicables et l'obligation d'information précontractuelle n'était pas due ; que le moyen tiré de la nullité du contrat de location-gérance du 9 mai 2005 doit être rejeté;
Considérant que la clause de non-concurrence insérée au contrat conclu le 9 mai 2005 dont la nullité est alléguée est rédigée en ces termes :
"A la fin du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, le preneur s'interdit de fonder, acquérir, prendre à bail, un fonds de commerce de même nature que celui présentement loué, intervenir en société même au titre de commanditaire, s'intéresser comme gérant salarié ou employé dans l'exploitation d'un établissement de même nature que celui présentement confié en gérance libre.
La présente interdiction, qui vise des intérêts directs ou indirects que le preneur pourrait être amené à prendre dans les fonds identiques à celui présentement loué, ou assimilable, est limitée:
* à un rayon de 200 mètres à vol d'oiseau dudit fonds dans le cas d'un emploi salarié non gérant, non associé;
* un rayon de 1 000 mètres à vol d'oiseau dudit fonds dans les autres cas;
* à une durée de 2 ans à compter de la fin du présent contrat;
Toute dérogation à cette interdiction comportera à titre de sanction et clause pénale à charge par le preneur une indemnité forfaitaire de 51 000 euro au profit du bailleur, et ce, sans préjudice du droit qu'aurait ce dernier de faire cesser cette contravention par toutes voies de droit";
Considérant que l'appelant soutient que la société Le Vieux Paris n'avait pas d'intérêt légitime à être protégée par une telle clause dont il invoque en conséquence la nullité; qu'il précise à cet égard qu'il n'y a aucun risque de détournement d'une clientèle composée essentiellement de touristes ni même aucun risque concurrentiel nouveau dans la mesure où il n'y a pas moins de 18 restaurants qui sont spécialisés dans la fondue savoyarde dans un rayon de 150 mètres;
Considérant toutefois que la clause de non-concurrence permet à l'évidence à la société Le Vieux Paris de résister à la concurrence du quartier; qu'elle avait donc intérêt à insérer dans le contrat de location-gérance une telle disposition contractuelle ; que le moyen tiré de la nullité de la clause doit être rejeté;
Que par ailleurs, il est manifeste que M. Kouidis s'est installé 7 rue Saint Séverin à moins de deux cents mètres du fonds de commerce de la société Le Vieux Paris qu'il avait préalablement exploité au numéro 9 de la même rue ; que le caractère illicite du trouble généré par une telle installation est manifeste;
Que dès lors, il y a lieu de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné à M. Kouidis de cesser ses activités jusqu'au 30 juin 2009, dans un rayon de 1 000 mètres du fonds de commerce Le Vieux Paris situé au 9 rue Saint Séverin à Paris (75005), dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance et ce, sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard;
Considérant que la clause pénale dont il est demandé l'application étant comme telle susceptible d'être modérée par le juge du fond, il n'y a pas lieu à référé de ce chef;
Considérant que l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que M. Alexandros Kouidis qui succombe pour l'essentiel doit supporter les dépens;
Par ces motifs, Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives à la clause pénale; Statuant à nouveau de ce chef infirmé, Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée par la société Le Vieux Paris au titre de la clause pénale; Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne M. Alexandros Kouidis aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.