TUE, 8e ch., 9 décembre 2009, n° T-1/07
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Apache Footwear Ltd, Apache II Footwear Ltd (Qingxin)
Défendeur :
Conseil de l'Union européenne, Commission européenne, Confédération européenne de l'industrie de la chaussure, BA.LA. di Lanciotti Vittorio & C. Sas
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martins Ribeiro
Juges :
MM. Papasavvas (rapporteur), Dittrich
Avocats :
Mes Prost, Ballschmiede, Berthelot, Berrisch, Vlaemminck, Zonnekeyn, Verhulst, Hubert
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),
Cadre juridique
1 L'article 1er, paragraphes 2 et 4, du règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le " règlement de base "), dispose :
" 2. Un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d'opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur.
[...]
4. Aux fins de l'application du présent règlement, on entend par 'produit similaire' un produit identique, c'est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l'absence d'un tel produit, un autre produit qui, bien qu'il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. "
2 Selon l'article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, " [l]a valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ".
3 S'agissant des conditions d'octroi d'un statut d'entreprise évoluant dans les conditions d'une économie de marché, l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base prévoit :
" Dans le cas d'enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de [...] la République populaire de Chine [...], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s'il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l'objet de l'enquête [...], que les conditions d'une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n'est pas le cas, les règles [sous] a) s'appliquent. "
4 Selon l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base :
" La requête présentée au titre d[e l'article 2, paragraphe 7, sous] b), doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d'une économie de marché, à savoir si :
- les décisions des entreprises concernant les prix[,] les coûts [et l]es intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d'œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l'offre et la demande et sans intervention significative de l'État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,
- les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l'objet d'un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,
- les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l'objet d'aucune distorsion importante, induite par l'ancien système d'économie planifiée, notamment en relation avec l'amortissement des actifs, d'autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,
- les entreprises concernées sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité
et
- les opérations de change sont exécutées aux taux du marché. "
5 Aux termes de l'article 9, paragraphe 5, du règlement de base :
" 5. Un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d'une manière non discriminatoire sur les importations d'un produit, de quelque source qu'elles proviennent, dont il a été constaté qu'elles font l'objet d'un dumping et causent un préjudice, à l'exception des importations en provenance des sources dont un engagement pris au titre du présent règlement a été accepté. Le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable et, en règle générale, dans les cas visés à l'article 2, paragraphe 7, [sous] a), le nom du pays fournisseur concerné.
En cas d'application de l'article 2, paragraphe 7, [sous] a), un droit individuel peut toutefois être déterminé pour les exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que :
a) dans le cas d'entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par des étrangers ou d'entreprises communes, les exportateurs sont libres de rapatrier les capitaux et les bénéfices ;
b) les prix à l'exportation, les quantités exportées et les modalités de vente sont décidés librement ;
c) la majorité des actions appartient à des particuliers. Les fonctionnaires d'État figurant dans le conseil d'administration ou occupant des postes clés de gestion sont en minorité ou la société est suffisamment indépendante de l'intervention de l'État ;
d) les opérations de change sont exécutées au taux du marché, et
e) l'intervention de l'État n'est pas de nature à permettre le contournement des mesures si les exportateurs bénéficient de taux de droit individuels. "
6 Quant à l'intérêt de la Communauté requis pour l'imposition de mesures antidumping, l'article 21, paragraphe 1, du règlement de base dispose :
" Il convient, afin de déterminer s'il est de l'intérêt de la Communauté que des mesures soient prises, d'apprécier tous les intérêts en jeu pris dans leur ensemble, y compris ceux de l'industrie communautaire et des utilisateurs et consommateurs, et une telle détermination ne peut intervenir que si toutes les parties ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue conformément au paragraphe 2. Dans le cadre de cet examen, une attention particulière est accordée à la nécessité d'éliminer les effets de distorsion des échanges d'un dumping préjudiciable et de restaurer une concurrence effective. Des mesures déterminées sur la base du dumping et du préjudice établis peuvent ne pas être appliquées, lorsque les autorités, compte tenu de toutes les informations fournies, peuvent clairement conclure qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Communauté d'appliquer de telles mesures. "
Antécédents du litige et règlement attaqué
7 Les requérantes, Apache Footwear Ltd et Apache II Footwear Ltd (Qingxin), sont des sociétés productrices et exportatrices de chaussures établies en Chine.
8 Les importations de chaussures en provenance de Chine relevant de certaines classes de la nomenclature combinée étaient soumises à des contingents quantitatifs qui ont expiré le 1er janvier 2005.
9 À la suite d'une plainte déposée le 30 mai 2005 par la Confédération européenne de l'industrie de la chaussure (CEC), la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam. L'avis d'ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 7 juillet 2005 (JO C 166, p. 14, ci-après l'" avis d'ouverture ").
10 Compte tenu du nombre important de parties concernées, il a été envisagé, au point 5.1, sous a), de l'avis d'ouverture, de recourir à la technique d'échantillonnage, conformément à l'article 17 du règlement de base. En outre, au point 5.1, sous b), de l'avis d'ouverture, la Commission a précisé que, afin d'obtenir les informations qu'elle jugeait nécessaires à son enquête, elle enverrait des questionnaires, notamment, aux producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens inclus dans les échantillons ainsi qu'aux autorités des pays exportateurs concernés.
11 Les requérantes ont pris contact avec la Commission en lui fournissant, le 25 juillet 2005, les informations requises par les points 5.1, sous a), i), et 5.1, sous e), de l'avis d'ouverture afin de faire partie de l'échantillon des producteurs-exportateurs que cette institution se proposait d'établir selon l'article 17 du règlement de base et afin de se voir octroyer le statut de société opérant dans les conditions d'une économie de marché ou, à défaut, de bénéficier d'un traitement individuel (ci-après la " demande SEM/TI ").
12 Ayant été choisies pour faire partie de l'échantillon des producteurs-exportateurs chinois, les requérantes ont été invitées à répondre au questionnaire de la Commission au plus tard le 12 septembre 2005, date à laquelle elles ont communiqué leur réponse audit questionnaire.
13 La Commission a effectué des visites de vérification sur place dans les locaux des requérantes et d'Apache Footwear Ltd Bahamas (Hong Kong) entre le 28 septembre et le 7 octobre 2005.
14 Par lettre du 9 novembre 2005, les requérantes ont présenté leurs commentaires sur différentes questions soulevées durant les vérifications sur place et ont apporté quelques éclaircissements.
15 Par télécopie du 12 décembre 2005, la Commission a informé les requérantes de ses conclusions préliminaires relatives à leur demande SEM/TI.
16 S'agissant de la première requérante (ci-après " Apache "), la Commission a considéré qu'elle ne remplissait pas les premier, deuxième et troisième critères établis par l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base (voir point 4 ci-dessus).
17 En ce qui concerne le premier critère, relatif aux décisions des entreprises, la Commission a relevé que, entre 2001 et 2003, Apache avait octroyé des prêts importants à taux nul à deux de ses actionnaires, la [confidentiel] (1) et la [confidentiel], qui en détenaient respectivement [confidentiel] des actions et appartenaient respectivement aux employés d'Apache et à des habitants du village de Pingsha. Aux fins de l'octroi des prêts en question, ces actionnaires n'auraient eu qu'à faire part de leur " besoin d'emprunter des sommes d'argent ", leurs demandes étant systématiquement approuvées par le directeur général d'Apache sans restrictions, conditions de remboursement ou garanties. Or, dans les conditions d'une économie de marché, une entreprise aurait recherché, en octroyant des prêts portant intérêts, à tirer un profit. Apache n'aurait pas apporté d'explications satisfaisantes au regard de sa politique, alors que cette pratique se serait poursuivie en méconnaissance de son objectif statutaire qui ne prévoit pas l'octroi de prêts à titre gratuit [confidentiel]. Dans ces conditions, la Commission a conclu que, malgré leur participation minoritaire, ces actionnaires exerçaient une influence disproportionnée sur les décisions d'Apache, eu égard, notamment, au fait que [confidentiel], actionnaire détenant [confidentiel] % du capital d'Apache, n'aurait jamais bénéficié de tels prêts. Apache n'aurait pas invoqué de circonstances mettant en cause la conclusion selon laquelle ses décisions n'étaient pas prises en tenant compte des signaux du marché et sans intervention significative de l'État. En outre, en février 2004, Apache aurait décidé de distribuer des dividendes pour les exercices 2001 et 2002, mais n'aurait utilisé que [confidentiel]. D'ailleurs, Apache n'aurait pas prouvé que son actionnaire majoritaire, [confidentiel], était libre de " rapatrier " ses dividendes de 2001 et de 2002.
18 Dans le cadre de l'examen du premier critère, la Commission s'est également référée à la politique de ressources humaines d'Apache en relevant que le recrutement d'employés devait être précédé de l'accord de l'administration régionale du travail, qui imposerait les lignes de la politique de recrutement.
19 S'agissant des décisions relatives aux ventes, la Commission a souligné dans le cadre de l'examen du même critère que, conformément à son statut, Apache devait exporter plus de [confidentiel] % de sa production, moins de [confidentiel] % de celle-ci étant réservés au marché national. Eu égard aux pouvoirs d'approbation des statuts dont sont investies les autorités chinoises, la Commission a conclu que de telles restrictions avaient une force contraignante sans qu'Apache ait expliqué leur raison d'être.
20 En ce qui concerne le deuxième critère, relatif aux documents comptables de base, la Commission a relevé qu'Apache [confidentiel]. Eu égard à l'importance que présentent les [confidentiel] pour la transparence des comptes, la Commission a conclu que la comptabilité d'Apache n'était pas conforme aux normes comptables internationales, [confidentiel].
21 En ce qui concerne le troisième critère, relatif aux coûts de production, la Commission a notamment observé que, selon le contrat de joint venture qui liait Apache et la [confidentiel], la seconde devait fournir de l'énergie à la première. Or, il ne saurait être exclu que cette obligation crée pour Apache un avantage améliorant sa situation financière. Enfin, s'agissant de l'utilisation des biens immobiliers, la Commission a relevé qu'Apache avait conclu des contrats de bail, avec la [confidentiel] et la [confidentiel], qui prévoyaient un loyer significativement inférieur à celui stipulé avec d'autres personnes. La Commission a considéré que cette circonstance, qui pourrait être due aux [confidentiel], constituait une distorsion importante trouvant son origine dans l'ancien système d'économie planifiée.
22 S'agissant de la deuxième requérante (ci-après " Apache II "), la Commission a considéré qu'elle ne remplissait pas les premier et troisième critères établis par l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
23 En ce qui concerne le premier critère, la Commission a relevé qu'Apache II était tenue, de par son statut, d'exporter [confidentiel] de sa production. Eu égard aux pouvoirs d'approbation des statuts dont sont investies les autorités chinoises, seules compétentes pour l'octroi d'une licence d'exploitation, la Commission a conclu que de telles restrictions avaient une force contraignante.
24 En ce qui concerne le troisième critère, la Commission a souligné qu'Apache II avait conclu un accord de coopération avec la [confidentiel]. Cet accord donnerait à Apache II un droit d'utilisation des sols pour une période de [confidentiel] ans en contrepartie d'un loyer significativement inférieur au prix du marché. Étant donné que la procédure n'a pas révélé que la [confidentiel] agissait sur la base des critères d'un opérateur privé et non [confidentiel], la Commission a conclu que les conditions avantageuses accordées à Apache II en matière d'utilisation des sols constituaient une distorsion importante trouvant son origine dans l'ancien système d'économie planifiée.
25 Les requérantes ont formulé leurs commentaires au regard des constatations de la Commission par télécopie du 19 décembre 2005. Elles ont contesté l'ensemble des appréciations de la Commission s'agissant des critères que cette dernière avait considérés comme non remplis.
26 En particulier, Apache a exposé des circonstances qui démontreraient, premièrement, que la [confidentiel] n'était pas contrôlée par l'État, deuxièmement, que le coût de la main-d'œuvre était déterminé de manière indépendante de toute intervention étatique, troisièmement, que l'octroi des prêts aux deux actionnaires était en conformité avec le droit chinois et ses statuts, quatrièmement, que le choix relatif à la destination de sa production avait été fait librement par ses actionnaires, cinquièmement, qu'elle conservait les relevés bancaires concernant les dividendes distribués, et, sixièmement, que ses coûts de production relatifs à l'approvisionnement en énergie et à la location de biens immobiliers étaient conformes au prix du marché.
27 Apache II s'est référée, pour sa part, à la réponse apportée par Apache et a souligné, premièrement, que, eu égard aux articles 43 et 44 des Rules for the implementation of the law of the People's Republic of China on foreign-capital enterprises (règles relatives aux modalités d'application de la loi sur les entreprises à capital étranger), elle était libre de décider de la destination de sa production, deuxièmement, que la [confidentiel] n'était pas liée aux autorités chinoises et, troisièmement, que les prix auxquels elle louait des biens immobiliers correspondaient au prix du marché.
28 Par télécopie du 23 février 2006, la Commission a informé les requérantes du maintien de ses conclusions initiales, malgré le retrait des griefs concernant l'approvisionnement d'Apache en énergie (voir point 21 ci-dessus).
29 Par lettre du 24 février 2006, la Commission a communiqué aux requérantes son intention d'exclure les chaussures de sport à technologie spéciale (Special Technology Athletic Footwear, ci-après les " STAF ") de la définition du produit concerné et les a invitées à prendre position à cet égard. Par lettre du 16 mars 2006, les requérantes ont exprimé leur accord avec l'approche de la Commission.
30 Le 23 mars 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 553-2006 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 98, p. 3, ci-après le " règlement provisoire ").
31 Selon le considérant 9 du règlement provisoire, l'enquête relative au dumping et au préjudice a couvert la période comprise entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005. L'examen des tendances utiles à l'appréciation du préjudice a porté sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 mars 2005.
32 Compte tenu de la nécessité d'établir une valeur normale pour ce qui concerne les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens auxquels le statut de société opérant dans les conditions d'une économie de marché (ci-après le " SEM ") pourrait ne pas être accordé, une visite de vérification destinée à établir la valeur normale sur la base de données concernant un pays analogue, en l'occurrence la République fédérative du Brésil, a été effectuée dans les locaux de trois sociétés brésiliennes (considérant 8 du règlement provisoire).
33 S'agissant du produit concerné, il résulte des considérants 10 et 11, 40 et 41 du règlement provisoire qu'il englobe essentiellement les sandales, les bottes, les chaussures de rue et les chaussures de ville, toutes fabriquées avec un dessus en cuir naturel ou reconstitué. Il résulte, en outre, des considérants 12 à 31 du règlement provisoire que la Commission a exclu les STAF de la définition du produit concerné et qu'elle y a inclus les chaussures pour enfants, dans l'attente d'un complément d'enquête et d'autres considérations au stade définitif de la procédure.
34 S'agissant du produit similaire, la Commission a conclu, au considérant 46 du règlement provisoire, que le produit concerné et les chaussures à dessus en cuir produites en Chine et au Viêt Nam et vendues sur leur marché intérieur, ainsi que les chaussures à dessus en cuir produites et vendues dans la Communauté par l'industrie communautaire, étaient similaires du point de vue de leurs caractéristiques physiques et techniques essentielles et de leurs utilisations et qu'ils étaient perçus comme interchangeables par les utilisateurs. Partant, selon le considérant 52 du règlement provisoire, tous les types de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué produits et vendus dans les pays concernés et au Brésil et ceux produits et vendus sur le marché de la Communauté par l'industrie communautaire sont semblables à ceux exportés des pays concernés vers la Communauté.
35 Il résulte du considérant 57 du règlement provisoire que, dans le cadre de la détermination du dumping, la Commission a eu recours à la technique d'échantillonnage. À cette fin, elle a retenu un échantillon comprenant douze producteurs-exportateurs chinois représentant plus de 20 % du volume des exportations chinoises vers la Communauté. Selon le considérant 8, sous c), du règlement provisoire, les requérantes constituent les première et deuxième sociétés de la liste des producteurs-exportateurs chinois faisant partie de l'échantillon.
36 Selon le considérant 69 du règlement provisoire, les requérantes se sont vu refuser le SEM au motif qu'elles ne remplissaient pas certains critères énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base (voir points 16 et 22 ci-dessus).
37 S'agissant de la demande de traitement individuel, la Commission a relevé, au considérant 94 du règlement provisoire, que l'obligation pour une entreprise d'exporter la totalité ou une part conséquente de sa production impliquait également que celle-ci n'avait pas satisfait au critère énoncé à l'article 9, paragraphe 5, second alinéa, sous b), du règlement de base (voir point 5 ci-dessus).
38 S'agissant de l'intérêt de la Communauté requis pour l'institution de droits provisoires et, plus particulièrement, de l'intérêt des consommateurs, la Commission a relevé, au considérant 251 du règlement provisoire, que les chaussures pour enfants devaient être remplacées trois ou quatre fois plus souvent que d'autres chaussures, circonstance qui accroîtrait sensiblement les effets négatifs de l'imposition d'un droit provisoire au détriment des consommateurs. Les effets bénéfiques éventuels de l'élimination du préjudice s'effaceraient donc devant l'incidence potentiellement négative qu'exercerait l'imposition des droits aux consommateurs. Dans ces conditions, la Commission a décidé d'exclure les chaussures pour enfants du champ d'application des mesures antidumping provisoires (considérant 252 du règlement provisoire).
39 Par lettre du 7 avril 2006, la Commission a transmis aux requérantes, en application de l'article 20, paragraphe 1, du règlement de base, un document d'information intermédiaire sur les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des droits antidumping provisoires avaient été imposés. La Commission a invité les requérantes à lui transmettre leurs commentaires éventuels au regard de ces documents pour le 8 mai 2006.
40 Par lettre du 8 mai 2006, les requérantes ont présenté leurs commentaires sur le document d'information intermédiaire. Elles se sont focalisées sur les appréciations de la Commission concernant le SEM, le traitement individuel (ci-après le " TI ") et les marges de dumping et de préjudice.
41 Par lettre du 7 juillet 2006, la Commission a transmis aux requérantes, en application de l'article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, un document d'information finale sur les faits et considérations essentiels sous-tendant la proposition d'imposer des droits antidumping définitifs. S'agissant de la demande de SEM des requérantes, la Commission a considéré finalement qu'Apache ne remplissait pas les trois premiers critères établis par l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et qu'Apache II n'en remplissait pas le troisième critère (voir point 24 ci-dessus). En ce qui concerne la demande de TI des requérantes, la Commission a rappelé que les restrictions en matière de politique de ventes d'Apache (voir point 37 ci-dessus) l'avaient amenée à considérer que cette dernière ne satisfaisait pas au critère énoncé à l'article 9, paragraphe 5, second alinéa, sous b), du règlement de base. Or, étant donné que, selon la Commission, l'acceptation d'une demande telle que la demande SEM/TI présuppose que toutes les sociétés liées établies dans l'État exportateur et produisant ou exportant le produit concerné doivent remplir l'ensemble des critères énoncés dans le règlement de base à cet égard, la demande SEM/TI ne pouvait être acceptée pour ce qui concerne Apache II, puisqu'elle ne pouvait l'être en ce qui concerne Apache. En tout état de cause, la Commission a relevé que les prix à l'exportation des requérantes avaient été utilisés afin de déterminer le prix à l'exportation à appliquer sur les chaussures originaires de Chine.
42 Par lettre du 17 juillet 2006, les requérantes ont présenté leurs commentaires sur le document d'information finale. Elles ont commenté une nouvelle fois les appréciations de la Commission sur le SEM, le TI et les marges de dumping et de préjudice. Elles ont, en outre, produit plusieurs documents concernant la modification de leurs statuts, leur comptabilité et leurs droits d'utilisation des biens immobiliers.
43 Par lettre du 6 octobre 2006, la Commission a informé les requérantes de l'adoption du règlement (CE) n° 1472-2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le " règlement attaqué "). Elle les a également informées de son refus de tenir compte des documents qu'elles lui avaient soumis en annexe à leur lettre du 17 juillet 2006, en raison de leur production tardive, et de sa décision finale de ne pas leur accorder le SEM ni le bénéfice d'un TI.
44 En vertu du règlement attaqué, le Conseil de l'Union européenne a institué un droit antidumping définitif sur les importations de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué, à l'exclusion des chaussures de sport, des STAF, des pantoufles et d'autres chaussures d'intérieur et de chaussures avec coquille de protection originaires de Chine et relevant de plusieurs codes de la nomenclature combinée (article 1er du règlement attaqué). Le taux de droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, a été établi, pour les chaussures issues de la production des requérantes, à 16,5 %. Selon l'article 3 du règlement attaqué, celui-ci était applicable pendant une période de deux ans.
45 Selon le considérant 77 du règlement attaqué, la présentation, par deux producteurs-exportateurs chinois, des statuts modifiés ne contenant plus de restrictions des ventes, a eu lieu trop tard pour pouvoir être prise en considération. En effet, il ne restait plus suffisamment de temps pour procéder à une vérification conformément à l'article 16, paragraphe 1, du règlement de base. En tout état de cause, ces restrictions n'auraient pas constitué la seule raison du refus du SEM à l'égard de ces sociétés.
46 Ainsi, la conclusion tirée dans le règlement provisoire quant à l'octroi du SEM aux requérantes a été confirmée au considérant 78 du règlement attaqué.
47 S'agissant de la demande de TI, le Conseil a confirmé, au considérant 83 du règlement attaqué, la conclusion négative à laquelle était parvenue la Commission au considérant 94 du règlement provisoire (voir point 37 ci-dessus).
48 S'agissant de l'intérêt de la Communauté, en particulier en ce qui concerne l'inclusion des chaussures pour enfants dans le champ d'application des mesures antidumping définitives, le Conseil a effectué une nouvelle analyse, compte tenu des arguments communiqués par l'industrie communautaire. Cette analyse l'a conduit à adopter une approche différente de celle retenue par la Commission s'agissant des mesures provisoires (voir point 38 ci-dessus).
49 À cet égard, selon le considérant 257 du règlement attaqué, les chaussures pour enfants devaient être incluses dans la définition du produit concerné (voir point 33 ci-dessus), c'est-à-dire que tous les types du produit concerné devaient être considérés comme constituant un seul et même produit et que des mesures antidumping devaient donc, en principe, leur être appliquées dans leur ensemble. De surcroît, selon ce même considérant, les prix à l'importation moyens des chaussures pour enfants étaient en général, d'après les statistiques d'Eurostat (office statistique des Communautés européennes), nettement inférieurs (de plus de 33 %) aux prix à l'importation des chaussures pour adultes. En conséquence, l'effet d'un droit antidumping ad valorem sur les chaussures pour enfants serait proportionnellement plus faible, d'autant plus que les conclusions définitives conduisent globalement à des droits définitifs moins élevés que les mesures décidées au stade provisoire. De plus, le Conseil a considéré, dans le cadre du même considérant, qu'il était peu probable que les consommateurs supportent tout le poids d'éventuelles mesures et a souligné que les organisations de consommateurs n'avaient présenté aucune observation, ce qui donnerait à penser que l'incidence des mesures ne représente effectivement pas une préoccupation réelle pour leurs membres.
50 Dans ces conditions, le Conseil a conclu que l'application de mesures définitives au produit concerné, y compris les chaussures pour enfants, n'était pas contraire à l'intérêt global des consommateurs.
Procédure et conclusions des parties
51 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 janvier 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.
52 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2007, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par lettre du 4 octobre 2007, la Commission a informé le Tribunal qu'elle renonçait à déposer un mémoire en intervention, mais qu'elle prendrait part à l'audience.
53 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2007, la CEC a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.
54 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 avril 2007, la Provincia di Ascoli Piceno (Italie), le Comune di Monte Urano (Italie), la société BA.LA. di Lanciotti Vittorio & C. Sas et seize autres sociétés italiennes productrices de chaussures dont les noms figurent en annexe ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.
55 Dans leurs observations sur ces demandes d'intervention, les requérantes ont demandé à ce que plusieurs éléments du dossier soient traités comme confidentiels.
56 Par ordonnance du 12 septembre 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis les demandes en intervention formulées par la Commission, la CEC, BA.LA. di Lanciotti Vittorio & C. et les seize autres sociétés italiennes productrices de chaussures (ci-après les " producteurs italiens "). En revanche, les demandes de la Provincia di Ascoli Piceno et du Comune di Monte Urano ont été rejetées.
57 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
58 Par requête introduite au greffe de la Cour le 4 octobre 2007, la Provincia di Ascoli Piceno et le Comune di Monte Urano ont introduit, au titre de l'article 57, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, un pourvoi par lequel ils demandaient l'annulation de l'ordonnance du 12 septembre 2007 en ce que le Tribunal y rejette leurs demandes d'intervention. Par ordonnance du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Conseil e.a. [C-464-07 P(I), non publiée au Recueil], le président de la Cour a rejeté ce pourvoi.
59 La CEC et les producteurs italiens ont déposé leurs mémoires en intervention le 23 octobre 2007. Étant donné que ces intervenantes ne se sont pas opposées aux demandes de traitement confidentiel formulées par les requérantes, les éléments du dossier concernés par ces demandes ont été considérés comme confidentiels.
60 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale.
61 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 18 février 2009.
62 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne ;
- condamner le Conseil aux dépens ;
- condamner les intervenantes à supporter leurs dépens.
63 Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;
- condamner les requérantes aux dépens.
64 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal de rejeter le recours.
65 La CEC et les producteurs italiens concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner les requérantes aux dépens.
En droit
66 Au soutien de leur recours, les requérantes avancent trois moyens tirés respectivement :
- de la violation de l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et d'une violation de l'obligation de motivation ;
- de la violation de l'obligation de diligence, du principe de bonne administration et d'une erreur manifeste d'appréciation, et
- de la violation de l'article 21 du règlement de base et de l'obligation de motivation ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et d'une violation de l'obligation de motivation
Arguments des parties
67 Les requérantes font valoir que l'appréciation de la Commission concernant l'octroi du SEM est principalement fondée sur de simples hypothèses assorties de déclarations imprécises quant à la prétendue insuffisance des preuves qui lui ont été soumises, ce qui équivaudrait à leur demander d'apporter une preuve négative s'agissant d'une série d'aspects. À cet égard, en contestant les arguments du Conseil tendant à démontrer l'irrecevabilité de ce moyen, les requérantes estiment que, malgré la marge d'appréciation dont disposent les institutions en matière de mesures de défense commerciale, leur action est contrôlée par le juge communautaire au regard de règles leur imposant d'examiner les éléments dont elles disposent avec soin et impartialité, de respecter les droits de la défense des personnes concernées et de motiver leurs décisions.
68 Les requérantes estiment que le Conseil n'a pas examiné si elles étaient soumises à une intervention significative de l'État, exercice qui constituerait la norme de contrôle établie par l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. À cet égard, les requérantes soulignent le libellé de l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, selon lequel la valeur normale peut être déterminée conformément aux règles applicables aux pays ayant une économie de marché au cas où " les conditions d'une économie de marché prévalent " pour les producteurs qui en effectuent la demande.
69 Il en résulterait que le législateur a reconnu l'existence de plusieurs degrés entre l'intervention étatique et l'économie de marché. Partant, l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ne s'opposerait pas à toute interaction entre l'État et les opérateurs économiques, mais uniquement à celles se répercutant de manière significative sur les décisions commerciales, circonstance qui s'apprécierait au cas par cas. Dans le cadre de cette appréciation, les institutions communautaires seraient tenues d'agir avec soin et impartialité. Or, en l'espèce, la Commission aurait omis de s'acquitter de cette obligation.
70 En particulier, s'agissant des prêts accordés par Apache à deux de ses actionnaires et de la distribution des bénéfices s'y rapportant (voir point 17 ci-dessus), la Commission aurait omis de tenir compte du fait que, contrairement à la [confidentiel] et à la [confidentiel], qui n'appartiennent pas au groupe Apache, [confidentiel] ne désirait pas distribuer ses bénéfices, mais souhaitait les y réinvestir, comportement nullement anormal. Cela expliquerait pourquoi cet actionnaire n'a pas bénéficié d'une distribution des dividendes, contrairement à la [confidentiel] et à la [confidentiel]. S'agissant de la [confidentiel], la Commission n'aurait jamais considéré qu'elle était contrôlée par l'État. S'agissant de la [confidentiel], qui ne nommerait qu'un des six directeurs d'Apache, les requérantes soulignent, tout d'abord, qu'elle n'est pas contrôlée par l'État, mais appartient à des particuliers et, ensuite, que les conditions dans lesquelles elle s'est vu accorder des prêts ne constituent qu'un facteur parmi d'autres à prendre en compte aux fins d'apprécier l'existence d'une influence significative de l'État. Étant donné que, concernant l'analyse de l'interaction entre l'État et les opérateurs économiques du cas d'espèce, le résultat auquel est parvenue la Commission n'était pas évident, la Commission aurait dû approfondir son examen.
71 En outre, les requérantes soulignent que, selon le libellé de l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, les critères énoncés sous c) dans la même disposition doivent être remplis " en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné ". Or, les prêts consentis aux actionnaires minoritaires d'Apache ne concerneraient pas la fabrication ou la vente du produit similaire concerné.
72 S'agissant des constatations de la Commission en matière d'utilisation des biens immobiliers concernant Apache, les requérantes font valoir que, si la Commission avait tenu compte des deux contrats de bail qui lui ont été soumis durant la procédure administrative dans le cadre de la demande SEM/TI, elle aurait conclu qu'Apache payait un loyer équivalent, voire supérieur, à celui payé par d'autres sociétés établies dans la même province.
73 Les éléments exposés ci-dessus, ainsi que les considérations avancées par la Commission s'agissant de l'utilisation des sols par Apache II (voir point 24 ci-dessus), démontreraient que cette institution n'a pas vérifié l'existence d'une " intervention significative de l'État " au sens de l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. En effet, la Commission se serait limitée à comparer ses constatations avec la situation d'une société " en économie de marché ", notion qui serait nullement définie dans le règlement de base, mais qui devrait correspondre au comportement " normal " d'une entité économique dans les conditions " idéales " d'une économie de marché. Donc, si une société ne réussit pas ce " test de performances ", la seule conclusion logique serait, selon la Commission, qu'elle ne satisfait pas aux critères prévus à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
74 Or, ce faisant, la Commission aurait appliqué à l'examen de la demande des requérantes une norme différente de celle fixée par le règlement de base à cet égard. Cette approche, qui priverait de tout effet utile le terme " significative ", ne laisserait à la société concernée que la possibilité de satisfaire ou non à ce modèle de contrôle abstrait et ne correspondrait pas au test destiné à évaluer une intervention significative de l'État dans les secteurs précisés par ce même règlement. L'approche de la Commission imposerait, en pratique, aux sociétés concernées de prouver qu'elles n'entretiennent aucun contact avec les autorités étatiques, puisqu'elles devraient démontrer qu'elles ne sont aucunement liées auxdites autorités, sur la base des critères définis par la Commission. Cela serait particulièrement vrai en ce qui concerne Apache II, pour laquelle la demande aurait été rejetée au seul motif qu'elle ne remplissait pas l'un des cinq critères prévus à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
75 En outre, s'agissant de l'utilisation des sols par Apache II, l'analyse de la Commission s'agissant de la [confidentiel] (voir point 24 ci-dessus) serait fondée sur des éléments hypothétiques et superficiels, tels que l'inclusion du terme " [confidentiel] " dans sa raison sociale, qui n'excluraient pas que celle-ci opère suivant les critères d'une économie de marché. La comparaison avec le loyer payé par Apache ne tiendrait pas compte des différences fondamentales concernant chaque bail, telles que les caractéristiques des terrains et leur localisation, qui affectent les prix.
76 Les vices de l'analyse de la Commission quant à l'existence d'une " intervention significative de l'État " constitueraient également un défaut de motivation du règlement attaqué.
77 Le Conseil estime que le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable au motif qu'il ne répond pas aux exigences de précision énoncées à l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Par ailleurs, le Conseil, soutenu par la Commission, la CEC et les producteurs italiens, conteste le bien-fondé des arguments des requérantes.
Appréciation du Tribunal
78 En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, il y a lieu d'observer que, par leurs deux premiers moyens, les requérantes contestent l'ensemble des appréciations sur la base desquelles les institutions leur ont refusé l'octroi du SEM. Dans ces conditions, le Conseil est en mesure de comprendre les omissions qui lui sont reprochées et le Tribunal peut apprécier le bien-fondé de l'argumentation des requérantes. Partant, la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil doit être écartée.
79 En ce qui concerne le fond du premier moyen, premièrement, il y a lieu de rappeler que, s'agissant d'Apache, la Commission a considéré que cette société ne remplissait pas les trois premiers critères établis par l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
80 Selon la Commission, Apache ne remplissait pas le premier critère pour les motifs suivants :
- elle a consenti des prêts à taux nul à deux de ses actionnaires dont un représenterait les autorités locales ;
- le recrutement de ses employés devait être précédé de l'accord de l'administration régionale du travail, qui déterminerait les lignes de la politique de recrutement ;
- ses statuts prévoyaient que plus de [confidentiel] % de ses ventes devaient être destinées à l'exportation et moins de [confidentiel] % d'entre elles au marché domestique (voir points 17 à 19 et 41 ci-dessus).
81 En ce qui concerne le deuxième critère, la Commission a conclu que la comptabilité d'Apache n'était pas conforme aux normes internationales (voir points 20 et 41 ci-dessus).
82 En ce qui concerne le troisième critère, la Commission a considéré que la stipulation d'un loyer significativement bas entre Apache et deux entités bailleresses constituait une distorsion importante trouvant son origine dans l'ancien système d'économie planifiée (voir points 21 et 41 ci-dessus).
83 S'agissant d'Apache II, la Commission lui a refusé le SEM au motif qu'elle bénéficiait d'un droit d'utilisation des sols pour une période de 50 ans dans le cadre d'un accord de coopération avec la [confidentiel] stipulant un loyer significativement inférieur au prix du marché (voir points 24 et 41 ci-dessus).
84 Deuxièmement, il y a lieu de relever que les conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ont un caractère cumulatif, si bien que, lorsqu'un producteur n'en remplit pas une, sa demande tendant à l'obtention du SEM doit être rejetée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T-35-01, Rec. p. II-3663, point 54).
85 Troisièmement, il importe de relever que les requérantes, qui sont des sociétés liées appartenant au même groupe, ne remettent pas en cause l'approche des institutions, selon laquelle l'octroi du SEM à une d'entre elles requiert que toutes les sociétés liées remplissent les conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
86 Quatrièmement, il y a lieu de relever que, dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes contestent les appréciations présentées au point 80, premier tiret, ci-dessus et aux points 82 et 83 ci-dessus, alors que celles présentées au point 80, deuxième et troisième tirets, ci-dessus ainsi qu'aux points 81 et 83 ci-dessus sont en substance contestées dans le cadre du deuxième moyen.
87 Il résulte des points 84 à 86 ci-dessus que le rejet des allégations des requérantes concernant l'un des motifs ayant amené la Commission à refuser le SEM à une d'entre elles entraîne le rejet des deux premiers moyens dans leur ensemble. En outre, les requérantes n'ont pas saisi le Tribunal de l'appréciation des institutions s'agissant de leur demande de TI.
88 Il y a lieu d'examiner d'abord les griefs des requérantes relatifs à l'appréciation des institutions s'agissant du troisième critère énoncé à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base (voir point 82 ci-dessus).
89 À cet égard, les requérantes font valoir, dans la requête, que si la Commission avait tenu compte de deux documents qu'elles avaient soumis dans le cadre de leurs observations du 19 décembre 2005 (voir points 15, 21 et 25 ci-dessus) et qu'elles ont produit devant le Tribunal en annexe de la requête, elle aurait dû conclure que le loyer payé par Apache pour l'utilisation des biens immobiliers était semblable, voire supérieur, à celui payé par d'autres sociétés de la région.
90 Selon la traduction anglaise de ces documents et les explications fournies par les requérantes dans leur télécopie du 19 décembre 2005 ainsi que dans la réplique, il s'agit de deux contrats de location de terrains conclus entre la [confidentiel] et deux autres entités.
91 À cet égard, il y a lieu de relever que, puisque les contrats de location stipulant les loyers en question ont également été conclus par la [confidentiel], ils n'ont aucune valeur probante et, partant, ne sauraient permettre de remettre en cause l'appréciation de la Commission. En effet, à défaut d'informations plus précises sur le prix du marché, le fait que la [confidentiel] a loué des biens immobiliers à d'autres entités à des prix prétendument égaux, voire inférieurs, à ceux payés par Apache ne démontre pas que cette dernière paye un loyer correspondant au prix du marché.
92 S'agissant des liens entre la [confidentiel] et les autorités étatiques, il y a lieu de constater que, dans sa télécopie du 12 décembre 2005, la Commission a relevé que, selon ses vérifications, la [confidentiel] était représentée au conseil d'administration d'Apache par le comité du parti communiste de Pingsha, c'est-à-dire par les autorités étatiques. Cette appréciation se fonde sur un procès-verbal en date du 9 septembre 2004, selon lequel la branche du parti communiste de Pingsha avait décidé du remplacement d'un membre de l'administration de la [confidentiel], le remplaçant étant également nommé représentant de cette dernière au conseil d'administration d'Apache.
93 Eu égard au contenu de ce procès-verbal, il y a lieu de conclure que le lien entre la [confidentiel] et les autorités chinoises a été correctement établi par la Commission. En outre, les requérantes n'ont ni contesté ni autrement commenté la portée de ce procès-verbal dans le cadre des mémoires qu'elles ont déposés devant le Tribunal.
94 Au demeurant, il y a lieu de relever que c'est à juste titre que la Commission a considéré, dans sa télécopie du 12 décembre 2005, que la location des biens immobiliers à des prix inférieurs au prix du marché améliorait la situation économique de la société concernée en allégeant ses coûts de production, circonstance qui est susceptible d'affecter les données relatives au calcul de la valeur normale. Partant, eu égard aux liens existant entre la [confidentiel] et les autorités chinoises (voir points 92 et 93 ci-dessus), la Commission pouvait valablement conclure que le troisième critère établi par l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base n'était pas rempli.
95 Il en résulte que l'argumentation des requérantes à cet égard doit être rejetée.
96 En outre, doit également être rejeté le grief tiré d'une violation de l'obligation de motivation, dès lors que, dans le règlement attaqué, le Conseil confirme expressément les constatations et conclusions énoncées dans le règlement provisoire, en particulier celles contenues dans les considérants 69 à 77 de celui-ci (considérants 77 et 78 du règlement attaqué). À cet égard, ainsi qu'il a été relevé au point 36 ci-dessus, il résulte du considérant 69 du règlement provisoire que les requérantes se sont vu refuser le SEM au motif qu'elles ne remplissaient pas certains critères énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. De plus, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées aux requérantes et des observations que ces dernières ont soumises durant la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Petrotub et Republica/Conseil, T-33-98 et T-34-98, Rec. p. II-3837, point 107). Or, les motifs ayant amené la Commission à considérer que le troisième critère pour l'octroi du SEM n'était pas rempli ont clairement été indiqués dans ses communications.
97 Dans ces conditions, il n'y a lieu d'examiner ni les autres griefs soulevés par les requérantes dans le cadre du premier moyen, ni ceux soulevés dans le cadre du deuxième moyen, tiré de la violation de l'obligation de diligence, du principe de bonne administration et d'une erreur manifeste d'appréciation (voir points 84 à 86 ci-dessus).
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 21 du règlement de base et de l'obligation de motivation ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation
Arguments des parties
98 Les requérantes font valoir que les institutions sont tenues d'exposer les éléments de fait et de droit justifiant leurs appréciations relatives à l'intérêt de la Communauté requis pour l'application de mesures antidumping .
99 Or, selon les requérantes, la décision du Conseil d'inclure les chaussures pour enfants dans le champ d'application des mesures antidumping définitives (voir point 49 ci-dessus) viole l'article 21 du règlement de base (voir point 5 ci-dessus), n'est pas motivée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
100 À cet égard, les requérantes font valoir que l'article 21 du règlement de base donne aux institutions la possibilité de ne pas appliquer les mesures antidumping à certaines catégories de produits faisant partie du produit concerné lorsque cela est dans l'intérêt de la Communauté. La pratique antérieure de la Commission confirmerait cette appréciation.
101 Partant, en considérant que l'article 21 du règlement de base ne donne pas cette possibilité aux institutions, le Conseil aurait interprété cette disposition de manière erronée. Le Conseil aurait également entaché le règlement attaqué d'un défaut de motivation à cet égard.
102 À titre subsidiaire, les requérantes font observer que la motivation figurant au considérant 257 du règlement attaqué n'est pas suffisante pour satisfaire aux exigences de l'article 253 CE, puisque le Conseil se serait limité à énoncer que les mesures antidumping devraient, en principe, être appliquées au produit concerné dans son ensemble.
103 En outre, bien que la Commission ait annoncé, au considérant 252 du règlement provisoire, que la question de l'inclusion des chaussures pour enfants dans le champ d'application des mesures antidumping serait examinée en détail avant l'institution éventuelle des mesures définitives, le Conseil n'aurait pas procédé à un tel examen. Il se serait limité à énoncer que les prix à l'importation des chaussures pour enfants étaient significativement inférieurs aux prix des chaussures pour adultes, ce qui, selon lui, affaiblirait l'incidence financière des mesures définitives pour les consommateurs.
104 Or, cette appréciation n'invaliderait pas la conclusion selon laquelle les familles avec des enfants en bas âge doivent remplacer les chaussures de ces derniers plus souvent que d'autres consommateurs. Cette circonstance neutraliserait le fait que les chaussures pour enfants sont généralement moins chères que celles pour adultes. En outre, le droit antidumping imposé serait le même indépendamment de la nature des chaussures concernées. La remise en cause de la conclusion formulée par la Commission à cet égard au stade provisoire aurait donc nécessité une analyse plus approfondie que celle effectuée par le Conseil.
105 En outre, la conclusion du Conseil, selon laquelle l'absence de réaction de la part des organisations de consommateurs, une telle réaction étant un phénomène plutôt habituel, dénoterait l'absence d'incidence économique des mesures antidumping projetées, serait erronée. Les institutions seraient obligées de tenir compte, sous réserve de leur représentativité et de leur fiabilité, de tous les éléments pertinents indépendamment de la question de savoir si ces éléments ont été portés à leur connaissance selon les modalités prévues à l'article 21 du règlement de base.
106 Si, donc, malgré l'absence de commentaires de la part des organisations de consommateurs, la Commission a considéré que l'intérêt des consommateurs dictait l'exclusion des chaussures pour enfants du champ d'application des mesures provisoires, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en parvenant à la conclusion inverse sur la base des mêmes faits.
107 Le Conseil, soutenu par la Commission, la CEC et les producteurs italiens, conteste les arguments des requérantes.
Appréciation du Tribunal
108 S'agissant du grief tiré d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation, il y a lieu de souligner que celui-ci est fondé sur une prémisse erronée dans la mesure où les requérantes considèrent que le Conseil a décidé l'application de droits définitifs également aux chaussures pour enfants aux seuls motifs que ce type de chaussures faisait partie du produit similaire et que des considérations relatives à l'intérêt de la Communauté ne permettaient pas de l'exclure de l'application de ces droits.
109 Au contraire, ainsi qu'il résulte du considérant 257 du règlement attaqué (voir point 49 ci-dessus), le Conseil a fondé son appréciation relative à l'imposition de droits définitifs aux chaussures pour enfants, d'une part, sur le prix de ce type de chaussures qui est inférieur à celui des chaussures pour adultes et, d'autre part, sur la faible probabilité que tout le poids d'éventuelles mesures serait répercuté sur les consommateurs. Le Conseil a conclu que, dans ces conditions, il n'y avait pas d'intérêt de la Communauté imposant clairement la non-application des droits antidumping définitifs sur ce type de chaussures. L'argument selon lequel la pratique antérieure des institutions prouverait la possibilité d'exclure de l'application des droits définitifs certains produits faisant partie du produit concerné est donc inopérant.
110 Partant, le Conseil a exposé les motifs spécifiques sous-tendant son appréciation concernant l'intérêt de la Communauté s'agissant de l'imposition de droits définitifs aux chaussures pour enfants, si bien que le règlement attaqué ne viole pas l'article 253 CE sur ce point ni n'entre en contradiction avec la pratique antérieure invoquée par les requérantes.
111 Quant à l'appréciation au fond du Conseil, il y a lieu de relever, tout d'abord, que, s'agissant de l'appréciation ayant trait à l'intérêt de la Communauté aux fins de l'imposition des droits antidumping, l'article 21 du règlement de base accorde aux institutions une marge d'appréciation relative aux méthodes d'analyse et de pondération des divers intérêts représentés par les parties intéressées ayant déposé des observations à cet égard.
112 Dans ces conditions, le contrôle du juge communautaire porte sur le respect des règles de procédure, l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou l'absence de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C-16-90, Rec. p. I-5163, point 12, et du 29 mai 1997, Rotexchemie, C-26-96, Rec. p. I-2817, point 11 ; arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T-413-03, Rec. p. II-2243, point 62).
113 En outre, il résulte des deuxième et troisième phrases de l'article 21 du règlement de base que, lorsque les autres conditions pour l'imposition d'un droit antidumping, à savoir le dumping, le préjudice et le lien de causalité, sont réunies, les institutions ne peuvent s'abstenir d'appliquer des droits que lorsqu'elles peuvent clairement conclure que cette démarche n'est pas dans l'intérêt de la Communauté.
114 S'agissant des arguments des requérantes présentés aux points 103 à 106 ci-dessus et remettant en cause l'appréciation au fond du Conseil, ils ne révèlent pas que le Conseil a commis une erreur manifeste en considérant que les circonstances relevées au point 109 ci-dessus ne démontraient pas un intérêt de la Communauté justifiant la non-application de droits sur ce type de chaussures.
115 En effet, à supposer que la circonstance selon laquelle les enfants ont besoin de nouvelles chaussures plus fréquemment que les adultes neutralise l'avantage tiré du fait que les chaussures pour enfants sont moins chères que celles pour adultes, elle n'est pas de nature à démontrer que l'intérêt de la Communauté imposait la non-application de droits sur les chaussures pour enfants. S'il est vrai qu'une telle circonstance réduirait l'ampleur de cet avantage propre aux chaussures pour enfants, il n'en demeure pas moins que les requérantes n'ont pas démontré qu'elle affecterait la position des consommateurs au point de rendre l'adoption de mesures définitives contraire à l'intérêt de la Communauté.
116 L'argument selon lequel le Conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation en adoptant une approche différente de celle de la Commission alors que les organisations des consommateurs ne lui avaient pas soumis d'observations ne saurait non plus prospérer. À cet égard, il suffit de relever que le fait que le Conseil a évalué de manière différente l'absence de réaction des organisations de consommateurs ne démontre pas, à lui seul, une erreur manifeste, dès lors que cette institution a fondé son appréciation sur les éléments figurant au point 109 ci-dessus.
117 Il s'ensuit que le troisième moyen doit être écarté et que, dans ces conditions, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
118 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.
119 Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission, la CEC et les producteurs italiens supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Apache Footwear Ltd et Apache II Footwear Ltd (Qingxin) supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l'Union européenne.
3) La Commission européenne, la Confédération européenne de l'industrie de la chaussure (CEC), BA.LA. di Lanciotti Vittorio & C. Sas et les seize autres intervenantes dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens.