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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2009, n° 09-02886

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Tomecanic-Bénetière (SA), Michel (ès qual.), Rogeau (ès qual.)

Défendeur :

Bricorama (SA), Bricorama France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Birolleau

Avoués :

SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Henriot-Bellargent, Chaumanet

T. com. Créteil, du 9 décembre 2008

9 décembre 2008

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par la SA Tomecanic-Bénetière à l'encontre du jugement rendu le 9 décembre 2008 par le Tribunal de commerce de Créteil qui, dans un litige opposant Tomecanic à Bricorama pour rupture brutale des relations commerciales, a condamné solidairement les sociétés Bricorama et Bricorama France à payer à Tomecanic les sommes de 12 307,70 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2003 à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de marge brute résultant de l'absence de préavis, de 5 306,19 euro au titre des remises forfaitaires annuelles et de 5 000 euro en applications de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières conclusions enregistrées le 26 février 2009 de la SA Tomecanic- Bénetière de Me Franck Michel et Me Cosme Rogeau, ès qualités respectivement d'administrateur et de mandataire judiciaire de la SA Tomecanic-Bénetière qui demandent à la cour de condamner solidairement les sociétés Bricorama et Bricorama France au titre de la perte de marge brute résultant de la rupture brutale des relations commerciales, au paiement de la somme de 450 976,73 euro - subsidiairement de celle de 418 154,28 euro par application d'un taux de marge brute de 50 % - de les condamner au paiement des sommes de 50 000 euro pour atteinte à son image et agissements déloyaux, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2003 et capitalisation des intérêts, et de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Vu les dernières conclusions enregistrées le 5 mai 2009 de la SA Bricorama et de la SAS Bricorama France qui demandent à la cour de débouter l'appelante et de les condamner à lui payer la somme de euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 26 juin 1996, a été passé un accord de partenariat entre la centrale de référencement Bricorama, spécialisée dans l'outillage et le bricolage, et la société Tomecanic, fabricante d'outillage ; qu'en contrepartie de son référencement et de la distribution de ses produits dans les magasins à l'enseigne Bricorama et Baktor, Tomecanic consentait des remises sur tarifs, des délais de livraison et de paiement préférentiels et certains services commerciaux permanents ; que l'accord du 26 juin 1996 a été tacitement reconduit en 1997 et renouvelé le 23 septembre 1998 ; que des difficultés sont apparues entre les deux sociétés sur le montant des ristournes de fin d'année ; que les relations entre Bricorama et Tomecanic ont cessé en 2001 ; que c'est dans ces circonstances que Tomecanic a, le 4 mars 2003, assigné la SA Bricorama devant le Tribunal de commerce de Créteil aux fins d'obtenir sa condamnation au titre du gain manqué à raison de la rupture partielle des relations commerciales, et des pertes subies par suite de la rupture définitive de ces relations ; que, par jugement rendu le 31 mai 2005, le Tribunal de commerce de Créteil a désigné, aux fins de donner son avis sur les comptes présentés par les parties, un expert, M. Abergel, qui a rendu son rapport le 23 octobre 2006 ; que la SAS Bricorama France est intervenue volontairement à l'instance ; que la société Tomecanic a été placée sous régime de sauvegarde le 12 février 2009, Me Franck Michel étant désigné en qualité d'administrateur et Me Cosme Rogeau en celle de mandataire judiciaire ;

Sur les demandes de Tomecanic

Sur la demande de Tomecanic relative aux remises de fin d'année

Considérant que Tomecanic s'était engagée à verser à Bricorama des remises de fin d'année (RFA) en proportion du chiffre d'affaires réalisé et que Bricorama était autorisée à déduire ces RFA des bordereaux de règlement de factures Tomecanic ; que Tomecanic demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné les intimées au paiement de la somme de 5 306,19 euro au titre des remises de fin d'année ayant fait l'objet d'une déduction injustifiée par Bricorama ; que l'expert M. Abergel a conclu qu'un montant de 5 306,19 euro de RFA avait été déduit à tort par Bricorama ; que ce montant n'est pas discuté par les intimées ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la rupture brutale des relations commerciales

Considérant que Tomecanic dénonce le caractère brutal de la rupture de ses relations avec Bricorama sur deux fondements ; d'une part les déférencements intervenus en 1998 et 1999, d'autre part la cessation de toute relation à partir de 2001 ;

Considérant qu'il est constant que la collaboration de Tomecanic avec Bricorama s'est inscrite dans une relation d'affaires continue du 26 juin 1996, date du premier accord de partenariat, à 2001 ; que Tomecanic ne rapporte pas la preuve d'une relation antérieure avec Bricorama, et, en tout état de cause, n'établit pas que la SA Bricorama et la SAS Bricorama France viendraient aux droits des Franchises Scac et des sociétés Decco, Euroloisirs et Baktor Sem avec lesquelles l'appelante prétend avoir été en relation à partir de 1984 ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé par Tomecanic avec les enseignes Baktor et Bricorama - de 3 092 925,39 F en 1996 et de 2 866 754,22 F en 1997, aux termes des chiffres retenus par l'expert et non contestés par les intimées - s'est établi à 854 747,97 F en 1998 (soit une baisse de 71 % par rapport à la moyenne des années 1996/1997), à 123 895,82 F en 1999 et à 161 466,47 F en 2000 ; qu'il a ainsi connu une diminution de 87,25 % sur la période 1998-2000 par rapport à la moyenne 1996/1997 ; que la chute subite et considérable des commandes de Bricorama équivaut à une rupture brutale des relations commerciales ;

Considérant que les intimées soutiennent que les baisses de commandes intervenues répondent à la violation des obligations contractuelles de Tomecanic qui n'a ni maintenu un taux de service régulier, ni respecté les délais contractuels de livraison, ni assuré la qualité des marchandises livrées, violations qui ont conduit Bricorama à référencer un fournisseur supplémentaire ;

Considérant toutefois qu'il résulte des conclusions de l'expert M. Abergel, auxquelles Bricorama n'oppose aucun élément contraire, d'une part que le taux du service assuré par Tomecanic s'établit à un niveau proche de 100 % (94,29 %), d'autre part que les délais de livraison ont été respectés pour 94 % des commandes, enfin que des litiges marchandises n'ont été ni évoqués par les sociétés Bricorama dans le cadre de l'expertise, ni caractérisés dans leurs écritures ; que les griefs formulés contre Tomecanic n'apparaissent donc pas fondés ;

Considérant que Bricorama ne pouvait, dans ces conditions, rompre la relation commerciale qu'en respectant un préavis d'une durée suffisante ; que les intimées ne contestent pas n'avoir notifié à Tomecanic aucun préavis de rupture ; que, compte tenu de la durée des relations commerciales, la durée du préavis aurait dû être de six mois ;

Considérant que Tomecanic est fondée à obtenir réparations du préjudice de perte de marge brute entraîné par le caractère brutal de la rupture ; qu'ainsi que l'a retenu l'expert, il convient de déterminer cette perte par différence entre le chiffre d'affaires réalisé avec les magasins à enseigne Bricorama et Baktor sur les années 1998, 1999 et 2000 et le chiffre d'affaires de 1997, à laquelle sera appliqué le taux de marge brute moyen de 50 % retenu par l'expert, soit, au vu des montants pris en compte dans le rapport d'expertise et non contestés par les intimés, une perte totale de marge de 568 646,40 euro au titre des trois années 1998, 1999 et 2000 ; que la cour réformera le jugement et allouera à Tomecanic, pour six mois, la somme de 94 774,40 euro avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l'article 1153-1 du Code civil ; qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, la cour rappelant que cette capitalisation ne pourra avoir lieu le cas échéant, que lorsque les intérêts seront dus depuis plus d'un an ;

Sur la demande de Tomecanic de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image et des agissements de Bricorama

Considérant qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les appelantes ne rapportent la preuve ni d'une perte d'image de Tomecanic qui résulterait de la rupture des relations commerciales, ni d'un préjudice autre que celui réparé au titre de la rupture brutale des relations commerciales ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Tomecanic de sa demande de ce chef ;

Sur la demande reconventionnelle de Bricorama et de Bricorama France

Considérant que les intimées demandent la condamnation de Tomecanic à dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations contractuelles sur le taux de service, les délais contractuels de livraison, la qualité des marchandises livrées et pour exploitation abusive de l'état de dépendance économique de son cocontractant ;

Considérant que les griefs énoncés par les intimées à l'encontre de Tomecanic soit sont qualifiés d'infondés par l'expert (sur le taux de service et sur les délais contractuels de livraison), soit ne sont pas précisément caractérisés sur les litiges marchandises - dont les intimées indiquent qu' "il n'y a pas lieu de les étudier au cas par cas" - sur le non-respect des délais de paiement - qu'elles n'évoquent qu'au titre de deux factures d'octobre 1998 et d'août 1999 - et sur l'exploitation abusive par Tomecanic de l'état de dépendance économique de la centrale de référencement et des distributeurs dont Bricorama ne précise nullement le caractère abusif au sens de l'article L. 420-2 2e alinéa du Code de commerce ; que le jugement sera en conséquence confirmé sur le rejet de la demande reconventionnelle de ce chef ;

Considérant que le jugement sera également confirmé sur les frais irrépétibles de première instance ; que l'équité commande de condamner solidairement la SAS Bricorama et la SAS Bricorama France à payer à la SA Tomecanic-Bénetière la somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ; que la SA Bricorama et par la SAS Bricorama France, qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel ;

Par ces motifs, Infirme le jugement sur la montant des dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales et de l'absence de préavis et le point de départ des intérêts y afférents, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne solidairement la SA Bricorama et la SAS Bricorama France à payer à la SA Tomecanic-Bénetière la somme de 94 774,40 euro avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Ordonne la capitalisation des intérêts le cas échéant, dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil. Confirme le jugement pour le surplus. Condamne solidairement la SA Bricorama et la SAS Bricorama France à payer à la SA Tomecanic-Bénetière la somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel. Condamne la SA Bricorama et la SAS Bricorama France aux dépens d'appel.