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Décisions

CCE, 30 septembre 2009, n° 2010-13

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Relative au régime d'aide C 2-09 (ex N 221-08 et N 413-08) que l'Allemagne souhaite mettre en œuvre pour moderniser les conditions générales régissant les investissements en capitaux

CCE n° 2010-13

30 septembre 2009

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément aux articles précités (1) et compte tenu de ces observations, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 30 avril 2008, enregistrée à la Commission le même jour, l'Allemagne a notifié à la Commission, pour des raisons de sécurité juridique, deux mesures concernant l'assujettissement à la taxe professionnelle et la suppression de la limitation du report des pertes (N 221-08). Par lettres des 26 juin et 23 octobre 2008, la Commission a demandé des renseignements complémentaires, que l'Allemagne lui a fournis par lettres des 24 juillet et 21 novembre 2008, enregistrées le même jour.

(2) Par lettre du 22 août 2008, enregistrée le même jour à la Commission, l'Allemagne a en outre communiqué à la Commission, pour des raisons de sécurité juridique, une troisième mesure concernant des incitations fiscales en faveur d'investisseurs privés (N 413-08). Le 9 octobre 2008 a eu lieu une rencontre entre les représentants de l'Allemagne et ceux de la direction générale de la concurrence. Ensuite, l'Allemagne a communiqué des renseignements complémentaires par lettre du 19 novembre 2008, enregistrée le même jour.

(3) Le 28 janvier 2009, la Commission a ouvert la procédure formelle d'examen à l'égard des trois mesures. La synthèse de la décision a été publiée au Journal officiel le 14 mars 2009 (2). L'Allemagne a présenté des observations sur cette décision d'ouverture par lettre du 3 mars 2009, enregistrée le même jour. Des tiers ont communiqué leurs observations par lettres des 9 et 14 avril 2009, enregistrées le même jour. L'Allemagne a été informée de ces observations le 23 avril 2009 et elle y a répondu par lettre du 22 mai 2009, enregistrée le même jour.

2. DESCRIPTION

2.1. Objectif des mesures et impact financier

(4) Les notifications portent sur trois mesures fiscales et contiennent deux définitions des bénéficiaires. Les mesures ont été reprises dans la loi portant modernisation des conditions générales régissant les investissements en capitaux (MoRaKG). Elles ont toutes pour objectif d'encourager la mise à disposition de capital-risque en faveur d'un groupe déterminé d'entreprises, les "entreprises cibles".

(5) La première mesure (enregistrée sous le numéro N 221-08) vise à encourager la mise à disposition de capital-risque au moyen de critères de délimitation spécifiques concernant l'assujettissement à la taxe professionnelle des sociétés de capital-risque. L'Allemagne estime que la mise en œuvre de la mesure conduira à une baisse des recettes fiscales de 90 millions d'EUR par an.

(6) La deuxième mesure (également enregistrée sous le numéro N 221-08) assouplit les dispositions strictes protégeant l'abus de déduction du report des pertes dans la mesure où elle permet aux entreprises cibles de reporter les pertes lorsqu'une société de capital-risque y acquiert des participations. L'Allemagne estime que cette mesure conduira à une diminution des recettes fiscales de 385 millions d'EUR par an.

(7) La troisième mesure (enregistrée sous le numéro N 413-08) prévoit que les personnes physiques qui investissent dans les entreprises cibles (ci-après dénommées "investisseurs privés"), obtiennent des abattements fiscaux dans le cas de plus-values réalisées lors des cessions. Certes, l'avantage fiscal est accordé directement aux investisseurs privés, mais les entreprises cibles peuvent être favorisées indirectement par cette mesure du fait qu'elles obtiennent davantage d'investissements. L'Allemagne estime que cette mesure conduira à une diminution des recettes fiscales de 30 millions d'EUR par an.

2.2. Bénéficiaires des mesures

(8) Les trois mesures fiscales de la MoRaKG favorisent les sociétés de capital-risque et les entreprises cibles au sens de la MoRaKG ainsi que les investisseurs privés, essentiellement des investisseurs privés fortunés (ci-après "Business Angels"), comme suit:

<emplacement tableau>

(9) Les sociétés de capital-risque sont des sociétés qui sont reconnues comme telles par l'Office fédéral de surveillance des services financiers ("BaFin") et qui ne sont pas immatriculées en même temps en tant que sociétés d'investissement (3). De surcroît, ces sociétés doivent répondre aux conditions suivantes:

- leur objet social fixé dans les statuts doit porter sur l'acquisition, le maintien, la gestion et la cession de participations en capital-risque. La valeur totale du capital géré doit consister pour 70 % dans des prises de participations dans le capital propre des entreprises cibles,

- elles sont tenues d'avoir leur siège statutaire et leur direction opérationnelle en Allemagne,

- leur capital initial ou les participations de leurs associés précisées dans l'acte constitutif de la société doivent atteindre au minimum 1 million d'EUR,

- elles doivent compter au moins deux dirigeants fiables et professionnellement aptes à diriger une société de capital-risque.

(10) Les entreprises cibles doivent être des sociétés de capital qui, en outre, répondent aux conditions suivantes:

- elles doivent avoir leur siège statutaire et leur direction opérationnelle dans un des pays de l'Espace économique européen,

- lorsque la société de capital-risque acquiert une participation dans ces entreprises, leur capital propre ne doit pas dépasser 20 millions d'EUR,

- l'entreprise cible doit avoir été fondée au maximum dix ans avant que la société de capital-risque n'y acquière une participation,

- au moment où la société de capital-risque acquiert une participation, aucun titre de ces entreprises cibles ne doit avoir été admis à la négociation sur un marché organisé ou figurer déjà sur un marché équivalent.

(11) La mesure ne définit pas l'entreprise cible par rapport aux entreprises en difficulté (4).

2.3. Taxe professionnelle

2.3.1. Contexte

(12) La taxe professionnelle allemande est perçue par les autorités locales sur des opérations économiques qu'un établissement stable effectue sur le territoire d'une commune. Il s'agit de faire participer les établissements stables aux frais générés par l'utilisation des infrastructures locales. La taxe professionnelle s'applique à toutes les entreprises au sens de la législation relative à la taxe professionnelle et à l'impôt sur le revenu, quelle que soit leur forme juridique. Pour les sociétés d'investissement, il s'agit fondamentalement d'une activité commerciale. Pour les sociétés de personnes, il est fait une distinction en fonction de leur activité: les entreprises constituées sous la forme d'une société de personnes qui se bornent à exercer des activités de gestion de patrimoine ne sont pas assujetties à la taxe professionnelle. En revanche, les sociétés de personnes qui exercent une activité commerciale sont soumises à la taxe professionnelle.

(13) Le ministère fédéral des finances a diffusé une lettre (5) (ci-après dénommée "lettre de 2003") pour délimiter les activités de gestion de patrimoine des activités commerciales exercées par les fonds de capital-risque et les fonds de capital-investissement. Cette lettre soumet les fonds de capital-risque/les fonds de capital-investissement à la taxe professionnelle lorsque leurs activités sont jugées commerciales. Lorsqu'elles se bornent à gérer le patrimoine, elles échappent en revanche à la taxe professionnelle. Cette lettre de 2003 s'appuie sur un arrêt du Bundesfinanzhof ("BFH") du 25 juillet 2001 (6). Sur la base de cet arrêt, les fonds de capital-risque/les fonds de capital-investissement n'exercent pas d'activité commerciale lorsque les critères suivants sont remplis:

- aucun recours à des crédits bancaires/pas de reprise de garantie,

- pas d'organisation propre de grande ampleur pour la gestion du patrimoine du fonds, le fonctionnement du bureau ne dépasse pas ce qui est habituel pour la gestion privée d'un patrimoine d'importance (7),

- pas d'exploitation d'un marché faisant appel à de l'expérience professionnelle,

- pas d'offre auprès du grand public/pas de transaction pour compte propre,

- pas de participation à court terme,

- pas de réinvestissement du produit des cessions,

- pas d'activité entrepreneuriale propre dans les sociétés en portefeuille,

- pas de caractère commercial ou "d'infection" commerciale (8).

(14) Pour l'essentiel, ces critères servent à préciser la distinction bien ancrée dans le droit fiscal allemand entre activités commerciales et non commerciales des fonds de capital-risque/fonds de capital-investissement. La gestion de patrimoine est considérée comme une activité non commerciale. La distinction entre activités commerciales et non commerciales est subtile et fait l'objet de nombreux jugements, notamment du Bundesfinanzhof. En général, les fonds de capital-risque ou les fonds de capital-investissement exercent une activité commerciale lorsque le négoce des valeurs constitue une partie importante de leurs activités (9) (il s'écoule peu de temps entre l'acquisition et la cession des valeurs telles que des titres).

2.3.2. Éclaircissements quant à la taxe professionnelle dans la MoRaKG

(15) Selon la notification, l'article premier, paragraphe 19, de la MoRaKG, contient un "éclaircissement" de la lettre de 2003 et il n'y a apparemment pas de différences importantes entre la loi et la lettre.

(16) Selon cette disposition, les sociétés de capital-risque revêtent la forme juridique de sociétés de personnes qui se bornent à acquérir, maintenir, gérer et céder des participations de capital-risque et détiennent uniquement des participations dans des sociétés d'investissement et qui, du point de vue de l'impôt sur le revenu, sont à ranger parmi les gestionnaires de patrimoine. Dès lors, les sociétés de capital-risque n'exercent pas d'activité de gestion de patrimoine lorsqu'elles exercent les activités suivantes ou des activités identiques:

- cession à court terme de participations en capital-risque et autres titres à des sociétés ayant leur siège social et statutaire dans un pays de l'accord sur l'Espace économique européen,

- opérations réalisées avec les instruments du marché monétaire (10); opérations réalisées avec des avoirs bancaires détenus auprès d'institutions de crédit ayant leur siège dans un pays signataire de l'accord sur l'Espace économique européen; opérations réalisées avec des participations en capital-investissement (11),

- conseils à des entreprises cibles où la société de capital-risque détient des participations, octroi de prêts et de garanties en faveur d'entreprises cibles où la société de capital-risque détient des participations ainsi que reprise de crédits et émission de droits participatifs ainsi que de titres de créances,

- réinvestissement du produit de la vente de participations en capital-risque et autres titres à des sociétés ayant leur siège social et statutaire dans un pays de l'accord sur l'Espace économique européen,

- exploitation d'un marché faisant appel à de l'expérience professionnelle.

(17) Dès lors, l'acquisition et l'entretien de bureaux et autres structures commerciales propres pour exercer une activité de gestion du patrimoine importent peu. Les opérations énumérées au considérant 16 peuvent néanmoins être exercées par une filiale dont toutes les participations sont détenues par la société de capital-risque.

2.4. Report de pertes

2.4.1. Introduction

(18) Une entreprise peut, en principe, reporter les pertes subies durant un exercice et ainsi les déduire des profits des exercices postérieurs. Le report des pertes permet d'étaler les pertes sur l'ensemble de la durée de vie d'une entreprise. Ce report permet toutefois aussi des abus sous la forme de sociétés écrans qui, sans être actives, sont vendues parce que les reports de pertes représentent une valeur réelle: l'acquéreur d'une telle société écran ayant des reports de pertes en profite du fait que ses futurs profits imposables sont compensés et qu'ainsi, le taux d'imposition auquel il sera soumis sera moindre.

(19) Dans sa loi relative à l'impôt sur les sociétés (KStG), l'Allemagne a introduit des mesures pour prévenir les abus dus au trafic des pertes. La loi sur la poursuite de la réforme de l'impôt sur les sociétés de 1997 a interdit le trafic des pertes opéré sous la forme de sociétés écrans. L'Allemagne a encore renforcé les mesures de prévention des abus par sa loi de réforme de l'impôt sur les entreprises de 2008. Cette loi concerne toutes les modifications de participations directes ou indirectes de plus de 25 % intervenues au cours d'une période de cinq ans. La KStG prévoit un report de pertes si, au cours d'une période de cinq ans, il y a eu cession directe ou indirecte à l'acquéreur de plus de 25 % du capital souscrit, des droits d'associés, des droits de participation ou des droits de vote. Les pertes non utilisées ne sont plus déductibles si, au cours d'une période de cinq ans, la cession directe ou indirecte à l'acquéreur porte sur plus de 50 % du capital souscrit ou des droits précités.

2.4.2. La MoRaKG

(20) La MoRaKG atténuerait les dispositions sur le report des pertes pour les entreprises cibles acquises par les sociétés de capital-risque puisqu'elle permet à ces entreprises cibles, dont la structure de propriété a été considérablement modifiée, de reporter fiscalement les pertes qui, sinon, relèveraient de la règle de base.

(21) Selon l'article 4 de la MoRaKG, si une société de capital-risque procède à l'acquisition directe d'une participation dans une entreprise cible, les pertes de ladite entreprise cible peuvent continuer à être déduites dans la mesure où elles relèvent des plus-values latentes du capital investi imposable du pays de l'entreprise cible. Il en va de même si une société de capital-risque procède à l'acquisition directe d'une participation dans une entreprise cible en cas de cession à un acquéreur qui n'est pas lui-même une société de capital-risque lorsque:

- l'entreprise cible détient un capital propre ne dépassant pas 20 millions d'EUR lors de l'acquisition de la participation, ou

- l'entreprise cible ne détient pas de capital propre supérieur à 100 millions d'EUR lors de l'acquisition de la participation et que l'augmentation du capital propre dépassant le montant de 20 millions d'EUR provient des bénéfices annuels des quatre exercices précédant l'acquisition,

- la période qui s'écoule entre l'acquisition et la cession de la participation dans l'entreprise cible par la société de capital-risque est d'au moins quatre ans.

(22) L'année de l'acquisition de la participation, la perte déductible peut être déduite à raison d'un cinquième en vertu des dispositions de la loi relative à l'impôt sur le revenu; au cours des quatre années suivantes, ce montant augmente chaque année d'un cinquième supplémentaire de la perte déductible.

2.5. Avantages fiscaux pour les investisseurs privés

2.5.1. Introduction

(23) En accordant des avantages fiscaux pour les profits tirés des investissements, la MoRaKG vise à inciter les investisseurs privés, tels que par exemple les Business Angels, à investir dans les entreprises cibles.

(24) Selon l'article 1er, paragraphe 20, de la MoRaKG, les plus- values provenant de la cession de participations dans une entreprise cible sont réparties entre les investisseurs en fonction de leur participation. Le montant qui en résulte est pris en compte pour l'imposition sur le revenu des investisseurs privés/Business Angels.

(25) L'avantage fiscal ne vaut que pour les plus-values de cessions réalisées. La participation de l'investisseur privé/ Business Angel dans une entreprise cible doit se situer entre 3 % et 25 % au cours des cinq dernières années et ne pas avoir dépassé 10 ans. Par investissement, compte tenu du seuil de 25 % de la participation, chaque investisseur privé/Business Angel peut prétendre à un bénéfice exonéré d'impôt pouvant atteindre 50 000 EUR (200 000 EUR fois 0,25). L'Allemagne estime ainsi que l'avantage fiscal maximum par Business Angel et investissement est de l'ordre de 22 500 EUR. Lorsque la plus- value dépasse 800 000 EUR par investissement, l'avantage fiscal se contracte en proportion de sorte qu'à partir d'une plus-value totale de 1 million d'EUR, il n'est plus appliqué.

3. LES RÉSERVES EXPRIMÉES DANS LA DÉCISION D'OUVERTURE

(26) Comme indiqué au considérant 3, la Commission a adopté, le 28 janvier 2009, une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen (ci-après dénommée "décision d'ouverture"). La Commission y était provisoirement d'avis que les trois mesures constituent des aides d'État.

3.1. Existence d'une aide d'État en ce qui concerne la mesure relative à la taxe professionnelle

(27) Comparant la lettre de 2003 avec l'"éclaircissement" figurant dans la MoRaKG, la Commission doutait de la déclaration de l'Allemagne selon laquelle la MoRaKG se borne à mentionner la lettre de 2003 dans le cadre d'une réglementation légale car la loi paraît accorder un certain avantage fiscal à la nouvelle catégorie spécialement créée des sociétés de capital-risque qui y sont définies. La Commission avait l'impression que l'"éclaircissement" diffère de la lettre de 2003 et applique aux sociétés de capital-risque des critères moins stricts pour les exonérer de la taxe professionnelle.

(28) À partir de ces doutes, la Commission a déterminé que la mesure relative à la taxe professionnelle favoriserait certaines sociétés de capital-risque par rapport à d'autres sociétés d'investissement qui exercent éventuellement les mêmes activités ou des activités analogues. En outre, la disparition de la taxe professionnelle ferait baisser les recettes fiscales annuelles d'environ 90 millions d'EUR, ce qui peut donner à penser que la MoRaKG ne se borne à fournir un "éclaircissement" à la lettre de 2003.

3.2. Existence d'une aide d'État en ce qui concerne la mesure relative au report des pertes

(29) Fondamentalement, l'Allemagne n'a pas exclu que la mesure relative au report des pertes soit sélective et favorise ainsi les entreprises cibles ainsi que les sociétés de capital-risque. Elle a néanmoins précisé que la nature et la logique du système fiscal allemand en fondent la justification. Étant donné que l'introduction, en 2008, de la limitation générale de l'utilisation des pertes constitue, selon elle, une mesure d'une rigueur particulière pour le marché du capital-risque, celui-ci doit pouvoir continuer à utiliser les pertes. En conséquence, la mesure satisfait aux critères de la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (12) (ci-après dénommée "Communication de la Commission sur la fiscalité des entreprises").

(30) Pourtant, la Commission a indiqué que les autres sociétés d'investissement (c'est-à-dire les sociétés qui ne relèvent pas de la définition donnée à la société de capital-risque) ne doivent pas être exclues lorsque la mesure se justifie par la nature et la logique du système fiscal allemand puisqu'elles aussi peuvent éventuellement investir dans des entreprises cibles et qu'elles doivent donc pouvoir aussi bénéficier du droit à l'utilisation des pertes. Ce n'est néanmoins pas le cas puisque les entreprises cibles dans lesquelles d'autres sociétés d'investissement ont des participations ne peuvent reporter leurs pertes que si ces sociétés ont pris leurs participations auprès d'une société de capital-risque conformément aux conditions figurant au considérant 21.

(31) L'Allemagne fait en outre valoir que la mesure ne porte pas atteinte aux échanges entre États membres au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE puisqu'elle poursuit un "objectif interne" qui serait compatible avec la communication de la Commission sur la fiscalité des entreprises. Selon elle, cette mesure ne constitue qu'une exception à une règle stricte pour laquelle il n'existerait pas d'équivalent dans les autres États membres. Dès lors, cette mesure ne saurait avoir de répercussion transfrontalière sur la concurrence ou sur les échanges.

(32) Pourtant, la Commission a constaté que les bénéficiaires de cette mesure pouvaient parfaitement avoir des relations commerciales avec les autres États membres, de sorte que la mesure pourrait bien avoir des conséquences sur les échanges. En outre, il y a lieu de vérifier si une mesure fiscale accorde à certaines entreprises un avantage sélectif et cette analyse doit se faire sur la base du système en vigueur dans l'État membre en cause. Il importe peu de savoir quelles dispositions sont applicables dans d'autres États membres.

3.3. Existence d'une aide d'État dans le cas d'avantages fiscaux accordés aux investisseurs privés

(33) L'Allemagne a déclaré que cette mesure ne constitue pas une aide d'État car les bénéficiaires sont des personnes physiques. Néanmoins, étant donné que la mesure rend les investissements dans certaines entreprises - les entreprises cibles - plus attrayants pour les investisseurs, certaines entreprises (les entreprises cibles) pourraient s'en trouver indirectement avantagées (13).

(34) Dès lors, la Commission a conclu que les critères "avantage" et "sélectivité" sont remplis. De plus, l'application de la mesure réduirait les recettes fiscales annuelles d'un montant évalué à environ 30 millions d'EUR.

3.4. Compatibilité avec les lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises

(35) La Commission a émis des doutes sur la compatibilité des mesures avec les lignes directrices concernant les aides d'État visant à promouvoir les investissements en capital- investissement dans les petites et moyennes entreprises (ci- après "lignes directrices sur le capital-investissement") (14) étant donné que ces lignes directrices interdisent d'octroyer des aides d'État sous la forme de capital-investissement aux grandes entreprises (15), aux entreprises en difficulté ainsi qu'aux entreprises de la construction navale, de l'industrie houillère et de la sidérurgie. Dans le cas présent, toutefois, peuvent aussi entrer en ligne de compte les entreprises qui appartiennent aux groupes précités. Dès lors, la définition du champ d'application des mesures (à l'égard des bénéficiaires) ne cadre pas avec les lignes directrices sur le capital- investissement.

(36) En outre, conformément à la section 4.3 des lignes directrices sur le capital-investissement, les aides d'État doivent cibler une défaillance du marché particulière dont l'existence a été suffisamment démontrée. L'Allemagne n'en a jamais apporté la démonstration.

(37) Par ailleurs, la Commission a aussi émis des doutes sur le respect des conditions supplémentaires énumérées dans la section 4 desdites lignes directrices. De surcroît, la Commission a estimé que la limitation de l'avantage fiscal aux sociétés de capital-risque qui investissent dans les sociétés de capitaux paraît être contraire à l'objectif déclaré de la mesure, à savoir encourager la mise à disposition de capital-investissement à toutes les entreprises qui en ont besoin. En effet, les entreprises jeunes et innovantes qui ont besoin de capital-risque choisissent probablement d'autres formes juridiques qu'une société d'investissement. Ces entreprises jeunes et innovantes qui prennent la forme d'une société de personnes ne seraient toutefois pas favorisées par la mesure.

3.5. Compatibilité avec le marché commun

(38) La Commission a émis des doutes sur le fait que les mesures soient compatibles avec les dispositions du marché commun. Seules les entreprises ayant leur siège social et statutaire en Allemagne peuvent être classées comme sociétés de capital-risque. Dès lors, il semble que certaines entreprises - en particulier les établissements stables/succursales et les filiales d'entreprises de la Communauté et de l'EEE ayant leur siège en dehors de l'Allemagne - ne puissent bénéficier de ces incitants. Cette condition est susceptible de limiter le droit à la liberté d'établissement au sens de l'article 43 du traité CE.

(39) L'Allemagne fait valoir que les entreprises ayant leur siège en dehors de son territoire ne peuvent pas être contrôlées par la BaFin et bénéficieraient d'un avantage concurrentiel indû par rapport aux sociétés allemandes de capital-risque. La Commission a néanmoins émis des doutes sur le fait qu'il n'existerait pas d'autres possibilités de contrôler les établissements stables d'entreprises étrangères enregistrées en Allemagne et se trouvant de facto en concurrence avec des sociétés de capital-risque. Aussi la Commission a-t-elle conclu à l'époque qu'il n'existait pas d'argument pour exclure ces entreprises de la réglementation. Dès lors, la Commission avait aussi émis des doutes sur la compatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

4. AVIS DE L'ALLEMAGNE SUR LA DÉCISION D'OUVERTURE

(40) Par lettre du 3 mars 2009, l'Allemagne a pris position sur la décision prise par la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE. Ses observations portent sur les trois mesures. L'Allemagne continue à soutenir que ces mesures ne constituent pas des aides d'État.

4.1. Mesure concernant la taxe professionnelle

(41) L'Allemagne a confirmé son point de vue selon lequel la mesure relative à la taxe professionnelle n'équivaut pas à une exonération de cette taxe mais à une distinction entre les activités commerciales et la gestion de patrimoine et elle a donc seulement un sens déclaratoire. Pour savoir si une société de capital-risque exerce des activités commerciales ou des activités de gestion de patrimoine, il convient en définitive de s'en remettre à la jurisprudence de plus haute juridiction du pays qui est résumée dans la lettre de 2003.

(42) En ce qui concerne les pertes fiscales attendues de 90 millions d'EUR, l'Allemagne a déclaré que les éclaircissements figurant dans la MoRaKG engendreraient moins de cas de dispositions contractuelles "défaillantes" où des impôts ne seraient dus que pour des dispositions "défaillantes".

4.2. Mesure relative au report de pertes

(43) L'Allemagne a confirmé son point de vue selon lequel les dispositions relatives à la déduction des pertes au niveau des entreprises cibles se justifient par la nature et la logique du système fiscal, même lorsque des sociétés d'investissement ne relevant pas de la définition de la MoRaKG investissent dans les entreprises cibles.

(44) L'Allemagne estime que le législateur a la liberté de séparer les sociétés de capital-risque des autres sociétés d'investissement parce qu'il existe des différences objectives entre les deux. Un traitement différencié se justifie donc, en vertu du point 24 de la communication de la Commission sur la fiscalité des entreprises.

(45) En outre, les sociétés de capital-risque se trouvent dans une situation particulière. Étant donné qu'elles investissent généralement dans des entreprises cibles avec report de pertes, la deuxième mesure ne constitue pas une aide d'État mais une réglementation destinée à compenser les inconvénients du système actuel pour le marché des capitaux à risque.

4.3. Avantages fiscaux pour les investisseurs privés

(46) L'Allemagne estime que la mesure prévoyant des avantages fiscaux n'a pas de répercussions importantes sur les échanges entre États membres, en particulier parce que l'avantage fiscal se limite à 22 500 EUR par investisseur. En outre, la mesure s'applique de la même manière pour les entreprises cibles ayant leur siège dans un autre État membre et il n'est pas fait de distinction entre les entreprises cibles allemandes et les entreprises cibles provenant d'autres États membres.

(47) De plus, l'Allemagne précise qu'en ce qui concerne les avantages directs, les bénéficiaires sont des personnes physiques qui ne relèvent pas de dispositions sur les aides. De surcroît, la structure particulière de la mesure ne confère aucun avantage quantifiable aux entreprises cibles, ce qui exclut aussi le caractère d'aide.

(48) Selon les indications de l'Allemagne, l'avantage fiscal n'est pas lié directement à l'investissement mais à la cession de la participation dans l'entreprise cible.

4.4. Infraction au principe de la liberté d'établissement

(49) L'Allemagne estime que la MoRaKG ne viole pas le principe de la liberté d'établissement prévu à l'article 43 du traité CE étant donné que la limitation de la liberté d'établissement se justifierait par le fait que seule l'exigence relative au siège permet d'assurer le respect des dispositions légales.

5. OBSERVATIONS DES TIERS

(50) Par lettres du 9 avril 2009 [Bundesverband Deutscher Kapitalbeteilungsgesellschaften - fédération allemande des sociétés d'investissement eV (BVK)] et du 14 avril 2009 [Biotechnologie-Industrie-Organisation Deutschland eV (BIO) ainsi que de Business Angels Network Deutschland eV (BAND)], trois parties ont transmis leurs observations sur la décision d'ouverture.

5.1. Observations des tiers au sujet de la taxe professionnelle

(51) La BVK estime que l'introduction de critères légaux dans la MoRaKG pour classer fiscalement les sociétés de capital-risque comme des sociétés de gestion de patrimoine ne constitue pas une incitation fiscale pour ces sociétés. Au contraire, la MoRaKG contribuerait à aggraver l'insécurité de cette branche d'activité.

(52) La BVK estime aussi que "l'éclaircissement" n'est pas moins contraignant que la lettre de 2003 étant donné que la commission des finances du Bundestag allemand est d'avis qu'outre la MoRaKG, la lettre de 2003 reste d'application (16) à titre complémentaire. Dès lors, les précisions générales qui figurent à l'article 1er, paragraphe 19, de la MoRaKG sont à concrétiser par la lettre de 2003. Cette technique de réglementation insatisfaisante maintient les critères de la lettre de 2003 pour les sociétés de capital-risque également. Aussi la baisse des rentrées fiscales chiffrées à 90 millions d'EUR par le gouvernement fédéral n'est-elle pas compréhensible aux yeux de la BVK.

(53) La BVK est nettement favorable à des conditions-cadres harmonisées pour les sociétés d'investissement nationales et étrangères - en particulier celles qui proviennent d'autres États membres de l'Union européenne - ainsi que pour leurs investisseurs nationaux et étrangers en Allemagne.

(54) BIO estime que la MoRaKG ne prévoit pas de privilégier les sociétés de capital-risque en les exonérant de la taxe professionnelle. La MoRaKG maintient la pratique déjà mise en œuvre par la lettre de 2003, qui consiste à exonérer les fonds de gestion du patrimoine de la taxe professionnelle.

5.2. Observations des tiers au sujet du report de pertes

(55) La BVK estime que le législateur allemand doit traiter les sociétés d'investissement et les sociétés de capital-risque nationales et étrangères comme les sociétés de capital-risque au sens de la MoRaKG. En outre, la BVK estime que cet objectif ne peut être atteint que par des conditions-cadres juridiques et fiscales harmonisées pour toutes les sociétés d'investissement. La BVK propose que les sociétés d'investissement qui ne relèvent pas de la définition de la MoRaKG puissent recourir au report de pertes sans discrimination. La BVK confirme son point de vue selon lequel l'interdiction du report de pertes prévue dans la loi allemande relative à l'impôt sur les revenus de sociétés va durablement gêner l'activité d'investissement des sociétés de capital-risque et de capital-investissement.

(56) BIO Deutschland qualifie la MoRaKG d'amélioration par rapport au statu quo en matière de report de pertes. BIO se penche surtout sur le report de pertes et estime que l'atténuation ciblée d'un inconvénient ne constitue pas une aide. Étant donné que les PME innovantes seraient désavantagées par les règles en vigueur en matière de report de pertes, la MoRaKG doit être considérée comme une réglementation visant à remédier à une pénalité fiscale. BIO estime que les sociétés de capital-investissement qui investissent dans les entreprises bénéficient, grâce à la MoRaKG, d'une délimitation claire et nécessaire.

5.3. Observations des tiers au sujet des avantages fiscaux en faveur des investisseurs privés

(57) La BVK salue l'objectif général prévu dans la MoRaKG qui consiste à accorder un avantage fiscal aux investisseurs privés. La BVK estime que cette mesure constitue un encouragement approprié pour les personnes physiques qui investissent dans le segment hautement risqué du financement de la phase de démarrage auquel s'adresse la MoRaKG.

(58) BAND souligne que de tels avantages fiscaux en faveur des personnes physiques qui investissent dans des jeunes entreprises sont habituels dans d'autres États membres et y sont plus larges. BAND est favorable à l'introduction d'avantages fiscaux en faveur des investisseurs privés et salue dès lors la MoRaKG. Parallèlement, BAND doute, compte tenu des avantages fiscaux très restreints qui n'entrent en ligne de compte que dans le cas d'une sortie couronnée de succès, que la MoRaKG puisse avoir des effets incitatifs significatifs pour les Business Angels. BAND calcule que l'avantage fiscal maximum par investisseur s'élève à environ 14 210 EUR sur la base de la règle des revenus partiels et non, comme l'indique l'Allemagne, à 22 500 EUR environ. Selon BAND, l'aide indirecte en faveur des entreprises-cibles serait en réalité toujours inférieure au seuil de minimis de 200 000 EUR. Et cet avantage n'intervient, le cas échéant, qu'au moment de la sortie de l'investisseur.

(59) BIO estime que l'avantage maximum, qui n'est accordé à un investisseur privé qu'à des conditions très précises, est de 22 500 EUR. Ce montant est faible, n'est pas lié à l'investissement (mais à la cession des participations) et n'est donc pas cessible aux entreprises cibles.

6. AVIS DE L'ALLEMAGNE SUR LES OBSERVATIONS DES TIERS

(60) Par lettre du 22 mai 2009, l'Allemagne a répondu aux observations des tiers.

6.1. Taxe professionnelle

(61) L'Allemagne estime que malgré sa critique de la MoRaKG, la BVK confirme que la MoRaKG ne déroge pas à la règle en ce qui concerne la délimitation entre activité de gestion de patrimoine et activité commerciale.

6.2. Report de pertes

(62) L'Allemagne indique que la proposition de la BVK consistant à étendre la mesure à l'ensemble de la branche de capital-investissement engendrerait des effets d'aubaine abusifs. L'Allemagne s'est prononcée pour la différenciation nécessaire pour cibler la mesure au plus juste.

(63) L'Allemagne souligne que BIO confirme le point de vue de l'Allemagne selon lequel la MoRaKG constitue une différenciation cohérente fondée sur des critères objectifs pour empêcher l'utilisation abusive des pertes.

6.3. Avantages fiscaux en faveur des investisseurs privés

(64) L'Allemagne voit dans les observations des tiers la confirmation de son point de vue selon lequel la mesure ne constitue pas une aide compte tenu de sa faible ampleur et de son effet indirect, de son objectif qui vise la recherche de profits et de son orientation vers les entreprises cibles de tous les États membres.

7. APPRÉCIATION

7.1. Existence d'une aide d'État

7.1.1. Taxe professionnelle

(65) Dans le cadre de la procédure formelle d'examen, les doutes de la Commission concernant le soi-disant "éclaircissement" juridique de la lettre de 2003 dans la MoRaKG en ce qui concerne l'assujettissement à la taxe professionnelle ne se sont pas dissipés.

(66) L'Allemagne part du principe que cette mesure conduira à une baisse des recettes fiscales de 90 millions d'EUR par an. Elle impute cette baisse des recettes à une diminution des "dispositions contractuelles défaillantes". Cette explication n'est pas convaincante pour la Commission. En effet, il est difficile d'imaginer que les sociétés de capital-risque connaissent si peu le droit fiscal qu'elles ne peuvent éviter de telles "dispositions contractuelles défaillantes" et les obligations fiscales qui en résultent. En outre, le point de vue de la Commission est manifestement confirmé par des tiers tels que la BVK, qui constate que la MoRaKG contribuera à une plus grande insécurité de la branche.

(67) La Commission constate de toute manière que la mesure conduira manifestement à une perte des recettes du Trésor, qui sinon devrait en bénéficier (dans la situation précédente). Aussi la Commission conclut-elle que la mesure est financée par des fonds publics.

(68) Indépendamment de la question, non pertinente en l'espèce, de savoir si la lettre de 2003 est compatible avec la nature et la logique du système fiscal allemand, la Commission a constaté dans sa décision d'ouverture que la MoRaKG diffère apparemment de la lettre, puisque:

- les sociétés de capital-risque peuvent chercher des investisseurs par le biais d'offres s'adressant au grand public, ce qui est pourtant exclu dans la lettre de 2003,

- selon la MoRaKG, les sociétés de capital-risque peuvent entretenir des locaux commerciaux et une organisation commerciale de leurs activités, alors que la lettre de 2003 interdit une "organisation propre de grande ampleur" et limite le nombre des travailleurs et de locaux à ce qui est habituel pour un "grand patrimoine privé",

- la MoRaKG n'interdit pas expressément une activité entrepreneuriale dans les sociétés de portefeuille par la société de capital-risque alors que la lettre de 2003 interdit l'activité entrepreneuriale dans les sociétés de portefeuilles comme indiqué au considérant 13.

(69) Les observations reçues dans le cadre de la procédure d'examen n'ont pas levé ces doutes. Aussi la Commission doit-elle tirer la conclusion que la MoRaKG élargit le cercle potentiel de ceux qui ne sont pas soumis à la taxe professionnelle puisque certaines sociétés de capital-risque qui, en vertu de la lettre de 2003, étaient imposables, sont classées comme non imposables. Ainsi, la mesure en cause confère à certaines sociétés de capital-risque un avantage fiscal puisqu'elle leur permet d'exercer certaines activités tout en étant exonérés de l'obligation fiscale au contraire des fonds de capital-risque/fonds de capital-investissement, qui ne relèvent que de la lettre de 2003 et qui, en conséquence, sont imposables lorsqu'elles exercent ces activités.

(70) En outre, la mesure confère aux seules sociétés de capital-risque qui relèvent du champ d'application de la MoRaKG un avantage sélectif par rapport aux fonds de capital-risque/fonds de capital-investissement. En effet, une société de capital-risque ne bénéficie de la mesure que si elle relève de la définition donnée dans la MoRaKG. Ainsi, les fonds de capital-risque/fonds de capital-investissement qui ont investi moins de 70 % de l'ensemble de leurs actifs dans des participations en capital propre dans des entreprises cibles ne peuvent pas bénéficier de la mesure, même si, pour l'essentiel, elles exercent les mêmes activités. Il en va de même pour les fonds de capital-risque/fonds de capital-investissement qui n'ont pas à la fois leur siège et leur direction opérationnelle en Allemagne. En conséquence, les fonds de capital-risque/fonds de capital-investissement qui n'ont qu'un établissement stable en Allemagne ne peuvent prétendre au bénéfice de la réglementation figurant dans la MoRaKG même si elles exercent exactement les mêmes activités que les sociétés de capital-risque.

(71) Ainsi, seules les entreprises qui appartiennent à ce petit cercle sont exonérées, au moyen de fonds publics, d'une partie de leurs frais de fonctionnement (c'est-à-dire d'une obligation fiscale déterminée) qu'elles devraient normalement supporter elles-mêmes en vertu des dispositions légales en vigueur actuellement. Ceux qui bénéficient de cet avantage s'occupent essentiellement de fournir du capital-investissement et du capital-risque privés et se trouvent en concurrence avec d'autres sociétés d'investissement d'Allemagne ou d'autres États membres. Dans la mesure où cette mesure fiscale augmente les moyens financiers dont disposent ceux qui en sont bénéficiaires pour l'exercice de leur activité, elle renforce leur position par rapport à leurs concurrents dans la Communauté. Cet appui est donc susceptible de fausser la concurrence et les échanges entre États membres.

(72) La Commission conclut ainsi que la mesure annoncée en matière de taxe professionnelle constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE en faveur de certaines sociétés de capital-risque.

7.1.2. Report de pertes

(73) Comme indiqué dans la section 4.2, l'Allemagne concède par principe que la réintroduction du report de pertes est sélective pour les sociétés de capital-risque qui investissent dans les entreprises cibles et favorisent tant les sociétés de capital-risque que les entreprises cibles. Toutefois, l'Allemagne objecte qu'une distinction sera faite entre les sociétés de capital-risque et les entreprises cibles ont été délimitées d'une manière appropriée et praticable et que la distinction figurant au point 24 de la communication de la Commission sur la fiscalité des entreprises (où il est indiqué que certaines différenciations dans le système fiscal peuvent se justifier par des différences objectives entre assujettis) se justifie par des différences objectives entre assujettis étant donné que l'introduction, en 2008, de la limitation générale de l'utilisation des pertes place le marché du capital-risque dans une situation de rigueur particulière.

(74) La Commission constate tout d'abord que pour l'État, la mesure est manifestement liée à la perte de fonds publics. Elle est ainsi accordée à partir de fonds publics. Les pertes fiscales profitent aux entreprises cibles et aux sociétés de capital-risque puisqu'il s'agit des bénéficiaires de la mesure. Les conditions assouplies en matière de report de pertes qui valent pour les entreprises cibles dans lesquelles les sociétés de capital-risque prennent des participations comportent un avantage économique pour ces deux groupes et leur permettent d'épargner des impôts. L'entreprise cible profite d'abord du report de pertes puisque celui-ci lui permet de déduire des pertes et donc ainsi de payer moins d'impôts, ce qui sinon serait impossible en raison des dispositions de protection contre les abus. La société de capital-risque est presque directement favorisée dans la mesure où d'autres investisseurs ne peuvent pas utiliser cette compensation.

(75) Étant donné que cette diminution d'impôts ne peut, pour l'essentiel, être opérée lorsque les sociétés de capital-risque investissent dans les entreprises cibles, ces dernières sont aussi directement favorisées. En effet, la mesure offre aux sociétés de capital-risque une incitation à investir dans les entreprises cibles et non dans d'autres entreprises qui, en raison de considérations purement économiques, pourraient entrer en considération pour les investisseurs de capital-risque. Ainsi, les entreprises cibles peuvent obtenir du capital-investissement d'une autre ampleur et à d'autres conditions que si la mesure n'existait pas. Cette mesure permet donc de renforcer indirectement l'assise financière des entreprises cibles.

(76) En outre, il y a lieu de rejeter l'argumentation de l'Allemagne qui prétend que cette mesure ne confère aucun avantage aux entreprises cibles, même s'il ne peut être exclu que les entreprises en difficulté relèvent de la définition d'entreprise cible. Si l'on suit l'argumentation de l'Allemagne, une entreprise cible qui se trouve en difficulté ne va pas réaliser des bénéfices qui puissent compenser les pertes et être imposables. Dès lors, la possibilité d'utiliser les pertes de périodes antérieures n'entre pas en considération pour ces entreprises. En conséquence, la MoRaKG ne constituerait pas un avantage pour les entreprises en difficulté au sens de la définition communautaire. La Commission estime que cette argumentation n'est pas concluante parce que l'acquéreur d'une entreprise en difficulté ou d'une "société écran" peut de facto être particulièrement intéressé par le report de pertes pour des raisons fiscales.

(77) Ces avantages sont susceptibles de fausser les échanges et la concurrence. Pour ce qui est des sociétés de capital-risque, la Commission a examiné ce critère en liaison avec la taxe professionnelle au considérant 71. En ce qui concerne les entreprises cibles, la Commission a constaté que ces entreprises peuvent exercer leurs activités dans tout secteur économique et donc aussi dans les secteurs faisant l'objet ou pouvant faire l'objet d'échanges intracommunautaires. L'avantage économique qui leur est accordé peut donc fausser la concurrence et les échanges entre États membres.

(78) Secundo, la Commission constate que la sélectivité de la mesure est indubitable.

(79) Tiertio, la Commission constate que l'Allemagne n'est pas parvenue à prouver que la mesure est compatible avec la nature et la logique du système fiscal allemand. Même s'il était vrai que la limitation de l'utilisation des pertes place le marché du capital-risque dans une situation de rigueur particulière et justifie ainsi un traitement particulier, ceci ne justifierait pas, aux yeux de la Commission, la différenciation opérée par l'Allemagne entre assujettis puisque ce n'est pas l'ensemble du secteur du capital-risque qui fait exception à l'interdiction du report de pertes. Si l'argumentation de l'Allemagne était correcte, il n'y aurait aucune raison objective d'exclure de la mesure les entreprises qui ne sont pas des sociétés de capital-risque et qui investissent dans les mêmes entreprises cibles. Les entreprises qui ne sont pas des sociétés de capital-risque ne peuvent recourir à la mesure que dans le cas rare où elles acquièrent une participation dans une entreprise cible auprès d'une société de capital-risque. Cette approche est également confirmée par les observations de la BVK figurant dans la section 0.

(80) Par ailleurs, la mesure ne paraît pas être compatible avec la nature et la logique du système fiscal allemand car il n'a pas été prouvé pourquoi la limitation de l'utilisation des pertes placerait les sociétés de capital-risque dans une situation de rigueur particulière lorsqu'elles investissent dans des entreprises cibles et non lorsqu'elles exercent les mêmes activités en prenant des participations dans le capital d'autres entreprises comme les sociétés de personnes qui peuvent éventuellement aussi éprouver des difficultés à obtenir du capital-risque (en particulier les entreprises jeunes et innovantes).

(81) En outre, la Commission constate qu'avec le renforcement déjà mentionné à la section 2.4.1 des mesures visant à empêcher les abus en matière de report de pertes, l'Allemagne a fixé, par la loi sur la réforme de la fiscalité des entreprises de 2008, les nouvelles dispositions fiscales générales dans ce domaine. Ces mesures visant à empêcher les abus seraient partiellement annulées par des dispositions plus souples concernant le report de pertes dont bénéficierait un groupe spécifique d'entreprises, ce qui ne paraît pas justifiable du fait de la nature et de la logique du système fiscal en vigueur depuis 2008.

(82) La Commission conclut dès lors que la mesure relative au report de pertes annoncée constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE en faveur d'entreprises cibles et de sociétés de capital-risque.

7.1.3. Avantages fiscaux en faveur d'investisseurs privés

(83) Comme indiqué à la section 4.3, l'Allemagne prétend que cette mesure ne constitue pas du tout une aide d'État étant donné que les bénéficiaires sont des personnes physiques. Parallèlement, l'Allemagne fait valoir que les entreprises cibles ne bénéficient pas, par cette mesure, d'un avantage vérifiable et quantifiable et qu'elle n'a donc aucune répercussion sur les prix des parts. Selon elle, l'avantage fiscal des investisseurs privés est très faible et n'intervient que si l'investisseur fait un profit en vendant ses participations. Aussi, selon l'Allemagne, cette mesure ne constitue-t-elle pour les investisseurs privés qu'une faible incitation à investir dans les entreprises cibles. Dès lors aussi, la concurrence entre entreprises cibles et autres entreprises ne serait que très légèrement faussée par la mesure.

(84) Comme précisé à la section 2.1, la mesure entraîne pour l'Allemagne une perte de fonds publics à hauteur de 30 millions d'EUR par an. Dès lors, cette mesure est financée à partir de fonds publics.

(85) Par des incitants fiscaux, la mesure en cause entend amener des personnes physiques à investir dans un groupe déterminé d'entreprises les entreprises cibles) et pas dans d'autres qui pourraient être retenues par les investisseurs de capital-risque pour des motifs purement économiques. Ainsi, les entreprises cibles pourraient obtenir du capital-investissement d'une autre ampleur et à d'autres conditions que sans la mesure. Celle-ci est donc susceptible de renforcer indirectement l'assise financière des entreprises cibles. Cette même conclusion vaut aussi lorsque l'avantage fiscal octroyé aux investisseurs dépend de leurs bénéfices futurs et - comme souligné par l'Allemagne et par des tiers - que le montant est relativement faible. Compte tenu des caractéristiques de la mesure, il est extrêmement difficile de chiffrer exactement l'avantage escompté que la mesure va entraîner pour les entreprises cibles (17). On ne peut donc en conclure que l'aide constitue de toute manière pour les entreprises cibles un montant de minimis. La Cour de justice a confirmé (18) que s'il y a avantage fiscal pour des personnes physiques qui investissent dans certaines entreprises, quelle que soit l'ampleur de l'avantage octroyé à la personne physique, il peut s'agir d'une aide d'État en faveur de ces entreprises.

(86) La Commission conclut dès lors que la mesure consistant en un avantage fiscal est sélective et favorise un nombre limité d'entreprises, dans la mesure où elles peuvent avoir un meilleur accès au capital-investissement par rapport aux conditions habituelles sur le marché. L'avantage provient de fonds publics car il s'agit fondamentalement d'une baisse de recettes fiscales par laquelle les incitants du marché sont créés en faveur des personnes physiques afin de mettre du capital à la disposition des entreprises cibles et non d'autres entreprises qui, normalement, devraient entrer en ligne de compte pour les investisseurs en raison des perspectives de rendement.

(87) Le considérant 77 indique dans quelle mesure cette aide peut fausser la concurrence et les échanges entre États membres.

(88) La Commission conclut dès lors que la modification de la mesure octroyant un avantage fiscal sur les revenus constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE en faveur des entreprises cibles.

7.2. Compatibilité avec les règles relatives aux aides d'État

7.2.1. Notification de la mesure

(89) L'Allemagne a notifié la MoRaKG avant son application, respectant ainsi les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Toutes les mesures prévues par la MoRaKG ayant pour objectif commun d'encourager la mise à disposition de capital-risque privé pour les entreprises, la Commission a examiné leur compatibilité avec le marché commun sur la base des lignes directrices sur le capital-investissement.

(90) La Commission a en outre examiné si d'autres encadrements ou règlements sur les aides d'État s'appliquaient aux mesures en cause, à savoir, notamment, l'encadrement communautaire des aides d'état à la recherche, au développement et à l'innovation (19), le règlement (CE) n° 800-2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie) (20) (ci-après "le RGEC") ou le règlement (CE) n° 1998-2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (21). Contrairement aux mesures examinées, les entreprises en difficulté et les entreprises de la construction navale, de l'industrie houillère et de la sidérurgie sont exclues du champ d'application et/ou seules les PME sont admissibles au bénéfice de l'aide. À la lumière de ce qui précède, la Commission estime que les champs d'application de ces encadrements et règlements sur les aides d'État excluent l'applicabilité aux mesures notifiées.

7.2.2. Mesure concernant la taxe professionnelle

(91) Ainsi qu'exposé à la section 7.1.1, la mesure concernant la taxe professionnelle constitue une aide d'État en faveur des sociétés de capital-risque. Cette mesure n'incite toutefois pas explicitement les sociétés de capital-risque à effectuer des investissements en capital-investissement, leur permettant uniquement de disposer de ressources financières plus importantes, dont elles peuvent arrêter librement l'utilisation (augmentation des bénéfices distribués à leurs partenaires).

(92) Contrairement aux mesures en cause, des aides d'État sous forme de capital-investissement ne peuvent, conformément aux lignes directrices sur le capital-investissement, être accordées aux grandes entreprises, aux entreprises en difficulté ou aux entreprises de la construction navale, de l'industrie houillère et de la sidérurgie. La mesure concernant la taxe professionnelle pourrait toutefois favoriser de telles entreprises, en particulier les grandes entreprises. Aussi le champ d'application de la mesure n'est-il pas compatible avec les lignes directrices sur le capital-investissement.

(93) La mesure n'est pas compatible avec la section 4 des lignes directrices sur le capital-investissement puisque les conditions particulières relatives à l'application de cette section ne sont pas remplies. C'est ainsi que, conformément à cette section, le niveau maximal des tranches d'investissement ne peut être supérieur à 1,5 million d'EUR par période de douze mois et par bénéficiaire. La mesure examinée ne prévoit pas de limite maximale de ce type. En outre, le financement accordé dans le cadre de mesures d'aide doit, conformément aux lignes directrices sur le capital-investissement, être limité à la phase d'expansion en ce qui concerne les petites entreprises et à la phase de démarrage en ce qui concerne les entreprises de taille moyenne. Ces conditions ne sont pas remplies étant donné que de grandes entreprises peuvent aussi compter parmi les entreprises cibles.

(94) La mesure n'est pas conforme aux règles de cumul et d'établissement de rapport énoncées aux sections 6 et 7.1 des lignes directrices sur le capital-investissement.

(95) En outre, la Commission n'est pas à même d'examiner la mesure au regard de sa compatibilité avec les dispositions de la section 5 des lignes directrices sur le capital-investissement. Selon ces dernières, les aides d'État doivent en effet cibler une défaillance du marché particulière dont l'existence a été suffisamment démontrée. L'Allemagne n'a fourni aucun élément de preuve attestant que les entreprises cibles étaient affectées par une défaillance du marché particulière.

(96) La Commission en conclut donc que la mesure concernant la taxe professionnelle n'est pas compatible avec le marché commun.

7.2.3. Déduction des pertes

(97) Ainsi qu'exposé à la section 7.1.2, la mesure relative au report des pertes constitue une aide d'État au niveau des sociétés de capital-risque et des entreprises cibles. L'aide se présente sous la forme d'une incitation fiscale au sens de la section 4.2, point d), des lignes directrices sur le capital-investissement.

(98) Pour les motifs déjà exposés aux considérants 92, 93, 94 et 95, la Commission ne peut considérer la présente mesure comme étant compatible avec le marché commun; elle n'est en effet conforme ni aux critères d'exclusion énoncés à la section 2.1 ni aux règles de cumul et d'établissement de rapport fixées aux sections 6 et 7.1 des lignes directrices sur le capital-investissement ni aux critères énoncés à la section 4 de ces lignes directrices; en outre, il n'existe aucun indice attestant l'existence d'une défaillance du marché qui aurait affecté les entreprises cibles et les sociétés de capital-risque, de sorte que la Commission n'a aucune raison de procéder à un appréciation plus détaillée de la compatibilité des mesures en cause conformément à la section 5 des lignes directrices sur le capital-investissement.

(99) L'achat d'actions détenues dans une entreprise cible (financement de remplacement) n'est pas exclu de cette mesure. Les financements de remplacement ne sont toutefois pas autorisés d'après la définition de la notion de "capital-risque" contenue dans les lignes directrices sur le capital-investissement.

(100) La Commission constate en outre que la limitation de l'avantage fiscal aux sociétés de capital-risque qui investissent dans des sociétés de capital semble contredire l'objectif déclaré de la mesure, à savoir la promotion des investissements en capital-investissement. En effet, les entreprises jeunes et innovantes qui ont besoin de capital-investissement peuvent choisir d'autres formes juridiques que celle d'une société de capital. Ces entreprises jeunes et innovantes qui prennent la forme d'une société de personnes ne seraient pas favorisées par la mesure.

(101) La Commission en conclut donc que la mesure relative au report des pertes n'est pas compatible avec le marché commun.

7.2.4. Avantages fiscaux pour les investisseurs privés

(102) Ainsi qu'exposé à la section 7.1.3, la mesure relative à l'abattement d'impôt sur le revenu constitue une aide d'État indirecte au niveau des entreprises cibles. La mesure incitant des particuliers à investir dans des entreprises cibles, elle pourrait favoriser les investissements en capital-investissement au sens de la section 4.2, point d), des lignes directrices sur le capital-investissement.

(103) Pour les motifs déjà exposés aux considérants 92, 93, 94 et 95, la Commission ne peut considérer la présente mesure comme étant compatible avec le marché commun; en effet, elle n'est conforme ni aux critères d'exclusion énoncés à la section 2.1 ni aux règles de cumul et d'établissement de rapport fixées aux sections 6 et 7.1 des lignes directrices sur le capital-investissement ni aux critères énoncés à la section 4 de ces lignes directrices; en outre, il n'existe aucun indice attestant l'existence d'une défaillance du marché qui aurait affecté les entreprises cibles et les sociétés de capital-risque, de sorte que la Commission n'a aucune raison de procéder à un appréciation détaillée de la compatibilité des mesures en cause conformément à la section 5 des lignes directrices sur le capital-investissement.

(104) La Commission en conclut donc que la mesure relative à l'abattement d'impôt sur le revenu ne peut être considérée, dans sa forme actuelle, conformément aux lignes directrices sur le capital-investissement, comme étant compatible avec le marché commun. Toutefois, les particuliers n'étant guère incités à investir dans des entreprises cibles et l'avantage conféré à ces dernières étant donc susceptible, lui aussi, d'être limité, la mesure ne devrait avoir que peu d'effets de distorsion de la concurrence entre les entreprises cibles et les entreprises qui ne sont pas des entreprises cibles. La mesure en cause est en outre à même de produire un effet positif général dans la mesure où elle peut contribuer à ce que les entreprises qui ont besoin de capital-investissement peuvent en disposer sur la base d'arguments économiques solides. En effet, les investisseurs privés choisissent les entreprises cibles entrant en ligne de compte sur la base des perspectives de rendement du placement de capitaux. La Commission considère par conséquent que le respect des conditions énoncées à l'article 3 de la présente décision peut rendre la mesure conforme aux conditions fixées par les lignes directrices sur le capital-investissement.

7.3. Compatibilité avec le marché commun

(105) La mesure concernant la taxe professionnelle et celle relative au report des pertes, qui pourraient favoriser les sociétés de capital-risque, sont contraires aux règles du marché commun, en particulier en ce qui concerne la liberté d'établissement au sens de l'article 43 du traité CE (voir section 3.5).

(106) Selon l'Allemagne, la MoRaKG contient des dispositions détaillées sur la structure et l'activité commerciale des sociétés de capital-risque. Parmi celles-ci figurent notamment des dispositions relatives à la nature des opérations, à la politique d'investissement des sociétés de capital-risque, à la question de l'intégration des structures des groupes et au fractionnement minimal des participations dans des sociétés de capital-risque. Ces dispositions s'appliqueraient à toutes les sociétés de capital-risque. En ce qui concerne les établissements stables allemands de sociétés de capital-risque étrangères, le respect des dispositions par l'ensemble de la société ne peut être garanti. Une reconnaissance, fût-elle limitée, de l'établissement stable allemand ouvrirait par conséquent la possibilité de contourner les dispositions et ainsi d'en suspendre l'application de facto. Toute autorité de surveillance financière contrôle les entreprises relevant de sa compétence conformément aux dispositions nationales concernées, une grande partie de ces dispositions étant harmonisées avec la législation de l'Union européenne. En matière de capital-risque, toutefois, les dispositions relatives au contrôle ne sont pas harmonisées avec la législation de l'Union européenne.

(107) Les préoccupations de la Commission en matière de concurrence n'ont pas été dissipées. Premièrement, les entreprises de la CE et de l'EEE ayant leur siège hors d'Allemagne et un établissement stable dans ce pays devraient en principe être admissibles à l'aide lorsqu'elles peuvent prouver qu'elles respectent les conditions fixées par les régimes d'aide et les dispositions relatives à la structure et à l'activité commerciale des sociétés de capital-risque (pour autant qu'elles soient compatibles avec le traité CE). L'argument selon lequel la BaFin n'est pas en mesure de contrôler ces sociétés n'implique pas inévitablement que ces dernières bénéficient d'un avantage concurrentiel par rapport aux sociétés établies en Allemagne, ni qu'elles ne remplissent pas de facto les conditions fixées par les régimes d'aide et les dispositions relatives à la structure et à l'activité commerciale des sociétés de capital-risque. Cet argument n'est donc pas suffisant, en soi, pour déroger à une règle fondamentale du traité CE.

(108) En résumé, il semblerait que l'Allemagne puisse atteindre le même objectif avec des moyens moins discriminatoires (22). Ainsi, le respect des conditions fixées par les régimes d'aide pourrait par exemple être vérifié par voie de communication volontaire à la BaFin à des fins d'examen, par des confirmations de la part de l'organe de surveillance étranger ou par des rapports d'audit indépendants. L'Allemagne devrait par conséquent permettre aux sociétés étrangères ayant un établissement stable en Allemagne de prouver qu'elles respectent les conditions fixées par les régimes d'aide et les dispositions relatives à la structure et à l'activité commerciale des sociétés de capital-risque.

(109) La Commission en conclut donc que la mesure concernant la taxe professionnelle et celle relative au report des pertes ne sont pas compatibles avec le marché commun, étant donné qu'elles sont contraires au principe de liberté d'établissement au sens de l'article 43 du traité CE.

8. CONCLUSION

(110) La Commission estime que la mesure d'aide relative à l'assujettissement à la taxe professionnelle des sociétés de capital-risque n'est pas compatible avec le traité CE.

(111) La Commission considère en outre que la mesure d'aide relative au report des pertes concernant des entreprises cibles achetées par des sociétés de capital-risque n'est pas compatible avec le traité CE.

(112) La Commission est aussi d'avis que le respect des conditions visées à l'article 3 de la présente décision peut garantir la compatibilité de la mesure d'abattement fiscal en faveur des investisseurs privés avec le traité CE,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les régimes d'aide d'État que l'Allemagne envisage d'instaurer conformément à l'article 1er, paragraphe 19, et à l'article 4 de la loi allemande portant modernisation des conditions générales régissant les investissements en capitaux (MoRaKG) sont incompatibles avec le marché commun.

Ces régimes d'aide ne peuvent par conséquent être appliqués.

Article 2

Le régime d'aide d'État que l'Allemagne envisage d'instaurer conformément à l'article 1er, paragraphe 20, de la MoRaKG est compatible avec le marché commun, moyennant respect des conditions énoncées à l'article 3.

Article 3

Le régime d'aide d'État prévu à l'article 1er , paragraphe 20, de la MoRaKG est adapté de manière à respecter les conditions suivantes:

- la définition de la notion d'"entreprises cibles" est limitée aux petites et moyennes entreprises (PME) au sens de la définition figurant à l'annexe I du règlement général d'exemption par catégorie (23),

- la définition de la notion d'"entreprises cibles" exclut les entreprises en difficulté ainsi que les entreprises de la construction navale, de l'industrie houillère et de la sidérurgie,

- la tranche d'investissement maximale s'élève à 1,5 million d'EUR par PME cible et par période de douze mois et est limitée au financement des phases d'amorçage, de démarrage et d'expansion,

- l'Allemagne élabore un mécanisme garantissant la conformité de la mesure avec les règles de cumul et d'établissement de rapport énoncées aux chapitres 6 et 7.1 des lignes directrices sur le capital-investissement,

- l'achat d'actions existantes (capital de remplacement) d'une PME cible est exclu,

- la forme juridique de l'entreprise n'est pas régie par des dispositions particulières.

Article 4

L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 5

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) JO C 60 du 14.3.2009, p. 9.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Les sociétés de participation sont immatriculées auprès des instances supérieures compétentes du Land. Tous les types de sociétés de participation au capital-investissement peuvent s'immatriculer.

(4) Lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (JO C 244 du 1.10.2004, p. 2).

(5) Traitement des fonds de capital-risque et de capital-investissement du point de vue de l'impôt sur le revenu; distinction entre la gestion de patrimoine privée et la gestion commerciale; lettre du BMF du 20 novembre 2003, Bundessteuerblatt I 2004, n o 1, p. 40.

(6) Bundessteuerblatt II 2001, p. 809.

(7) Le fonds ne peut avoir recours à une organisation propre de grande ampleur pour la gestion du patrimoine. Si le fonds dispose de son propre bureau, le fait qu'il ne dépasse pas les normes habituelles pour la gestion d'un patrimoine privé conséquent importe peu.

(8) Une "infection" ou "décoloration" commerciale se produit par exemple lorsqu'une entité non soumise à la taxe professionnelle assume en outre une activité commerciale. Cette activité déteint sur l'ensemble de l'entité dans la mesure où elle en devient assujettie à la taxe professionnelle même si l'activité commerciale ne représente qu'une faible partie des activités de l'entité.

(9) L'activité commerciale s'entend d'une activité autonome durable menée à des fins lucratives (il ne s'agit pas d'une activité non lucrative) dans le cadre de l'activité économique générale (au-delà de services rendus aux membres de la famille et aux amis) à l'exclusion de l'agriculture et de l'exercice d'une profession libérale (avocat, médecin, artiste ou enseignant). La gestion du patrimoine s'entend d'une activité apparaissant encore comme l'utilisation d'un patrimoine dans le sens de la perception des fruits de valeurs intrinsèques et pour laquelle l'exploitation d'éléments substantiels du patrimoine par réaffectation n'est pas prioritaire. La qualification d'activité commerciale ou de gestion du patrimoine revêt une importance capitale dans les investissements en valeurs mobilières ou immobilières. En cas de bénéfices à titre commercial, tous les bénéfices tirés de cessions sont imposables et soumis en même temps à la taxe commerciale. S'il s'agit uniquement de gestion de patrimoine, les revenus tirés de diverses sources sont imposables mais l'éventuelle cession d'éléments sous-jacents échappe à l'impôt sur les bénéfices tirés de cessions (et ainsi qu'à la taxe professionnelle).

(10) Au sens de l'article 48 de la loi sur les investissements.

(11) Au sens de l'article 50 de la loi sur les investissements.

(12) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

(13) La Cour de justice a confirmé que les avantages fiscaux accordés à des personnes physiques qui investissent dans certaines entreprises peuvent constituer une aide d'État (affaire C-156-98, Allemagne contre Commission, Rec. 2000, p. I-6857).

(14) JO C 194 du 18.8.2006, p. 2.

(15) La définition de l'entreprise cible figurant dans la MoRaKG ne correspond pas à la définition de la PME donnée dans l'Union européenne. Ainsi, en ce qui concerne l'obligation imposée à l'entreprise cible dans laquelle une société de capital-risque prend une participation de ne pas avoir de capital propre supérieur à 20 millions d'EUR, la Commission constate ce qui suit: le total bilantaire se compose de la somme du capital propre et des dettes. Les dettes s'élèvent normalement à un montant nettement supérieur au capital propre. Dès lors, le seuil de 43 millions d'EUR applicable aux PME pour le total bilantaire peut être facilement dépassé dans le cas des entreprises cibles. En outre, les seuils d'emploi de 250 travailleurs et de chiffre d'affaires de 50 millions d'EUR ne figurent pas dans la définition des entreprises cibles.

(16) Voir avis de la commission des finances du Bundestag - BT- Drucks. 16/9829, p. 5 et suivant: "pour l'interprétation de la réglementation, le règlement administratif actuel reste dès lors d'application à titre subsidiaire".

(17) Il est très difficile de déterminer ex ante la différence entre le montant et les conditions auxquelles l'aide en capital aurait été octroyée sans la mesure et le montant/les conditions se fondant sur la mesure.

(18) Affaire C-156-98, Allemagne contre Commission, Rec. 2000, p. I- 6857, point 64: "À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 30 du présent arrêt, le régime d'aide litigieux doit être considéré comme octroyant une aide au fonctionnement des entreprises bénéficiaires [...]."

(19) JO C 323 du 30.12.2006, p. 1.

(20) JO L 214 du 9.8.2008, p. 3.

(21) JO L 379 du 28.12.2006, p. 5-10.

(22) La France a ainsi prévu la possibilité, dans le cas de l'aide d'État N 629-07 (JO C 206 du 1.9.2009, p. 1) d'accorder aussi une aide aux structures d'investissement étrangères qui étaient comparables aux structures établies en France auxquelles était adressée l'aide examinée. Un autre exemple est l'aide d'État N 36-09 (JO C 186 du 8.8.2009, p. 3).

(23) Voir note 20 de bas de page.