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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ. B, 11 juin 2009, n° 08-05652

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Distribution Casino France (SAS)

Défendeur :

Lesage

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flise

Conseillers :

Mme Devalette, M. Maunier

Avoués :

SCP Brondel-Tudela, Me de Fourcroy

Avocats :

Selarl Unité de droit des affaires, SCP Bednarski-Charlet & Associés

T. com. Saint-Etienne, du 4 janv. 2006

4 janvier 2006

Au mois de janvier 2005 la société Distribution Casino France a poursuivi en justice la résolution d'un contrat de franchise conclu le 6 avril 2000 entre la société Médis, qu'elle avait absorbée en 2002 et Mme Ludivine Lesage qui exploitait à Villars-sur-Var un fonds de commerce à l'enseigne Spar et à laquelle il était reproché d'avoir vendu des produits de marque concurrente.

Par jugement en date du 4 janvier 2006 le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a accueilli l'exception d'incompétence soulevée en défense.

Par arrêt en date du 8 juin 2006 la cour de céans a infirmé le jugement entrepris, déclaré irrecevable l'exception d'incompétence et renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne.

Cette décision a été cassée et annulée en toutes ses dispositions le 3 juin 2008 par la Cour de cassation qui a renvoyé la cause et les parties devant la cour de céans autrement composée. Il était reproché aux juges d'appel :

- d'avoir, pour accueillir le contredit de compétence, retenu que le contrat de franchise et ses avenants avaient été transmis avec le patrimoine de la société absorbée alors que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce qu'avec l'accord du franchisé ;

- d'avoir, pour statuer comme ils l'avaient fait, retenu que la société Casino avait adressé des factures à Mme Ludivine Lesage de mai à décembre 2003 sur du papier à en-tête Distribution Casino France, que la mise en demeure de payer du 9 août 2004 émanait également de la société Casino, que les procès-verbaux de constat, dressés les 1er juillet et 16 septembre 2004, l'avaient été à la demande de la société Casino alors que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait.

Une déclaration de saisine a été déposée au greffe de la cour le 31 juillet 2008 par la société Distribution Casino France.

Aux termes de ses dernières écritures la société Distribution Casino France conclut à l'infirmation du jugement entrepris, demande que l'exception d'incompétence soulevée en défense soit écartée et sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 CPC.

Elle explique qu'elle vient aux droits de la société Médis à la suite d'une opération de fusion ayant pris effet au 30 novembre 2002.

Elle se prévaut d'une clause attributive de juridiction insérée dans le contrat de franchise du 6 avril 2000.

Elle soutient:

- qu'il ne peut être dérogé que par une stipulation conventionnelle expresse au principe de transmission universelle posé par l'article L. 236-6 du Code de commerce en cas de fusion de sociétés

- que l'intuitu personae dans le contrat de franchise est plus important pour le franchiseur que pour le franchisé notamment quand le franchiseur n'est pas la cause de l'engagement initial du franchisé mais seulement une garantie d'exécution du contrat.

Elle estime qu'en l'espèce:

- la fusion est intervenue entre la société Médis et sa société mère, qui sur le plan économique, ne peut être considérée comme une société tierce et n'a entraîné qu'une réorganisation d'ordre structurel

- seules l'enseigne et la marque Spar (et non la personne du franchiseur) ont pu déterminer l'engagement du franchisé

- la preuve d'une modification du réseau Spar à la suite de la fusion n'est nullement rapportée, la simplification des structures n'étant pas antinomique avec le développement du réseau et Mme Ludivine Lesage ayant bénéficié de visites régulières, des actions publicitaires nationales du Groupe Casino ainsi que de la possibilité de s'approvisionner auprès d'une centrale d'achat efficace et ses interlocuteurs étant demeurés les mêmes tandis que le rayonnement de son franchiseur était devenu international au lieu de régional

- Mme Ludivine Lesage a accepté la restructuration intervenue en poursuivant en connaissance de cause le contrat de franchise et en effectuant des actes positifs (certains chèques ayant été libellés par elle à l'ordre de Casino et une facture de redevances émanant de la société Distribution Casino France ayant été réglée par elle).

Aux termes de ses dernières écritures Mme Ludivine Lesage conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 CPC.

Elle soutient que le contrat de franchise du 6 avril 2000 ne pouvait pas être transmis sans son accord.

Elle trouve dans le projet de fusion la preuve du bouleversement de l'économie du contrat de franchise, les modalités de transfert du savoir-faire de la société Médis n'étant pas précisées. Elle estime que la fusion n'est pas intervenue dans l'intérêt du réseau mais a seulement répondu à des objectifs de simplification des structures et d'allégement des coûts. Elle conteste avoir bénéficié de prestations spécifiques à la franchise postérieurement au mois de décembre 2002.

Elle se prévaut du fait que le contrat de franchise ne prévoyait aucune faculté de substitution.

Elle affirme qu'elle n'a jamais consenti au changement de franchiseur et souligne que le traité d'apport ne lui a d'ailleurs jamais été notifié. Elle explique que depuis le mois de décembre 2002 son fonds n'a plus bénéficié d'un approvisionnement continu et que seule une relation informelle et ponctuelle de commande de marchandises s'est établie avec la société Distribution Casino France jusqu'au mois de décembre 2003 (les chèques libellés à l'ordre de Casino se rapportant à celle relation). Elle précise avoir appris la disparition de son franchiseur (dont elle attribuait le silence à ses propres difficultés financières) au moment de la délivrance de l'exploit introductif de la présente instance. Elle ne se souvient pas d'avoir réglé une facture de redevances émanant de la société Distribution Casino France et souligne en toute hypothèse le caractère exceptionnel de cette facture.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mai 2009.

Sur ce

Attendu que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce qu'avec l'accord du franchisé;

Attendu qu'en l'espèce cet accord n'a été formulé de manière expresse par Mme Ludivine Lesage ni dans le contrat de franchise ni dans aucun document postérieur;

Attendu que le simple fait pour Mme Ludivine Lesage de s'être non seulement abstenue de formuler des observations au moment où elle a reçu une mise en demeure sur un papier à en-tête de la société Distribution Casino France et au moment où des procès-verbaux de constat ont été dressés à la requête de la société Distribution Casino France mais également d'avoir rédigé à plusieurs reprises des chèques à l'ordre de Casino au cours de l'année 2003 (en contrepartie de livraisons de marchandises, la preuve de la réception et du règlement par Mme Ludivine Lesage d'une facture de redevance n'étant pas rapportée faute de production d'une copie du chèque correspondant) n'est pas suffisant pour établir l'existence d'un accord tacite alors même que l'absorption de la société Médis par la société Distribution Casino France n'avait jamais été officiellement portée à la connaissance personnelle du franchisé et alors même que le maintien de ses interlocuteurs habituels - tel que souligné par la société Distribution Casino France dans ses écritures - pouvait laisser penser au franchisé que " Casino " (dont le nom apparaissait déjà dans le contrat de franchise) agissait pour le compte de la société Médis sans se substituer à elle;

Attendu que jugement entrepris, qui a constaté que la société Distribution Casino France n'était pas recevable à opposer à Mme Ludivine Lesage la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat de franchise et qui a tiré les conséquences de celle inopposabilité, doit être confirmé en toutes ses dispositions;

Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 CPC en faveur de Mme Ludivine Lesage.

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Condamne la société Distribution Casino France à payer à Mme Ludivine Lesage une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 CPC ; Condamne la société Distribution Casino France aux dépens de contredit.