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Décisions

ADLC, 21 décembre 2009, n° 09-DCC-84

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la fusion de groupes AG2R et Prémalliance

ADLC n° 09-DCC-84

21 décembre 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 14 octobre 2009 et déclaré complet le 24 novembre 2009, relatif à la fusion des groupes AG2R et Prémalliance, formalisée par un protocole de partenariat signé le 18 mai 2005 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. AG2R est un groupe paritaire de protection sociale (ci-après " GPPS ") qui regroupe deux Institutions de retraites complémentaires (ci-après " IRC "), UGRR-ISICA et UGRC*, trois Institutions de Prévoyance (ci-après " IP "), AG2R Prévoyance, ISICA Prévoyance et INPCA, une union de mutuelles, cinq mutuelles, trois sociétés d'assurance, une société de gestion d'actifs, une société de gestion des actifs immobiliers, une société dédiée à la préparation à la retraite, et deux organismes de tourisme. Depuis 2008, AG2R et la société d'assurance La Mondiale ont créé une Société de Groupe d'Assurance Mutuelle (ci-après " SGAM "), AG2R-La Mondiale, de sorte qu'elles constituent une entité économique unique au sens du droit des concentrations1. La SGAM AG2R-La Mondiale est essentiellement active dans les secteurs de l'assurance et de la gestion d'actifs.

2. Prémalliance est un GPPS regroupant deux IRC, Irsea et Capicaf, une IP, Prémalliance Prévoyance, une union de mutuelles, deux mutuelles, deux sociétés de gestion d'actifs et un Groupement d'Intérêt Économique d'encaissement et de recouvrement de cotisations retraite.

3. Aux termes du protocole de partenariat signé le 18 mai 2005, AG2R et Prémalliance se sont engagés à créer une structure de coordination des associations sommitales de leurs groupes. Des directions communes ont été mises en place telles qu'une direction technique, une direction de la comptabilité, une direction des systèmes d'information et d'organisation, une direction des activités retraite complémentaire, une direction des achats. De plus, l'Autorité a relevé dans la décision n° 09-DCC-15 relative à un projet de création d'une entreprise commune par les institutions de prévoyance AG2R Prévoyance et Isica Prévoyance, d'une part, et par l'institution de prévoyance Prémalliance Prévoyance d'autre part, qu' "en ce qui concerne les activités à destination des particuliers, l'organisation commerciale relève d'une direction nationale commune aux groupes AG2R et Prémalliance. S'agissant des activités à destination des entreprises, les équipes commerciales d'AG2R et de Prémalliance actives dans les régions Rhône-Alpes, Auvergne et PACA, sont pilotées par une direction régionale unique, travaillant en coordination avec la direction commerciale nationale. "

4. Enfin, il convient de relever que, depuis 2008, Prémalliance est intégrée dans le périmètre comptable d'AG2R Prévoyance, suite à la demande de l'Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles.

5. Comme l'Autorité l'a déjà indiqué dans la décision n° 09-DCC-15, les groupes AG2R et Prémalliance ont donc progressivement opéré une fusion de fait à la suite de la signature du protocole de partenariat précité, opération constituant une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées (2), les seuils mentionnés par l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis sans que l'opération soit de dimension communautaire. L'opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les groupes AG2R et Prémalliance sont simultanément actifs sur les marchés des produits d'assurance et de la gestion d'actifs.

A. LES MARCHÉS DES PRODUITS D'ASSURANCE

7. La pratique décisionnelle, aussi bien communautaire que nationale (3), opère une distinction, au sein des activités d'assurance, entre les marchés de la réassurance, de l'assurance de personnes et de l'assurance dommages. De plus, il est considéré que, pour chacune de ces trois catégories, une segmentation peut être effectuée en fonction des types de risques à assurer (tels que par exemple les risques d'incendie, les risques d'accidents, les risques liés à la responsabilité civile (4)...), ces derniers n'étant pas substituables du point de vue de l'assuré.

8. Sur le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire est opérée entre les contrats d'assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d'assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire (5).

9. De plus, les marchés de produits d'assurance sont analysés par la pratique des autorités de concurrence au niveau national.

10. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

11. En l'espèce, les parties sont simultanément actives dans le secteur de l'assurance de personnes et plus particulièrement sur les marchés de l'assurance complémentaire santé individuelle, de l'assurance complémentaire santé collective et de la prévoyance collective.

B. LES MARCHÉS DE LA GESTION D'ACTIFS

12. La pratique décisionnelle nationale et communautaire a distingué, au sein du marché de la gestion d'actifs, la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et de clients institutionnels et la gestion d'actifs à l'attention des particuliers (6). Les parties ne sont présentes que sur le marché de la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et de clients institutionnels.

13. De plus, le ministre de l'économie, tout en laissant la question ouverte, a envisagé une segmentation supplémentaire au sein de ce marché entre gestion de portefeuille, gestion de fonds et " private equity " (7).

14. La pratique décisionnelle, tant nationale que communautaire, considère que le marché de la gestion d'actifs pour le compte d'entreprises et de clients institutionnels, et ses éventuels segments, sont de dimension au moins nationale.

15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente décision.

III. Analyse concurrentielle

16. Le Conseil d'État, dans sa décision du 6 février 2004 relative à l'opération Seb/Moulinex par laquelle la décision du ministre de l'économie du 5 juillet 2002 a été annulée, a décidé que le ministre devait se prononcer à nouveau sur cette opération, et, qu' " à cet effet, il pourra prendre en compte l'ensemble des données de fait existant à la date à laquelle il statuera ". En conséquence, quelle que soit la date de réalisation de la présente opération, celle-ci doit être appréciée sur la base des données disponibles les plus récentes. Ainsi, les parts de marché indiquées ci-dessous sont celles de l'année 2008.

17. Sur le marché de l'assurance complémentaire santé individuelle, la part de marché cumulée de l'entité fusionnée s'élève à [0-5] % ([0-5] % pour AG2R, [0-5] % pour Prémalliance). De plus, l'entité fusionnée fait face à la concurrence de groupes tels que la MGEN, Groupama ou encore Swiss Life.

18. Sur le marché de l'assurance complémentaire santé collective, la part de marché cumulée de l'entité fusionnée s'élève à [5-10] % ([5-10] % pour AG2R, [0-5] % pour La Mondiale, [0-5] % pour Prémalliance. Sur ce marché, l'entité fusionnée fait face à la concurrence, notamment, d'Axa ou du groupe Malakoff-Médéric.

19. Sur le marché de la prévoyance collective, la part de marché cumulée de l'entité fusionnée s'élève à [5-10] % ([5-10] % pour AG2R, [0-5] % pour La Mondiale, [0-5] % pour Prémalliance). Sur ce marché, l'entité fusionnée fait face à la concurrence, notamment, d'AXA et des groupes bancaires.

20. Sur le marché de la gestion d'actifs pour le compte des entreprises et clients institutionnels, et ses éventuels sous-segments, la part de marché, à l'échelle nationale, de la nouvelle entité de ne dépasse pas 2 %. Elle serait encore plus faible sur un marché géographique plus large. De plus, l'entité fusionnée fait face à la concurrence d'acteurs tels que Société Générale Asset Management, Crédit Agricole Asset Management ou Natixis Asset Managment qui gèrent des portefeuilles d'actifs d'un montant plus de 30 fois supérieur à celui de l'entité fusionnée.

21. Compte-tenu des éléments qui précèdent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 09-0046 est autorisée.

Notes :

1 Voir la décision C2007-49 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 21 août 2007, aux conseils de l'Institut de Prévoyance AG2R Prévoyance et la société La Mondiale, relative à une concentration dans le secteur de l'assurance prévoyance santé et retraite, publiée au B.O.C.C.R.F. n°8 bis du 26 octobre 2007.

*Erreur matérielle corrigée

2 La date exacte de la réalisation de l'opération peut être laissée ouverte à l'occasion de la présente décision, étant vérifié que l'opération satisfait bien aux seuils de contrôlabilité fixés à l'article L. 430-2 du Code de commerce, quelle que soit l'année de référence retenue, 2004 ou postérieure, pour calculer les chiffres d'affaires.

3 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.5083 - Groupama / OTP Garancia du 15 avril 2008, n° COMP/M.4047 - Aviva/Ark Life du 20 janvier 2006, n°COMP/M.3556 - Fortis / BCP du 19 janvier 2005, les décisions du ministre de l'économie n° C2007-49 du 21 août 2007 et n° C2007-118 du 27 août 2007 ainsi que l'avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-03 du 24 février 1998 relatif à une demande d'avis de la Commission des finances du Sénat concernant la situation de la concurrence dans le secteur de l'assurance.

4 Voir notamment la décision n° COMP/M.4047 - Aviva/Ark Life précitée.

5 Voir notamment les décisions du ministre de l'économie n° C2007-49 du 21 août 2007 et n° C2008-77 du 28 octobre 2008.

6 Voir la décision C2008-8 KBC / Richelieu du 12 mars 2008 du ministre de l'économie et les décisions de la Commission européenne M.1043, BAT/Zürich, du 16 février 1998 et M.2131,BCP/Interamerican/Noverbank/JV, du 15 septembre 2000

7 C2006-45/ Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 10 août 2006, aux conseils de la Caisse Nationale des Caisses d'Épargne et de la Banque Fédérale des Banques Populaires, relative à une concentration dans le secteur des services bancaires. Voir aussi la décision 09-DCC-126 de l'Autorité de la concurrence