CA Chambéry, ch. com., 23 juin 2009, n° 08-01598
CHAMBÉRY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Café Français (SAS)
Défendeur :
Cafés Folliet (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Robert
Conseillers :
MM. Greiner, Morel
Avoués :
SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, SCP Fillard Cochet-Barbuat
Avocats :
Me Mages, SCP Milliand-Dumolard
Faits et procédure
En application de deux actes en date du 08/11/2005 la société Café Français a souscrit auprès de la société Cafés Folliet une convention d'approvisionnement exclusif de 600 kg de café par an et une convention d'approvisionnement exclusif de 200 kg de chocolat par an, et ce pour une durée ferme de 4 ans.
Ces conventions étaient assorties de la mise à la disposition gratuite de la société Café Français d'une machine à café et d'une chocolatière d'une valeur respective de 18 000 euro.
Le 31/08/2007, la société Café Français a procédé à la restitution de ces deux machines à la société Cafés Folliet.
Par lettre recommandée du 07/12/2007, cette dernière a mis en demeure la société Café Français de reprendre immédiatement les relations contractuelles.
Par courrier du 14/09/2007, la société Café Français a confirmé à la société Cafés Folliet la rupture de ces relations.
Estimant qu'il s'agissait d'une rupture abusive, la société Cafés Folliet, par acte du 18/12/2007, a assigné la société Café Français devant le Tribunal de commerce de Chambéry afin qu'il prononce la résiliation des deux conventions aux torts exclusifs de celle-ci et qu'il la condamne à lui payer des dommages et intérêts ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 23/05/2008 cette juridiction a:
- constaté la résiliation au 31/08/2007, aux torts exclusifs de la société Café Français des deux conventions en date du 08/11/2005 qui la liaient à la société Cafés Folliet,
- condamné la société Café Français à payer à la société Cafés Folliet la somme de 7 800 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- rejeté toute autre demande.
Le tribunal a retenu qu'en décidant unilatéralement de restituer les deux machines mises à sa disposition pour toute la durée des contrats et de cesser de s'approvisionner auprès de la société Cafés Folliet, la société Café Français avait commis une faute justifiant la résiliation à ses torts de ces conventions.
Il a ensuite estimé que la demande de dommages et intérêts basée sur une marge nette représentant plus de 80 % du chiffre d'affaires non réalisé était excessive et qu'elle devait, compte tenu cependant de la perte de deux années d'amortissement pour les deux machines mises à disposition, lesquelles se trouvaient fortement dévaluées, être réduite à une somme équivalente à 30 % de ce chiffre d'affaires.
Par déclaration reçue au greffe le 02/07/2008, la société Café Français a relevé appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties
La société Café Français demande à la cour:
- de réformer la décision entreprise dans toutes ses dispositions,
- de débouter la société Cafés Folliet de ses demandes,
- subsidiairement, de réduire le montant de son préjudice dans de notables proportions,
- de la condamner à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Principalement, elle fait valoir que la restitution des machines en bon état, qui faisaient l'objet d'un prêt à usage, rendait sans cause l'obligation d'approvisionnement qui n'était fondée que sur la mise à disposition de ces matériels, étant par ailleurs observé que les conventions ne prévoyaient aucune sanction pécuniaire en cas de rupture anticipée ou pour tout autre cause, de sorte que la demande de dommages et intérêts formée par la société Cafés Folliet se trouve privée de fondement.
Subsidiairement, elle souligne que dès lors que les contrats permettaient à son fournisseur de retirer pour quelque raison que ce soit les matériels litigieux, 8 jours après un avertissement par simple courrier, cette insécurité était de nature à provoquer à tout moment sa décision de mettre fin aux conventions afin d'interrompre l'incertitude juridique dans laquelle elle se trouvait et doit amener à tempérer la condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Encore plus subsidiairement, elle fait valoir que l'existence d'un préjudice financier ou économique n'est nullement démontré par la société Cafés Folliet.
La société Cafés Folliet demande à la cour:
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation des deux conventions du 08/11/2005 aux torts exclusifs de la société Café Français à compter du 31/08/2007,
- de le réformer en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués,
- de condamner la société Café Français à lui payer la somme de 20 867 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 07/09/2007,
- à titre subsidiaire, de désigner un consultant afin de déterminer le préjudice financier qu'elle a subi,
- de condamner la société Café Français à lui verser une indemnité complémentaire de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que la société Café Français a rompu fautivement les conventions en y mettant fin avant le terme ferme et irrévocable de 4 ans qui avait été contractuellement fixé.
Elle fait ensuite fait valoir que la privation des bénéfices que lui auraient rapportés les deux contrats, s'ils avaient été menés à leurs termes, lui a causé un préjudice d'un montant de 20 687 euro, conformément aux pièces et calculs qu'elle produit, cette perte de marge étant confirmée par son expert comptable et par son commissaire aux comptes.
Motifs
1. Sur la rupture des conventions,
Attendu que par courrier du 31/08/2007, la société France Boissons a avisé la société Cafés Folliet de ce que la machine à café et la chocolatière mises à la disposition de la société Café Français dans le cadre des conventions d'approvisionnement signées le 08/11/2005 avaient été déposées dans son établissement de Lyon;
Que concomitamment à cette restitution, la société Café Français a cessé de s'approvisionner auprès de la société Cafés Folliet, et ce, malgré la lettre recommandée de mise en demeure de reprendre les relations contractuelles que celle-ci lui a adressé le 07/09/2007;
Attendu que la société Café Français, qui s'était engagée à s'approvisionner exclusivement auprès de la société Cafés Folliet pour une durée ferme et irrévocable de 4 ans, n'avait pas la possibilité de restituer plus tôt les machines qui lui avaient été prêtées en contrepartie de cet engagement, et donc notamment de sa durée, de sorte qu'elle ne peut valablement soutenir que ladite restitution aurait mis fin à son obligation d'achat;
Attendu qu'en cessant de s'approvisionner avant le terme prévu par les contrats, la société Café Français a commis une faute justifiant que la résiliation de ces conventions soit prononcée à ses torts, le jugement entrepris devant être réformé en ce qu'il a constaté cette résiliation au 31/08/2007, alors qu'en application des dispositions de l'article 1184 du Code civil, il aurait dû la prononcer à cette même date;
2. Sur les dommages et intérêts,
Attendu que l'article 1184 du Code civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts;
Que la stipulation de la clause, acceptée par la société Café Français, selon laquelle le fournisseur se réservait le droit de retirer son matériel 8 jours après avoir averti le client par simple courrier et pour quelque raison que ce soit, ne constitue pas une faute imputable à la société Cafés Folliet, qui, seule, serait de nature à réduire ou supprimer son droit à indemnisation;
Attendu, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que la résiliation des deux conventions a privé la société Cafés Folliet du gain qui aurait résulté pour elle de la poursuite des approvisionnements jusqu'à leur terme de 4 ans.
Qu'à cet égard, il n'est pas contesté et il résulte des décomptes produits que la perte de chiffre d'affaires résultant de la différence entre les quantités qui auraient été vendues sur 4 ans et celles qui ont été effectivement commandées, se monte à la somme totale de 25 955 euro HT;
Attendu que la société Cafés Folliet soutient que, sur ce montant, sa perte de marge nette se monterait à la somme de 20 867 euro, ce qui correspond à plus de 80 % de ce chiffre d'affaires;
Attendu qu'en l'absence de production de documents comptables certifiés, les attestations établies par l'expert comptable et le commissaire aux comptes de cette société ne sont pas de nature à rapporter la preuve de la réalité de la perte de marge alléguée;
Qu'il y a dès lors lieu de surseoir à statuer sur la demande de dommages et intérêts et, avant dire droit, d'ordonner la production par la société Cafés Folliet de tous documents comptables certifiés de nature à établir le montant de la marge éludée;
Qu'il sera également sursis sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation des conventions à la date du 31/08/2007, Statuant à nouveau de ce chef, Prononce à la date du 31/08/2007 la résiliation aux torts exclusifs de la société Café Français des deux conventions signées avec la société Cafés Folliet le 08/11/2005, Sursoit à statuer pour le surplus, Avant dire droit sur la demande de dommages et intérêts, fait injonction à la société Cafés Folliet de produire tous documents comptables certifiés de nature à établir le montant de la marge éludée, Dit que les débats seront réouverts à l'audience du 26/10/2009 à 14 heures, Réserve les dépens.