CE, 7e et 5e sous-sect. réunies, 14 mai 2003, n° 251336
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Communauté d'agglomération de Lens-Liévin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Labetoulle
Commissaire du gouvernement :
M. Le Chatelier
Rapporteur :
M. Bouchez
Avocats :
SCP Vier, Barthelemy, Me Foussard
LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 octobre 2002 et 12 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin, dont le siège est ... ; la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'ordonnance du 14 octobre 2002 par laquelle, à la demande de la société X, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé la procédure engagée en vue de la passation d'un marché de service relatif au tri des matériaux recyclables ménagers collectés sélectivement, et, d'autre part, enjoint à la communauté d'agglomération requérante, si elle souhaite reprendre la procédure de dévolution de ce marché, de publier de nouveaux avis publics d'appel à la concurrence, satisfaisant à l'intégralité des obligations prescrites par les directives communautaires ; 2°) de condamner la société X à lui verser la somme de 3 000 euro en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la directive n° 92-50-CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, ensemble la directive n° 97-52-CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1997 qui l'a modifiée ; Vu la directive 2001-78-CE de la Commission du 13 septembre 2001 sur l'utilisation des formulaires standard pour la publication des avis de marchés publics ; Vu le Code des marchés publics ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bouchez, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin et de Me Foussard, avocat de la société X, - les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative : Le président du tribunal administratif (...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...) Le Président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ;
Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication le 12 juillet 2002, la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin a engagé, sous forme d'un appel d'offres ouvert, la procédure de passation d'un marché ayant pour objet, sur une durée de quatre ans, le tri des matériaux recyclables ménagers collectés sélectivement ; que, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative par la société X, qui avait répondu à l'appel d'offres, le magistrat délégué par le Président du Tribunal administratif de Lille a annulé la procédure, par une ordonnance du 14 octobre 2002 dont la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande l'annulation ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 17 de la directive n° 92-50-CEE du 18 juin 1992 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services : Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes III et IV et précisent les renseignements qui y sont demandés ; que l'annexe III, dans sa rédaction issue de la directive 2001-78-CE du 13 septembre 2001, dont la transposition en droit national devait être opérée avant le 1er mai 2002, fixe la liste et le contenu des rubriques que doivent comporter les avis de marché ;
Considérant qu'en l'absence, à la date d'envoi à la publication de l'avis litigieux, de règles nationales relatives au contenu des avis d'appel public à la concurrence, la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin était tenue d'assurer une publicité de ses intentions compatible, sur ce point, avec les objectifs de la directive, et notamment les prescriptions de son annexe III ;
Considérant, d'une part, que la circonstance que l'accord international sur les marchés publics n'a pas d'effet direct et que son champ d'application recouvre, en matière de services, celui des directives communautaires, n'est pas de nature à priver de caractère impératif, au regard des objectifs de la directive du 18 juin 1992 précitée, la rubrique relative à cet accord prévue par l'annexe III de cette directive ;
Considérant, d'autre part, que si la rubrique relative aux modalités de financement et de paiement du marché est ainsi libellée, dans sa présentation issue de la directive 2001-78-CE du 13 septembre 2001 : III.1.2° Modalités essentielles de financement et de paiement et/ou références des dispositions applicables (le cas échéant), la mention le cas échéant doit être entendue comme ne s'appliquant qu'aux références des dispositions applicables, de sorte que des indications, même succinctes, relatives aux modalités de financement et de paiement doivent être fournies dans tous les cas ;
Considérant ainsi, que l'absence dans l'avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel des Communautés européennes de tout élément correspondant à ces rubriques a entaché la procédure d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui incombaient à la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin ; que, dès lors que ce motif est de nature à justifier, à lui seul, le dispositif de l'ordonnance du 14 octobre 2002 du magistrat délégué par le Président du Tribunal administratif de Lille, les moyens soulevés par la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin à l'encontre des autres motifs de cette ordonnance, qui est suffisamment motivée, sont inopérants ; que, par suite, la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin n'est pas fondée à demander l'annulation de cette ordonnance ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative : - Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin à verser à la société X la somme de 2 500 euro que celle-ci demande au même titre ;
Décide :
Article 1er : La requête de la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin est rejetée.
Article 2 : La Communauté d'agglomération de Lens-Liévin est condamnée à payer la somme de 2 500 euro à la société X en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Communauté d'agglomération de Lens-Liévin, à la société X et au ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales.